Le site du parti de l'In-nocence

Something is rotten in the state of France

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
23 novembre 2008, 22:00   Something is rotten in the state of France
Paru dans le quotidien suisse, le Temps de samedi 22 novembre. C'est surtout le commentaire in fine que j'ai mis en gras qui me semble intéressant. Quelle incroyable décadence !

Citation

La bague envolée de Rachida Dati

FRANCE. Le «Figaro» a retouché une photo de la ministre de la Justice.

Caroline Stevan
Samedi 22 novembre 2008

Rachida Dati était en une du Figaro mercredi, pour «répliquer à la fronde des magistrats». Cette apparition aura déclenché un autre soulèvement: une bague a été gommée de l'image initiale. L'information, révélée jeudi par L'Express, a été reprise par nombre de journaux et sites internet, de Libération au Nouvel Obs en passant par The Independent.

Selon L'Express, la bague disparue est signée Chaumet (or gris pavé de diamants) et coûte la bagatelle de 15600 euros. Contactée par Le Temps, la rédactrice en cheffe du quotidien incriminé assure «ne pas connaître les aboutissants de cette histoire» et renvoie à la direction - Etienne Mougeotte, ex-patron de TF1, proche de Nicolas Sarkozy - laquelle «ne fait pas de commentaire».

Moins de «bling-bling»

Debora Altman, responsable du service photo du Figaro, a de son côté déclaré à L'Express: «On a bouclé dans l'urgence. On assume. On ne voulait pas que la bague soit l'objet de la polémique, alors que le vrai sujet était la pétition des magistrats. Rachida Dati n'a rien à voir avec ça.» Dans l'urgence, donc, la rédaction aurait pris le temps de gommer soigneusement l'anneau, afin de permettre au lecteur de se concentrer sur l'essentiel. Merci. D'autres assurent que l'initiative résulte de la volonté sarkozienne de faire apparaître ses troupes comme un peu moins «bling-bling». La garde des Sceaux avait déjà fait scandale en posant en robe Dior en une de Paris Match à la fin de l'année 2007.

Plus qu'une anecdote, l'affaire révèle des mœurs médiatico-politiques d'un autre âge, où l'on effaçait les apparatchiks des images officielles, une fois qu'ils avaient été désavoués par le parti. Elle témoigne de la collusion grandissante entre la presse et le pouvoir. Que l'Elysée intervienne directement auprès des rédactions, ou que les rédactions s'autocensurent pour plaire à l'Elysée. A l'été 2007 ainsi, Paris Match avait corrigé une photo présidentielle: les bourrelets de Nicolas Sarkozy avaient été éliminés d'un cliché de vacances pris aux Etats-Unis. C'était quelques mois après que le directeur de l'hebdomadaire ait été licencié pour avoir publié une image de Cécilia Sarkozy et son amant Richard Attias.
"la rédactrice en cheffe du quotidien"
Je me demande aussi si c'est ironique ou "de bonne foi"...
Utilisateur anonyme
24 novembre 2008, 09:53   Re : Something is rotten in the state of the French language
Bon, la Suisse aux mille vertus a aussi ses petits défauts....Compte tenu de l'usage de l'allemand - langue que parle les 2/3 de la population, même si les dialectes alémaniques sont souvent la véritable langue maternelle des Confédérés résidant derrière ce que les romands appellent "la barrière de röstis" (prononcer : reuchti) - qui met aisément les mots au féminin et de manière plus heureuse qu'en français (Leiter/Leiterin, Schrifteller/Schriftellerin), nous avons droit, en Suisse romande, à cheffe et même, parfois, à écrivaine....
Utilisateur anonyme
24 novembre 2008, 10:45   Transport en commun
"Je me demande aussi si c'est ironique ou "de bonne foi"..."

Le réseau locutoire a fait de grands progrès. Il fallait jadis plusieurs années de route pour qu'une expression triviale ou plaisante parvienne à destination dans des bouches qualifiées et ne s'y fasse plus entendre comme une plaisanterie. Quelquefois elle n'arrivait jamais à bon port, se perdait en chemin ou renonçait à quitter son extraction.

Grâce aux efforts entrepris dans l'équipement des voies audio-visuelles, on parvient aujourd'hui à transporter à très grande vitesse et avec un minimum de perte un mot ou une expression, de la station "pour rire" à la station "pour de bon".
Si ce n'était que cheffe, en tant que féminin du substantif chef, ce serait un moindre mal, cher Corto ; mais là, c'est pire, puisqu'il s'agit d'une mécompréhension de la nature même du terme, dont l'auteur (l'auteure, l'auteuresse, l'autrice, l'authoresse ?) ignore manifestement qu'il (qu'elle...) l'emploie ici en tant que locution adverbiale, et par conséquent invariable. Mais je ne doute pas que les progressistes de la langue s'attaquent sans peur à ces derniers bastions du phallocratisme : il ferait beau voir qu'au XXIe siècle, on s'em...ât encore avec ces règles poussiéreuses et inégalitaires !
Utilisateur anonyme
25 novembre 2008, 13:16   Re : Something is rotten in the state of the French language
On signalait récemment, ici même, l'apparition dans la bouche de Dominique de Villepin du verbe "cornériser". J'entends aujourd'hui un journaliste de France Culture, analysant la situation au Parti socialiste, estimer que les adversaires de Mme Royal chercheraient à "cornériser" les partisans de la-dite.

