Ancien président du groupe, Sean Parker a expliqué début novembre à Axios que Facebook exploitait les vulnérabilités psychologiques humaines pour pousser les utilisateurs à publier toujours plus de contenus et obtenir, en récompense, des réponses et des mentions «J'aime». «Dieu seul sait ce qu'ils font aux cerveaux de nos enfants», s'était-il alors alarmé.
C'est le paradigme du rat de laboratoire lâché dans un labyrinthe, qui est poussé par la "récompense" à avancer toujours plus loin dans les impasses qu'on lui ouvre.
Facebook est l'héritier du grand courant behavoriste américain des années 60 : l'homme n'est qu'un rat aux réactions et normes de comportement programmables de bout en bout. Il est une créature évidée d'âme et d'autonomie. Le zombie consumériste avide de "récompenses sociales" (les likes et les caresses à l'égo) est sans qualités, un neutre indifférent, transférable d'un lieu à l'autre qui lui seront mêmement indifférents puisque partout au monde son profil et sa nébuleuse d'amis virtuels l'escortent qui lui tendent ses récompenses. Le nuage d'amis extérieurs, dont le secours et les renforcements affectifs dispensés ne seront toujours que leurre, lui tient lieu de coeur. Coeur extérieur à l'individu zombifié : lumière extérieure à soi. Vieille folie luminariste et gnostique.
Les robots procèderont autrement, à moins qu'ils ne se prennent à nous dire qu'ils nous aiment en levant les pouces dans notre direction, et à nous faire escorte ainsi jusqu'à nous leurrer comme les autres. Mais en vrai, n'est-ce pas déjà le cas pour ces matrices de cauchemar que sont les "réseaux sociaux" : qui nous dit qu'un tel ou une telle "ami", sympa et reconfortant, qui nous jette ses renforcements psychologiques par icônes colorés, n'est pas un robot électronique, un programme d'amour confectionné au "village" Facebook ? Les robots s'installent parmi nous et entament leur carrière prometteuse comme
machines à aimer (les sites de rencontre les utilisent beaucoup paraît-il, comme erzats désirables), ce qui n'était pas vraiment prévu par ceux qui les imaginèrent d'abord. On savait que la machine ne fut jamais indifférente au politique, qu'elle est politique (le chemin de fer, la kalachnikov, l'ordinateur sont nés
machines politiques et ne furent jamais des outils ou même des instruments : dès leur conception ce furent des machines à façonner l'avenir, soit des dispositifs co-créateurs de politiques, de grands orientants-futurants). Les robots vont plus loin : ils sont dispensateurs d'âme, mais cette âme est extérieure, aliénée aux humains, illusoire bien sûr mais parce qu'elle est extérieure, lumineuse et génératrice d'attraction et de chemin futur. Nous serons et nous deviendrons ce que cette âme voudra et irons où elle indiquera d'aller. Déjà, le monde va sans décision, tous les chemins de transformation du monde qui nous entoure ne sont plus le fruit d'aucune décision délibérée mais des pistes qui s'ordonnent suivant un maître-chemin (comme on disait il y a vingt ans "autoroutes de l'information") lequel, comme dans le jeu du oui-ja, n'est la résultante d'aucune volonté consciente : personne n'a jamais ni voulu, ni souhaité, ni envisagé que la ville moyenne de ma province natale, alors passablement assoupie et oubliée, devienne, en l'espace de quarante années,
un cloaque heureux, festif et ravi, où les gens du terroir rasent les murs mais où les autorités municipales, politiques, culturelles et administratives, multiplient les clowneries à finalité de divertissement et de festivité, où ces autorités nous chantent le loisir-roi à longueur d'année, lové dans son écrin d'insécurité, de détresse et misère sociales, d'abandon, d'incertitude sur l'avenir, de peur et de haine intercommunautaires à fleur de peau.
Il y eut au XIXe siècle le
chemin de fer (qui dans l'histoire de l'humanité correspondit à
un petit âge du fer, dont il nous reste à Paris la Tour Eiffel) ; il y a dans notre siècle,
le chemin de l'électronique, que nous consentons à suivre comme des rats mus dans des boyaux infernaux par la force d'une pulsion que renforcent, redoublent et canalisent les balises de la gratification affective dispensée déjà par les robots.