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Le sous-développement leur va si bien. Les Himbas sont primitifs. Qu'ils le restent!

Envoyé par Gérard Rogemi 
Je tombe sur cet excellent billet posté hier sur le site LE MEILLEUR DES MONDES

Le sous-développement leur va si bien. Les Himbas sont primitifs. Qu'ils le restent.

Au détour d'un zapping sur la chaîne planète, je suis tombé sur l'émission de Frédéric Lopez, En terre inconnue.

Le concept est original: une célébrité est emmenée au bout du monde et rencontre des peuples perdus quelque part sur la planète. Détail intéressant, elle ne connaît la destination qu'une fois dans l'avion... La présence familière de cette célébrité, forcément connue du téléspectateur, alliée à son naturel et son émerveillement alors qu'elle découvre un mode de vie et une culture inconnus, permettent des séquences riches en émotions.

Dans cet épisode, ce fut le tour de Muriel Robin de se soumettre à l'expérience, emmenée chez les Himbas en Namibie. La découverte de leur mode de vie fut très instructive, allant de la façon dont ils économisent une eau rare dans leur région et taboue pour les femmes, à leur habitude de s'enduire le corps d'un mélange de graisse animale et de poudre d'hématite. Cet enduit leur donne une couleur rouge caractéristique et leur permet de se protéger du soleil, du desséchement et des parasites. Les femmes portent jusqu'à vingt kilos de bijoux métalliques, et considèrent leurs chevilles comme la zone de leur corps la plus intime...

Jean-Michel Turpin, le photographe de l'équipe, put prendre de nombreux clichés de l'expédition.

En terre inconnue ne se limita pas à un survol touristique du mode de vie des Himbas. Accompagnés d'une géographe ayant passé plusieurs mois chez eux, nos explorateurs discutèrent de la conception du monde selon les Himbas. Muriel Robin se prit d'affection pour certains d'entre eux et les emmenèrent voir la mer pour la première fois de leur existence! L'émission aborda aussi quelques sujets plus polémiques. Les Himbas sont décriés en ville, considérés comme sales et sauvages - le mélange dont ils sont enduits tachant tout ce qu'ils touchent. De nombreux Himbas urbanisés abandonnent leur mode de vie traditionnel et choisissent de porter des habits. Les jeunes Himbas hésitent entre la voie ancestrale et une existence différente, où ils pourraient notamment apprendre à lire et à écrire et s'éveiller à un monde inconcevable de leurs aînés.

Mais l'émission me mis de plus en plus mal à l'aise alors que sa conclusion approchait. S'éloignant du pur documentaire, le commentaire en voix off devint de plus en plus partisan, défendant le mode de vie traditionnel des Himbas contre les "dangers" qui le menaçaient - la consommation, l'urbanisation, le contact avec le monde moderne... Et nos vaillants aventuriers prirent naturellement faits et causes pour l'authenticité de leurs nouveaux amis, afin qu'ils continuent à vivre dans leurs cahutes au fond de la brousse.

L'occidental moyen ne sera guère surpris de ce point de vue bien dans l'air du temps. Mais si on se donne la peine d'y réfléchir, il est abominable.

Les Himbas n'ont pas vocation à rester meurtris et sous-développés simplement parce qu'ils semblent "pittoresques" à l'occidental de passage, fut-il porteur d'une caméra. Les hommes et les femmes qui composent ces tribus sont des humains, génétiquement et intellectuellement. Ils ont la liberté de choisir leur mode de vie comme ils l'entendent. Personne n'a le droit de les condamner au sous-développement simplement pour qu'ils "préservent leur authenticité".

Certes, vivre dans une ville de Namibie, savoir lire et écrire, s'habiller avec des vêtements et faire ses courses dans un supermarché manque cruellement de relief. Vivre dans la brousse, manquer d'eau toute sa vie, subir la mortalité infantile, les maladies, la pauvreté, la faim, ignorer tout du monde, est-ce préférable? "Bien sûr!" s'écrie l'occidental post-moderne, confortablement assis dans son salon...

L'hypocrisie des étrangers venus visiter les Himbas est sans borne. Bien sûr, ils s'extasient devant leur mode de vie, mais pas un seul n'abandonnerait un instant sa position confortable de touriste pour vivre non pas au milieu d'eux, mais comme eux.

On oublie trop souvent que les cultures humaines sont dynamiques. Les hommes sont doués de raison et prennent d'importantes décisions au long de leur existence et à chaque génération. Tout enfant qui grandit a le choix, si les conditions le permettent, entre la perpétuation de la culture de ses parents ou l'adaptation à quelque chose de différent, avec en filigrane l'espoir d'une vie meilleure.

Certes, au nom d'une diversité d'inventaire, la disparition de coutumes, de cultures et de langues est regrettable. Mais ceux qui vivent et meurent dans ces cultures primitives n'ont pas à être condamnés à y rester. La préservation des cultures est une des formes de racisme les plus raffinées. "Moi, riche occidental, j'ai droit à l'éducation, à l'abondance et au développement car telle est ma tradition; toi, le sauvage du tiers-monde, tu as le devoir de continuer à survivre dans ta cabane car tel est ton destin. Tes traditions sont plus importantes que ta santé et l'avenir de tes enfants."

Des amis authentiques prodigueraient-ils vraiment des conseils de ce genre?
28 janvier 2009, 20:40   Qu'ils restent quoi ?
Oh, Rogémi, ce n'est pas gentil. En abrégeant le titre de cet article, vous le rendez gravement incorrect.
Ne trouvez-vous pas, Cher Rogemi, que cet article, nonobstant la critique judicieuse qu'il essaie de faire du touriste occidental, est totalement faussé par son présupposé : les himbas sont malheureux car ils ne disposent pas des bienfaits de la "civilisation" ? A-t-on jamais entendu un seul primitif se plaindre de sa condition et revendiquer le confort de la modernité ? Les seuls problèmes vitaux que les peuplades de Namibie ont pu rencontrer sont ceux que l'Occident a causés en s'installant sur leurs terres.

Qu'ils le restent, en effet, libres du progrès ! Je ne dis évidemment pas qu'ils vivent dans un Eden où eau, viandes et fruits leur sont procurés en abondance et sans efforts par Mère Nature, mais ils n'ont certainement pas besoin de nous pour s'adapter et vivre heureux dans leur environnement. Ils se seraient débrouillés sans nous, et l'état d'esprit de l'auteur de cet article est au moins aussi déplorable que celui des gentils touristes en quête d'"authenticité" : il croit que le bon sauvage est misérable et désemparé parce qu'il ne connait pas l'automobile et la télévision - quelle présomption !
Citation
il croit que le bon sauvage est misérable et désemparé parce qu'il ne connait pas l'automobile et la télévision - quelle présomption

Vous savez ce qu'a écrit Nicolas Gomez Davila:

Citation
L'occident flétrit à son contact toute âme non occidentale.

Bon ce texte est une critique d'un documentaire de télévision, cher Olivier, et l'auteur s'en prend à l'idéologie sous-jacente mais oh combien hypocrite des faiseurs du documentaire.

Si ces africains veulent continuer à vivre comme leurs ancêtres qu'ils le fassent mais ce n'est certainement pas à nous à leur faire des remontrances ou leur donner des lecons s'ils choississent de renoncer à leur mode de vie traditionnel.

Il y a une chose qui me dérange: pourquoi accepter que des touristes occidentaux viennent visiter ces villages et reluquer ces Himbas comme des bêtes dans un zoo ?
Autre aphorisme de Davila:

Citation
Le barbare se contente de détruire; le touriste profane.
C'est exactement ce que je me suis demandé à la lecture de ce texte! Faut-il absolument aller porter ses gros pieds dans tous les endroits préservés jusu'ici des regards civilisés (sans guillemet, ce n'est certainement pas politiquement correct!)?
Utilisateur anonyme
28 janvier 2009, 23:36   Tout est pourtant fait pour s'entendre
"Les femmes (...) considèrent leurs chevilles comme la zone de leur corps la plus intime..." et les vedettes du show-bizz qui leur rendent visite les ont qui enflent en permanence.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, Aline et Rogemi : seule une approche scientifique bienveillante justifie qu'on dérange ces peuplades qui n'ont pas besoin de nous.
29 janvier 2009, 00:25   Jean Rouch
Notre contact les divise; ils doivent, à cette heure s'entrediviser sur le point de savoir si la multiplication et l'approfondissement de ces contacts avec les "civilisés" sont souhaitables, avec des vieux "réacs" qui disent non et de jeunes cons modernistes qui disent qu'il faut, qu'on ne peut rester dans l'arriération, etc.; comme nous-mêmes nous divisons sur le bien-fondé de ces visites.

Leurs débats sous la tente ou dans la case sont des débats d'anthropologues, d'ethnologues, de stratèges, vieux comme le monde.

Le fait est là, il est l'étant et il est un prédicament, une torture absolument sans issue: ce qui est ne peut être défait, le temps l'interdit. La rencontre a eu lieu, comme en amour: il est désormais trop tard pour toute solution équitable à cette rencontre. Qui sera le rencontré de qui: est-ce nous qui les avons rencontrés, font-ils parti du panorama de nos rencontres et donc sont-ils à ce titre un élément de nos vies dans laquelle ils sont appelés à se ranger, à se dissoudre, ou bien, sommes nous leurs rencontrés ? Sont-ils capables de nous lire, de nous interpréter, de nous réduire à être une partie précieuse d'eux-mêmes, au cours général de leur histoire ?

La séparation n'est plus possible, un peu comme en amour où l'anéantissement en soi du rencontré est chose quasi-impossible: le rencontré est insoluble en moi; il est aussi pourtant, de moi, mon inextricable, une inoubliable partie de moi.

C'est face à de tels faits qu'il conviendrait de se pencher, comme pour en faire le test une bonne foi pour toutes, sur les textes de Heidegger, que nous avons tous, plus ou moins, lus, mais seulement jusqu'ici pour briller en bonne société, soit entre soi.
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