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Etat de l'enseignement

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
22 novembre 2009, 12:44   Etat de l'enseignement
Bien chers amis,

Nous sommes tous d'accord, je pense, pour dire que le niveau moyen des diplômes s'est effondré, et que le baccalauréat ne représente plus rien.

Je me suis posé une question sur les résultats obtenus dans l'enseignement supérieur, pour la raison suivante.

Depuis quelques années, je participe, pour le compte de notre Gouvernement, a des réunions internationales, et je suis, dans ces réunions, cerné par des PhD, des "dottore", des "Dr Dr" (les collègues Allemands sont souvent "doubles docteurs"). Quant à moi, je me présente comme M. B..., simple particulier.

Pourquoi cela ? hé bien, parce qu'en France on ne collationnait un doctorat d'Etat, dans la pratique courante, qu'en médecine (et disciplines voisines) et éventuellement en droit, et non ès lettres ou ès sciences si on ne se destinait pas à la carrière universitaire.


J'ai donc posé, à quelques semaines d'intervalle, la question du niveau des étudiants au-delà de la maîtrise à des personnes qui m'inspirent confiance.


Premier cas, dans le domaine scientifique. J'ai interrogé un ami, chercheur, directeur d'un important organisme, ce monsieur étant proche de la retraite, lui-même docteur d'Etat (obtenu malgré le fait qu'il soit très brillant à trente-cinq ans) et médaille d'argent du CNRS (ce qui n'est pas rien). Il est très satisfait des jeunes chercheurs ("thèse en trois ans") et autres post-doc.

Deuxième cas, dans le domaine littéraire. J'ai interrogé une amie de ma mère. Cette dame qui n'est plus toute jeune (baccalauréat obtenu en 1945) est sévrienne et agrégée de philosophie, ce qui n'est pas rien non plus. Elle avait choisi, par amour, d'enseigner près de son mari, en lycée, et n'a donc collationné son doctorat (une vraie somme) qu'à cinquante ans. Elle s'est re-convertie au catholicisme à cinquante-cinq ans, a appris alors l'hébreu pour pouvoir lire les Textes et a obtenu tous les diplômes concevables en la matière. Actuellement, afin de meubler ses loisirs, elle assure des vacations quant à l'exégèse de textes au bénéfice de l'enseignement catholique supérieur (essentiellement correction à distance de devoirs d'exégèse à partir de textes en hébreu, je n'en sais pas plus). Elle est très satisfaite quant au niveau de ces étudiants (à de nombreuses défaillances orthographiques près).

Plus généralement, la lecture assidue de "La Jaune et la Rouge" depuis presque quarante ans ne me laisse guère entrevoir une baisse du niveau de ceux qu'on nommait, en des temps politiquement incorrects, les "premiers sujets", et je serais curieux d'avoir des lumières sur ce qu'Alain Finkielkraut pense du niveau des polytechniciens d'aujourd'hui.
Utilisateur anonyme
22 novembre 2009, 14:35   Confiance/pas confiance.
à des personnes qui m'inspirent confiance.


BCJmarc,


Quels sont vos critères ?
22 novembre 2009, 14:55   Re : Confiance/pas confiance.
Il n'est pas impossible que le niveau de l'élite universitaire et étudiante soit globalement bon, notamment dans les îlots d'excellence tant bien que mal préservés : ce qui s'est effondré, c'est le niveau moyen, depuis l'école élémentaire jusqu'aux universités, et, pour ces dernières, notamment en première année à laquelle bon nombre ne survivent pas.

Cela dit, en sciences humaines, le niveau des professeurs de sociologie par exemple, où dominent les Wieviorka et autre Mucchielli, est lamentable, à pleurer, littéralement. Mais la sociologie est peut-être un cas particulier.

Quant aux sciences proprement dites, on n'entend pas beaucoup parler de prix Nobel attribués à des Français et chacun connaît la place des universités françaises dans le classement inventé par les Chinois.
22 novembre 2009, 15:16   Critères
Des personnes que je connais par moi-même et non par ouï-dire.
Utilisateur anonyme
22 novembre 2009, 21:37   Re : Etat de l'enseignement
Hélas nous autres ne fréquentons guère les médailles d'argent du CNRS ou les exégètes de textes anciens. Et ceux que nous côtoyons ne nous inspirent pas les mêmes sentiments.

Comme pour la vertu chez Pascal, un bon niveau moyen de culture générale largement répandu m'importe plus que la fréquentation des cimes par nos élites.

Même si l'un n'empêche pas l'autre.
22 novembre 2009, 22:49   Culture générale
Il reste à savoir si le niveau de culture générale, il y a quarante ans, était aussi haut que cela (que la quasi totalité de la population ait su lire, écrire et compter mieux que ne le fait la population actuelle, c'est fort possible. En revanche, que la proportion de personnes ayant des notions de calcul intégral et différentiel, ou de biologie, ou de thermodynamique ait augmenté, cela est très probable ; que la proportion de personnes capables de comprendre ce que dit un visiteur anglophone et de lui répondre de façon à peu près intelligible ait crû, cela me paraît certain).

