Pour être plus précis, je suggérais ce que montre clairement l'article : cet homme historien et sa sœur écrivain n'avaient jamais, au cours de leur enfance et de leur adolescence en France profonde, souffert du racisme et de la discrimination, au point que leur demi-négritude ne faisait même pas partie de leur identité. Comme le dit la sœur, leur univers était conforme à l'idéal républicain, expurgé des différences, a fortiori du racisme : "Nous n'avons pas été frottés à ces questions." Et la première fois que Pap Ndiaye a eu à souffrir de discriminattion du fait de la couleur de sa peau, c'est lorsqu'il bénéficia de la "discrimination positive" américaine. Pourtant, ce séjour américain, et sans doute aussi l'air du temps, eurent tôt fait de remédier à cette inconscience. Bien vite, il se mit à scruter le regard des autres pour tenter d'y trouver (d'inventer en somme) ce dont il avait été "exempté" : le regard qui assigne l'individu à sa couleur de peau et les discriminations qui en découlent (et dont d'autres que lui ont bien dû souffrir).
Cet article illustre à merveille, de façon presque trop parfaite, ce qui s'est souvent dit ici : la France "d'avant" (le désastre) n'était pas un pays raciste. On réinvente aujourd'hui un passé diabolique pour asseoir la conscience ethno-raciale que veulent maintenir ou même se forger les différentes populations immigrées. D'où ces contradictions comiques : ici, on prétend qu'il y avait bien eu discrimination mais on continue à brocarder ce "missel républicain" grâce auquel on en avait été préservé ; ailleurs, on nie farouchement l'existence des races mais on bâtit des organisations revendicatives sur le critère de la race.