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De la sinistre matérialité du virtuel

Envoyé par Quentin Dolet 
La minute écologique. Oui, j'avoue acheter de temps à autre La Décroissance, cette revue pour bobo-écolo, mais qui a le mérite de souligner les limites et les contradictions du "système technicien". Je vous fais grâce du passage sur les 480 000 kilomètres de cables qui "ont été posés au fond des océans pour transférer nos données, soit 11 fois le tour de la Terre."


"(...) Selon le dernier rapport du groupe "The Green Grid", consortium dédié à promouvoir la nécessité de réduire la consommation énergétique au sein des centres de données et des grands complexes informatiques, un datacenter [centre de bases de données, sorte de grande ferme énergétique où sont enfermés des super disques durs externes, empilés dans des armoires] moyen consomme aujourd'hui près de 4 mégawatts par heure, soit l'équivalent énergétique de près de 3000 foyers... Christian Fauré [consultant] rappelle lui que les datacenters étatsuniens utilisent à eux seuls 1, 5 à 2 % de la consommation électrique nationale. Le cabinet de conseil et d'études Gartner estime de son côté qu'en 2007 la consommation énergétique de l'informatique mondiale est responsable de 2 % des émissions humaines totales de CO2 dans l'atmosphère, soit à peu près autant que l'aviation civile.

L'université américaine de Stanford a calculé que chaque année, les plus grandes "fermes informatiques" du monde faisaient tourner 14 centrales électriques. Pire, entre 2000 et 2005, leur consommation d'électricité a doublé. "L'universitaire de Dresde, Gerhard Fettweis, juge qu'à ce rythme, dans moins d'un quart de siècle, l'internet à lui seul consommera autant d'énergie que toute l'humanité aujourd'hui", rapporte l'Expansion (5 mars 2008). "Il faut commencer à comprendre qu'on ne peut pas évoquer ces enjeux comme étant des enjeux de l'immatériel, du virtuel", conclut Christian Fauré lors d'une conférence au théatre de la Colline.

Cette dépense d'électricité phénoménale des datacenters, ramenée à une échelle plus petite, a permis de dire que les "avatars", ces personnages fictifs avec lesquels on peut jouer sur Second Life, rejettent chacun 1, 17 tonnes d'équivalent carbone par an, soit autant d'électricité qu'un Brésilien moyen.

Ramené à des gestes individuels, chaque clic sur Internet n'est pas équivalent. Charger la page du Monde ou celle de Google n'a pas les mêmes conséquences. Plus le site est chargé d'images, de vidéo, de pub, plus son affichage demandera d'électricité. Regarder une vidéo demande beaucoup plus de bande passante et d'électricité que d'envoyer un mail.

En janvier dernier, dans le Times, a eu lieu une polémique concernant le nombre de grammes de CO2 émis par une recherche Google. Certains experts l'estimaient à 7 grammes, soit l'énergie nécessaire pour porter à ébullition une bouilloire électrique. Ces chiffres ont été contestés par Google.

Selon Siegfried Behrendt, chercheur de l'institut de recherche berlinois IZT, télécharger la version électronique d'un quotidien consomme autant d'électricité que de faire une lessive.

(...)

Selon l'enquête Remodece menée par Enertech et l'Ademe en 2007, les foyers français ont besoin chaque année pour faire tourner leur équipement informatique en moyenne de 396 kilowattheures, soit deux fois plus que ce qu'utilise un lave-linge en douze mois au rythme de quatre lessives par semaine. Le modem ADSL qui reste allumé jour et nuit consomme à lui tout seul 55 kWh/an, soit quatre fois l'électricité utilisée par votre grille-pain ! Consommer 390 kWh par an pour l'informatique équivaudrait en termes de pollution à rejeter 39 kilos de CO2 dans l'atmosphère, soit ce qui est dégagé en 250 km par une voiture. (...)"

