Le site du parti de l'In-nocence

Communiqué n° 823 : Sur la prétendue "pédagogie"

Le parti de l'In-nocence souhaiterait vivement que disparaisse définitivement du débat politique le terme non seulement ridicule mais incroyablement insultant et hautement antidémocratique de "pédagogie", devenu d'un usage courant pour ne désigner rien d'autre, en général, que l'activité de propagande qui consiste — tout spécialement de la part du gouvernement — à tâcher de convaincre opposants, adversaires ou indifférents du bien-fondé d'une politique donnée ou de la justesse d'une opinion. Dans pareil contexte le terme de "pédagogie", qui selon l'étymologie et la tradition recouvre l'éducation des enfants, témoigne d'un incroyable mépris pour les convictions qui ne seraient pas celles des prétendus "pédagogues", lesquels, par le recours à ce mot, se posent insolemment d'emblée comme détenant des vérités qu'il ne s'agirait pour eux que de graver dans l'esprit des Français auxquels leurs faibles lumières et leur puérilité n'auraient pas encore permis d'y accéder. Il est significatif qu'en un temps où le système éducatif n'enseigne pour ainsi dire plus rien aux enfants — en grande partie du fait des désastreux organismes pédagogiques justement fustigés de toute part sous le noms d'IUFM —, la pédagogie impuissante et déshonorée ne trouve plus à s'exercer que sur les citoyens pleinement adultes qui se permettraient de ne pas penser comme les pouvoirs politiques et médiatiques.
17 février 2009, 11:43   Moeurs socratiques
Je suggèrerais au Parti de ne pas trop solliciter l'étymologie. En effet, en grec ancien, le pédagogue est initialement l'esclave qui accompagne l'enfant, sans doute pour lui éviter de mauvaises rencontres, et dans une période plus tardive celui chargé de "diriger les moeurs et de règler la conduite des jeunes gens dont il était chargé". Il n'est pas un "enseignant".


On se reportera avec intérêt à ce qu'écrivit Clément d'Alexandrie à ce propos. Je ne saurais trop conseiller la lecture des Pères de l'Eglise.
Utilisateur anonyme
17 février 2009, 12:38   Re : Communiqué n° 823 : Sur la prétendue "pédagogie"
A tout prendre, le mot pédagogie, utilisé en lieu et place de propagande, a au moins le mérite de laisser clairement entendre aux français qu’on les considère comme des enfants, ce qu'ils sont d'ailleurs pour une partie importante d'entre eux et de plus en plus longtemps.

Et puis, par quoi remplacer ce terme ? Les mots propagande et endoctrinement ont été salis par des régimes honnis, quant aux mots information et communication, ils n’ont, me semble-t-il, pas le même sens.

Jouons un peu : quel sera le texte du prochain ordre de mobilisation générale qui sera publié un jour peut-être sur le territoire français, à partir d’une pédagogie ludique, interactive, conviviale et sympa ?
Utilisateur anonyme
17 février 2009, 12:42   Re : Moeurs socratiques
Cher jmarc,

je ne suis pas sûr de saisir la nuance que vous apportez : ce communiqué ne fait pas de pédagogue le synonyme d'"enseignant", et emploie le terme, plus large, d'éducation. Il en souligne le caractère infantilisant dans le domaine politique, où il s'agit de rapports entre citoyens libres et égaux en droit, non pas d'adulte à enfant ou de pasteur à brebis. Je ne trouve aucune contradiction entre le communiqué et le texte que Florentin indique, si c'est celui que vous aviez en tête.
Je propose de remplacer le terme de "médecine" par celui de "pédiatrie", qui semblerait mieux adapté.
17 février 2009, 13:35   Etymologie
Bien cher Guillaume, je faisais allusion au passage :

"pédagogie", qui selon l'étymologie et la tradition recouvre l'éducation des enfants


