Qu'on se le dise

Du magazine Vie et langage n°71 (février 1958), extrait du Courrier des lecteurs :

M. le Colonel Jean Beulaygue, 8, rue Bellanger, à Neuilly-sur-Seine, nous signale, entre autres abus de langage, la formule qu'il a trouvée dans un journal parisien du soir, le 10-11 février dernier : "Revendications catégorielles."

M. Pierre Haispuru a entendu a la Radio des musiciens qualifiés d'"avant-gardistes" par le présentateur...

[...]

Nous avons publié dans notre numéro de février dernier, p.86, quelques formules utilisées par les restaurateurs désireux d'annoncer qu'il est permis de "pique-niquer" chez eux. [...] Mais la palme revient à un petit débit situé entre Carcassonne et Castelnaudary. M. Louis Renaud, 17, rue Trinqué, à Saint-Girons (Ariège), y a lu pour nous cette délicieuse inscription, d'une syntaxe plutôt... abandonnée, mais qui chante et qui vous invite avec un sourire : Ici, on se mange et on se boit ce qu'on se porte.

M. le Colonel continue d'avoir raison un demi-siècle plus tard !

"Ici, on se mange et on se boit ce qu'on se porte."

Mais c'est banal dans notre région, ce genre de formule; mais on l'écrit moins qu'on le dit.

Tel est le nom de cette construction (voir la cérémonie de la circoncision : "Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête").

Oui, cher jmarc, et dans ce dativus ethicus, le pronom explétif est parfois plaisamment doublé : "Il te vous prend sa cognée, etc."

J'ai appris depuis peu qu'en grec ancien, cette forme verbale à l'allure pronominale et méridionale (je me le mange) représente la voix moyenne.

Le datif éthique est employé dans ce sens là en languedocien. Je crois (sous le contrôle de Florentin) que Séguy en parle dans son ouvrage sur le français toulousain.

Pour le grec ancien, je pense qu'il s'agit plutôt du fait que le grec ne distingue pas forcément voix moyenne et voix passive (voix active : "je dis" ; voix passive "il est dit (par moi)" ; voix moyenne : "je me dis"). Mais je peux me tromper.

Un autre très beau datif éthique, très fréquent en français traditionnel : la présence du "moi explétif". Prenez par exemple l'expression : "regardez-moi cet imbécile !".

Le datif éthique ?

Vous voulez dire la Dati ethnique ?

Séguy en parle, en effet, à la suite des verbes subjectifs pronominaux. Ce qui distingue le datif éthique toulousain de son correspondant français, c'est qu'il est beaucoup plus fréquent et qu'il renvoie très souvent au sujet du verbe.

Cher J.Marc, je me demande si au passif ce ne serait pas plutôt : je suis dit, ou je suis appelé. Dans votre exemple : il est dit par moi, je ne vois pas de voix passive (enfin je veux dire : de forme, ou de sens passif) ou alors cet "il" est une personne ?

Effectivement, vous avez raison.

"Dire" est un très mauvais exemple.

Je vais donc prendre un autre verbe.

Je donne un coup de marteau (actif)

Un coup de marteau est donné par moi (passif)

Je me donne un coup de marteau (moyen).

Telle est du moins ma compréhension de la chose, cela remonte à de vieux souvenirs, pardonnez-moi si je suis dans l'erreur.

Et tu m'l'embrasse bien fort, après l'coup de couteau.

Je te me le fais pas dire.

Je vois avec satisfaction que l'usage du datif éthique gagne ce forum !

Cher Jmarc, vous avez un message.