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1ère croisade: Appel de Clermont en 1095

Envoyé par Gérard Rogemi 
Autres temps, autres moeurs!

Appel de Clermont en 1095

Le 27 novembre de cette même année, lors d'un prêche public, au dixième jour du Concile de Clermont (Auvergne), le pape Urbain II lance un appel pour aider Byzance et libérer les lieux Saints. Le pape demande aux soldats de se marquer au signe de la croix.
Son discours électrise l'assemblée, qui se lève au cri de "Deus le volt !" (Dieu le veut), qui deviendra le cri de ralliement général.


Très-chers frères,
moi Urbain, revêtu par la permission de Dieu de la tiare apostolique, et suprême pontife de toute la terre, obéissant a l'urgence nécessité des circonstances, je suis descendu dans les Gaules, et venu vers vous, les serviteurs du Très-Haut, comme chargé de vous apportez les avertissements du ciel. Ceux que j'ai cru les fidèles exécuteurs des ordres du Seigneur, je souhaite qu'ils se montrent tels franchement, et sans se laisser entraîner à aucune honteuse dissimulation. Que s'il se trouvait parmi vous quelques défectuosité ou difformité en opposition avec la loi de Dieu, j'écarterai, par esprit même de justice, toute modération, et, assisté du secours d'en haut, je mettrai mes soins les plus empressés à faire disparaître ces imperfections. Le Seigneur, en effet, vous a institués les dispensateurs de sa parole envers ses enfants, affin que vous leurs distribuiez, suivant les temps, une nourriture relevée par un assaisonnement d'une douce saveur ; vous serez heureux si celui qui à la fin vous demandera compte de votre gestion vous reconnaît de fidèles serviteurs. On vous donne aussi le nom de pasteurs ; prenez donc garde de ne point vous conduire à la manière de vils mercenaires. Soyez de vrais pasteurs, ayez toujours la houlette à la main, ne vous endormez pas, et veillez de toute parts sur les troupeaux commis à vos soins. Si, par l'effet de votre incurie ou de votre paresse le loup venait à enlever quelques unes de vos brebis, vous perdriez certainement la récompense qui vous est préparée dans le sein de notre Seigneur, et d'abord durement torturés par les remords déchirants de vos fautes, vous seriez ensuite cruellement précipités dans les abîmes de la funeste et ténébreuse demeure.

Vous êtes, suivant les paroles de l'Evangile, le sel de la terre, que si vous trahissiez votre devoir, on se demande comment la terre pourrait recevoir le sel dont elle a besoin. Oh combien est admirable la distribution de ce sel, dont parle l'Ecriture ! Ce qu'il faut que vous fassiez, c'est de corriger, en répandant sur lui le sel de la sagesse, le peuple ignorant et grossier, qui soupire outre toute mesure après les vils plaisirs du monde ; prenez garde que, faute de ce sel, ce peuple putréfié par ses péchés infecte le Seigneur, lorsqu'un jour le Très-Haut voudra lui adresser la parole. Si, en effet, par suite de votre négligence à vous acquitter de votre mission, Dieu trouve en ce peuple des vers, c'est-à-dire, des péchés, il jettera sur lui un œil de mépris et ordonnera sur-le-champ qu'on le plonge dans le précipice infernal destiné à recevoir toutes les choses impures. Mais aussi, comme vous ne pourrez lui restituer en bon état ce bien perdu pour lui, il vous condamnera dans sa justice, et vous exilera complètement de l'intimité de son amour. Tout distributeur, de ce sel divin doit être prudent, prévoyant, modeste, savant, ami de la paix, observateur éclairé, pieux, juste, équitable, et pur de toute souillure.
Comment en effet un homme ignorant, immodeste, impur, pourrait-il les autres savants, modestes et purs ?

Que si on hait la paix, comment la rétablirait-on parmi les autres ?
Celui qui aura les mains sales, comment nettoierait-il les saletés de la corruption des autres ?

