Communiqué n° 637 : Sur une consécration par la bande

Le parti de l'In-nocence déplore qu'à l'occasion de la déplaisante polémique dont est victime M. Sylvain Gouguenheim à la suite de la publication de son livre "Aristote au Mont-Saint-Michel, Les racines grecques de l'Europe chrétienne" soit tout à coup érigée en vérité établie et quasiment officielle, que viendrait audacieusement et imprudemment contester l'ouvrage de M. Gouguenheim, l'assertion selon laquelle la pensée, en Occident, devrait au détour par l'Islam toute ou presque toute sa connaissance de la philosophie antique — assertion qui jusqu'à présent n'était elle-même qu'un paradoxe, pas tout à fait sans quelque fondement marginal, certes, mais qui venait seulement contester ou affiner les vues établies de l'historiographie classique, selon lesquelles l'essentiel de la préservation de l'héritage antique était dû aux couvents du haut Moyen-Âge, aux liens maintenus avec l'empire d'Orient et, plus tard, à l'exil des érudits byzantins après la prise de Constantinople ; tandis que nous assistons à un tour de passe-passe qui voit, à la faveur de la contestation légitime dont elle est l'objet, la contre-thèse consacrée en thèse et quasiment en dogme incontesté, ce qu'elle n'a jamais été sérieusement, sinon dans les milieux intellectuels les plus gravement ravagés d'opportunisme idéologique.

Cette polémique a au moins une vertu, c'est de nous révéler où sont nos amis, où sont nos ennemis, et où sont les lieux qui sont favorables au culte du savoir. Si un chef de travaux universitaires de Liège, Madame Marie-Paule Loicq-Berger a pu publier tranquillement, en 1996, un article intitulé « Le Sauvetage d'Aristote », où elle montre précisément la même chose que Gouguenheim, c'est qu'elle a pu mener sa recherche à l'abri des coups des médias, et à l'abri, surtout, des hordes barbares, des chiens de garde et des chefs de bandes... (Je donnais dans un fil parallèle le lien vers son article.)

Avez-vous vu le blog d'Assouline, à cet égard ?

Oui. Il donne, sans trop se prononcer, la liste des griefs lancés contre Gouguenheim, ce qui est déjà fort intéressant, et représente une belle économie en lecture de stupidités. Il y a aussi quelques liens remarquables. Lorsqu'on verra Assouline prendre parti avec fermeté, c'est très probablement qu'il n'y aura plus aucun danger... Il donne bien un coup de griffe, mais qui ressemble plus à un ballon d'essai, en attendant de voir d'où vient le vent...

Oui c'est exactement cela. Assouline attend courageusement le museau en l'air. En même temps, il ne veut peut-être pas se fâcher avec son collègue Roger Pol Droit.
En tout cas, il est à craindre que le malheureux Sylvain Gouguenheim (moi j'trouve que l'patronyme de c'type il est déjà suspect car il se termine par la syllabe heim, qui nous rappelle certaines heures sombres, heideggeriennes notamment. Et puis, Sylvain ça fait pagano-nazi : genre recours aux forêts, tu vois c'est pas très net tout ça) ne soit au bout de ses peines. Assouline annonce une campagne dans Libération (que font Les Inrockuptibles ?).
Je ne sais si De Libera et sa bande sont des bons historiens mais je suis sûr que ce sont de petits hommes. Qui sont-ils en effet pour juger des "fréquentations" (forcément douteuses) de Gouguenheim et pour aller fouiller dans ses courriers électroniques ? Des petits policiers staliniens.

(que font Les Inrockuptibles ?)

Ils sont encore sous le choc du départ de Sylvain Bourmeau...

A propos de Sylvain Bourmeau, on remarquera qu'il ne perd pas la main puisqu'il vient de lancer depuis le site d'Edwy Plenel Mediapart un appel à la vigilance citoyenne contre Richard Millet :

Il faut lire Richard Millet
09 avr 2008 Par Sylvain Bourmeau

Avec L'opprobre, le laborieux taxidermiste de la langue Richard Millet a remis ça. En pire. Ce sera éprouvant, mais prenez la peine d'en lire ces quelques extraits jusqu'au bout. Je ne ferai pas de commentaires, laissant la tâche à ses collègues auteurs et éditeurs de la maison Gallimard (dont je me demande une nouvelle fois comment elle peut accepter de publier ça). Seul jusqu'ici, Patrick Modiano leur a dignement ouvert la voie lors de la parution à l'automne du précédent livre de M. Millet.

Ah oui ! On attend plus qu'Edwy. Je suis prêt à prendre les paris d'une prochaine intervention du vertueux dans ce qu'il faut bien appeler l'Affaire Gouguenheim.

Maintenant que le feu est bien parti, chacun va chercher à se faire voir apportant sa brindille... Si quelqu'un avait la patience d'établir l'organigramme des interventions médiatiques, ce serait bien instructif...