Le site du parti de l'In-nocence

Altérophiles

Envoyé par Henri Rebeyrol 
05 mars 2009, 09:56   Altérophiles
L'altérophile ne soulève pas des haltères; il ne gonfle pas ses muscles, il ne fait pas dans le culturisme, mais dans la culture. Chercheur dans une des innombrables universités du monde, il a choisi comme objet d'étude le même objet d'étude que tout le monde : l'autre (écrit de préférence avec un A majuscule : l'Autre), l'altérité, la rencontre, la connaissance, la découverte de l'Autre - non pas "des autres", qui sont l'Enfer comme chacun sait, ni d'autrui, qui fait morale d'école communale ou universel catégorique.

Il ne se passe pas de mois sans que soit annoncée la tenue d'un colloque, d'un symposium, d'une journée d'études, d'un séminaire, etc. sur l'Autre. L'Autre est décliné (ou conjugué) à tous les temps, modes, voix, genres, nombres, personnes, etc. de la langue : la rencontre de l'Autre dans l'Antiquité méditerranéenne (de dix à quinze siècles d'histoire), dans l'Empire britannique, au XVIe siècle, pendant la colonisation, dans la littérature moderne, pendant le Moyen Age, dans la Méditerranée islamique (cf. le livre de Mme Dakhlia, Lingua franca, Actes Sud, 2009 : lingua franca étant la langue de l'échange, de l'altérité, de la reconnaissance de l'Autre), etc. etc. etc. Historiens des idées, anthropologues, littéraires, historiens, médiévistes, linguistes, hispanisants, anglicistes, arabisants, spécialistes de l'Andalousie, sociologues, etc. tous s'assoient à la même table où ils mangent la même soupe depuis dix ou quinze ans.

Le sujet est-il si neuf ou si nouveau pour mériter autant de travaux, communications, publications, etc. et faire se réunir autant de savants ? Absolument pas. Le livre de M. Ricoeur sur le sujet (Soi-même comme un autre) date du début des années 1990; l'article de Benveniste sur je et tu (moi et l'autre) dans les discours, de 1970; le livre de Jaulin sur le culte rendu à l'Autre (La Mort Sara), du début des années 1960; Tristes Tropiques, où la question de la découverte de l'altérité est posée avec lucidité, du milieu des années 1950; la thèse de Carré (Jean-Marie ?) sur les Voyageurs occidentaux en Orient, du milieu des années 1930; les thèses de littérature comparée sur ce sujet ou des sujets voisins, du début du siècle dernier. Depuis la fin des années 1960, il n'est pas d'éditeur qui ne publie pas de volumineuses anthologies de récits de voyageurs (en Orient, en Amérique, en Asie) ou des collections de récits de voyageurs : même le très savant Institut Français d'Archéologie Orientale du Caire, qui forme des chercheurs en égyptologie, a publié, pendant près de vingt ans, la quasi totalité des récits écrits par des occidentaux ayant voyagé en Egypte entre le XIVe siècle et la fin du XVIIIe siècle. Sans parler des ouvrages d'anthropologie (Mead, Fraser, Malinovski, Leiris, Mauss, etc.) publiés dans presque toutes les langues du monde depuis un siècle ou plus.

Il n'est donc pas de sujet mieux connu, plus rebattu, plus profondément labouré que celui de la connaissance, rencontre, découverte de l'autre (variante : étranger, sauvage, primitif, indigène, etc.), à quelque époque de l'histoire (toujours celle de l'Occident) que ce soit, dans quelque lieu du monde que ce soit.

