Si Royal gagne le Congrès, Rocard pourrait quitter le PS

[www.lefigaro.fr]

J'imagine que le PS doit être épouvanté...

Et d'abord, qu'est-ce qu'il est allé faire dans cette galère?

Rocard est socialiste, je ne comprends pas votre question (ou critique) ?

Rocard venait du PSU; il pouvait, depuis longtemps, comme Chevènement, reprendre ses distances. C'est ce j'aurais fait à sa place.

Il pouvait...Mais Rocard est semble-t-il un homme fidèle, qui n'est pas essentiellement mû par l'ambition. Ceci n'en donne que plus de poids à ce qu'il envisage de quitter le PS en cas de pouvoir royaliste.

C'est juste mais je regrette qu'un homme de la valeur de Rocard se soit ainsi enfermé.

Il serait un excellent personnage de roman du XIXème siècle, "Les occasions manquées".

Certaines occasions manquées sont imputables à d'autres. D'autres occasions non manquées lui sont dues mais il n'est pas un fervent de la publicité... Le bilan "Rocard" sera certainement plus positif que la perception qu'on peut en avoir, vu la faiblesse du débat et l'horreur de la complexité des média main stream.

Bien chère Ostinato,

Ne manquait-il pas à Michel Rocard ce "goût du combat" qui fut la marque de François Mitterrand, de Jacques Chirac ? M. Rocard leur est sans doute supérieur, mais il me semble qu'il a manqué quelque peu de volonté, pour aller au bout de ses idées.

Ce n'est pas à mon avis la volonté qui lui a fait défaut, car la marge de manoeuvre qui lui a été laissée était certainement réduite. Que peut un être scrupuleux (trop scrupuleux ?) face à des crocodiles gardant le marigot ?

Michel Rocard supérieur à MM. Mitterand et Chirac ? Sûrement pas dans le métier qu'ils ont tous trois choisi de pratiquer. Mitterand et Chirac avaient au plus haut point ce qui a manqué à Rocard pour réussir réellement en politique : l'ambition dévorante, l'absence totale de scrupule, l'absence de toute réelle conviction qui permet de chevaucher l'air du temps, mais avec suffisamment d'habileté pour paraître le faire au nom des idées qu'on a toujours défendues, et, par-dessus tout, le sens de l'intrigue.

Visionnaire dirait-on si ce n'était aussi près de la crise. Article remarquable de mars 2008. Présentation :

"Sous le titre un rien provocateur de « Tous derrière Laurence Parisot ! » Michel Rocard charge sabre au clair contre un capitalisme triomphant et dérégulé ou l’esprit de lucre l’a emporté sur toute autre considération, au risque de saper les fondations de la société. Rocard est l’homme de deux traditions, héritées de sa culture protestante : la rigueur morale et l’esprit d’entreprise. De la première découle son choix du socialisme, de la seconde sa faveur pour les solutions non administrées et son coup de chapeau à Parisot et au patronat. Mais il voit aujourd’hui les valeurs qui ont fondées sa vie et ses combats mises à mal de toute part. Après avoir pris acte depuis longtemps déjà de la « défaite » ( ce sont ses mots ) de la sociale démocratie d’inspiration keynésienne devant la vague du libéralisme, il est aujourd’hui atterré par l’ampleur de la crise provoquée par l’amoralité et le court termisme - faut-il écrire nano-termisme ? - de l’actionnariat et de la finance qui menacent de ruiner l’économie mondiale. « le capitalisme sombre sous l’immoralité » et « la voracité menace le système lui-même dans lequel nous vivons, » s’exclame-t-il. Dur réveil.

[contreinfo.info]

» l'absence totale de scrupule, l'absence de toute réelle conviction

Par curiosité, madame Mitterrand, vous en pensez quoi ?

Je n'ai pas suivi du tout sa "carrière", car elle n'est pas une politique influençant le cours des choses.

Elle a, elle, de réelles convictions. Je ne les partage pas (plus) mais respecte sa sincérité. Par ailleurs, j'ai eu une fois l'occasion de l'accompagner, elle et son mari, et tout un cortège, dans une situation où je devais veiller à ce que tout se passe bien, sans être toutefois parmi les personnalités qui recevaient le couple présidentiel ni être présenté à lui : je faisais partie du décor. J'étais extrêmement tendu et cela devait se voir. Elle a eu, alors que rien ne l'y obligeait, un mot très gentil pour me rassurer et m'assurer que tout allait bien. Quant à lui, masque impassible au teint cireux, son regard passant sur moi m'a traversé, j'étais aussi transparent qu'un laquais l'aurait été à Versailles. Je ne lui reproche évidemment pas cette attitude mais j'ai été ému par celle de Danielle Mitterand.