Que ce soit le sens traditionnel, j'en conviens, mais ce n'est pas le sens étymologique.
Utilisateur anonyme
17 février 2009, 13:51   Re : Etymologie
Cher jmarc, je me rends compte qu'il faudrait distinguer l'étymologie du mot français (on trouve dans le Trésor :
Étymol. et Hist. 1495 (J. de Vignay, Mir. hist., IX, 15 édit. 1531 ds Delb. Notes mss). Empr. au gr.παιδαγωγία «direction, ou éducation des enfants» d'où «éducation», dér. de παιδαγωγός , v. pédagogue. )
et l'étymologie de cette étymologie, du mot grec lui même, qui viendrait donc d'un esclave-chaperon.
Quant à la question de savoir si toute direction (d'un enfant) n'est pas nécessairement une forme d'éducation...
17 février 2009, 14:02   Sens grec
C'est cela même.
Les objections de M. jmarc ne relèvent pas de l'étymologie, mais de l'histoire. Il nous explique quels étaient les emplois du mot dans l'Antiquité. Il reste qu'étymologiquement il signifie "direction, conduite des enfants". Il n'y a rien là qui soit contradictoire avec les remarques du communiqué du parti à propos de l'usage de ce mot au sens de "exposé d'une opinion à des concitoyens".
Quant au Pégagogue par excellence, représenté sous les traits d'Orphée enseignant sur certains bas-reliefs, c'est le Christ à l'époque de Clément et dans les premiers siècles chrétiens : " C'est pourquoi il me semble que puisque le Verbe Lui-même est venu à nous du Ciel, nous devrions abandonner tout enseignement humain, celui d'Athènes et de toute la Grèce, ou de l'Ionie, à cause de notre curiosité. Si notre Enseignant (didáskalos) est Celui qui a rempli l'univers de ses saintes puissances, création, salut, bienveillance, don de la Loi, prophétie, enseignement (didaskalía), cet Enseignant nous instruit maintenant en toutes choses, et le monde entier est maintenant devenu une Athènes et une Grèce grâce au Verbe. " (Exhortation aux Grecs, XI). D'ailleurs, que ce pédagogue ait pris la forme d'un esclave est parfaitement conforme au message.
17 février 2009, 16:20   Didaskalos
Bien cher Henri,

Avec votre compréhension coutumière, vous avez "mis dans le mille". Pour ma part (à la suite d'études classiques, peut-être), je fais une nette différence entre le "didaskalos" (qu'on retrouve dans les didascalies des pièces de théâtre, d'ailleurs) et le "païdagogos".

Il est remarquable que vous citiez (ou du moins évoquiez par votre citation) les "Didascalies des apôtres". En fait, et vous avez raison, le Christ à la fois enseigne et guide.

Pour répondre à Renaud Camus, je lui indique que je comprends et partage assez largement le sens de sa remarque, et d'autant plus qu'on comprendra la "pédagogie" comme un "guide de conduite". Cela étant, mon intervention sur l'étymologie visait simplement à indiquer le glissement de sens, le pédagogue antique n'étant pas l'enseignant.
Mon Dieu, mais j'y pense : comment va-t-on appeler maintenant ce qu'on appelait « pédagogie » ? Je ne vois qu'un mot : « puériculture ». Mais alors, ce qu'on appelait « puériculture » ??
Et Hystérie ? Vagissements prolongés ?
17 février 2009, 19:36   Sens de "pédagogie"
Bien chers amis,

Je ne sais si vous êtes dans mon cas, ou si je suis dans l'erreur, mais j'aurais mis dans le mot "pédagogie" le sens qu'il a dans "faire preuve de pédagogie".

Je n'ai pas souvenir de l'usage absolu de "pédagogie" avant les récents débats à ce propos.
17 février 2009, 23:24   Andragogie, pourquoi ?
Ferait un très beau titre de journal...


On ne sait plus, bien cher Francis, qu'inventer...
18 février 2009, 07:46   Re : Andragogie, pourquoi ?
« Andragogie » est un mot lamentable, par sa discrimination sexuelle, et qui rate sa cible. Il cherche seulement à masquer « démagogie ». Je me demande pourquoi le terme latin de de « didactique » est complètement refoulé... Sans doute parait-t-il fort inefficace, visant simplement à instruire, et non à mener !
18 février 2009, 10:02   Re : Andragogie, pourquoi ?
La didactique qui devrait servir à transmettre un savoir semble devoir se distinguer de la pédagogie moderne, qui ambitionne de façonner les consciences.
Cet échange permet de voir que l'évolution du mot pédagogie escamote (mais n'oublie pas) le sens premier, issu du verbe agô, je conduis, je mène, au profit d'une idée d'enseignement transmis, de didachè, rendue accessible aux enfants que nous sommes. Le mot pédagogie au sens moderne semble signifier qu'en mettant le contenu enseigné à la portée de l'enfant, on le guide où l'on veut, alors que le grec séparait nettement le pédagogue, qui l'accompagne et le garde, et le didaskalos, qui l'instruit. De fait, les deux dimensions sont étroitement mêlées dans l'enseignement tel qu'il se pratique : qu'on se rappelle les dernières communications de M. JGL sur la culture idéologique des étudiants contemporains. On les a bien conduits à penser comme il faut. Au lieu de leur donner les outils nécessaires à déchiffrer les discours, on leur a livré des discours tout faits.