En fait, si effondrement il y a, c'est plutôt celui des diplômes : la licence d'il y a quarante ans n'a rien à voir avec la licence actuelle, mais que le mastère (?) actuel soit du niveau de la licence ancienne, c'est fort possible.


Prenons le problème autrement : le niveau de culture de la France de 1950 me paraît très supérieur, en moyenne, à celui de la France de 1880. Or, en 1950, on n'imagine déjà plus le plus brillant élève d'un lycée accueillir un ministre par un discours en latin, comme le fit Jaurès.

Enfin, bien cher Todomodo, je ne passe (hélas) pas mon temps en fréquentation de gens éminents (quoiqu'ils soient éminents au sens ancien, qui se soucie dans la France actuelle des exégètes et des médailles d'argent du CNRS ?), mais je trouve enrichissant de rencontrer des gens de cette sorte.


A propos, comment définit-on la culture ? peut-on dire d'un littéraire qui ignore tout des sciences qu'il est cultivé ? Descartes et Pascal furent des scientifiques...
22 novembre 2009, 23:08   Re : Etat de l'enseignement
En mathématiques , le niveau de la recherche française est vraiment bon ; plusieurs mathématiciens français ont obtenu la médaille Fields qui est considérée comme le "prix Nobel de mathématiques". (En effet , ce dernier n' existe pas .)
La recherche française de mathématiques est une des meilleures du monde.
Il y a trente ans , le niveau du lycée français , en mathématiques , était excellent ; mais malheureusement , ce n' est plus le cas aujourd' hui !
Car depuis vingt ans , les journalistes et politiciens tirent à boulets rouges sur la mathématique , et son rôle comme instrument de sélection.
L' apothéose a été atteinte avec Claude Allègre , qui osa déclarer que , grâces aux ordinateurs , on avait plus besoin des mathématiques !
Pour ceux qui sont intéressés par le sujet , je vous conseille d' aller lire cet article. [serge.mehl.free.fr]
22 novembre 2009, 23:26   Rien de moins non plus
Cher Jean-Marc, vous semblez pencher pour la culture de l' "honnête homme" au sens pascalien... Ne quid nimis...
23 novembre 2009, 11:22   Re : Etat de l'enseignement
Il est vrai que le titre de "docteur" est prestigieux en Italie, en Allemagne, dans les pays arabes - ce qu'il n'est pas en France - et que ceux qui l'ont obtenu s'en targuent ouvertement, ce qu'ils ne font pas en France.

Il y a des raisons objectives ou historiques à cela : c'est le discrédit dans lequel est tombée en France l'université du XVIe au XVIIIe siècle. Les vraies recherches se sont faites hors de l'université - en physique, en chimie, en archéologie, dans les cabinets de curiosité ou de physique. Le Collège de France, puis les académies (française, des beaux-arts, de danse, etc.) ont été fondées à côté de l'université et par défiance vis-à-vis de cette institution, tenue pour sclérosée. Les révolutionnaires ont pris acte de cela, quand ils ont retiré aux universités (alors privées et dépendant indirectement de l'Eglise) leurs moyens de vivre, en nationalisant leurs biens, et en fondant des "écoles" (X, normale supérieure) pour former, hors de l'université, les futurs cadres de l'Etat, puis de la république. Les lois Fontanes de 1806 et 1808 ont reconstitué un embryon d'université, en en faisant des institutions de l'Etat - c'est-à-dire en les soumettant à une administration.

De toutes les universités d'autrefois, les seules qui aient conservé un peu de leur prestige ancien sont celles où est enseignée la médecine. Ce sont aussi les seules où le titre de docteur est toujours en usage. Le titre s'est spécialisé comme appellatif des médecins et il est même employé à la place du nom "médecin" ("appelez un docteur", "le docteur a dit que...").
23 novembre 2009, 13:28   Docteur mais ingénieur
Bien cher JGL,


Je vous remercie pour ces informations très pertinentes. Pour aller tout à fait dans votre sens, je précise que le docteur d'Etat auquel je faisais allusion n'est pas de formation universitaire, mais est polytechnicien.
23 novembre 2009, 13:33   Pascal et l'honnête homme
Connaissez-vous, bien cher Alain, cette lettre que Pascal écrivit à Fermat à propos du chevalier de Méré :

Je n'ai pas eu le temps de vous envoyer la démonstration d'une difficulté qui étonnait fort M. de Méré, car il a très bon esprit, mais il n'est pas géomètre (c'est, comme vous savez, un grand défaut) et même il ne comprend pas qu'une ligne mathématique soit divisible à l'infini et croit fort bien entendre qu'elle est composée de points en nombre fini, et je n'ai jamais pu l'en tirer. Si vous pouviez le faire, on le rendrait parfait.

