Tout de même (c'est moi qui souligne) :
Ministère, ministre Administration, Féminin, Majuscule.
« Plusieurs ministères s’étaient succédé,
sensiblement pareils, d’une nuance assez
pâle, couleur fleur de pêcher. En les voyant
se remplacer, on se rappelait le mot d’une
femme d’esprit congédiant sa cuisinière :
“Rose, je vous renvoie ; à partir de demain,
vous vous appellerez Lise.” »
Édouard HERRIOT, Jadis.
« Il n’y a pas de gouvernements populaires.
Gouverner, c’est mécontenter. »
Anatole FRANCE, Monsieur Bergeret à Paris.
••• Pas de majuscule à ministre ni à ministère, ils n’y ont pas droit, mais majuscule au complément : le ministre des Transports, le ministère de l’Intérieur. C’est normal :
rappelons que le président de la République se contente, depuis quelques décennies, de la minuscule (mais pas la Présidence de la République).
Complément : majuscule aux substantifs et aux éventuels adjectifs qui les précèdent, minuscules aux adjectifs postposés : le ministre ou le ministère des Anciens Combattants, le ministre ou le ministère des Affaires étrangères.
Cette règle est celle qui s’applique aux organismes d’État multiples (il y a plusieurs ministères). Ces graphies sont judicieuses. Un ministère est confié à un ministre ; on imagine mal d’avoir à écrire {le Ministère de l’agriculture} et le ministre de l’Agriculture.
Le « tout capitale » s’oppose à l’esprit et au goût typographiques français. Le « tout bas de casse » est une fumisterie.
Code typ. 1993, Girodet 1988, Grevisse 1986, Impr. nat. 1990, Larousse 1992, Robert 1985, Thomas 1971.
Doppagne 1991, Grevisse 1975 [le Ministère de la Justice], L’Hoest & Wodon 1990.
Depuis quelques années, le Journal officiel et le Monde écrivent [le ministre de l’éducation nationale, le ministère de la défense], le premier ministre. La suppression aveugle des majuscules n’est pas moins ridicule que leur emploi intempestif.
La métonymie impose la majuscule initiale aux substantifs et aux éventuels adjectifs antéposés : la Place Beauvau a encore fait des siennes (mais : le ministère de l’Intérieur est situé place Beauvau) ; mon voisin travaille au Quai et mon cousin, sur les quais.
Exemples. — Le Conseil des ministres, le garde des Sceaux, le ministre ou le ministère de la Défense nationale (de l’Éducation nationale, des Finances, de la Santé publique, etc.), le ministre ou le ministère des Anciens Combattants, le ministère des Affaires étrangères, le Quai d’Orsay, le Quai, le ministre délégué, le ministre d’État, le secrétaire d’État, le président du Conseil (IVe République).
Premier ministre (Ve République)
Statistiquement, le Premier ministre l’emporte mais le premier ministre n’est pas fautif (adjectif antéposé). L’usage, la subtilité et la déférence imposent une majuscule que la logique aurait volontiers interdite. Va pour le Premier ministre !
Girodet 1988, Larousse 1992, Micro-Robert 1990, Robert 1993, Thomas 1971.
Berthier & Colignon 1991, Hanse 1987, le Monde.
La majuscule est cautionnée par l’usage, par les lexicographes et les juristes, voire par l’histoire : le Premier consul avait déjà donné le mauvais exemple. En outre, elle établit un équilibre graphique plaisant : le président de la République et le Premier ministre.
Réservée (en France) aux chefs de gouvernement de la Ve République (IVe : président du Conseil), elle est précise : Michel Debré fut le premier Premier ministre de la Ve République. Elle élimine les interprétations fâcheuses : le premier ministre venu. En revanche, l’adjectif antéposé fournit un argument aux partisans de la minuscule. Le premier de nos ministres — et avec lui ses services — peut de toute façon s’offrir une majuscule indiscutable par métonymie : Matignon.