On lit encore dans l'Ecriture, "que si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse." Ainsi-donc corrigez-vous d'abord vous-mêmes et montez-vous au dessus de tous reproches, afin de pouvoir corriger ceux qui vous sont soumis. Vous voulez être les amis de Dieu, faites librement les choses que vous sentez lui être agréables ; Veillez principalement à ce que les règles de l'Eglise soient maintenues dans toute leur vigueur, et prenez garde que la simonie hérétique ne prenne en aucune manière racine parmi vous, de peur que vendeurs et acheteurs ne soient également frappés de la verge du Seigneur, chassés des rues, et précipités misérablement dans l'abîme de l'extermination de la confusion. Conservez fermement l'Eglise, et ceux de tout rang qui lui sont attachés, dans entière indépendance de toute puissance séculière ; exigés que les dîmes de tous les fruits de la terre soient fidèlement payées, comme véritable propriété de Dieu même, ne souffrez ni qu'on les vende, ni qu'on les retienne ; que si quelqu'un ose s'emparer de la personne d'un évêque, qu'il soit mis à tout jamais hors de la loi de l'Eglise. Quant à celui qui ferait prisonniers ou dépouillerait des moines, des clercs, des religieux et leurs serviteurs, ou des pèlerins et des marchands qu'il soit excommunié. Les pillards et incendiaires de maisons, ainsi que leurs complices qu'on les bannisse de l'Eglise et qu'on les frappe d'anathème. Il importe en effet d'examiner avec le plus grand soin quelles peines doivent être infligées à ceux qui volent le bien d'autrui, puisque celui qui n'emploie pas en aumônes une partie de son bien propre encoure la damnation de l'enfer. C'est ce qui arrive aux mauvais riches, comme le rapporte l'Evangile : il est puni non pour avoir ravi le bien d'autrui, mais pour s'être manqué à lui même dans l'usage des biens qu'il avait reçu du Ciel. Très-chers frères, ajouta le pape, vous avez vu, assure-t-on, le monde cruellement bouleversé pendant longtemps par toutes ces iniquités ; le mal est venu à tel point, ainsi que nous l'on fait connaître divers rapports, que, par suite peut-être de votre faiblesse dans l'exercice de la justice, il est quelques-unes de vos paroisses où nul ne peut se hasarder sur les grands routes qu'il ne coure risque d'être attaqué le jour par des pillards, la nuit par des voleurs, et où nul encore n'est sur de n'être pas dépouillé, soit dans sa propre demeure, soit dehors, par la force ou les artifices de la méchanceté. Il faut donc faire revivre cette loi instituée autrefois par nos saints ancêtres, et qu'on nomme vulgairement "trêve de Dieu" ; que chacun d'entre vous tienne fortement la main à ce qu'on l'observe dans son diocèse, je vous le conseille et vous le demande fortement. Que si quelqu'un entraîné par l'orgueil ou la cupidité, ose violer cette trêve qu'il soit anathème en vertu de l'autorité de Dieu et des décrets de ce concile.

Ces choses et plusieurs autres furent réglées comme il convenait de le faire : alors tous les assistants, clercs aussi-bien que peuple, rendant au Seigneur de vives actions de grâces, applaudirent spontanément aux paroles du seigneur Urbain, souverain pontife, et firent serment de se conformer fidèlement aux décrets qui venaient d'être rendus. Cependant le pape ajouta sur-le-champ que d'autres tribulations, non moindres que celles qu'on a rappelées plus haut, mais plus grandes et les pires de toutes, et issues d'une autre partie du monde, assiégeaient la chrétienté.

