Extrait du glossaire de la FAO mis en ligne ci-dessus:
Tenure
Formellement, le terme de tenure fait référence à ce qu'un agriculteur tient: d'abord une dépendance, un bien concédé en exploitation contre redevance, en particulier un bien foncier à usage agricole (BRUNET R. et al., 1993). On parle aussi de mode de tenure qui signifie le mode de concession d'une terre, c'est-à-dire la manière dont une terre est accordée. Ce sens rejoint celui de faire-valoir (Tenure system), c'est-à-dire le régime juridique de l'exploitation agricole réglant les relations entre l'usager et le propriétaire. En effet, le terme tenure désigne initialement une terre détenue dans une relation de vassalité et plus spécialement s’exerçant sur le domaine utile d’une seigneurie dans le cadre d’un rapport foncier lié au paiement d’une redevance: le cens. Classiquement, on distingue le mode de faire-valoir direct (Owner occupancy), qui est l'exploitation par le propriétaire lui-même, et le mode de faire-valoir indirect (Tenant farming ou Share-farming) tel le fermage ou le métayage (CUBRILO M., 1996).
«En droit féodal, les droits sur le fonds de terre étaient partagés entre le seigneur et le tenancier. Le premier détenait le droit éminent et le second avait la tenure du domaine utile. À la limite cela signifie que le cultivateur n’a que la jouissance du bien-fonds qu’il exploite. Une jouissance perpétuelle certes, mais garantie seulement par le versement des redevances exigées et par la réalisation des corvées y afférentes si corvées il y a. [...] si l’on néglige les serfs mainmortables de l’est de la France, le paysan se comporte bel et bien comme un propriétaire. Il y a longtemps qu’il transmet sa tenure librement. Il peut la louer, la léguer, la donner et même la vendre, sous réserve, le cas échéant d’acquitter les droits de mutation, type lods et ventes dus au seigneur. Bien mieux, les successions en ligne directe sont fréquemment exonérées de ces taxes» (BEAUR G., 1989).
«En Afrique actuelle, l’idée de tenure foncière exprime l’existence d’un rapport juridique s’exerçant en relation avec un faisceau d’autres droits, impliquant la reconnaissance d’un droit originel dont les droits d’usage sont dérivés, mais sans induire entre les détenteurs de droits une relation de type féodal» (LE ROY E., 1998).
Toutefois, la notion de tenure (ou mode de tenure) acquiert, dans la littérature actuelle sur le foncier (et de manière générale sur les ressources naturelles), un sens plus englobant, moins juridique et plus socio-institutionnel.
Le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA, 1995) définit la tenure comme étant les conditions qui déterminent la détention et l'usage des terres et des ressources naturelles qu'elles supportent. P. MATHIEU (1998) souligne la dimension sociale, c'est-à-dire les rapports entre les individus, de la notion de tenure: les modes de tenure foncière (ou régimes fonciers, Land tenure regimes) «incluent les règles et les modes de régulation relatifs à l'utilisation de la terre et des ressources, de même que les institutions et les relations qui déterminent l'application effective de ces règles». Ils comprennent donc «toutes les relations entre les individus ou les groupes qui gouvernent l'appropriation, l'usage, l'accès et le contrôle de la terre et des ressources naturelles qui lui sont liées (eau, arbres, fourrages...)».
Cette conception souligne l'intérêt d'adopter une approche de la question foncière qui privilégie le point de vue des acteurs et des groupes d'acteurs concrets. L'approche par les pratiques des acteurs s'intéresse en effet d'abord aux relations des hommes et des groupes à propos de l'accès à la terre et de son usage et de manière seulement secondaire, sans pourtant les ignorer, aux relations entre les différents modes d'accès et d'usage de la terre (angle d'approche juridique) et aux relations entre les différents modes d'accès et d'usages constatés et ceux qui devraient prévaloir pour atteindre un objectif donné (angle d'approche normatif) (CHAUVEAU J.-P., 1996).
Les régimes fonciers ou tenures constituent donc des arrangements entre individus et entre groupes, arrangements qui comprennent bien entendu des droits et des devoirs (Property rights).
À la suite de D. BROMLEY et M. CERNEA (1989), il est maintenant courant de distinguer quatre grands types de régimes fonciers: (1) les régimes de droit d’appropriation étatique (State property regimes) dans lesquels l'appropriation, la gestion et le contrôle de la terre et des ressources naturelles sont réalisés par l'État; (2) les régimes de la propriété privée (Private property regimes), où ces droits reviennent à un «propriétaire» individuel (la forme la plus complète de droit d’appropriation privé comprend le droit d'aliénation); (3), les régimes de propriété commune (on dit aussi collective) (Common property regimes, en abrégé CPRs), dans lesquels les droits d’accès et de contrôle appartiennent à une communauté ou une collectivité qui possède un droit d’exclusion et est capable de l'appliquer; et (4) le régime d'accès libre (Open access regime) dans lequel aucun droit d’appropriation, et en particulier aucun droit d’exclusion, n'est reconnu à une quelconque autorité, ou est très difficile à appliquer.
Généralement, plusieurs de ces systèmes fonciers se combinent dans des proportions variables au sein d'un système foncier