Estrosi: "Ne pas entrer dans la course à la prime"
Propos recueillis par Nolwenn Le BLEVENNEC et Antoine MALO
Le Journal du Dimanche
>> L'été social pourrait-il virer à l'orage? Certes, les ouvriers de New Fabris, l'équipementier automobile de Châtellerault (Vienne), ont mis fin à leur mouvement vendredi et n'ont pas fait sauter leur usine, comme ils avaient un temps menacé de le faire. Mais d'autres restructurations et fermetures de sites, comme celui de Molex à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), risquent d'occuper très vite le devant de la scène. Autant de dossiers qui sont sur le bureau de Christian Estrosi, le ministre de l'Industrie.
Christian Estrosi défend sa gestion du dossier New Fabris, qui s'est conlu vendredi. (Reuters)Christian Estrosi défend sa gestion du dossier New Fabris, qui s'est conlu vendredi. (Reuters)
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Les New Fabris ont mis fin vendredi au conflit qui durait depuis un mois et demi. Mais ils partent en colère, avec une prime supra-légale de 12 000 euros alors qu'ils en réclamaient 30 000. Comprenez-vous cette amertume?
Quand on regarde un compte rendu à la télévision, on se dit: « Les pauvres, ils ne partent qu'avec 12 000 euros! » Mais c'est faux ! En effet, grâce au contrat de transition professionnelle que plus de trois quarts des salariés ont déjà signé, ils vont toucher pendant un an 95 % de leur salaire. Et dès la semaine prochaine j'ai voulu que six personnes de Pôle Emploi viennent à Châtellerault afin d'accompagner au plus près ces salariés dans leur recherche
d'un travail. En plus de tout cela, ils auront entre 17 500 et 19 000 euros d'indemnité de licenciements. Vous voyez que, contrairement à ce que disent ceux qui veulent toujours plus, les salariés de New Fabris auront
tous les atouts en main pour envisager au mieux l'avenir.
Oui, mais les salariés de Continental ont eu, eux, 50 000 euros. Ne vaudrait-il pas mieux fixer une somme plancher pour éviter un sentiment d'injustice?
Le rôle du gouvernement n'est pas celui-là. Ce n'est pas à nous d'exiger une somme minimum aux entreprises. Non, je ne veux pas entrer dans une course à la prime. Je veux d'abord me battre pour redonner du travail aux ouvriers qui l'ont perdu, pour sauver les industries de France. Je comprends le désarroi
de certains salariés. Mais, mon boulot, c'est de leur dire: "Allez les gars, relevez le défi! Et je vous aiderai à vous en sortir." Pour moi, la page de New Fabris ne s'est d'ailleurs pas tournée hier. Je prends aujourd'hui l'engagement de me rendre dès la rentrée à Châtellerault pour leur parler avenir. Je travaille aussi à ce que des activités s'implantent là-bas et je vais tout mettre en oeuvre pour contribuer à y créer 400 emplois dans les six à huit mois.
Ces emplois ne correspondront donc pas toujours au savoir-faire des ouvriers
licenciés...
Nous sommes entrés dans une société où chacun aura deux, trois métiers au cours de sa vie. Pour cela, il nous faut innover par un travail de reconversion et
de transformation de l'activité professionnelle. Il serait peut-être temps d'expliquer que ce début du 21e siècle ne sera pas comme celui du 20e. Le monde
du travail évolue. Il est vital de s'y adapter.
N'y a-t-il pas des entreprises qui profitent de la crise pour licencier?
Sans doute. C'est pour cela que je dois être ferme et juste.
Est-ce le cas de Molex, l'équipementier automobile, qui souhaite délocaliser
son activité en Slovaquie?
La crise est peut-être un prétexte pour les dirigeants américains de Molex, que je vais rencontrer le 25 août. Ils ne peuvent pas brader cette entreprise. Je
vais tout faire pour qu'ils acceptent de céder l'activité à l'un des
deux repreneurs déjà en lice. C'est essentiel pour faire de Molex un dossier de référence et montrer que le gouvernement joue son rôle.
Pour Sanofi, qui souhaite fermer quatre sites en France malgré l'annonce de gros profits, vous adopterez la même attitude?
Oui, je vais aussi me battre pour Sanofi. Je suis heureux de vous annoncer que j'ai déjà obtenu du PDG de Sanofi France que le site de Porcheville (Yvelines), sur lequel pesaient les plus gros risques, ne fermera pas. Il restera à Sanofi ou sera cédé à un repreneur qui s'engagera à ne pas licencier. Quant aux trois autres sites, j'y travaille et j'ai très bon espoir
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"Nous sommes entrés dans une société où chacun aura deux, trois métiers au cours de sa vie."
Ceux qui "entrent en politique" à 20 ans pour en sortir à 80 en savent quelque chose.