Ce que nous avons commencé à vivre en 2020, singulièrement dans les pays développés, offre de curieuses similitudes avec la préparation d’une mission spatiale. Tout se passe comme si les sociétés humaines s’étaient engagées à suivre bon gré mal gré et dans un désordre certain, un entraînement pour se rapprocher d’un mode de vie inspiré par celui qui règne dans une capsule spatiale.
Dans l’espace : évidence du confinement entre spationautes issus d’un même milieu auquel répond, sur Terre, l’apprentissage plus ou moins coercitif d’un entre-soi en petit comité, les contacts sociaux aléatoires étant entravés… ; dans l’espace, aux tâches précises qui occupent le temps et imposent l’envoi régulier de rapports « au sol », correspondent sur Terre la mise en œuvre du télétravail, de la télémédecine, de l’enseignement à distance… ; dans l’espace, les plages de « loisirs » paraissent à peu prés semblables à celles, sur Terre, que proposent les réseaux sociaux : postage de photos, vidéos, jeux etc. ; si, dans l’espace, les sorties ne sont rien moins qu’improvisées, sur Terre, l’accès à l’extérieur ne va plus de soi, sujet à la présentation de justificatifs, soumis à des couvre-feux…; dans l’espace, le port de tenues de protection et l’exigence d’évoluer dans un environnement aseptisé ne se discutent pas, pas plus qu’une surveillance médicale constante et voici que, sur Terre, apparaissent masques, gants, combinaisons, mise en place de protocoles hygiénistes, tests, prises de température, vaccins etc.
Tout cela n’est rendu possible et uniquement possible que par une collaboration étroite et permanente, qui va jusqu’à une entière dépendance, avec les ressources de l’Intelligence artificielle, les machines. Pas plus la vie dans une capsule spatiale n’est possible sans le secours d’un puissant déploiement technologique, pas plus, sur Terre, tout le train des mesures collectives prises pour réorganiser la vie en société ne sont possibles sans informatique. C’est là un point commun avéré entre la vie dans l’espace ou sur la Terre.
On peut alors se demander si la planète où se poser est bien Mars ou plutôt la Terre, qu’il faudrait se préparer à habiter d’une autre façon comme s’il était acquis qu’elle allait devenir aussi inhospitalière que Mars…
Mais si l’on file cette métaphore de la conquête spatiale, on doit rappeler que celle-ci n’est pas envisageable comme conquête de masse, ni même comme conquête menée par les Christophe Colomb de jadis où, aux navigateurs aguerris, « techniciens » de cette époque, se mêlaient des équipages de marins ou d’aventuriers frustres issus des classes laborieuses, bien souvent enrôlés selon des méthodes expéditives. Tout au contraire, la conquête spatiale requiert une sélection très sévère dans la formation de ses équipages. Et si la colonisation d’une Terre passée sous totale dépendance numérique permet bien sûr d’embarquer plus de monde qu’une mission sur Mars, cela ne va pas jusqu’à huit milliards d’individus. Il semble alors indispensable de diminuer la fameuse « jauge » des habitants de la Terre, de laisser s’opérer, d’une façon ou d’une autre, un tri entre les Terriens capables de fouler le sol de leur propre planète soumise à de nouvelles conditions d’habitat et les autres, fatalement de trop, qui ne sauraient être du voyage. C’est précisément ce tri qui, selon moi, a commencé en 2020 et va se poursuive si rien ne s’y oppose.