La gratuité n'a visiblement pas pourri les conditions de visite des grands musées londoniens (je ne sais pas si elle s'étend à tout le territoire britannique) ; il s'avère que le prix n'arrête pas le consommateur de culture - et d'ailleurs n'est-ce pas précisément l'inverse qui est vrai ? Je m'explique : le consommateur de culture n'aurait-il pas tendance à être rebuté par un service gratuit ? N'est-ce pas
parce qu'une visite est payante qu'il lui attribue de la valeur ? Et ne lui attribue-t-il pas une plus grande valeur à mesure que son prix s'élève ?
En outre, l'argument de la psychanalyse mériterait tout de même qu'on l'étoffe un peu, car en l'état, il me laisse dubitatif : l'équivalence entre une séance de thérapie et une visite dans un musée, entre la médecine et la culture, est-elle si évidente ? Le visiteur de musée a-t-il réellement besoin d'être "responsabilisé" ? Et de quel point de vue ? Par rapport à qui ? Au musée en tant que lieu d'accueil de la culture ? Aux artistes ? La culture, l'éducation seules peuvent inculquer le respect de l'Art et des artistes. Le sentiment intérieur d'une plus vaste responsabilité personnelle face à la beauté peut dissuader un homme de hurler ou de courir dans une salle du Louvre. Je ne sache pas que l'achat d'un billet à dix euros ait déjà eu quelque effet de responsabilisation sur un visiteur de musée. A la rigueur, si le prix du billet était aussi élevé, en proportion, que le coût d'une séance de psychanalyse, cela aurait peut-être une conséquence sur la disposition psychologique du visiteur : il se dirait sûrement : je dois rentabiliser ma visite, en ressortir avec quelquechose, et plus souvent, on verrait des gens renoncer à leur visite, évidemment. Mais cela poserait encore le problème de l'égalité d'accès, puisque seuls les plus riches pourraient accéder aux musées - qui ne se distinguent plus des pauvres, nous le savons, que par l'argent...