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Renaud Camus au Collège de France le 16 Mars

Envoyé par Alexandre Benfredj 
Dans le cadre de son cours "Ecrire la Vie", Antoine Compagnon a invité Renaud Camus pour parler de sa "graphobie".

La conférence aura lieu le 16 Mars 2010 de 17h30 à 18h30, 11 Place Marcelin Berthelot à Paris.
Merci du renseignement, mais s'agit-il de graphobie ou de graphomanie ?
Il semble que ce soit bien graphobie :

[www.college-de-france.fr]
« Graphobie (not Graphophobie) »

J'avoue ne pas être certain de comprendre.
Moi non plus, cher Marcel, mais peut-être faut-il chercher du côté de bios, la vie ? Ainsi, aérobie signifiant "qui a besoin de l'air pour vivre", graphobie pourrait signifier "qui a besoin d'écrire pour vivre"...
Bien vu, cher Francmoineau, c'est certainement cela.
Utilisateur anonyme
18 janvier 2010, 13:48   Re : Renaud Camus au Collège de France le 16 Mars
La manie obsessionnelle d'écrire sa vie, telle est la graphobie. La certitude, la sensation inextinguible que seuls les faits, actes, évènements vécus écrits sont seuls réels, entiers, pérennes. C'est l'écriture d'un évènement qui lui donne son sens et sa saveur. C'est le fait de vivre cet évènement qui lui donne son caractère impérieux de "devoir-être-écrit".
A ma courte honte, je m'aperçois que tout figurait déjà dans la rubrique "Articles, entretiens, textes critiques" du site Vaisseaux brûlés...
Mea culpa, donc, mais je suis heureux finalement d'avoir ainsi l'occasion de m'y (re)plonger.
« A ma courte honte[...] »

L'expression, que je découvre, me plait bien. Mais pourquoi courte ?
Je ne trouve que ceci qui m'en dit peu :

« Courte honte, insuccès. "Pour laisser le marquis avec sa courte honte". [Hauteroche, Les Bourgeoises de qualité] "....Tu me vois avec ma courte honte". [Corneille Th. Dom Bertran de Cigarral] "Le chat court, mais trop tard, et bien loin de son compte, N'eut ni lard ni souris, n'eut que sa courte honte". [La Motte, Fabl. IV, 8]

Un homme s'en retourne, s'en revient avec sa courte honte quand il a reçu l'affront de n'avoir pu réussir en quelque entreprise. Cette locution est singulière ; et, comme elle manque d'historique, on ne sait comment l'expliquer avec quelque sûreté. Provisoirement, on peut penser que courte honte signifie proprement honte à court délai, honte qui arrive tout de suite. 
»

Sauriez-vous, cher Francmoineau, m'en apprendre un peu plus ?
Je crains, cher Eric Veron, que vous n'ayez montré plus de curiosité que moi, qui ne m'étais seulement jamais interrogé sur cette expression, dont j'emploie qui plus est une forme fautive, apparemment...
Merci de m'avoir permis de l'apprendre. J'en serai pour ma courte honte !


Vx. (Revenir, s'en retourner) avec sa courte honte. (Faire quelque chose) après avoir essuyé un affront, un refus, ou sans avoir rien fait de ce qu'on s'était promis de faire (d'apr. Ac. 1835-1935).
♦ En être pour (en sortir à) sa courte honte. En être pour ses frais. Alors ceux qui blaguent, hypocrisent ou déchirent, en seront pour leur courte honte et pour leur mauvaise action (Verlaine, Corresp., t. 1, 1872, p. 300). Vous allez voir le revirement de l'opinion (...). Les Rastiboulois en seront pour leur courte honte. Je parie qu'avant huit jours, le préfet est obligé de demander son changement (Augier, Fourchambault, 1878, pp. 139-140).


(Trésor de la langue française)


Qu’espère-t-il ? pour qui me prend cet homme ?
Un rendez-vous ! est-il fol en effet ?
Sans que je crains de commettre Géronte
Je poserais tantôt un si bon guet
Qu’il serait pris ainsi qu'au trébuchet
Ou s’enfuirait avec sa courte honte.


