Bien chers amis,
Tout comme vous je pense, j'aime à souligner les petits travers des autres. Je vais donc vous raconter l'histoire suivante, qui se termine par ma plus grande confusion.
J'étais il y a une quinzaine à Berlin, et j'ai accompli plusieurs pèlerinages littéraires aussi bien sur les traces de Brecht que sur celles d'Isherwood.
C'est ce dernier cas qui m'amène. Pour les amateurs de la chose, le quartier de Shoeneberg n'a rien perdu des attraits qu'il avait pour Isherwood, j'en suis témoin (j'ai fait le sacrifice de mon corps pour la cause du tourisme littéraire, tout pénétré que je suis de l'importance de ma mission).
Il se trouve que j'avais lu, il y a bien longtemps, "Goodbye to Berlin", mais en français. J'étais tombé à l'époque sur le passage où la traductrice écrivait, traduisant les propos de Monsieur Nowack (père du jeune homme qu'Isherwood courtisait), que celui-ci, reconnaissant en Isherwood un anglais, le lui avait dit, lui avait parlé de la guerre et lui avait indiqué avoir beaucoup oublié du français. Il avait alors parlé à Isherwood dans notre langue. J'avais cru voir une manoeuvre stupide de la traductrice.
Or, à Berlin même, depuis ma chambre d'hôtel à Schoeneberg, chambre il est vrai spéciale, l'hôtel étant lui-même tout à fait conforme aux descriptions d'Isherwood, aux éléments de confort près, l'hôtel (bâtiment de 1908 ayant échappé aux bombes made in Pittsburgh, Pa) étant donc composé de deux grands appartements réunis et permettant au client de regagner sa chambre par une seconde porte extérieure dont la clé était obligeamment remise, afin qu'on n'ait à croiser ni Mr Cerberus le portier, ni Ms Trolley-Dolly, la femme de chambre, depuis cette chambre d'hôtel donc, j'avais commandé aux établissements de l'Amazone "The Berlin stories", cette fois en anglais.
L'ouvrage m'attendait dans la boîte aux lettres. Je le parcourus ce week-end et j'y découvris que, dans le texte anglais, M. Nowack parlait bien à Isherwood en français...