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Un petit mystère : Roger-Pol Droit

Envoyé par Renaud Camus 
À propos de journalistes, pratiquement toute la journée d'aujourd'hui, sur France Culture — émissions du matin, de midi et du soir — était consacrée à Roger-Pol Droit, le critique de philosophie du Monde. Comme souvent, c'est la stupéfaction qui l'emporte chez moi. Ces journées d'hommage à des vivants, de la part de France Culture ou de France Musique, me semblaient compter parmi les suprêmes hommages de la République culturelle, quelque chose qu'on décerne à Lévi-Strauss pour ses cent ans ou à Dutilleux à l'occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire. Mais Roger-Pol Droit ??? Peut-être me trompe-je totalement sur Roger-Pol Droit. Je le voyais comme un journaliste un peu besogneux, farouche chien de garde de la bonne pensée en place (il m'a beaucoup montré ses crocs, pendant "l'affaire"), auteur de nombreux ouvrages, bien sûr, mais tel que personne n'a jamais songé à voir en lui un philosophe. Et voilà que…

Ou bien il inaugure une nouvelle série, une sorte de démocratisation des journées d'hommage de France Culture, qui seraient offertes tous les mois, voire toutes les semaines, à des auteurs qui publient des livres que la station entend soutenir ?
Cher Renaud,
Je suis surpris qu'il vous ait montré ses crocs... Y a-t-il un article de lui à propos de l'affaire ? Je l'aurai zappé... Je l'ai rencontré à l'occasion d'un colloque de mal-pensants, au contraire, il y a deux ans. Je ne connais pas ses ouvrages, mais il m'avait semblé bien moins dogmatique que d'aucuns. Quant à "philosophe", est-il vocable plus usurpé que celui-ci en France ?
C'est un imposteur doit sa carrière à Michel Droit (son père ou oncle), qui n'a rien fait que vulgariser de manière tout à fait affligeante. Il fait la leçon aux Français à propos de l'Inde, mais il ne sait pas le sanskrit (à midi, il a eu l'humilité de dire qu'il avait "étudier un peu le sanskrit", pas assez pour lire et traduire les grands textes en tout cas). Il a su vite qu'il n'aurait rien à dire sur les philosophes de la tradition alors il a eu l'idée de parler de ceux dont les philosophes ne parlent, et pour cause : ce ne sont pas des philosophes. Ce sont parfois des penseurs, mais pas des philosophes. La philosophie est une expérience de pensée particulière, qui naît en Grèce et a ensuite son histoire.
Droit confond tout. Qui dit pensée ne dit pas philosophie.
Il déteste Heidegger qu'il n'a guère lu et pas du tout compris : il le cite comme celui qui dénie aux Orientaux la pensée. En fait, on trouve des textes de Heidegger où il dialogue avec la tradition chinoise (Langue technique et langue de tradition) et avec la tradition japonaise (Acheminement vers la parole). Simplement, Heidegger ne confond pas pensée et philosophie. Toute pensée ne se laisse pas ramener à la métaphysique ! Et la métaphysique n'est pas ce que Heidegger prise le plus, puisqu'il tente de proposer un autre commencement pour la pensée, concluant que la métaphysique est une "authentique impasse", nécessaire historiquement, mais stérile pour penser l'être.
Je partage le sentiment de Renaud Camus : ces journées consacrées à des apparatchiks du système sont assommantes. Nous supportons déjà les interminables questions de l'ex-mari de Carla qui ne laisse pas les gens parler !
Utilisateur anonyme
01 octobre 2009, 00:26   Re : Un petit mystère : Roger-Pol Droit
C'est un imposteur qui doit sa carrière à Michel Droit (son père ou oncle)

J'ignorais cette parenté, mais je doute qu'elle soit un soutien efficace pour faire carrière au Monde...
Je suis surpris qu'il ait des crocs qu'il puisse montrer.
L'ayant écouté quelquefois d'une demi-oreille, ou lu distraitement quelque article sans qu'il s'en dégageât autre chose qu'une impression vague si caractéristique de la "pensée molle", on s'attendrait plutôt à un édenté.
Mais je n'ai jamais lu moi non plus aucun de ses ouvrages, aussi tout ce que j'en dirai n'aura vraiment aucun intérêt.

Voici de Heidegger, dans les premières pages de Qu'appelle-t-on penser ? :

« Et pourtant ! il se pourrait que l'homme traditionnel ait déjà trop agi et trop peu pensé depuis des siècles. Mais comment quelqu'un peut-il aujourd'hui prétendre que nous ne pensons pas encore, alors que partout l'intérêt pour la philosophie est vif, qu'il se fait entendre toujours plus, que tout le monde veut savoir ce qu'il en est de la philosophie ?
Les philosophes sont les "penseurs". Ils s'appellent ainsi parce que c'est proprement dans la philosophie que se joue la pensée. »

Oui, mais "penser" réellement, est-il assené un peu plus loin, c'est penser ce qui depuis toujours s'est détourné, et se retire immanquablement quand on prétend le saisir ; la pensée véritable est la pensée de ce qui ne peut être saisi en le pensant. L'homme n'est que le Montrant. C'est pourquoi la "philosophie" jusqu'à présent, et surtout la science, ne pensent pas : elles parviennent, avec suffisance, à l'objet de leur visée.
C'est d'un mesquin !
Utilisateur anonyme
01 octobre 2009, 08:01   Re : Un petit mystère : Roger-Pol Droit
Ses 101 expériences de philosophie quotidienne sont assez distrayantes lors d'un voyage en train. Il serait un peu à la philosophie ce que Bernard Werber est à la science.
Mais enfin y a-t-il un précédent à des hommages de cette sorte ? Toute la journée ! Roger-Pol Droit !

