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4 août 2008. Le Figaro invite un gérant de fonds, M. Sabrier, à nous exposer comment s'enrichir en provoquant des faillites et en profitant de la crise. Cette "crise" est voulue, organisée, planifiée. Certains, connaissant ses caractéristiques et même, semble-t-il, les dates de sa venue, misaient sur elle, oeuvraient à la faire advenir. Edifiant:
Bernard Sabrier est président d'Unigestion Holding, basé à Genève.
Bernard Sabrier, président d'Unigestion Holding, présente le projet de lancement d'un fonds pour profiter des dépréciations que va créer la crise sur les sociétés, le crédit et l'immobilier, par Unigestion.
Lefigaro.fr/jdf.com Pourquoi allez-vous lancer à la rentrée le fonds Distressed hybride ?
Bernard Sabrier Tous les cinq ou dix ans, une crise survient sur les marchés. Ces crises font apparaître des opportunités dans différents segments de l'investissement notamment sur le marché de la dette, tant dans le crédit aux entreprises que dans le crédit aux particuliers, et également dans financements en général, le private equity ou encore l'immobilier. Ce fonds distressed hybride sera piloté par des équipes de gérants de private equity et des gérants de hedge fund, afin de saisir
ces diverses opportunités, qui se concentrent sur une période courte, entre 12 et 18 mois. Nous pensons que les opportunités liées à la crise actuelle vont apparaître dès la fin de l'été. Le portefeuille du fonds sera donc constitué au fur et à mesure, dès la fin de l'été.
Sur quels types de produits envisagez-vous de placer les fonds collectés ?
Nous ne voulons pas nous hâter d'investir les montants engagés par nos investisseurs et ce fonds aura une approche très opportuniste.
Par exemple, Unigestion a récemment investi aux côtés de Towerbrook -un fonds de private equity transatlantique- dans une société dédiée aux crédits sur le marché immobilier aux Etats-Unis. Une telle société créée ad hoc pourra être vendue ou introduite en bourse dans 18 mois, et offrir alors des rendements élevés. L'écartement des spreads de crédit, mesurant le risque, devrait aussi engendrer de nombreuses faillites et de bonnes affaires commencent déjà à émerger, par exemple sur l'immobilier espagnol.
Des opportunités peuvent-elles apparaître dans des secteurs qui ne sont pas directement touchés par la crise ?
Les opportunités d'investissement apparaissent souvent là où on ne les attend pas. Par exemple, les sociétés en difficulté vont peut-être chercher à alléger leurs bilans en cédant leurs parcs automobiles. Des occasions intéressantes devraient aussi se présenter dans les marchés émergents, fuis par les investisseurs occidentaux, mais qui ne cesseront pas leur développement pour autant, et sont en quête de financement. Mais les premières opportunités qui se présentent ne sont pas les meilleures, les gérants aguerris le savent. Seuls les gérants qui ont une expérience des précédentes crises participeront donc à la construction de notre fonds Distressed hybride.
Quelles sont les différences entre la crise actuelle et les précédentes ?
Contrairement aux précédentes crises, de 1991, 1998 et 2002, la crise actuelle intervient alors que certains acteurs économiques disposent encore de liquidités en abondance. C'est notamment le cas des fonds souverains. Ils ont les moyens d'investir des sommes considérables et d'accepter des niveaux de retour sur investissement plus faibles. Ils sont donc en mesure de réaliser un certain nombre d'acquisitions. Par ailleurs, certains estiment que peu d'opportunités vraiment attractives se présenteront suite à cette crise, du fait des montants importants levés pour les investissements en Distressed Debt, qui ont atteint 45 milliards de dollars aux Etats-Unis en 2007. Mais les sociétés ont désormais des difficultés accrues à se refinancer.
Quels sont vos objectifs de performance pour ce fonds ?
Nous estimons pouvoir faire 15% à 20% de rendement net, en investissant dans des actifs qui sont l'objet de très peu d'effet de levier. Ce sont dans les périodes de crise que sont réalisées les meilleures performances. Dans de telles périodes, les fonds distressed ont généralement enregistré des rendements supérieurs à 30%.
Note : Christophe de Dardel, responsable des investissements en private equity, coordinera la gestion de ce fonds.