Dans la petite ville que j’habite, et plus précisément dans mon quartier, la situation s’est brutalement détériorée ces derniers mois. Tous les jours, de deux heures de l'après-midi à deux heures du matin, le carrefour qui marque le centre géographique de la ville est occupé par des rassemblements de voyous, jusqu’à une vingtaine, d'où fusent les détritus, les quolibets, les insultes, le rap assourdissant et abrutissant, les motos pétaradantes et dangereuses, avec rodéos en moto cabrée, trafics de drogue et de véhicules volés, agressions verbales des filles, agressions physiques et bolossages nocturnes de passants imprudents.
Une grande partie de la population est exaspérée mais les recettes traditionnelles ne fonctionnent plus guère. Lorsqu’avec force pressions tous azimuts on réussit à faire venir la police, qu’on dépose une main courante ou une plainte après s’être fait traiter de « sale blanc » et caillasser, l’effet est dérisoire : les rodéos de motos s’arrêtent quelques heures, au mieux jusqu’au lendemain. Les policiers, même déplacés en nombre et en force, n’ont pas le droit de poursuivre les deux roues, cela leur est interdit par une directive du ministre, c’est trop dangereux — pour les voyous, faut-il le préciser, car le danger que les motos cabrées font courir notamment aux enfants qui jouent dans la rue semble moins préoccuper les autorités. Les policiers ne répondent même pas aux quolibets qui les visent, eux comme les autres. Ici, nous n’en sommes pas au fusil d’assaut, ni même à la boule de pétanque ou au flash-ball, même si j’ai un jour aperçu un pistolet que l’on se montrait, mais le territoire est perdu pour l’autorité, que ce soit celle de l’habitant adulte, de la municipalité ou des forces de l’ordre : les rares et difficilement obtenues « descentes » de celles-ci sont pour ainsi dire inutiles ; les averses sont plus efficaces, puisqu’au moins elles dispersent les sauvageons pour le temps qu’elles durent.
La municipalité a fini par organiser, il y a une dizaine de jours, une réunion publique en présence du commissaire de Saint-Denis dont nous dépendons. C’est surtout de son intervention que je voulais parler ici. Manifestement, nous l’ennuyions car il avait des chats autrement plus sérieux à fouetter. Il nous l’a d’ailleurs dit sans détours : notre ville est tranquille (rumeurs dans la salle) et d’ailleurs, lorsque nous lui expliquons que ces garnements commettent vingt-cinq infractions par heure, nous nous leurrons car il s’agit de contraventions (on a, il est vrai, mentionné l’absence de casque, les rues prises à contre-sens, les excès de vitesse, la conduite dangereuse) au code de la route et on ne peut arrêter personne pour cela. Puis il s’en va après avoir promis de faire ce qu’il pourrait.
Depuis, cette déclaration me trotte beaucoup dans la tête. D’abord parce que le policier était de mauvaise foi dans la mesure où il omettait des faits nettement plus graves, connus de tous et rappelés précédemment : le défaut d’assurance et de permis, le fait que ces véhicules ne sont pas homologués, le fait surtout qu’ils sont presque toujours volés, et que ces rassemblements ont aussi et d’abord pour objet la pratique de tous les trafics illicites. Ensuite parce que cette déclaration, faite en public par un commissaire de la République, avalisait le fait qu’il existe désormais en France deux catégories de citoyens : ceux que l’on verbalise et les autres. Je me trouvais il y a quelques semaines, rue Royale, coincé derrière une voiture roulant avec une lenteur extrême. Après un coup d’œil au rétroviseur, constatant que la première voiture sur la file d’à côté était loin, j’ai déboîté, sans mettre mon clignotant (cela m’arrive assez souvent car j’ai passé mon permis en Allemagne dans les années soixante, à une époque où il était interdit de mettre son clignotant pour dépasser parce que le législateur avait estimé que cela poussait les gens à dépasser n’importe comment du moment qu’ils le signalaient ; cette règle a été assez rapidement abolie, mais pour moi, l’habitude a été prise : quand la voie est libre, j’oublie souvent de signaler). Manque de chance, la première voiture en question était un véhicule de police banalisé. Ils m’ont fait arrêter ma voiture et m’ont verbalisé. Je leur ai demandé si je leur avais fait une « queue de poisson », non non m’ont-ils dit mais je devais mettre mon clignotant. J’ai bien sûr payé les quarante euros et après tout, j’avais en effet commis une faute. Mais enfin voilà : il y a bel et bien discrimination et j’en suis doublement victime, parce que je suis une de ces vaches à lait que l’on trait en toute occasion et parce que la police et la justice de mon pays ne me protègent pas contre des voyous qui m’empoisonnent l’existence et qui, en toute impunité, font infiniment pis vingt-cinq fois par jour.
Pour être honnête, je dois dire que les manifestations d’exaspération ont été telles que les voyous se sont faits un peu plus discrets depuis. Mais on sent bien que la rémission est extrêmement précaire et que cela repartira de plus belle bientôt, c’est en tout cas ce que tout le monde pense.
C’est à tout cela que je pensais en lisant
ceci chez
F.Desouche : deux élèves de troisième sont poursuivis pour outrage à personne chargée d'une mission de service public et encourent théoriquement jusqu'à six mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amende pour avoir déposé trois rondelles de saucisson sur le bureau d’un professeur qu’ils supposaient de confession musulmane. Vous remarquerez que la gendarmerie voulait classer l’affaire, considérant qu’il s’agissait d’une mauvaise plaisanterie faite par deux garnements, mais le parquet semble avoir été sensible à des pressions exercées par la LICRA.
L’appareil judiciaire français est aujourd’hui coupable de collaboration active avec la contre-colonisation dont nous sommes les victimes impuissantes.