Il me disait donc qu'il avait trouvé fausseté dans les nombres par cette raison :

Si on entreprend de faire un six avec un dé, il y a avantage de l'entreprendre en 4, comme de 671 à 625.

Si on entreprend de faire Sonnez avec deux dés, il y a désavantage de l'entreprendre en 24.

Et néanmoins 24 est à 36 (qui est le nombre des faces de deux dés) comme 4 à 6 (qui est le nombre des faces d'un dé).

Voilà quel était son grand scandale qui lui faisait dire hautement que les propositions n'étaient pas constantes et que l'arithmétique se démentait : mais vous en verrez bien aisément la raison par les principes où vous êtes.



Je rappelle, pour les in-nocents "non scientifiques" que le problème posé par le chevalier de Méré à Pascal était le suivant, en substance :

Sachant que si on jette quatre fois un dé à six faces, il y a plus de chances qu’on obtienne un 6 plutôt qu’on n’en obtienne pas, alors, si on jette vingt-quatre fois deux dés à six faces, il y a plus de chances qu’on obtienne un double six plutôt qu’on n’en obtienne pas.
23 novembre 2009, 22:03   Re : Pascal et l'honnête homme
Houlà, je suis encore bien moins géomètre que le chevalier de Méré...
Voici, à titre d'information supplémentaire, si besoin était, la réponse de Pascal à Méré concernant le problème du partage de la mise, si un joueur décide d'interrompre une partie, permettant donc de calculer la "valeur d'attente", à partir de quoi se fondera le Pari, extrait de cette même correspondance avec Fermat :

« Si deux joueur jouent à un pur jeu de hasard, à condition que si le premier gagne, il lui reviendra une certaine somme et s'il perd il lui en reviendra une moindre, alors en cas d'interruption du jeu, il faut donner au premier la somme qui lui reviendrait en cas de perte plus la moitié de la différence entre cette somme et celle qui lui reviendrait en cas de gain. »
24 novembre 2009, 09:03   Re : Etat de l'enseignement
Je ne pense pas, cher Jean-Marc, que l'on puisse tirer quelque règle ou loi de cas singuliers ou d'exemples ou de témoignages particuliers que vous citez. En voici une preuve "à rebours" : les faits rapportés ci-dessous n'ont pas d'autre valeur que celle d'anecdotes plaisantes ou pittoresques.

Hier, au jeu des Mille Euros (France Inter, 12 h 45), à un candidat français d'Ostrava (Moravie, République tchèque), diplômé de l'enseignement supérieur en Français langue étrangère (sans doute une maîtrise ou même un doctorat), lecteur de français à l'Université d'Ostrava et professeur de français à l'Alliance française de cette ville, deux questions de langue française ont été posées et auxquelles il a été incapable de répondre.

La question bleue (jugée facile) était formulée ainsi (je cite de mémoire) : "à quel domaine d'activités correspond l'halieutique ?". L'universitaire a répondu d'abord au hasard la physique, la chimie; la Tchèque qui était candidate avec lui a suggéré l'aéronautique. L'animateur, au "repêchage", a tenté de les aider, en parlant de la rivière qui traverse Ostrava et des nombreux lacs de la région. Une réponse a fusé : "la navigation". Ce garçon, qui est sinon docteur de l'université, du moins maître ès lettres, enseignant le français et ayant une expérience de l'enseignement supérieur, ignore le nom et adjectif "halieutique". Il semble, aux opinions qu'il a exprimées, qu'il soit écolo bobo, mais il n'a jamais lu quoi que ce soit sur l'épuisement des ressources halieutiques et sur les actions menées par les écolos contre la (sur)pêche industrielle qui contribue à l'épuisement de ces ressources.

La question blanche était la suivante : "quel est l'autre nom de l'arbre à caoutchouc du Brésil ?". Là encore, ont été proposés comme réponses l'arbre à pain, le baobab et je ne sais quoi d'autre.... L'animateur, au repêchage, s'est longuement étendu sur le latex et quand, à ce docteur ou maître de l'université, il a donné la bonne réponse, le docteur s'est écrié : "ah oui". Il me semble que le mot hévéa est connu de tout enfant de 8 ou 9 ans, un peu curieux du monde. L'ignorer quand on est docteur et que l'on enseigne dans une université, qui plus est, à l'étranger, est d'autant plus inconcevable que c'est aussi n'avoir aucune idée du rôle qu'ont joué les plantations d'hévéa, en Indochine, dans l'histoire économique de la France et dans le développement de son industrie automobile.
24 novembre 2009, 09:15   Re : Etat de l'enseignement
Merci, cher JGL pour ce carottage piquant et accablant mais non point surprenant.
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