Le site du parti de l'In-nocence

Pierre Jourde défend le mouvement des universitaires.

Envoyé par Ostinato 
Et dénonce les compte-rendus de la presse. Assez convaincant:

La presse perd ses Facultés

[www.causeur.fr]
Cet article me semble contenir tout et son contraire. Ce serait intéressant que JGL en fasse une analyse ou même qu'il lui réponde.
M. Jourde met en cause la presse et les media, qui sont ce qu'ils sont, c'est-à-dire pas grand chose, et dont on n'a pas grand-chose à attendre. Pourquoi pas après tout ? Rien n'est plus commun ou plus convenu que cette critique. Chacun, ici, se livre à cet exercice.

Ce n'est pas la critique des media qui me parait déplaisante, mais les raisons pour lesquelles elle est mise en branle. M. Jourde est mécontent, parce que, sur le sujet des "grèves" et des universités occupées (en fait, les seules universités de lettres ou de sciences et de droit - un peu), la presse et les media, en l'occurrence les seuls Monde, Figaro, Valeurs actuelles, ne se font pas les chambres d'enregistrement ou les chambres d'échos (les autres, les bons media, Libé, Le NO, l'Huma, si : ils résonnent sans jamais raisonner) des coordinations ou des collectifs aux noms grotesques par leur grandiloquence ou loufoques, qui auraient fait hurler de rire Muray : "Sauvons la recherche", "Sauvons l'Université", etc. (ils n'ont pas osé se nommer Sos-Université ou Sos-Recherche : ça aurait fait, non pas pleurer, mais rigoler les chaumières, comme on dit).

Ce n'est pas le souci de la vérité ou plus modestement la volonté de ne pas mentir qui anime M. Jourde, mais l'esprit de corporation, la chaleur communautaire des supporteurs de football (tous ensemble, tous ensemble, tous contre les méchants), l'esprit collégial : on se serre les coudes, on fait cause commune, on défend les acquis, on appelle à l'unité, on ressuscite la préférence pour ceux qui sont à notre image, on met en avant quelques grands noms qui cachent la masse des Ballordo, Diafoirus, Rullandus (pour les autres noms, cf. nos classiques : Fontenelle, Molière, Rabelais), on tient l'université pour ce qu'elle était au Moyen Age et conformément au sens de ce mot dans la langue latine d'alors, à savoir pour une "communauté" chaude, unie, solidaire contre les méchants de l'extérieur, etc. Ce mot "communauté" (appel à la communauté, défendre la communauté, etc.), parfois suivi de l'épithète "universitaire", conclut de nombreux messages que je reçois de la part de membres du PCF ou de la LCR, de marxistes léninistes convaincus - ceux qui, en bonne théorie (marxiste), devraient être les plus hostiles aux communautés.

En bref, c'est à un exercice de défense et d'illustration de l'esprit de corporation que se livre M. Jourde.

Pour savoir tout le mal que je pense des "communautés", lire le projet de loi (plus ou moins constitutionnelle) du 10 juillet 1940 : article 5, je crois, ou 7, en tout cas, au tout début de la loi.
Je ne suis pas sûre cependant que le réforme soit très bonne, ou même bonne. Je connais une autre réforme mise en branle par le gouvernement qui me paraît très décevante et dans la méthode et sur le fond.

En ce qui concerne la critique du localisme et d'un certain arbitraire potentiel n'y a-t-il aucune crainte ?

Citation :

" la réforme Pécresse consiste pour l’essentiel à donner tous pouvoirs aux présidents, c’est-à-dire à aggraver le localisme qui mine la qualité de l’université française et le niveau de son recrutement."

"Ce que le ministère appelle évaluation n’est qu’une usine à gaz totalement irréaliste, destinée à récompenser les plus serviles, qui n’aboutirait, au prix d’une déperdition d’énergie monstrueuse, qu’à susciter une multiplication d’articles creux au lieu de favoriser la recherche fondamentale."

Ceci est-il faux et dicté par le corporatisme, cher JGL ?
Merci JGL, il me semblait bien que cette charge sonnait faux.

Ce qui m'a le plus frappé, c'est la contradiction concernant l'attitude des universitaires face aux réformes : Jourde écrit qu'ils ont avalé « sans sourciller la démocratisation du supérieur, c’est-à-dire le quintuplement des effectifs en quelques lustres » comme si c'était contre leur gré, par obéissance de fonctionnaires zélés vis-à-vis de l'Etat dont ils sont les agents, alors que cette massification, ils l'ont voulue, réclamée, défendue par idéologie et qu'ils ont toujours refusé violemment tout ce qui pouvait limiter les dégâts qu'elle a causés par l'instauration d'une sélection.
Ce qui fut une erreur ou pire ne préjuge pas en ce qui concerne le mouvement actuel, à mon sens.
Bien, analysons.

"Donner tous pouvoirs aux présidents, c’est-à-dire à aggraver le localisme qui mine la qualité de l’université française et le niveau de son recrutement."

La loi LRU, votée par les représentants (régulièrement élus) du peuple français, ne donne pas tous les pouvoirs aux présidents. Dans cette phrase, ce qui est faux, c'est le déterminant "tous" (en français, faut-il dire "tous pouvoirs" ou "tout pouvoir" ?). La France, même quand elle est présidée par Sarkozy, n'a rien de totalitaire. Les présidents sont des universitaires élus par leurs pairs (et par les impairs), et non pas nommés par le Pouvoir. S'ils n'ont pas le soutien de ceux qui les ont élus, ils ne pourront rien décider. La loi donne aux présidents un peu plus de pouvoir qu'ils n'en ont (ou n'en avaient), l'essentiel de ce pouvoir, avant cette loi, étant aux mains de "conseils" (en russe : soviets) ingérables, très nombreux, ingouvernables, et manipulés par la minorité agissante.

