Vraiment désolé de mettre "ça" en ligne... mais c'est plus fort que moi.
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Libération. Tribune 24 oct. 6h51
Et nous sifflerons encore cet hymne national.
Par Pierre Marcelle
[...] Huit jours après la bruyante soirée de Saint-Denis où fut abondamment saluée l’interprétation de la Marseillaise, redire aussi que nous ne renoncerons pas, ici ou là, dans les stades ou dans la rue, à copieusement huer, siffler, brocarder ou conspuer, selon notre humeur, tout hymne, tout drapeau ou tout autre symbole de l’union nationale, cet ersatz de la République. A fortiori lorsque de toute part, au nom d’une Europe qui, face à «la crise», demeure le fief des Etats-nations, l’égratignage des symboles donne prétexte à d’immondes déferlements de haine raciale; plus qu’aux ineptes saillies du sous-ministre Laporte, qui s’en est fait une spécialité, ou aux bachelotades de Bachelot, un pas en avant et trois en arrière, on songe à cette suggestion de leur collègue Fadela Amara de nettoyer les stades «à coup de Destop». Exactement comme son patron se proposait il y a peu de nettoyer La Courneuve «au Kärcher».
Mme Amara chasse de race, si l’on ose dire. Qu’elle l’ait fait, dans le concert gouvernemental, pour faire oublier d’autres urgences ou par aveugle inconscience nous indiffère. Nous importe par contre absolument le droit imprescriptible de milliers de sous-citoyens - je parle essentiellement des populations noires ou arabes - de faire entendre, fût-ce maladroitement, fût-ce désespérément, leur conscience de leur condition.
D’où viendrait qu’aux jeux du cirque, lieu par excellence de la violence symbolique, ou sur le pavé, dans l’exercice des droits d’expression et de manifestation, soit interdit à ces Français encore et toujours «d’origine immigrée» de siffler dans La Marseillaise l’Etat qui les ostracise, eux, et charterise leurs congénères? Mais nos furieux du drapeau ont peine à concevoir qu’à travers l’hymne, puissent être sifflés l’identité nationale selon Hortefeux, les geôles mortifères de Dati, le Taser d’Alliot-Marie et ses policiers matraqueurs de Montfermeil, la ségrégation toujours et partout recommencée dans le délit de sale gueule, et les récurrentes provocations du «législateur».
Aragon et les barbares
Mais l’article 433-5 du code pénal, censé punir de 7 500 euros d’amende l’outrage à l’hymne ou au drapeau (assorti de six mois de prison lorsque commis en réunion) ne constitue qu’une autre tentative d’intimidation à destination des enfants de la décolonisation mal finie. Pour le Français de souche que je suis, et jusqu’à autodafé du Traité du style en lequel Aragon «conchie l’armée française dans sa totalité», il est un tigre de papier, dont je me torche.