••• Dans un texte, un livre, un organe de presse, quel que soit le parti adopté, il convient de s’y tenir : l’alternance est ici inadmissible.
Exceptions. — Depuis 1958, le Ministère (l’ensemble des ministres, le Gouvernement) est vieilli mais toujours correct…
La France républicaine peut admettre Premier Ministre dès lors qu’il s’agit de celui du Royaume-Uni ; le Premier (substantif) est en revanche un anglicisme à proscrire.
Apposition
Minuscule, pas de trait d’union, marque du pluriel : du papier ministre, des bureaux ministres.
Féminin
Madame le ministre.
Robert 1993.
Féminisation 1994 {la ministre}.
Pour Thomas 1971, le féminin « ministresse » est familier. Il est surtout grotesque et évoque dangereusement, pour les franglophones, une petite tension psychologique (voir : Féminin).
À Typographie, le 1er juin 2000.
O. RANDIER : Étonnement de mon éditeur. Pour me justifier, je saisis mon Hyène pour confondre l’impétrant… et constate avec stupeur que l’on y écrit « le Premier ministre ». Il y a sûrement une explication limpide et évidente, mais j’avoue que je patauge. JiPé, tu pourrais m’expliquer clairement pourquoi, là, on ne met pas de cap à ministre ?
On ne met jamais de cap à « ministre »… sauf quand on s’adresse personnellement à un ministre que l’on respecte ou dont on souhaite obtenir quelque chose…
Quant au premier d’entre eux, la graphie particulière de sa fonction est cautionnée par une tradition qui remonte loin. Qui s’étonne du Premier consul ?
Il est vrai que c’est une entorse à une tendance lourde (« malaise face à la décapitalisation du substantif derrière un adjectif capitalisé »)… mais elle en respecte une autre, bien souvent contradictoire dès lors qu’il ne s’agit plus de lieux, d’institutions ou d’événements, mais de personnes : le peu de goût des Français républicains pour la multiplication flagorneuse des majuscules dans la graphie des titres et des fonctions.
Et puis, y a l’équilibre institutionnel… Le président de la République n’a droit qu’à une cap (tu me diras qu’aujourd’hui c’est encore trop…) ; en face, un « Premier Ministre » la foutrait mal… La graphie « premier ministre » a ses partisans, mais elle est à la fois maigrelette, ce qui n’est pas bien grave, et surtout ambiguë : « Qui sera le premier ministre capable de réformer la typographie ? » Cela suffit à la condamner définitivement.
O. RANDIER : Encore que… J’ai quand même un (petit) problème avec les ministères : le « ministère des Affaires sociales » n’est-il pas un organisme unique à caractère national ? Certes, il y a plusieurs ministères, mais il n’y a qu’un seul ministère des Affaires sociales, non ?
L’unicité est un des critères traditionnels les plus difficiles à manier, puisqu’il n’est pas d’ordre linguistique ou typographique : il est intégralement fondé, en supposant qu’il soit valide en toutes circonstances (ce qui est loin d’être certain…), sur la connaissance de l’objet et en particulier de son statut. Il ne faut faire appel à lui qu’en dernier recours ! Avant, autant poser le problème en termes strictement typographiques…
Si tu accordes la cap au générique, tu dois l’enlever au spécifique (sauf à accepter de multiplier hideusement les caps)… et alors là, problème ! Tu vas te retrouver avec un Ministère des affaires sociales et… un ministre des Affaires sociales… Mieux, quand tu feras sauter le générique (ce qui est fréquent avec certains grands ministères comme les Affaires étrangères ou l’Intérieur), tu seras dans une belle merde… avec des caps sauteuses, alternatives, incohérentes, bordéliques… Bref, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes typographiques, mais avant de déplacer les bornes anciennes que nos pères ont posées, s’agit de faire gaffe aux conséquences de notre inconséquence pressée…