Vous venez, dit-il, enfants du Seigneur, de lui jurer de veiller fidèlement, et avec plus de fermeté que vous ne l'avez fait jusqu'ici, au maintient de la paix parmi vous, et à la conservation des droits de l'Eglise. Ce n'est pas encore assez ; une œuvre utile est encore à faire ; maintenant que vous voilà fortifiés par la correction da Seigneur, vous devez consacrer tous les efforts de votre zèle à une autre affaire qui n'est pas moins la vôtre que celle de Dieu. Il est urgent, en effet, que vous vous hâtiez de marcher au secours de vos frères qui habitent en Orient, et ont grand besoin de l'aide que vous leur avez tant de fois déjà, promise hautement. Les Turcs et les Arabes se sont précipités sur eux, ainsi plusieurs d'entre vous l'ont certainement entendu raconter, et ont envahi les frontières delà Romanie, jusqu'à cet endroit de la mer Méditerranée qu'on appelle le bras de Saint-Georges, étendant de plus en plus leurs conquêtes sur les terres des Chrétiens, sept fois déjà ils ont vaincus ceux-ci dans des batailles, et ont pris ou tué grand nombre, ont renversé de fond en comble les églises, et ravagé tout le pays soumis à la domination chrétienne. Que si vous souffrez qu'ils commettent quelques temps encore et impunément de pareils excès, ils porteront leurs ravages plus loin, et écraseront une foule de fidèles serviteurs de Dieu. C'est pourquoi je vous avertis et vous conjure, non en mon nom, mais au nom du Seigneur, vous les hérauts du Christ, d'engager par de fréquentes proclamations les Francs de tout rang, gens de pieds, et chevaliers, pauvres et riches, à s'empresser de secourir les adorateurs du Christ, pensant qu'il est encore temps, et de chasser loin des régions soumises à notre foi la race impie des dévastateurs. Cela, je le dis à ceux de vous qui sont présent ici, je vais le mander aux absents ; mais c'est le Christ qui l'ordonne. Quand à ceux qui partiront pour cette guerre sainte, s'ils perdent la vie, soit pendant la route sur terre, soit en traversant les mers, soit en combattant les Idolâtres, tous leurs péchés leur seront remis à l'heure même ; cette faveur si précieuse, je la leur accorde en vertu de l'autorité dont je suis investi par Dieu même. Quelle honte ne serait-ce pas pour nous si cette race infidèle si justement méprisée, dégénérée de la dignité d'homme, et vile esclave du démon, l'emportait sur le peuple élu du Dieu tout-puissant, ce peuple qui a reçu la lumière de la vraie foi, et sur qui le nom du Christ répand une si grande splendeur !

Combien de cruels reproches ne nous ferait pas le Seigneur, si vous ne secouriez pas ce qui, comme nous, ont la gloire de professer la religion du Christ ?

Qu'ils marchent dit encore le pape en finissant, contre les infidèles, et terminent par la victoire une lutte qui depuis longtemps, déjà devrait être commencée, ces hommes qui jusqu'à présentant ont eu la criminelle habitude de se livrer à des guerres intérieures contre les fidèles, qu'ils deviennent de véritables chevaliers, ceux qui si longtemps n'ont été que des pillards ; qu'ils combattent maintenant, comme il est juste, contre les barbares, ceux qui autrefois tournaient leurs armes contre des frères d'un même sang qu'eux, qu'ils recherches les récompenses éternelles, ces gens qui pendant tant d'années ont vendu leurs services comme des mercenaires pour une misérable paie ; qu'ils travaillent à acquérir une double gloire ceux qui naguère bravaient tant de fatigues, au détriment de leur corps et de leur âme. Qu'ajouterai-je de plus ?

D'un côté seront des misérables privée des, vrais biens, de l'autre des hommes comblés des vraies richesses ; d'une part combattront les ennemis du Seigneur, de l'autre ses amis. Que rien donc ne retarde le départ de ceux qui marcheront a cette, expédition, qu'ils afferment leurs terres, rassemblant tout l'argent nécessaire à leur dépenses et qu'aussitôt que l'hiver aura cessé, pour faire place au printemps, ils se mettent en route sous la conduite du Seigneur.


Sources : Textes de Foulcher de Chartres - Collection des mémoires relatifs à l'Histoire de France ; Editions J-L. J.Brière, Librairies : Paris 1825.
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