" Le 13 janvier 1533, alors que l'affaire des Placards contre la Messe, qui a éclaté au mois d'octobre précédent, rebondit à l'occasion d'une nouvelle campagne de libelles blasphématoires, François I, dans le but d'enrayer les progrès galopants de l'hérésie, en vient à prendre la décision, absurde en apparence, de supprimer l'imprimerie. Les bûchers, le brûlement d'hérétiques par dizaines, et les processions expiatoires, dont le roi lui-même va prendre la tête à Paris le 21 janvier, escorté de toute la noblesse de France et de milliers de porteurs de torches, ne suffisent plus. Il faut en finir avec le livre, cause de tous les maux. Il est donc interdit d'imprimer dorénavant quoi que ce soit. La mesure, qui non seulement allait à l'encontre de toute la politique culturelle menée par le roi depuis son avènement, mais qui s'opposait plus encore à un mouvement de fond à l'échelle de l'Europe entière, fut rapportée un mois plus tard, le 26 février. (...) Imagine-t-on François I en empereur de Chine, souverain d'une puissance isolée de ses voisines et vivant dans la méconnaissance du reste du monde? Alors le royaume aurait replongé pour des siècles dans les ténèbres "gothiques" dont il se flattait tout juste d'être sorti. Le mérite d'une chrétienté divisée et déchirée par de perpétuels conflits était de fomenter entre nations rivales une émulation constante du savoir et des idées, et de ne laisser aucune à la traîne, en dehors du mouvement général. "
Frank Lestringant,
XVI°s, La Renaissance à reculons, in
La littérature française: dynamique et histoire, tome I, Folio p. 258.
Une anecdote : tout heureux d'avoir trouvé ce passage, j'en parle au premier collègue qui passe, et qui me répond qu'en effet, l'émulation des Européens pour l'oppression du reste de la planète n'a pas eu d'égale. Certes, certes, mais... Peut-être est-ce un tort de parler, après tout.