(La Fontaine, la Confidente sans le savoir)


L’impatience d’habiter l’hermitage ne me permit pas d’attendre le retour de la belle saison, et sitôt que mon logement fut prêt, je me hâtai de m’y rendre, aux grandes huées de la cotterie Holbachique, qui prédisoit hautement que je ne supporterois pas trois mois de solitude, et qu’on me verroit dans peu revenir avec ma courte honte vivre comme eux à Paris.

(Rousseau, les Confessions, livre IX)



[books.google.fr]
Peut-être ceci ?

Court :
4. Spéc. Qui ne s'étend pas assez.
a) ART CULIN. Sauce courte. Qui manque de fluidité, trop épaisse.
b) CÉRAM. Pâte courte. Qui manque de plasticité, qui s'étend mal. Si la pâte est trop courte, on peut lui donner du liant (...) par le gommage (Al. BRONGNIART, Traité arts céram., 1844, p. 136).
c) PEINT. Peinture courte. Des artistes m'ont dit que, le silicate séchant très rapidement, la peinture est courte (MÉRIMÉE, Ét. anglo-amér., 1870, p. 252).

(T.L.F.)
19 janvier 2010, 09:10   Honte a tempera
Hmm... Bernard, sous-entendriez-vous que ma honte, afin qu'elle fût bue, eût dû être étendue ?
Dans mon enfance et ma jeunesse, j'ai souvent entendu mon grand-père maternel commencer une phrase par : « À ma grande et courte honte... »
19 janvier 2010, 11:53   Re : Honte a tempera
Non, qu'elle avait trop de consistance, et était difficile à avaler...
Cette expression de courte honte, que j'ignorais, est-elle plus employée dans telle région que dans d'autres ?
19 janvier 2010, 15:03   Courte honte
J'ignorais aussi cette expression.
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 10:53   Re : Renaud Camus au Collège de France le 16 Mars
La conférence de Renaud Camus enregistrée lors du séminaire d'Antoine Compagnon au Collège de France, le 16 mars 2010, et intitulée Renaud Camus Graphobie (not Graphophobie) est enfin en ligne (l'humour camusien s'y manifeste avec éclat).

[www.college-de-france.fr]
Bily was here, et il en garde un très très grand souvenir. Mille mercis pour cette mise en ligne, cher Agrippa.
A-t-on retrouvé Roland Barthes ?
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 11:27   Re : Renaud Camus au Collège de France le 16 Mars
Agrippa was here also, cher Stéphane Bily, et conserva toujours pieusement, entre deux piles de draps, les premières minutes de ce discours d'anthologie enregistrées sur son téléphone...

J'espère que ce n'est pas vous qui avez applaudi à la fin, fournissant un prétexte au Maître pour clore son discours ?
[smiley]
Bravi !
[smiley pour le "i"]
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 14:22   Re : Renaud Camus au Collège de France le 16 Mars
Une très belle conférence. Bravo, ô Maître !
Citation
Agrippa

J'espère que ce n'est pas vous qui avez applaudi à la fin, fournissant un prétexte au Maître pour clore son discours ?
[smiley]

Ah non, mais quel imbécile, celui-là, je m'en souviens en effet parfaitement, comme si c'était hier ; cet homme (mais ce pouvait bien être une femme) a tout gâché, il devait se croire à un meeting politique ; j'avoue en avoir voulu un peu à Camus lui-même d'y avoir trouvé un prétexte pour s'arrêter à ce moment-là...
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 15:36   Re : Renaud Camus au Collège de France le 16 Mars
On reste un peu sur sa faim.
Évidemment qu'on reste sur sa faim. On n'en a jamais assez d'écouter Renaud Camus !
15 août 2012, 21:38   Les valseuses
"Graphobie" m'évoque de ces mots curieux qui émergent lentement de l'eau en avançant en crabe, allez savoir...

Quant à la "courte honte", je me demande si elle ne provient pas du croisement improbable entre la remembrance de ce passage biblique (j'espère ne pas me tromper, le souvenir précis en est flou) où David, légèrement vêtu d'un vêtement lui couvrant à peine les cuisses, dansait en faisant de grands mouvements et dévoilait par moments sa "honte" (חרפתו), et l'expression déconfite "s'en retourner la queue entre les jambes".
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