Ce qu'en rapporte wikipédia n'est pas du tout pour me plaire, c'est le moins que je puisse en dire :

"Après l’élection présidentielle de son mari François Mitterrand en 1981, Danielle Mitterrand devient Première Dame de France et se crée un espace autonome d'engagement politique tiers-mondiste très marqué. Ses prises de position politiques et humanitaires à l’égard de Fidel Castro, des zapatistes mexicains ou du sous-commandant Marcos[1] – ayant néanmoins mis François Mitterrand dans une situation délicate durant sa présidence. Mais son indépendance lui permet de négocier, sans esbroufe, la libération de nombreux prisonniers politiques. « L’expropriation des compagnies américaines ne m’a pas déplu… Oui, j’ai applaudi l’échec de la tentative de déstabilisation menée par les cubains anticastristes de Miami pilotée par la CIA.»"

Merci, cher Marcel Meyer, pour ce témoignage.

« la voracité menace le système lui-même dans lequel nous vivons, »
Ah oui, je crois me souvenir que c'est cette phrase qui avait inspiré à Rogemi de traiter Rocard de "chihuahua du gauchisme décérébré".
Comme le dit M. Meyer par un amusant détour rhétorique, Rocard est largement "inférieur" en turpitude à Chirac et Mitterand (par contre Danielle Mitterand, l'idéologue gauchiste, pour le coup, est respectée pour la sincérité de ses "convictions". Les extrêmes s'accommodent...). Heureusement, la politique est faite aussi, à la marge, de gens comme ça, et pas seulement de ceux qui "réussissent".

J'ai pour Madame Danièle Mitterand une franche détestation du fait de son soutien à toutes les dictatures du monde, dès lors qu'elles étaient prétendument de gauche. Elle avait d'ailleurs intrigué pour que Fidel Castro, cette caricature noire du général Alcazar d'Hergé, soit invité en France.
Il suffit de lire Georges-Marc Benamou, Le dernier Mitterand pour comprendre l'intelligence de la dame. Extraits :

Citation

"A la fin du déjeuner, Danielle Mitterand vient s’assurer que tout est en ordre pour l’arrivée, imminente, de son ami Fidel Castro (…)

Elle : Tout doit être parfait, hein François…Il doit être aussi bien reçu que tes autres chefs d’Etat. N’est-ce pas François ? (…)
Elle :… C’est un voyage important…Parce que, avec ce blocus des Américains, ils ont tant besoin de nous…
Lui : Oui
Elle : et puis c’est un si beau pays.
Lui Oui, j’y suis allé il y a vingt ans. je m’en souviens.
Elle : Et puis il souffre tant de tous les mensonges qu’on raconte
Lui ironique: Oui, et en plus lui, c’est un parfait démocrate…
Elle émue : Oui, c’est un grand démocrate et le sauveur de son peuple. Sans lui que seraient-ils devenus, des affamés, des bandits ?…
Lui, intéressé, faussement : Tout ce qu’on raconte sur ses prisons, c’est donc faux…
Elle : Oui, on me les a fait visiter, tout est normal.

Oui, bien sûr, vous avez raison. Madame Mitterand a des opinions d'extrême-gauche inébranlables, ce qui s'explique sans doute aussi par le fait qu'elle ne paraît pas avoir inventé la poudre, même si le dialogue tel qu'il est rapporté ici me paraît trop beau pour être vrai. Cela n'empêche ni qu'elle ait de la vraie gentillesse, ni de la sincérité, ces deux qualités, que je trouve précieuses, contrastant avec le caractère de son mari.

Ah… Génial ! Merci, Corto pour ce grand moment d'Internet ! j'avais pourtant lu le livre, mais j'avais oublié ce passage fabuleux ! Je suis comme vous, cette bonne femme me donne envie d'envahir la cave et d'y rester jusqu'à ce qu'elle disparaisse.

Le plus amusant dans cette histoire, c'est d'imaginer Benamou dans son coin, silencieux et concentré pour ne rien perdre de ce dialogue historique qu'il avait la lourde charge de faire connaître au monde.

Oui, enfin, d'un autre côté, Benamou, hein...

J'allais le dire...

N'empêche, j'ai détesté Mitterrand, mais à côté d'elle, quel géant !