Que signifie le ressassement, depuis vingt ans ou plus, de ce même sujet de recherche ? Que la recherche et la singularité critique ne font pas bon ménage ? Certes. Les habiles s'en doutent quelque peu. Que la recherche dans les sciences humaines et sociales se caractérise surtout par des formes moutonnières et qu'elle n'emprunte (quasiment) jamais les chemins de traverse ? Certes aussi. Que, comme l'écrit Muray, les chercheurs tiennent plus des mutins de Panurge que des découvreurs de continents ? Certes. Que, comme l'écrit Montaigne, nous ne faisons que nous entregloser ? Certes aussi.
Or, cet unisson des chercheurs n'est pas nouveau. Il a été l'hymne officiel d'autres climats, dans les pays de l'Est, en Chine et dans l'ancienne URSS, pendant un demi-siècle, quand le Parti (toujours le même) ou son Comité central décidait d'un thème de propagande ou d'agit prop et obligeait tous les fonctionnaires du Parti et de l'Etat, tous les universitaires, tous les chercheurs, etc. à dévider jusqu'à plus soif (souvent contre leur gré) le même fil, pendant dix ou quinze ans, sans s'écarter d'un iota de la ligne ni franchir les bornes imposées.
Le problème est que les chercheurs d'Occident ne sont pas placés sous le coupe d'un Parti unique qui impose, menace, censure, décrète, assène, etc. Ils ne sont pas aux ordres, et pourtant ils entonnent le même hymne ou ils jouent le même air usé de serinette, comme s'ils avaient fait leurs, de leur plein gré, en toute connaissance de cause, les mots d'ordre, slogans, objectifs de la propagande ou de l'idéologie dominante, celle des médias, des associations culturelles sans autre but que lucratif, des maîtres à penser... Dans les pays de l'Est, la servitude jadis était la loi d'airain dont on ne se libérait que dans les fors intérieurs; dans les universités d'Occident, elle est sur le forum.
05 mars 2009, 11:00   Re : Altérophiles
Tout à fait vrai. Mais après le descriptif on piétine, attendant l'explicatif qui se cache comme par malice. Il n'y a pas de parti unique, il n'y a pas de système répressif, de camps de rééducation... On serait dans un cas de servitude volontaire ? Alors comme des enfants on dira "pourquoi ?" et la réponse sera ..."parce-que" ? ?
05 mars 2009, 11:43   Re : Altérophiles
Je pense que nous sommes entrain de fonctionner comme fonctionnent, par exemple, les sociétés islamiques, par intimidations insidieuses, par menaces sournoises de représailles, par crainte de prendre le moindre risque , ne serait-ce que celui de soutenir les rares à les prendre, par peur du qu'en dira-t-on et de cette formidable mise au pilori moderne que peut être la télévision et, hélas, par peur, de plus en plus, de peines de prison prévues par la loi. Si la vigilance des Français n'avait pas été mise en sommeil par les fables de la propagande "altérophilique" et "xénagogue" , propagande qu'aucune époque n'a connu en raison du formidable appareil médiatique moderne, nous n'en serions sans doute pas là. Mais ceux qui se réveillent aujourd'hui, s'aperçoivent que le piège est désormais trop au point pour qu'ils puissent y échapper.
05 mars 2009, 12:26   Re : Altérophiles
"La France vit-elle en situation de pratiques de lois d’exceptions généralisées (camps d’internement, expulsions massives quotidiennes), de pratiques terribles d’arbitraires (tortures systématiques, massives, corvées de bois, disparitions de personnes….) ?"
Telle est la question que pose, le plus sérieusement du monde, Benjamin Stora sur son blog domicilié chez le site Médiapart [http://www.mediapart.fr/club/blog/benjamin-stora] de notre ami Plenel, après la lecture du dernier chef d'oeuvre universitaire relevant du champ des études dites post-coloniales, L'ennemi intérieur, d'un certain Mathieu Rigouste.
Depuis quelques temps, la nouvelle mode universitaire est aux études post-coloniales, lesquelles consistent à analyser la société française, et notamment le sort, insoutenable, cela va sans dire, infligé aux populations immigrées ou d'origine immigrée, au travers d'une grille d'analyse postulant la persistance, la prégnance du passé colonial de la France dans les représentations de la classe dirigeante et d'une grande partie de la population, européenne, cela va sans dire : en gros, dans la continuité des guerres contre-insurectionnelles, les populations des "quartiers" sont désignées comme le nouvel ennemi intérieur et justiciable d'une politique étatique de contrôle voire de terreur. Nous n'en sommes qu'au début de la floraison de ce nouveau champ, mais les premières pousses laissent augurer des récoltes qui promettent. Que l'on en juge en lisant Olivier Le Cour Grandmaison qui vient de publier, chez Fayard, après Coloniser, exterminer, qui comparait la colonisation à une politique génocidaire, La République impériale, qui dresse un parallèle saisissant entre la Troisième République et le Troisième Reich. Mais, je crois qu'avec le livre, susmentionné, de Mathieu Rigouste, au vu du résumé et du sommaire disponibles sur le site de la Découverte, [http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L_ennemi_interieur-9782707153968.html] le délire atteint des proportions stratosphériques. Je crois qu'au regard de ces néochercheurs, les Sartre, les Althusser, les Foucault, étaient des modèles de pondération, d'honnêtes radicaux-socialistes en quelque sorte.
05 mars 2009, 12:40   Re : Altérophiles
Merci pour l'adresse du blog de Stora. Si même lui, qui fut un des chefs de file des amis du désastre, commence à se poser des questions, c'est que la situation est grave.

L'histoire relatée précédemment de la perquisition opérée dans les locaux d'une société de production audiovisuelle après la diffusion d'un reportage par Canal + sur les Créoles martiniquais montre que l'on s'approche insidieusement mais tout de même à grand pas d'une forme beaucoup moins molle de totalitarisme.

Il faut réécouter la fin de l'extrait du premier discours de Sarkozy dans [url=
]ce montage.[/url]
05 mars 2009, 12:41   Re : Altérophiles
Mais qu'est-ce qui pousse ces chercheurs à abdiquer à ce point toute honnêteté intellectuelle, tout sens élémentaire de l'honneur, à refuser d'envisager les conséquences mortifères de leurs propos, véritables incitations, à force , aux pogroms anti blancs ?
05 mars 2009, 12:45   Re : Altérophiles
Cher Marcel,
si Stora répond par la négative, il n'est reste pas moins que la question est posée ; qu'elle mérite, selon lui, d'être posée, après la lecture de l'ouvrage de Rigouste, qui fut auparavant, je le précise, une thèse de doctorat.
05 mars 2009, 12:54   Re : Altérophiles
Finkielkraut, chère Cassandre, parlait de pogrom anti-républicain pour qualifier les émeutes du mois de novembre de l'année 2005 ; ces chercheurs les qualifient, pour leur part, de révoltes post-coloniales et les appellent de leurs voeux. Pour eux, qui n'ont pas eu un mot à l'époque pour les victimes de ces "révoltes", les morts constituent les faux frais de la lutte contre les relégation, discrimination, racisation, marfinalisation, stigmatisation dont sont victimes les habitants des kartiépopulères.
05 mars 2009, 12:58   Re : Altérophiles
Cher Petit-Détour, je viens de lire le compte-rendu de Stora et les commentaires qui l'accompagnent. C'est à la fois consternant et hilarant. Je n'interprète pas du tout le papier de Stora comme vous. Sa question est purement rhétorique et il s'empresse d'écrire que Mathieu Rigouste est plus subtil que cela ; sa critiques de la thèse est favorable et c'est bien ainsi que l'ont comprise tous les lecteurs qui ont posté un commentaire. Il faut lire ces commentaires car ils représentent magnifiquement la pensée selon laquelle le "pouvoir" sarkozyste est un fascisme néocolonial qui applique aux immigrés exactement les mêmes méthodes que celles, dont l'infamie est absolue, que la France appliquait naguère dans l'empire. Ces gens vivent totalement, absolument, dans la fiction. Pour revenir à la réalité, il faut écouter le morceau de discours de Sarkozy que j'ai mis en ligne plus haut dans ce fil.
05 mars 2009, 13:13   Re : Altérophiles
Cher Marcel, il faut lire le résumé et surtout la table des matières du libelle [sur le site de La Découverte] pour se rendre compte que Rigouste est tout sauf subtil. J'ignore si Stora use d'une figure de rhétorique mais le fait même que la question soit posée, fût-ce pour y répondre par la négative, en dit long sur les délires d'une certaine intelligentsia (qui, je rassure Cassandre, n'est pas lue dans les banlieues : nos entrepreneurs ont autre chose à faire qu'à se coltiner du Rigouste).
Pour information, sur l'excellent site "Etudes coloniales", une critique très dure de Pierre Vidal-Naquet et de Gilbert Meynier du livre "Coloniser, exterminer" que je mentionnais dans ma première intervention.
[etudescoloniales.canalblog.com]
05 mars 2009, 13:44   Re : Altérophiles
Mais "la syntaxe, c'est l'autre dans la langue" , non ? Il y a "autre" et "autre", et JGL a mille fois raison de signaler la captation idéologique et politique de la catégorie de l'altérité ô combien digne du souci philosophique de Platon à Levinas ou Ricoeur... Finkielkraut avait écrit, à ce sujet "Au nom de l'autre"... C'est en effet d'un piratage d'une catégorie philosophique par la pensée unique, sans autre, qu'il s'agit.
05 mars 2009, 14:26   Re : Altérophiles
"ces chercheurs les qualifient, pour leur part, de révoltes post-coloniales et les appellent de leurs voeux. Pour eux, qui n'ont pas eu un mot à l'époque pour les victimes de ces "révoltes", les morts constituent les faux frais de la lutte contre les relégation, discrimination, racisation, marfinalisation, stigmatisation dont sont victimes les habitants des kartiépopulères."
J'entends bien. Ce que je ne comprends pas c'est le pourquoi du ressentiment qui pousse ces gens à faire des occidentaux les juifs et les parias du monde . Ou ils sont sincères et ce sont des ignares irresponsables ne connaissant rien à l'Histoire, incapables de comparer et de relativiser ; ou ils savent et, donc, mentent sciemment, et ce sont des salauds. A quelles fins condamner, hier, la colonisation occidentale, pour justifier l'actuelle, bien pire puisque irrémédiable, que subit l'occident ? Veulent-ils remettre à l'honneur l'imbécile et archaïque loi du talion ? Pourquoi, alors, ne pas appeller nos conquêtes africaines une riposte post-coloniale aux invasions musulmanes ?
05 mars 2009, 14:35   Re : Altérophiles
Citation
Mais ceux qui se réveillent aujourd'hui, s'aperçoivent que le piège est désormais trop au point pour qu'ils puissent y échapper.

Hélas et même le travailleur intellectuel qui voudrait, par honnêteté et respect de la vérité, aller à contre-courant se garde bien de le faire car sa famille, sa carriére et sa réputation sont en jeu.
05 mars 2009, 14:40   Re : Altérophiles
Citation
A quelles fins condamner, hier, la colonisation occidentale, pour justifier l'actuelle, bien pire puisque irrémédiable, que subit l'occident ?

Ah chère Cassandre vous êtes la voix de la raison. Autrefois on parlait de l'Or juif et aujourd'hui pourquoi ne parle-t-on pas de l'Or arabe ?

Pense-t-on que nos élites ne sont pas vénales ?
05 mars 2009, 14:40   Re : Altérophiles
"les morts constituent les faux frais de la lutte contre les relégation, discrimination, racisation, marfinalisation, stigmatisation dont sont victimes les habitants des kartiépopulères."
Sont-ils prêts, ces idéologues à faire partie de ces faux frais, ou ont-ils déjà leur stratégie de repli , de mise à l'abri quand leurs compatriotes se feront massacrer dans les rues ?
Dans le monde anglophone (dans cet exemple, au Canada), l'altérité porte le joli nom aux consonances beaudelairiennes de otherness. Le discours sur l'otherness est bien entendu strictement semblable - un frère jumeau - à celui qui se dispense dans les universités françaises sur l'altérité cotée plus plus. Aucune altérité n'atteint donc, ne vient ternir, le discours sur l'altérité, qui en demeure inaltérable - toute variante dans le discours sur l'altérité est, par principe non écrit, prohibée. L'altérité, comme on s'en rend compte à la lecture de cet exemple, offre ainsi un front uni et uniforme de part et d'autre de l'Atlantique; elle se présente, à l'instar de son extension collective visible la diversité, comme un terrifiant glacis idéologique du même.

I C I
05 mars 2009, 16:39   Re : Altérophiles
A propos des causes de l'altérophilie et des adhésions massives qu'elle rencontre, ne peut-on supposer que plus la situation est complexe, et les potentialités qu'elle recèle dangereuse, plus se manifeste une attirance vers un prêt à penser commode qui permet d'éloigner fictivement la menace sous-jacente ? De le sorte on pourrait penser que l'adhésion croit en proportion du danger confusément perçu tout en contribuant à le renforcer. Quand on chantait "Tout va très bien, Madame la marquise", il y avait des "mais", désormais l'altérophilie s'emploie à les faire disparaître, par l'unique moyen de sa propagation. Plus de danger si l'autre ne peut être qu'aimable. Et s'il ne cesse donc de l'être qu'en proportion de notre insuffisante altérophilie, nous savons alors quoi faire.
« A quelles fins condamner, hier, la colonisation occidentale, pour justifier l'actuelle, bien pire puisque irrémédiable, que subit l'Occident ? »

Je suis toujours étonné, et flatté, de voir à quel point Cassandre et moi marchons sur les mêmes pistes. Je me permets de verser au dossier un extrait de mon Journal 2006, à paraître ce printemps (L'Isolation), mais je ne sais pas si le passage ci-dessous arrivera à se glisser jusqu'à l'imprimerie puis aux librairies :

« La contre-colonisation, pour les pays contre-colonisés, est bien plus terrible que le fut jamais la colonisation pour les pays colonisés. La colonisation, en effet, portait un peu abusivement son nom, dans la plupart des cas. Elle n'avait rien à voir avec ce que l'Antiquité grecque entendait par le terme, ni avec le phénomène évoqué par Aristote, qui d'ailleurs le désapprouve hautement parce qu'il le voit porteur d'immarcescibles violences entre peuples étrangers l'un à l'autre sur un même territoire. S'agissant de la France, par exemple, et à la possible exception partielle de l'Algérie, on avait plutôt affaire à une simple, si l'on ose dire, conquête, à une annexion, à la constitution d'un empire. Cette colonisation qui n'en était pas une, c'est-à-dire qui n'impliquait pas de transfert de peuple, ne pouvait pas durer et d'ailleurs elle n'a pas duré — trois-quarts de siècle à peine, en moyenne.

« La contre-colonisation, elle, en revanche, est une vraie colonisation. Elle implique vraiment, à terme, et elle constitue déjà, en grande partie, la substitution d'un peuple ou de plusieurs peuples à un autre. Elle est sans recours, et elle ne pourra qu'être hautement célébrée par l'histoire, puisque l'histoire, comme toujours, sera écrite par les vainqueurs, qui resteront seuls. Ils auront vaincu sans combat — le président Boumedienne avait prévenu, avec une clarté dans l'exposé des desseins qui rappelle quelque chose : nous conquerrons par la natalité.

« (Quand on pense que l'Algérie tout juste indépendante — parfaitement comprise en cela, sinon approuvée, à l'époque, par le reste du monde, a estimé que la présence d'un million deux cent mille colons sur son territoire n'était pas compatible avec sa liberté et avec son identité, et les a jetés à la mer en trois mois !) »
05 mars 2009, 19:04   Re : Altérophiles
Voilà qui est bien alléchant.

Permettez-moi de revenir à Stora. Prenez ceci, extrait d'un des commentaires à la recension de la thèse de Mathieu Rigouste écrite par Stora :

« La France n'a pas fait le deuil de ses colonies et particulièrement de sa dernière l'Algérie. Par conséquent, dans une logique de continuité territoriale et mentale avec l'ex-colonie phantasmée, elle a favorisé la création en son sein, du contexte adéquat afin d'assouvir son besoin de domination. Ce qui légitime à ses yeux, les lois d'exceptions (code de l'indigénat, regroupement de population, punition collective, contrôle d'identité aux faciès, expulsion massive d'immigrés...). »

Voilà une personne savante, un universitaire probablement, qui écrit en un français correct des imbécillités tellement incroyables qu'on dirait une parodie, une caricature. Mais non, c'est très sérieux. Nous, les Français, avons un tel regret de notre empire que nous n'avons de cesse que nous ne l'ayons recréé en métropole grâce à nos indigènes de la République sur lesquels nous pouvons impunément continuer de nous livrer à nos perversions bien connues.
05 mars 2009, 19:05   Re : Altérophiles
C'est d'une très grande perversité, en effet, et pour le coup, on est bien dans le "masochisme occidental" (Bruckner).
05 mars 2009, 19:06   Re : Altérophiles
Il n'est pas sûr que l'histoire, ou que toute l'histoire, soit toujours écrite par les vainqueurs. Ce fut justement l'un des intérêts des otherness-studies que de découvrir des discours historiques de vaincus. La consolation est médiocre, je l'avoue.
05 mars 2009, 20:05   Re : Altérophiles
Oui, c'est vrai, encore que si je comprends la logique de la discussion, les victimes soient devenues les vainqueurs (à l'âge de la victimophilie).
05 mars 2009, 20:31   Re : Altérophiles
Je ne pense pas que nous soyons confrontés à une contre-colonisation réelle. Il me semble que celle-ci ne peut se réaliser qu'avec la force d'un Etat ou de plusieurs Etats poursuivant consciemment cet objectif ou bien avec celle d'un mouvement fortement organisé. Les seuls qui mènent ce combat sont les islamistes voulant restaurer le califat.

Il me semble qu'on pourrait rendre compte du problème par la mondialisation- avec la facilité des déplacements qui l'accompagne-le retard économique, et le caractère dictatorial des régimes existant dans les pays que nous avons colonisés (et dans les autres) favorisant la fuite des habitants. A ceci il convient d'ajouter notre responsabilité de peuple qui, on ne sait vraiment pour quelles raisons, s'est trouvé fasciné par l'idéologie de l'homme blanc coupable de tous les maux. N'est-ce pas plutôt cette idéologie que nous avons nous-mêmes infusée à nos migrants, en les dédouanant de toute obligation d'intégration qui fait qu'ils imputent leur échec social relatif à une domination persistante ainsi que nous-mêmes le leur suggérons. Cette analyse ne diminue pas l'importance du problème et les difficultés pour le résoudre.
05 mars 2009, 21:11   Re : Altérophiles
Il est pourtant patent que "l'installation de la Diversité" s'opère au mépris des primo-occupants (les "de souches" puisqu'on les appellent ainsi) - et que ce mépris, qui se fonde sur une méconnaissance assumée, heureuse, de l'histoire, des coutumes et de la culture des populations hôtes, et qui ne voit en elles que du blanc, est typique d'une colonisation de peuplement.

Cependant ce projet de contre-colonisation est opportuniste, et vous avez raison de souligner qu'il n'est ni planifié, ni concerté, ni orchestré par des puissances (enfin, pas absolument) extérieures au pays d'accueil.
05 mars 2009, 21:46   Re : Altérophiles
Je n'ai jamais supposé qu'il le fût. Cependant ces éléments-là ne sont pas essentiels au concept de colonisation, au sens qu'il avait dans l'Antiquité grecque. Ce qui compte, c'est le transfert de population.
Utilisateur anonyme
05 mars 2009, 22:42   Re : Altérophiles
Incidemment, on trouve aujourd'hui dans le New York Times un article sur les enjeux mémoriels de la guerre d'Algérie, où Benjamin Stora est cité.
Il transparait une sorte de baroud d'honneur pieds-noir en France ces temps-ci, où les anciens français algériens dressent des pierres commémoratives et ouvrent des musées, avant que la fatalité démographique d'une France recomposée ne les submerge et les chasse de la mémoire collective.

Benjamin Stora, a historian of French Algeria, himself a descendant of Algerian Jews, put it this way: “There is a crisis of French national storytelling, in that France historically has seen itself as a place of assimilation and integration, but now minorities want to question that story. That’s partly what the riots were about. And in this climate, the pieds noirs, who look back with nostalgia on the colonial days before the war in Algeria” — an era, Mr. Stora was careful to emphasize, when Algerian Muslims did not have equal rights — “they want to be seen as guardians, keepers of a bygone French nationalism, of Jacobinism.”
05 mars 2009, 22:49   Re : Altérophiles
La colonisation à l'époque moderne ayant été pensée politiquement, la notion de contre-colonisation laisse supposer qu'il s'agit peu ou prou de la même réalité,mais en sens inverse, et que les migrants chercheraient en venant à imposer leur culture. La citation de Boumédienne me conforte dans cette interprétation..
05 mars 2009, 22:58   Re : Altérophiles
Les représentants, les idéologues, les personnalités emblèmatiques de la gauche sont aujourd'hui des gens "riches" qui préfèrent fréquenter les "peoples" plutôt que le "populo". C'est de ça qu'ils ont mauvaise conscience, dont ils se sentent coupables. L'esclavage, la colonisation, ne sont que des leurres, même s'ils ont fini par y croire. En vérité, ce peuple qu'ils ont trahi les gêne. Ils veulent s'en débarrasser soi disant pour son racisme, son fascisme, son intolérance, comme on souhaite se débarrasser d'une épouse qui n'a en rien démérité mais qui ne charme ni n'excite plus, en lui reprochant le désintérêt que l'on a pour elle, et en lui trouvant tous les défauts imaginables alors qu'elle n'a pas changé. N'importe quelle femme simplement "différente", à plus forte raison plus jeune ou plus belle, apparaîtra alors comme la solution idéale de remplacement, de même que n'importe quel peuple, simplement "différent", à plus forte raison plus jeune ou plus beau, fera l'affaire à la place de l'ancien.
Utilisateur anonyme
05 mars 2009, 22:59   Re : Altérophiles
Altérophilie dans les Mémoires d'outre-tombe comme prémisse de la Révolution. Quelques subsitutions actualisent à bon compte ces observations.

"Le prêtre, en chaire évitait le nom de Jésus-Christ et ne parlait que du législateur des chrétiens ; les ministres tombaient les uns sur les autres ; le pouvoir glissait de toutes les mains. Le suprême bon ton était d'être Américain à la ville, Anglais à la cour, Prussien à l'armée : d'être tout, excepté Francais. Ce que l'on faisait, ce que l'on disait, n'était qu'une suite d'inconséquences."

(La grasse casse est de moi)

Loin de moi la volonté de prophétiser les bégaiements de l'histoire en citant nos grands auteurs ; à ce compte-là on ne sort jamais de Tocqueville !
05 mars 2009, 23:13   Re : Altérophiles
Ah Cassandre, vos allégories !!!!
05 mars 2009, 23:21   Re : Altérophiles
Cassandre vous oubliez le chagrin d'amour des intellectuels depuis que le prolétariat mythique s'est enfui. Il s'agit de le remplacer par la population des cités et des immigrés fuyant leur pays qui viennent ici nous délivrer de notre société d'exploitation honnie ! Un de perdu dix de retrouvés on peut le dire !
Utilisateur anonyme
05 mars 2009, 23:35   Re : Altérophiles
La partie la plus forte dans cette affaire, la volonté la plus agissante, n'était pas, au début tout au moins, du côté des africains qui ont passé la Méditerranée, bientôt rejoints par leurs multipares et cie, mais bien de ceux qui les ont invités (chefs d'entreprises, politiciens, esprits charitables de toutes farines). Louis Pauwels avait bien raison de parler du sida mental en décembre 1986, deux jours avant la mort de Malik Oussékine, occasion d'une fameuse déculottade chiraquienne. Ce qu'il disait à propos du monôme de zombies de cette année là, vaut encore aujourd'hui, mais ceux-ci occupent à présent des responsabilités dans la politique et les médias : "Ils ont reçu une imprégnation morale qui leur fait prendre le bas pour le haut. Rien ne leur paraît meilleur que n'être rien, mais tous ensemble, pour n'aller nulle part. Leur rêve est un monde indifférencié où végéter tièdement. Ils sont ivres d'une générosité au degré zéro, qui ressemble à de l'amour mais se retourne contre tout exemple ou projet d'ordre."

L'incapacité d'imaginer l'arrêt de l'immigration n'est qu'une des multiples conséquences de ce virus. Le peuple français (et d'autres en Europe) se change sous nos yeux en quelquechose d'autre, on ne sait encore quoi exactement, de plus indistinct, dru, vigoureux, de moins cultivé, plus intransigeant et moins encombré de droits de l'homme et d'idées chrétiennes. Tel était donc le souhait, conscient ou non, de la volonté majoritaire, il faut bien l'admettre puisque personne ne prends les armes ni n'appelle à le faire pour chasser les vandales, goths et autres ours.

Cela me rappelle une histoire...
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