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La dramaturgie et les variations

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
30 octobre 2008, 19:57   La dramaturgie et les variations
« Quelle est la dramaturgie que vous avez voulu installer dans ce disque, Vanessa Wagner ? »

C'est Laurent Goumarre qui parle ainsi, sur France-Culture, à l'instant, interrogeant une jeune pianiste française dont un disque vient de sortir, qui réunit quelques fameuses variations pour clavier (Webern, Rameau, Haydn, Berio, Brahms, si ma mémoire est bonne…). Elle répond comme elle peut, bien sûr, elle répond en faisant celle qui a compris la question.

Mais, "installer une dramaturgie", qu'est-ce que cela signifie, exactement, Vanessa, Laurent ? Comme j'entends de plus en plus souvent cette expression, je me dis qu'il faut que je la comprenne, et je compte sur les In-nocents pour arriver à ce beau résultat.
On installe une ambiance, une atmosphère. Mais je ne vois pas comment on peut "installer une dramaturgie" dans une oeuvre sans décor ni mise-en-scène.
Sauf à considérer toute musique comme drame, comme mise-en-scène, et la mise-en-scène comme pure ambiance impressionniste, plutôt qu'élément structurant d'une oeuvre de théâtre. Bref, on peut tourner ça dans tous les sens, c'est une phrase parfaitement incompréhensible. Mais je suppose que son auteur a dû l'entendre, et que ça se dit de plus en plus couramment à Paris dans les milieux "culturels".
Il parlait de la pochette. De toutes façons il faut une loupe pour les lire.
Bientôt la "dramaturgitude"...
Il me semble, pour commencer, que si le terme d'installation (qui désigne une forme répandue de l'art contemporain) est employé pour "dramaturgie", c'est d'abord parce que le sens de ce terme a été passablement érodé par les abus de langage vaniteux des critiques, chroniqueurs et artistes eux-mêmes. Il peut aussi bien désigner les procédés théatraux que l'"ambiance", l'"esprit", ou, dans le cas qui nous occupe, l'"environnement sonore". Il est malléable à tel point qu'il ne serait même pas surprenant d'entendre parler d'un "ensemble d'installations dramaturgiques" au parc Astérix. Il y a de la dramaturgie à peu près partout, chez vous pourquoi pas ? Ou dans un hall de gare. Ce type de dramaturgie s'installe, occupe son espace, vit, évolue, s'emporte en tant que concept, se désinstalle - peu importe, puisqu'il ne correspond à rien de nettement défini, mais davantage à une "atmosphère générale".
Utilisateur anonyme
31 octobre 2008, 16:39   Dramaturgitude
« Mais je suppose que son auteur a dû l'entendre, et que ça se dit de plus en plus couramment à Paris dans les milieux "culturels". »

Oui, Cher Bruno, c'est bien ce que je voulais dire : ce genre d'expressions insensées au sens strict s'entendent couramment dans notre beau pays, et je suppose que vous avez les vôtres également. Celle-là est tout de même particulièrement corsée, dans le genre sotte prétention. Ce qui est remarquable, me semble-t-il, c'est la sorte d'esprit souterrain, ce "hors-texte" qui les rend compréhensibles malgré tout, et qui fait que nous devenons soit partie prenante de cet "esprit", soit allergique au plus haut point.

Olivier, vous parlez "d'environnement sonore", mais dans le cas présent, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit tout bêtement de ce qu'on appelle "faire un programme". Quand vous jouez les Variations sérieuses de Mendelssohn, par exemple, vous vous demandez de quoi vous allez pouvoir les faire suivre et précéder, dans un récital. Le problème existe depuis qu'il existe des concerts, et il est d'une banalité consommée. Qu'il s'agisse d'un concert ou d'un disque, la question du programme se pose, même si vous ne pouvez pas obliger un auditeur de disque à écouter toutes les œuvres dans l'ordre choisi par l'interprète (ou la maison de disques). Cette manière de parler cache seulement (et très mal) l'influence du "marketing" dans le domaine des disques classiques. Il s'agit de ne pas prononcer le mot "pub", ou "accroche", ou "attirer", ou "convaincre", ou "flatter".
Ah ce serait donc tout simplement ça la "dramaturgie" de l'enregistrement ?? En effet, là c'est corsé.
Utilisateur anonyme
31 octobre 2008, 20:56   Varicelles et avarices en spirale
Non, Olivier, pas de l'enregistrement. La dramaturgie de la mémoire.


Cher Auditeurs, vous venez d'entendre la symphonie en ré mineur et 17 mouvements, opus 4983 b, de Valentin Abdul Pardecul, et nous allons continuer notre programme par son oratorio en si majeur, opus 11 493, composé lors de son séjour en Arabie réunie, en 2924, plus exactement à Parisse, vieille cité en ruines de l'ère du Mal. Cette œuvre, dont la dramaturgitude très singulière lui valût un succès planétaire bien mérité, repose sur une échelle de néo-tonalités anté-christianiques agencées selon le rite de Mœbius II, aussi nommé "anneau des 13 notes sans espoir".
Vision historicisante(et néanmoins géniale) qui ne cadre pas avec la prostration autosatisfaite des barbares. Ce qui leur sert de conscience, en quelque sorte.
Je suggère la lecture de "Défense et illustration de la novlangue française", de Jaime Semprun, grand débusqueur de la néologie techno-marchande...
Utilisateur anonyme
06 novembre 2008, 17:51   Re : La dramaturgie et les variations
Encore une bien bonne entendue avant hier-soir, même émission (Laurent Goumarre).

« Donc, vos sonates de Cage qui sont, j'ai envie de dire, littéralement adossées à celles de Scarlatti… »

C'est beau, la radio…

(Remarquez, le pianiste en question était si mauvais qu'il ne m'étonne qu'à moitié qu'il adosse les sonates entre elles…)
Il devait être fatigué de lui-même.
Utilisateur anonyme
06 novembre 2008, 18:03   Dossier musique
Ça donne envie d'écrire de la musique à quatre-pattes…
Ouais, mais pour tourner les pages, c'est coton.
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