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Sur les billets de banque suisses

Envoyé par Alain Eytan 
Je ne savais presque rien sur Jacob Burckhardt. D’une grosse enveloppe remplie de beaux billets bruissants reçue en héritage de ma mère je m’amusais parfois à retirer les liasses et les jeter en l’air au-dessus de ma tête, pour jouir d’une pluie de petite richesse scandaleusement indue. Des francs suisses. Billets de mille francs à l’effigie de Burckhardt, il y avait aussi des Ramuz, des Giacometti, ô bonheur ! Retombés il y en avait assez pour former de petites flaques de puissance par terre, que j’ai toujours préférée à l’acte. Amour réalisé du désir demeuré désir. Une certaine Schwob genevoise avait coutume d’envoyer à ma mère de ces billets en cadeaux postés, qui les avait thésaurisés comme un matelas amortisseur en cas de tuile vous tombant dessus sans crier gare, ne doutant jamais que le temps ne pourrait avoir prise sur la banque suisse. Hormis ces petites folies enfantines et larbaldiennes que je m’offrais quand je n’avais vraiment rien d’autre à faire, j'avais laissé moi aussi pendant des années le pactole inentamé dans la poche intérieure d’un vieux manteau en cachemire passé de mode. Quand tout à coup venue d’on ne sait où me vrilla en tentant sans succès de m’endormir la pensée térébrante que des billets de banque pouvaient être périmés. Tout à fait réveillé et pris d’un mauvais pressentiment je me précipitai sur mon téléphone et doigtais : « Billets suisses périmés ». Ça n'a pas raté : la huitième série, dont les Burckhardt, les Ramuz, les Giacometti, tous autant qu’ils étaient, avaient été retirés de la circulation et n’avaient plus valeur légale à partir de 2021.
Plus d’une centaine de milliers de shkalim qui vous font la nique en s’évaporant sous votre nez ça décoiffe.
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