"Nous sommes, ma soeur et moi, des sortes de puristes, sinon des puritains. Nous avons mis notre confiance, notre foi, dans une langue que presque plus personne ne parle et qu'on n'écrit plus de la façon dont nous la parlons entre nous.
"Une langue quasi morte où nous errons comme des ombres", disait-elle. Parler est la noblesse du souffle, et le silence une neige tombant sur toute langue. Nous sommes des souffleurs de verre dans un pays sans eau ni feu, des solitaires, des déclassés en quête de territoires nouveaux, en route pour des lieux que l'amour nous a interdits et que nous espérons malgré tout atteindre à notre façon, elle en enseignant et en se tenant loin des hommes (au point que je me demande quelle étrange et quelle inquiétante pureté la langue trouve dans ce corps vierge), et moi en tâchant d'écrire dans un français rigoureux des articles dont je me désole qu'ils soient destinés à flatter un public non seulement conservateur mais en grande partie stupide, comme l'est ce nouveau siècle."
R. Millet, "Le goût des femmes laides", p. 106.
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Ai découvert Richard Millet en participant à ce forum...