Il est intéressant de lire comment la pensée de philosophes chinois antiques ramassait sans crainte aucune et avec une belle aisance la question des types humains, de la race (aspect physique) chez les humains et les animaux et celle de l’éducation, et de lire comment face au constat de «dégradation morale de l’époque » cette pensée tranchait « la problématique » en profondeur, par tous ses plans, d’un seul mouvement : a) les hommes sont disparates mais égaux (par la chair et les os); b) l’unité foncière du genre humain s’accorde par ailleurs avec le caractère façonnable des individus par l’éducation (l’apprentissage/l’étude) qui peut faire d’un être mauvais un être bon.
Cet extrait du 19ème essai du grand classique chinois, le Huai Nan Zi (淮南子) (http://fr.wikipedia.org/wiki/Huainan_Zi), que l’on a comparé au corpus platonicien, dont la rédaction s’est faite autour du Maître Liu An (en 139 BC, selon les chroniques), ici traduit en anglais par Evans S. Morgan à Shanghaï en 1933) (*):
There are many strange theories to account for the degraded morals of the age. Some account for it by saying that men's natures have their differences, some being good and some bad, just as there is a difference in the leaping of fishes or the spotted colouring of the cranes. Such difference pertains to natural qualities and are unalterable. Even learning will not alter natural qualities. I do not agree with this explanation. The leaping of fishes, the colours of the cranes are similar in nature to that which makes man a man and horse a horse. For the qualities of bone, tissues and form which each has received from nature cannot be altered. The difference is one of kind. But this is not true of man's nature.
Le fragment original :
世 俗 廢 衰 , 而 非 學 者 多 : 「 人 性 各 有 所 脩 短 , 若 魚 之 躍 , 若 鵲 之 駮 , 此 自 然 者 , 不 可 損 益 。 」 吾 以 為 不 然 。 夫 魚 者 躍 , 鵲 者 駮 也 , 猶 人 馬 之 為 人 馬 , 筋 骨 形 體 , 所 受 於 天 , 不 可 變 。 以 此 論 之 , 則 不 類 矣 。
Soit :
« …. S’il est vrai que les sauts du poisson, la crête de la grue les distinguent comme caractères innés (所 受 於 天) au même titre que la chair et les os qui ne peuvent être modifiés, il n'en demeure pas moins que ce qui distingue (所 脩 短) les hommes entre eux ne relève pas de la nature ou de l’espèce (則 不 類 矣)… » (suit un développement sur le dressage des poulains, animaux non doués de raison dont on parvient à modifier les traits de comportement, et d'en déduire que si l'on peut parvenir à de tels résultats sur un être non doué de raison, ceux que l'on est en droit d'attendre sur un être humain devraient dépasser toutes les espérances - un cheval bien dressé reste un cheval, de même une bonne éducation préservera et bonifiera les qualités de l'espèce humaine).
(*) La parution de la première traduction intégrale du Huai Nan Zi en Occident est attendue en 2009.
PS: cette pensée qui ne connaissait pas la Grèce et que la Grèce de connaissait pas acquiert de ce fait un caractère, sinon d'absolu, du moins
objectivement non relativisable.