Sophie Divry : "Internet, cauchemar écolo" in La Décroissance, n°58, avril 2009.
« Certains experts l'estimaient [le nombre de grammes de CO2 émis par une recherche Google] à 7 grammes, soit l'énergie nécessaire pour porter à ébullition une bouilloire électrique. »

Cette phrase montre bien la confusion mentale dans laquelle nous nageons. On devrait condamner cette Sophie Divry à essayer, mettons pendant une semaine, de porter à ébullition une bouilloire électrique (vous lisez bien : la bouilloire, pas l'eau qu'elle contient éventuellement) en utilisant comme énergie sept grammes de gaz carbonique.
Pour ceux que cela intéresse, voici le lien vers la page du Times où ces études sont exposées, et où l'on peut d'ailleurs retrouver cet exemple de la bouilloire, dont Sophie Divry n'est donc pas l'inventrice ("Performing two Google searches from a desktop computer can generate about the same amount of carbon dioxide as boiling a kettle for a cup of tea, according to new research"). Il est toutefois précisé, suite à une demande de clarification je suppose, que cette dépense d'énergie ne concerne pas un "clic", mais une recherche assez longue, demandant à cliquer sur plusieurs liens.
Cher Olivier, le texte anglais dit à peu près ceci : faire deux recherches Google sur un ordinateur de bureau peut produire à peu près la même quantité de dioxyde de carbone que porter à ébullition dans une bouilloire électrique de quoi faire une tasse de thé.

Voyez l'imprécision des quantités (une recherche dans la traduction, deux dans le texte anglais, une bouilloire en français, de quoi faire une tasse de thé en anglais), imprécision aussi grande en anglais qu'en français : il faudrait évidemment préciser le modèle ou au moins l'âge de l'ordinateur, la durée et le type de la recherche et, en face, la quantité précise d'eau et la température à laquelle elle se trouve avant allumage de la bouilloire. Modifiez une seule de ces variables et vous changez l'ordre de grandeur du résultat. Au moins le texte original dit-il que ces recherches peuvent produire autant etc., une précaution qui a disparu en français. Mais le plus beau reste tout de même, dans la version française, l'idée que sept grammes de gaz carbonique constituent une quantité d'énergie, une absurdité qu'évite la phrase anglaise.

Ceci confirme une impression que j'ai souvent : la dégradation de la langue, surtout de celle qu'utilisent les journalistes, est beaucoup plus catastrophique en France que dans d'autres pays, notamment qu'au Royaume-Uni.
Je suis tout à fait d'accord avec vous Cher Marcel, et je salue au passage la vigueur critique de votre intelligence. Il est vrai que, dans ces évaluations à la louche, nous nageons en eaux plus que troubles; et concernant la langue des journaleux, elle est en effet plus inquiétante pour l'avenir de l'humanité que toutes les émissions de gaz à effet de serre - madame Divry ne faisant pas exception.
Vous avez raison, cher Marcel, de souligner les approximations journalistiques. Cependant, par delà les bouilloires comparatives, l'article permet au moins de rappeler ou de faire découvrir aux utilisateurs d'Internet que toute cette affaire ne "marche" pas par l'opération du Saint esprit et nécessite la consommation d'une très grande quantité d'électricité.
Un rapide calcul montre que la consommation du modem est plausible (87 KW/h pour un an et pour une puissance de 10 W - gros modem ancien système, cependant...) La comparaison avec le grille-pain est évidemment stupide. Mais qu'est-ce que cela représente ? Financièrement, un quart de plein de carburant sur une année ? (Énergétiquement, bien entendu, infiniment moins !) Et combien de kilomètres en voiture mon modem adsl m'aura-t-il épargnés ?

En revanche, l'histoire de Google me semble complètement sotte : requêtes ou pas, la "grille" des ordinateurs de Google est toujours active (le principe est d'ailleurs de les rentabiliser au maximum, en ne les laissant pas chômer), et, requêtes ou pas, mon modem, mon routeur et mon ordinateur sont eux aussi actifs, et le coût de transfert des bits est insignifiant...
Cette mise en rapport d'activités, d'objets, de situations qui ne semblent avoir rien en commun, me paraît toujours suspect; je ne saurais trop dire pourquoi. Peut-être une volonté excessive de prouver, je sens qu'on cherche à me forcer l'esprit. Mais sans doute aussi mon aversion épidermique pour le côté pisse-vinaigre des écologistes.
Bien cher amis,

Etant, professionnellement, amené à m'intéresser aux "super-calculateurs", je puis vous dire qu'ils sont très voraces en énergie, à double titre : pour les alimenter, et pour climatiser le lieu où ils se trouvent.
"Et combien de kilomètres en voiture mon modem adsl m'aura-t-il épargnés ?"

On peut se poser la question. On peut aussi, pourquoi pas, formuler l'hypothèse qu'Internet engendre de nouvelles pratiques de la conduite automobile, et peut-être même pas une diminution globale de l'usage de l'automobile. Pensez à toutes ces rencontres que permet le "réseau" - je parle des rencontres réelles, qui font suite aux séances de chat et de drague en ligne - : ne jettent-elles pas des millions de gens sur les routes ?
Tout juste. Il suffit d'ailleurs de penser à nos propres ordinateur personnels, qui ne pourraient pas fonctionner sans ventilateurs. Le processeur chauffe presque autant qu'une lampe à incandescence !

Mais, cher Jean-Marc, vous êtes vraiment un homme orchestre, et le nihil humanum a me alienum puto de Térence semble être votre devise. Nous direz-vous ce que vous faites, même vaguement ? (Question indiscrète, sur la Toile, je l'admets, et je comprendrais que l'on n'y répondît point...)

Concernant Google, je crois savoir qu'ils n'utilisent pas de grosses machines, mais des "grilles" de petites, ce qui leur coûte trois fois moins cher pour la même puissance de calcul. Voici un article qui devrait vous intéresser...
19 avril 2009, 07:42   Presque rien
Bien cher Bernard,

C'est fort simple, je ne fais rien du tout, sinon au sens latin du terme ("Caesar fecit pontem").

Sérieusement, je m'occupe, pour faire bref, d'organisation du travail, après des postes opérationnels variés en métropole et outremer. Je travaille à la fois pour mon organisme et effectue dans le même temps des missions de consultance dans des pays qui ne sont pas encore au "standards" occidentaux. Ce profil, vous confirmera Francis, est assez fréquent et représente une part importante des missionnaires, par rapport aux "expats".

Cela explique que, contrairement à un chercheur qui sait presque tout sur presque rien, je ne sache presque rien mais sur presque tout. Pour les centres de calculs, je suis infoutu de vous dire leur puissance réelle ! mais je peux me renseigner en quelques heures...
Depuis que je suis passée du cable à l'ADSL et de l'ordinateur de bureau à l'ordinateur portable dont la batterie est branchée en permanence sur le courant, ma note d'électricité a baissé. Je n'ai rien changé d'autre. Il me semble que la vérification serait facile, 1 mois sans ADSL et vérification sur la facture des Kwh. Qu'attendent nos associations de consommateurs pour réaliser cette étude facile. Après l'ADSL, même test avec une bouilloire soigneusement échantillonnée.
Dès que la batterie est chargée, le portable en veille ne consomme presque plus rien. Ce qui consomme le plus, c'est le processeur et le rétro-éclairage. Les portables sont aussi conçus pour consommer très peu, afin d'allonger le temps d'autonomie. Pour l'ordinateur de bureau, les constructeurs s'en moquent (au point de transformer la console, parfois, en lunapark).
19 avril 2009, 09:30   Re : Beaucoup de bruit pour rien
Le magazine "60 millions" relève alors une contradiction. Les fabricants de téléviseurs à écrans plats de grande taille arrivent à réduire la consommation jusqu'à 1 watt en veille mais pour les modems, rien n'a été prévu. L'explication viendrait d'un "oubli" des constructeurs plus préoccupés à rajouter des fonctionnalité à leurs produits.

[www.generation-nt.com]
Je ne sais pas si ce qui suit est de l'humour ou non...

Notepad++, a source code editor and MS Windows Notepad replacement, has the mission to offer a greener environment. By optimizing its routines, it results in reducing CPU power consumption then reducing the world carbon dioxide emissions.

(Trouvé sur Sourceforge.)
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