Ce qu'il y a de faux, c'est la relation équative ("c'est-à-dire") établie par M. Jourde entre "donner tous pouvoirs aux présidents" et "aggraver le localisme". Je sais bien que personne n'est exempt de dire des conneries et qu'aller aussi vite en besogne dans un raisonnement, en sautant toutes les étapes, est le propre de l'esprit militant, mais, dans un débat public organisé hors de l'Université, il y a des facilités auxquels un intellectuel digne de ce nom devrait renoncer. Le localisme, en fait la préférence locale (pour recruter un MCF ou un professeur ou qui que ce soit d'autre, la préférence est donnée aux gens en place, aux copains, aux amis, à la famille, etc. au détriment de ceux qui viennent d'ailleurs), "mine", en effet, "l'université" et la déconsidère. Je fais le même constat que M. Jourde. Mais en quoi le fait de donner à un président un peu de pouvoir, plus qu'il n'en avait jusque là, va aggraver la préférence locale ? La préférence locale est due à la volonté des syndicats (ainsi, c'est eux qui décident des recrutements), à la volonté de la "gauche" (qui l'a imposée en 82, puis réimposée en 89, puis réréimposée en 98, chaque fois qu'elle a exercé le pouvoir), et elle est le fait, dans la pratique, de tous ceux qui font grève ou qui exigent des organisations d'étudiants qu'elles occupent les universités ou qui dansent dans "la ronde des obstinés".
Il serait bon (en langage militant : il est urgent) d'en finir avec le localisme. La seule solution, ce sont les concours nationaux à épreuves d'admissibilité écrites et anonymes, et épreuves d'admission orales, comme cela se fait dans les concours d'agrégation de l'enseignement supérieur (en droit et en économie). C'est simple : proposez d'étendre ce mode de recrutement à toute l'université,vous entendrez Sos-Université Recherche, les syndicats, les collectifs et les coordinations, etc. pousser leurs hauts cris (encore plus hauts qu'aujourd'hui).

"Ce que le ministère appelle évaluation n’est qu’une usine à gaz totalement irréaliste, destinée à récompenser les plus serviles, qui n’aboutirait, au prix d’une déperdition d’énergie monstrueuse, qu’à susciter une multiplication d’articles creux au lieu de favoriser la recherche fondamentale."

L'évaluation existe déjà et elle n'est pas une usine à gaz qui récompense les plus serviles ; quant à l'argument de la "recherche fondamentale", il sert presque toujours de prétexte pour masquer l'absence de résultats attestés ou vérifiés. Les enseignants chercheurs sont payés pour enseigner et pour faire de la recherche. Or, de 40 à 50% d'entre eux ne font pas de recherche. Telle est la réalité. Elle est désagréable et déplaisante. Elle déconsidère l'université un peu plus. Les militants de Sauver l'Université préfèrent se voiler la face. Que M. Jourde les imite quand il participe à une AG, serait-ce pour ne pas se faire casser la gueule, se comprend. Mais dans "Le Causeur", il ne risquait rien. Dans une université de province, des "chercheurs" ont voulu rendre hommage, en publiant son "oeuvre", à l'un de leurs collègues, très bien pensant syndicalement parlant, mort à 61 ans d'un cancer et qui est resté en poste près de 30 dans la même université. Résultat : ils n'ont trouvé dans ses papiers que 6 articles (à peine 40 pages), dont 2 ont été publiés, tous insignifiants. Le volume qui lui a été consacré est étique : pour y donner l'apparence d'un livre, neuf ou dix collègues se sont fendus d'un article d'hommage. Tout ça, c'est de la rigolade. S'il y avait eu une évaluation digne de ce nom, ce chercheur aurait dû être invité à faire de l'administration, en plus de son service d'enseignement, ou à doubler ce service d'enseignement. Tout ça pour qu'un semblant de déontologie soit respecté.
!!!
Merci beaucoup, cher JGL.
A mon tour, cher JGL, de vous remercier pour avoir débrouillé un problème dont j'ignorais tout.
Vous trouveriez sur notre forum, page 6, sous le titre Modulation des services universitaires, en date du 10/02/2009, et L’université et la recherche, en date du 15/02/09, une analyse claire, précise et circonstanciée de JGL sur le sujet. Il ne faudrait pas contraindre notre ami à la double peine !
Mais il ne pouvait répondre à un article de Pierre Jourde que celui-ci n'avait pas encore écrit.
Bien cher JGL,


Veuillez accepter toutes mes félicitations pour cette synthèse remarquable, qui m'évite bien des recherches.
22 avril 2009, 11:42   Projet de plaque
LE CITOYEN JGL A BIEN MÉRITÉ DE SOS-NOCENCE
Vu l'entretien avec Marcel Gauchet dans Le Monde sur l'autonomie ?
Il a tout à fait raison de désidéaliser le système américain et la quantification de la recherche (sans parler de l'évaluation de l'enseignement...)
Je viens de le regarder et le trouve convaincant

[www.lemonde.fr]

La description de le méthode très critiquable de la réforme me paraît bien fondée si j'en juge par une autre réforme qui me concerne et que je suis de très près, celle de l'Etat. La méthode est tout à fait identique.
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