Ah, Mr Chaouat, puisque je vous tiens, auriez-vous la bonté de m'expliquer ce que c'est que "Les Spirales du sens" ? Avez-vous eu un exemplaire de ce livre entre les mains ? Auquel cas vous seriez plus chanceux que moi qui en découvre l'existence par le site des Lecteurs de Machin-Truc...
Toute pensée ne se laisse pas ramener à la métaphysique ! Et la métaphysique n'est pas ce que Heidegger prise le plus, puisqu'il tente de proposer un autre commencement pour la pensée, concluant que la métaphysique est une "authentique impasse", nécessaire historiquement, mais stérile pour penser l'être.


"...c'est une des idées de Heidegger que les grands métaphysiciens ont tous dit, mais sous des formes très différentes, une seule et même chose. Héraclite et Parménide, pour prendre deux très grands métaphysiciens, ont-ils dit des choses différentes ou la même chose ? L'interprétation classique nous affirme qu'Héraclite et Parménide sont des philosophes opposés l'un à l'autre: l'un, philosophe de l'immobilité, Parménide; l'autre, philosophe du mouvement, Héraclite. Mais Heidegger nous dit qu'il faut mieux observer et qu'alors on verra que, dans Parménide, il y a une sorte de lutte et de contradiction (entre l'être et la pensée) comme dans Héraclite, et que dans ce dernier il y a une unité dans ce qu'il appelle le "Logos", qui est à la fois la raison, la parole et le feu. Par conséqent, nous trouvons de l'unité chez le philosophe du changement et de la diversité chez le philosophe de l'unité. C'est qu'au fond, nous dit Heidegger, tous les grands philosophes ont été en présence d'une seule et même vérité qu'ils ont simplement exprimée de façons différentes.

Nous pensons quant à nous qu'il y a des divergences fondamentales entre les métaphysiciens, qui ne sont pas seulement des divergences d'expression, mais des divergences de vision. (...)Nous nous trouverions aussi devant les réflexions de Paul Valéry qui, peut-être grand métaphysicien sans le vouloir, n'aimait pas la métaphysique qu'il appelait un des domaines des choses vagues. Il faudrait voir ce que Valéry signifie par "choses vagues", et peut-être serait-on amené à se rendre compte qu'il y a des choses vagues, qu'il y a des choses pour lesquelles il n'y a pas d'idées claires et distinctes. Il y a un domaine du vague, et ce n'est pas forcément condamner un ensemble d'études que de l'appeler domaine des choses vagues."

in Jean Wahl, L'Expérience métaphysique, 1965
Je ne comprends pas ce dénigrement de Roger-Pol Droit. Pour moi, il ne s'agit pas d'un hommage de France Culture à cet auteur, mais d'une utilisation de cet auteur par la chaîne. Tant pis pour ceux qui demandent à Roger-Pol Droit ce qu'il ne peut donner. Je trouve, quant à moi, que ce qu'il donne n'est pas si mal. Quant à France Culture, je suis le premier à regretter sa déchéance.
Il ne s'agit pas de dénigrer Roger-Pol Droit (encore que, personnellement, je n'ai pas tendance, à première vue, à le tenir en très haute estime). J'essaie de comprendre une pratique que je trouve stupéfiante et que je crois, mais peut-être me trompé-je, sans précédent ; et pourquoi c'est Roger-Pol Droit, personnage asssez obscur à ma connaissance, qui en fait l'objet. Qui suivra ? Catherine Clément ? François de Closets ? Josyane Savigneau ?
...Josyane Savigeau...Ah ! Josyane Savigneau... L'impératrice du livre, l'érudite, l'éclairée, la clairvoyante, la lectrice, la critique, la féministe, l'initiatrice. Qu'attendent les Immortels pour la reconnaître des leurs ? Pourquoi le ministère tarde-t-il à attribuer son patronyme à quelques places et avenues ?
Sans parler de Roger-Pol Droit (dont j'ai lu quelques ouvrages et que j'aime bien pour ce qu'il m'apporte, et à qui je n'en veut pas, donc, de ne pas apporter ce qu'il n'apporte pas), je crois que cette nouvelle mode fait partie du déclin de la chaîne : on prend tout simplement ce qu'on a sous la main ! Je parie tout ce qu'on veut que ce ne sera pas un hapax : il est évident que pour exploiter un parleur, il est plus facile de choisir un vivant...

Je n'avais jamais entendu Roger-Pol Droit, et, ne fréquentant plus cette triste chaîne que le samedi matin, je suis en train de capter les quelques émissions encore disponibles de la journée d'hier. Je trouve que ses interventions, au pied levé, ne sont pas si mal que ça...

Dommage que l'on perde un peu cette habitude sympathique, que l'on a eue un temps ici, d'annoncer (i.e. à l'avance !) les choses intéressantes en radio ou en télévision...
Est-ce que quelqu'un aurait enregistré les "podcasts" de ces émissions ? Les fils "Realaudio" semblent décrocher systématiquement après cinq minutes...
Cher M. Camus,
C'est amusant, car je viens de recevoir un exemplaire de cet ouvrage, qui devrait rester bien confidentiel, étant donné l'éditeur. Il est déjà (ou toujours ?) indisponible sur amazon... Quelques textes (que je n'ai pas encore lus) de commentaire, et trois entretiens (questions de Sarkonak, réponses de AF, Porter et votre serviteur...)
Si vous y tenez, je puis vous faire parvenir (mais comment ? par courriel ?) les épreuves de mon texte, qui n'est pas à proprement parler renversant ni ne constitue une césure historiale dans ce qu'il est convenu l'affaire Camus.
Merci à celui qui m'a aidé à capter ces émissions. Le plus pénible est encore d'entendre Catherine Clément parler de l'Inde...
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