D'abord, on ne fait que deviner le sens du nouveau mot, la première fois qu'on l'entend ; puis, à la deuxième apparition, à cause du contexte, c'est plus clair. Arrive un jour - et très vite - où on ne sait pas comment on pourrait dire autrement. Qui sait si dans six mois ou un an on ne parlera pas couramment de "populations cornérisées" ? de "cornérisation" des banlieues ?
Utilisateur anonyme
25 novembre 2008, 13:27   Re : Something is rotten in the state of the French language
« Arrive un jour - et très vite - où on ne sait pas comment on pourrait dire autrement. »

C'est exactement ça. Je me souviens de ma stupéfaction, quand, enfant, j'entendais les Suisses dirent "un coup de coin".
Oui, et pour moi, un des mots les plus représentatifs de cet état de fait, c'est leader (et son acolyte immédiat leadership). Il en est beaucoup d'autres, bien sûr, mais celui-là est un parangon. Quand on sait qu'il y a en français - qu'il soit d'ailleurs de bonne ou de mauvaise langue - des dizaines de vocables tous plus précis les uns que les autres, et de bien meilleure venue que cet anglicisme suprêmement invasif, on enrage souvent de se voir soi-même piégé par une telle hégémonie qui, précisément, tend à vous empêcher de dire autrement. (Non que leadership ne se justifie pas, du reste, car il possède lui aussi, en tant qu'élément importé, un sens initial assez précis qui lui permet d'exister honorablement en français dans la mesure où il apporte une nuance supplémentaire ; c'est le fait qu'il se fasse seul, ou presque, qui n'est pas acceptable.)
invasif ? C'est du free-sparrowien ?
Non, cher Maître, ce n'est que du castelbriandois :
Invasif, -ive, adj. Qui est relatif à l'invasion. La barrière naturelle qui les protège contre une force invasive (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 246).(TLF)
J'ai été cornérisé aujourd'hui, Francmoineau, étant sommé, au pied levé, de produire un terme français pour environmental leadership, lequel dans la phrase considérée, était jugé faisant défaut à certains pays.

"chef de file" (pays chef de file, etc.) permet de se sortir souvent assez bien de leadership, mais là...

Que proposeriez-vous ?

(il s'agit d'une conscience écologique - environmental awareness - qui motive à prendre des initiatives politiques, à engager des mesures, etc., c'est ainsi qu'il faut l'entendre)
Chef de file (entre autres), permet de se passer très bien de leader. Mais il ne peut remplacer leadership dans des phrases comme « Le leadership exercé par les Etats-Unis dans le domaine spatial commence à être contesté. », ou bien « le PS souffre d'un grave problème de leadership. » Il y a bien, cependant, hégémonie qui pourrait le remplacer dans le premier exemple et commandement ou direction dans le deuxième.
25 novembre 2008, 20:44   Invasif
Bon, bon, alors j'achète. C'est plus joli qu'envahissant. Mais il faudrait prévenir les dictionnaires...

Non, non, je vois que c'est dans Littré. Je capitule sur toute la ligne face à cette invasion.
Puisque vous me demandez mon avis, cher Francis, je vais essayer de vous le donner, mais j'avoue que je n'ai pas bien saisi le contexte précis de votre demande. Qui plus est, elle émane d'un problème de traduction, et non du simple souci d'éviter un anglicisme appauvrissant dans une phrase en français. Je comprends qu'on puisse estimer que certains pays manquent d'awareness (puisque tous peuvent théoriquement en être dotés), mais pas de leadership (puisque par définition cela ne peut être l'apanage que d'un petit nombre). Je ne vois pas non plus comment on pourrait remplacer leadership par chef de file, à cause du "ship" ; mais je ne suis pas un spécialiste ! Pour vous répondre, donc, et d'après ce que je comprends, je vous proposerais par exemple, pour commencer par le plus simple, autorité ou ascendant ; l'idée d'initiative nécessaire pourrait peut-être mieux se rendre par impulsion, voire dynamisme ; celle de levier d'entraînement par exemplarité ; enfin, je propose, mais sans trop y croire, magistère, que je trouve le plus beau.
25 novembre 2008, 22:24   Proposition
Bien cher Francis,


Je me permettrais de suggérer "gouvernance environnementale", qui me semble appartenir au même registre de langage qu'"environmental leadership", en ISO-langue.
Utilisateur anonyme
25 novembre 2008, 22:43   Re : Something is rotten in the state of the French language
Pour le premier exemple, j'aurai plutôt vu "domination", cher Marcel Meyer.
26 novembre 2008, 01:53   Re : Invasif
Merci Jmarc, louable effort que le vôtre. Le problème il est que, ainsi que vous vous en doutez, dans ce type d'ISO-langue, comme vous dites, governance est partout, et j'ai beau essayer d'éviter "gouvernance" pour le rendre en français (avec parfois de timides "bonne intendance"), il s'impose comme un tsunami sur une plage de Thaïlande où sont étendus des baigneurs sur leur drap de bain lesquels représenteraient le lexique français qui ne peut lutter.

Les Espagnols, plus heureux que nous, ont gobernabilidad pour mater le monstre.

Pour répondre à Marcel Meyer, "rôle de chef de file" peut résister souvent assez bien aux assauts de leadership, j'ai même vu "chef de filat", un peu grotesque sur sa mule, faisant des moulinets de son sabre dans la bataille, mais impressionnant malgré tout.

De plus, je crois même que l'hydre anglophone a produit "environmental governance" qui a déjà désarçonné votre fier "gouvernance environnementale".

Non, je ne vois pas, et toute honte bue, j'ai sonné la retraite au clairon avec un "leadership environnemental", me sentant aussi piteux sur ce front qu'une Rossinante Bachelot.
Il y a aussi fer de lance, tête de pont, premier de cordée, etc.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter