Dernier communiqué de la Mena. L'état de grâce d'Obama n'aura pas duré longtemps. Va-t-il être pire que Carter ?
Obama touche terre et perd ses ailes dans l’impact
Par Sébastien Castellion© Metula N ews A gency
Il a fallu moins longtemps à Barack Obama qu’à aucun de ses prédécesseurs pour voir s’achever la « lune de miel » dont bénéficient les présidents au début de leur mandat – et qui, dans son cas, s’annonçait particulièrement intense au jour de son inauguration. Un sondage Gallup du 23 janvier, trois jours après sa prise de fonctions, lui donnait 69 % d’opinions favorables et seulement 12 % de défavorables, le reste étant composé d’indécis.
Deux semaines plus tard, dans un sondage Rasmussen du 8 février, le Président est tombé à 59 % d’opinions favorables – mais surtout, le nombre des opinions défavorables a explosé, passant à 39 %. Le Président a réussi l’exploit d’unir contre lui, en deux semaines, tous ceux qui lui donnaient le bénéfice du doute, tout en perdant plus d’un de ses partisans sur sept.
Le Président a réussi cette chute brutale et inattendue en ayant recours aux mêmes recettes qui avaient entraîné, il y a trente ans, l’effondrement de son prédécesseur Jimmy Carter. Il s’est montré, dès ses premiers jours, faible et naïf en politique étrangère, cynique en politique intérieure et remarquablement inepte en politique économique.
En politique étrangère, le Président Obama a utilisé sa première interview depuis son entrée en fonctions – accordée le 27 janvier dernier à Al Arabiya – pour envoyer aux ennemis de l’Amérique plusieurs signes de faiblesse. Il a immédiatement concédé l’infériorité morale des Etats-Unis, expliquant doctement que les Etats-Unis avaient, depuis 20 ou 30 ans, manqué de respect et de compréhension envers les musulmans, et exprimant l’espoir qu’il pourrait rétablir le « partenariat » qui, selon lui, existait autrefois.
Cette description est, malheureusement, l’opposé exact de la réalité. Au cours de la période mentionnée par le Président, l’Amérique a sacrifié plusieurs milliers de ses jeunes soldats pour venir au secours de musulmans, en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan et en Irak – ce qui n’est pas exactement la preuve d’un manque de respect ou de compréhension.
Au cours de la même période, elle a entretenu ou consolidé des alliances stratégiques essentielles avec, entre autres, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Turquie, le Pakistan, la Jordanie et, plus récemment, l’Irak et l’Autorité Palestinienne.
La seule et unique partie du monde musulman à qui l’Amérique n’a pas montré un grand respect est celle qui, chaque jour, appelle à la mort des Etats-Unis – l’Iran des mollahs, les Frères musulmans et les excroissances terroristes de ces deux ennemis. L’appel du Président à un « nouveau respect » ne s’adressait donc pas aux alliés musulmans de l’Amérique (qui n’ont aucune raison de ne pas se sentir respectés aujourd’hui) mais exclusivement à ses ennemis.
Pour des fanatiques engagés dans une lutte à mort contre l’Amérique, cette main tendue ne peut avoir qu’une seule interprétation : l’ennemi faiblit et cherche à négocier sa reddition. Mais pour les mollahs et les Frères, l’affaiblissement de l’Amérique ne peut être qu’une première étape.
Le slogan peint sur les murs de Téhéran, pour le cas où Obama l’aurait oublié, n’est pas « Pour une Amérique plus gentille ». C’est « Mort à l’Amérique », ce qui a le mérite d’être clair. Les signaux de paix du Président ne seront donc que l’occasion d’exiger toujours plus de concessions et, par la même occasion, d’humilier l’ennemi à terre.
De manière totalement prévisible, le régime iranien a réagi aux ouvertures du Président en exigeant l’humiliation maximale de l’Amérique. Ahmadinejad a immédiatement annoncé que des discussions seraient possibles si l’Amérique présentait ses excuses à l’Iran, retirait toutes ses troupes de la région et « cessait tout soutien aux sionistes incultes, déracinés, artificiels, trompeurs, assassins de femmes et d’enfants ». Manifestement, le dialogue commence bien.
Encore plus grave, le Président a fait semblant de ne pas entendre la réaction iranienne. Son vice-président et sa secrétaire d’Etat, Joe Biden et Hillary Clinton, se sont contentés depuis de répéter la ligne d’Obama (« Nous sommes prêts à discuter si l’Iran est prêt à changer d’attitude »), en prenant soin de ne pas remarquer que l’Iran a déjà répondu – et aussi clairement qu’il était possible.
La politique de l’Amérique est désormais de continuer à demander des signes d’ouverture à ses ennemis, et de ne strictement rien faire quand ces signes sont refusés. Il n’y a pas de moyen plus clair de signaler sa faiblesse.
Tous les ennemis et rivaux de l’Amérique ont bien compris le message.
Dans les deux semaines qui ont suivi l’arrivée d’Obama au pouvoir, la justice pakistanaise a libéré Abdul Kader Khan, le père de la bombe atomique pakistanaise, qui en avait vendu la technologie à divers ennemis des Etats-Unis dans les années 1990 et qui était depuis cinq ans assigné à résidence.
Le Kirghizstan a indiqué qu’il allait demander à l’Amérique de quitter la base militaire de Manas – qui joue un rôle logistique essentiel dans la guerre afghane – et qu’il s’apprêtait à renverser ses alliances pour rejoindre les nouvelles institutions militaires communes, mises en place autour de la Russie.
La Corée du Nord a placé ses lanceurs de longue portée, capables de tirer un missile nucléaire, en position de test et annoncé qu’elle procèderait à un tel test dans les prochains mois.
Enfin, l’Iran, comme Jean Tsadik l’a analysé dans ces colonnes, a procédé à son premier lancement de satellite.
La concentration de ces événements dans les deux premières semaines de la présidence Obama n’est évidemment pas due au hasard. Comme le prédisait Joe Biden, aujourd’hui vice-président, avant même l’élection d’Obama, les ennemis de l’Amérique sont en train de tester le jeune Président pour voir jusqu’où ils pourront aller. Son absence totale de réaction à toutes ces initiatives ne peut donc avoir qu’une conséquence : les mouvements agressifs des ennemis de l’Amérique vont se poursuivre et s’aggraver.
Ils ne s’arrêteront que le jour où une puissance se livrera à un acte inacceptable – même pour Obama – et où le nouveau Président réagira enfin. Personne ne sait encore quelle est, pour lui, la limite à ne pas franchir. Après tout, l’un de ses prédécesseurs, Jimmy Carter, était allé jusqu’à accepter le renversement du shah d’Iran (un allié majeur de l’Amérique) et l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques.
On n’en viendra pas là tout de suite ; mais si Obama continue à ne pas réagir à la progression des agressions, des événements de la même ampleur deviendront inévitables avant la fin de son mandat.
En politique intérieure, Obama n’a pas les mêmes faiblesses. Au contraire : il a montré que son éducation politique, à Chicago, lui a enseigné à ne pas prendre trop au sérieux sa propre rhétorique quand il s’agit d’asseoir son pouvoir.
Le Président était arrivé au pouvoir en promettant une « nouvelle ère » de gouvernement. Il allait chasser du pouvoir les lobbyistes qui y représentent des intérêts privés – et, dès son arrivée, il prit un décret empêchant les anciens lobbyistes d’occuper des postes au gouvernement.
Mais qui sera chargé d’interpréter et d’appliquer ce décret ? Le nouveau conseiller juridique de la Maison Blanche, Gregory Craig – qui fut officiellement lobbyiste pour les régimes du Panama, de l’Argentine et de Bolivie, et qui usa régulièrement de son influence à Washington en faveur du régime cubain et du régime sandiniste au Nicaragua.
Et, bien sûr, le nouvel Attorney General, Eric Holder, qui s’est rendu coupable, sous la présidence Clinton, d’interventions en faveur d’un criminel fugitif, Marc Rich, qui obtint son pardon quelques heures avant le départ de Clinton, après que Mme Rich eut versé 1,5 million de dollars à la campagne sénatoriale d’Hillary Clinton et à d’autres causes proches des intérêts de la famille.
Il n’a d’ailleurs pas suffi au nouveau président de veiller à ce que sa « nouvelle ère » soit confiée à des gens qui en ont manifestement enfreint l’esprit, sinon la lettre. Obama a d’ores et déjà annoncé que deux de ses candidats bénéficieraient d’une exemption personnelle à la nouvelle règle : le secrétaire adjoint à la Défense, William Lynn, ancien lobbyiste pour la firme Raytheon (qui vit majoritairement de contrats de défense) ; et le directeur de cabinet du Secrétaire au Trésor, Tim Geithner (Marc Patterson, ancien lobbyiste de Goldman Sachs). Ces deux exemptions avaient été annoncées une semaine après l’adoption de la règle ; il serait fort surprenant que d’autres ne les suivent pas.
Quant à Tim Geithner lui-même – désormais responsable de la politique économique et donc, entre autres, nouveau chef des services fiscaux – Obama a montré son profond attachement à une réforme des mœurs en maintenant sa nomination, après qu’il fut établi qu’il avait fraudé le fisc d’environ 35.000 dollars.
Au crédit du nouveau Président, cependant, le deuxième de ses candidats à s’avouer coupable de fraude fiscale, Tom Daschle – pressenti pour la Santé – dut retirer sa candidature. La « nouvelle ère » éthique du Président Obama exige donc, tout de même, qu’il n’y ait pas plus d’un membre du gouvernement à la fois à avoir fraudé le fisc.
Il semble désormais acquis que le style Obama, à Washington, sera identique à ce qu’il était à l’époque où le Président faisait de la politique dans l’Illinois : des déclarations morales admirables pour épater le gogo, mais le cynisme le plus complet en pratique. L’homme qui promettait, pendant sa campagne, de « changer Washington » a tenu sa promesse : Washington est en train de se transformer rapidement en un second Chicago.
Enfin, la troisième raison de la chute rapide d’Obama dans les sondages a été sa gestion du plan de dépense publique, baptisé ici « Stimulus ». Le Président n’avait pas annoncé de tel plan pendant sa campagne. Au contraire, il avait déclaré qu’il passerait en revue les programmes de dépenses pour éliminer les dépenses inutiles. Après son élection, cependant, il commença à demander à son équipe de rassembler tous les projets qui pourraient être lancés rapidement pour stimuler la demande et lutter contre la récession.
Le problème est que le plan soumis au Congrès la semaine dernière n’est pas, pour sa plus grande part, un plan de relance. Selon l’analyse du service budgétaire du Congrès (le Congressional Budget Office ou CBO) 136 milliards de dollars, sur les 825 milliards du plan, sont prévus pour des dépenses d’infrastructures à réaliser avant la fin 2010. Les autres dépenses auront lieu plus tard, quand l’économie sera sortie de récession.
Elles viendront donc « chasser » les projets des autres acteurs, en attirant vers elles les financements et les emplois. La forte augmentation des dépenses publiques obligera par ailleurs à augmenter les impôts, affaiblissant d’autant l’activité. D’après le CBO (qui, vu ses fonctions, n’est pas particulièrement hostile aux dépenses publiques) l’effet total du plan sera bon pour la croissance dans le court terme (jusqu’à 2011), mais il finira par entraîner une perte de croissance qui atteindra entre 0,1 et 0,3 pour cent de la richesse nationale à la fin de la prochaine décennie.
Pauvre en projets de relance, le plan de « Stimulus » est très riche en augmentations permanentes des budgets des fonctionnaires. On y trouve, par exemple, un milliard de dollars pour le bureau du recensement (qui compte les Américains tous les dix ans) ; 89 milliards pour le programme Medicaid, qui assure les soins de santé des Américains les plus pauvres ; 1,7 milliards pour les parcs nationaux, etc.
Toutes ces administrations sont d’ores et déjà financées par la voie normale du budget. Il n’y a rien de « stimulant » dans ces nouvelles dépenses, qui leur donneront, pour l’éternité, sans le moindre rapport avec la conjoncture économique, des budgets plus élevés.
Tout cela, encore sans compter les pures dépenses somptuaires, frénétiquement ajoutées par des membres du Congrès et du Sénat, qui se sont précipités sur l’occasion comme des chats sur la crème.
La loi prévoit ainsi 2 milliards de dollars pour un projet de « centrale électrique au charbon sans émission de CO2 » dans l’Illinois (l’Etat du Président) : cela peut sembler louable… jusqu’à ce que l’on se rappelle qu’il n’existe aucune technologie permettant ce résultat. L’argent sera donc consacré à de la recherche, qui, sans doute, conclura surtout à l’impérieuse nécessité de subventions supplémentaires.
Ce déchaînement de dépenses n’a pas convaincu les Américains. Les sondages montrent qu’ils souhaitent – à une courte majorité – l’adoption d’un plan de relance, mais que ce plan particulier est vu par une majorité comme une mauvaise solution, qui ne fera qu’augmenter la dette et les impôts futurs. Les Américains prennent particulièrement mal le fait que l’administration Obama insiste pour que cette loi soit votée dans l’urgence, sans audition, sans analyse en commission et presque sans débat.
Le Président, cependant, n’a pas l’intention de changer de cap. Lui qui, il y a peu de temps, annonçait, avec grandiloquence, qu’il fallait « abandonner la rhétorique de la peur pour celle de l’espoir », trouve désormais un charme certain à la rhétorique de la peur. Il répète à qui veut l’entendre que, si le plan n’est pas adopté immédiatement, « la crise se transformera en catastrophe ».
Du point de vue économique, cela est absurde. Il ne peut pas y avoir d’urgence à adopter un plan de dépense dont plus des cinq sixièmes sera dépensé dans plus de deux ans. Allouer des sommes aussi monstrueuses sans vérifier l’utilité des dépenses est la garantie absolue d’un gaspillage astronomique.
Mais politiquement, c’est autre chose. Obama sait que s’il donnait au Parlement le temps de faire son travail de contrôle, les détails du plan deviendraient plus largement connus et qu’il perdrait encore plus de popularité. Au contraire, si la loi est votée rapidement, les Américains penseront à autre chose. Les alliés du Président lui seront reconnaissants d’avoir obtenu leurs douceurs. Les projets votés déplaceront des emplois du secteur privé, et ceux qui y travailleront auront tendance à voter pour le parti qui aura « créé » leur emploi.
Après trois semaines, la « nouvelle ère » du Président Obama est désormais une réalité. Elle se résume à trois principes : négliger la menace extérieure, quitte à encourager l’ennemi ; parler de vertu sans la pratiquer ; sacrifier la croissance économique pour satisfaire ses alliés et se créer des électeurs.