Le communiqué s'indigne que l'on traite les citoyens en enfants, et je m'en indignerai aussi, car les "pédagogues" qui nous gouvernent ne me paraissent pas très éclairés. Toute opposition à leur politique, à les croire, est due à l'incompréhension ; si leurs décisions sont expliquées correctement, leur excellence éclatera. Dans le principe toutefois (la liste d'occurrences et citations données par le dictionnaire grec au mot paîs, paidós me le fait penser), il n'est pas choquant de comparer le peuple à un enfant, ni d'envisager notre ignorance des affaires et de leurs complexités, ni de concevoir que beaucoup d'aspects du gouvernement d'un état réclament une grande compétence. Dans sa réflexion sur la démocratie, Montesquieu rappelle qu'elle exige des citoyens de grands efforts et une éducation particulière, où l'amour du bien public et le sacrifice de soi à l'intérêt de tous doivent être enseignés aussi bien par la famille que par l'école (" mais la vertu politique est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très pénible ", De l'esprit des lois, IV, 4-5). Voyez aussi ce qu'écrit Paul Veyne dans son Empire gréco-romain, où il apparaît que la démocratie est un régime de pénibles devoirs, beaucoup plus que de droits. Je me demande parfois si je ne préfère pas mon inaction politique, mon désintérêt et mon ignorance des affaires, dérobades à mes devoirs de citoyen d'une démocratie, à un engagement dans des débats, combats et causes qui m'inspirent beaucoup de répugnance.
18 février 2009, 10:06   Re : Etymologie
(...) Un mot que l’on assigne à résidence dans son sens le plus catastrophique, qu’il l’ait ou pas occupé historiquement. C’est Nietzsche qui avait systématisé, dans sa démarche généalogique, le recours à l’étymologie. Les mots pourtant échappent au déterminisme de leur naissance, comme ils échappent aussi [sic] à celui de leur histoire. Nous avons franchi un cap, nous en sommes arrivés à une génétique du malheur. Il n’est plus un mot que vous puissiez employer qui n’ait révélé un jour ou l’autre sa part maléfique. Aujourd’hui, on vous surdétermine le mot “race” ou le mot “cosmopolite”. Demain, on n’oubliera pas de se souvenir que les nazis appelaient leur mère “maman”. Prononcés dans la bouche de tout petits enfants, ça ne vous rappelle rien ? Moi si. La connotation rend sourd et condamne la langue à ne plus être qu’un catalogue abject de termes effroyables. Hölderlin avait bien raison de nous prévenir : “Le libre usage du propre est la chose la plus difficile.”


(extrait d'un article de François Miclo, dans Causeur)
18 février 2009, 10:12   Re : Etymologie
la démocratie est un régime de pénibles devoirs, beaucoup plus que de droits

Cher Henri, vous n'avez aucun avenir dans la démagogie !
Les articles de Causeur sont toujours plaisants à lire, mon cher Francmoineau, mais après tout, ils sont écrits par des journalistes, pour beaucoup. Je n'ai jamais considéré l'étymologie d'un mot comme un déterminisme, ni ne me sers de l'histoire d'un mot pour le dénoncer, comme on dit à gauche. Toutefois, il est bien utile de mesurer les dérivations de sens qui l'affectent, car elles sont très révélatrices de l'évolution des moeurs. Toute l'entreprise du site Nouvelle Langue Française est un déchiffrement des sens nouveaux, qui rappelle cette maxime confucéenne selon laquelle il est bon de connaître le sens correct des mots, afin de savoir exactement pourquoi on sera puni (en substance).
18 février 2009, 13:39   Re : Andragogie, pourquoi ?
Mais oui, cher Francis, c'est tout à fait cela.
"Mal nommer les choses c'est ajouter au malheurs du monde" disait l'autre Camus. L'empire du Bien s'est arrogé entre autres pouvoirs le ministère de la Parole. Il bat monnaie sémantique comme les rois battaient monnaie métalllique : il change à sa guise le sens des mots : "racisme" pour instinct de conservation ou défense pacifique de sa patrie, "incivilités" pour délits, "flux migratoire" pour invasion, "révoltes" ( connotées "saines" ) pour ce qui relève de pogroms, "martyrs", "kamikases" ou "résistants" pour bouchers, manipulés ou non, de civils innocents, "rebelle" pour conformiste, etc. ; ou, comme pour "race", "nation" "étranger", les affecte, au gré de ses humeurs et de ses règlements de comptes du moment, d'un coefficient négatif ou positif qu'ils n'ont jamais eu.
Utilisateur anonyme
18 février 2009, 14:36   Re : Communiqué n° 823 : Sur la prétendue "pédagogie"
Ce qui me révolte le plus , plus que la "novlangue" , est l'embrouillamini des lois et/ou traités .
L'UE ressemble de plus en plus à Rome : on ne saura bientot plus quelle loi y est applicable.
On dirait que les juristes européens se moquent de nous en nous disant que le droit doit être clair, alors que nos constitutionalistes ne sont meme pas capables de s'entendre sur la question de savoir si tel texte est un traité ou une constitution.
Et les rafles, chère Cassandre ? Il me semble que vous oubliez les rafles.
Ah, oui ! cher Francmoineau. Comment ai-je pu oublier les rafles ? !
Utilisateur anonyme
19 février 2009, 17:28   Re : Communiqué n° 823 : Sur la prétendue "pédagogie"
Et populo, je n'en suis toujours pas revenu.
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