Cher Bernard, vous entendez dans "expatrié" l'expatriation, terme qui n'existe pas en langue internationale. Il y a deux types de contrat de travail, de mission, d'existence outre-mer : le contrat "expat" et le contrat "recruté local". Le contrat expat est un CDD, avec parachute dans l'institution ou le groupe au retour (qui souvent, continue de verser à l'intéressé son salaire de base dans l'entreprise, comme s'il n'était jamais parti) et prise en charge de son "détachement" (frais d'installation, du/de la conjoint(e), des mioches, et "congés dans les foyers" tous les deux ans). Le Quai d'Orsay, l'éduc nac., le groupe Carrefour, ont ainsi leurs expats, qui ne sont en rien des expatriés, qui ne connaîtront jamais l'expatriation et son gouffre d'incertitudes, son retour au pays aléatoire, impossible, la dissolution d'identité, la désappartenance.
L'immigré en France est un curieux animal, assez singulier (dans le monde, on le désigne comme le "French-Arab", spécialiste de la fraude à la carte de crédit) qui jouit des deux pays, vient et va comme il lui plaît, encaisse des dividendes sociaux des deux côtés de la Méditerranée, n'appartient nulle part, fait son beurre de tout, trahit tout le monde, mène des doubles comptabilités, revendique ses droits ici et là, touche deux smics, deux RMI, cinq allocs, plusieurs vies.
L'expatriation véritable, abyssale, l'extraction des racines, la sortie de soi, est une condition assez peu enviable, sans avenir véritable; bien peu la connaissent, et ceux-là généralement le temps d'un épisode de vie assez bref, soit qu'ils en sortent, soit qu'ils en meurent ou s'évanouissent sans que personne ne sachent exactement où ni comment.