Bien cher Orimont,
Je ne vous ai pas pris pour un autre mais, comme souvent, répondant à l'un on répond à tous, même et surtout à ceux qui n'ont pas posé la question (les grands sachems de la communication vous diront qu'on ne doit pas répondre à une personne et à une question, mais qu'on doit donner la réponse qu'on veut donner à ceux à qui on veut la donner. Comme disait en substance le rusé Georges Marchais , "Vous avez votre question et j'ai ma réponse").
Il se trouve que j'appartiens aux deux catégories que j'ai citées (mathématiquement, que je suis à leur intersection). Mon environnement professionnel est "blanc de chez blanc", mon vieil appartement tarnais est en zone sensible mais j'y suis attaché, et si les avions d'Air France sont tels que je les décris, mes activités footballistiques m'amènent à fréquenter divers milieux. Pour ce qui est des prisons, je connais aussi, pour y avoir effectué des actions de nature sociale (aide à l'aumonier, ce qui fait que mon public était encore moins maghrébin).
Je ne cache pas que, tout comme beaucoup de liseurs de ce forum, je ressens un certain trouble quand je vois les changements qui se produisent, notamment dans la capitale. Cela étant, je suis tout aussi troublé quand je vois les déferlements de haine contre ma religion, déferlements émanant de Français bien de chez nous, déferlements que je n'avais pas connus autrefois.
Pour ajouter à mon trouble, j'ai rencontré bien des gens issus de la diversité, comme on dit, qui sont des gens très bien, et j'ai très souvent aussi été choqué par les attitudes provoquantes de jeunes aussi issus de la diversité.
Tout cela pour vous dire que mes idées sur le sujet sont des plus confuses, mais de cela vous aviez déjà dû vous apercevoir. J'ai toujours eu (et là je ne m'adresse pas à vous) une certaine envie quant aux gens qui ont la foi du charbonnier, lato sensu, c'est à dire qui ont des idées simples auxquelles ils adhèrent sans autre question. J'aimerais pourvoir dire soit "il y a trop d'étrangers, surtout des arabes et des noirs, renvoyons-les chez eux, de façon générale et absolue", soit "la France doit être un vaste melting-pot dans lequel chacun est le bienvenu et notre culture doit se dissoudre car elle n'est en rien supérieure aux autres, de façon générale et absolue". Je n'arrive ni à l'un, ni à l'autre. Je manque donc, vous le voyez, de certitudes.
Quand on n'a pas de certitudes, que faire ? demander aux prêtres pour ce qui est divin, et essayer de comprendre pour ce qui ne relève pas des Mystères révélés. Or, pour comprendre un phénomène qui a une large composante numérique, le mieux est tout de même de le quantifier. J'observe à ce propos (et je ne m'adresse là encore pas à vous) que Monsieur Le Pen fait de même quand il évoque les pourcentages de détenus.
De mon point de vue, qu'il y ait dans le 93 d'après ces décomptes un bon tiers de naissances musulmanes et, en comptant les chrétiens de toute part venus de l'étranger, sans doute une bonne moitié des enfants de Seine-Saint-Denis qui ne soient pas de culture européenne, ne peut pas laisser indifférent. Qu'il n'y ait, en regard, qu'un sixième, à peu près, de ces mêmes enfants qui soient de cette catégorie-là au niveau national montre, sans qu'il soit besoin de faire de bien longs calculs, qu'on va non pas vers une submersion, mais vers deux France.
Une chose pour moi est sûre : ces enfants sont nés ici, ils ne repartiront pas, quoi qu'on fasse et quoi qu'on dise. C'est une de mes rares certitudes. Il faut donc que nous cherchions les moyens de vivre avec. Ces moyens passent assurément par une bonne connaissance quantifiée de la question.
Pour conclure ce plaidoyer pro domo, une chose encore : on dirait que les deux extrémismes, celui des amis de Monsieur Le Pen et celui des amis des barbus partent des mêmes prémisses, à savoir qu'il y aurait beaucoup plus de musulmans que ceux qu'il n'y a en réalité. Les uns pour dire qu'il y en abeaucoup trop, les autres pour dire que, vu leur nombre, on ne leur fait pas assez de place.