"Celui qui travaille, de ses mains et autrement, se libère l'esprit qui affronte, dans le demi-sommeil intérieur qui accompagne l'action, même répétitive, libéré de toute appréhension, l'essentiel en question."
C'est bien ce qu'a pensé et pratiqué Simone Weil, le travail manuel (tant en usine que dans les champs) ne laisse aucune échappatoire et met en contact avec la contradiction et par là purifie et peut faciliter l'accès au savoir essentiel, s'il est accompli dans un climat spirituel qui lui donne un sens.
« Je m'attends aussi à assister à l'extinction de ma propre intelligence par l'effet de la fatigue. Néanmoins je regarde le travail physique comme une purification – mais une purification de l'ordre de la souffrance et de l'humiliation. On trouve aussi, tout au fond, des instants de joie profonde, nourricière, sans équivalent ailleurs. Pourquoi attacherai-je beaucoup de prix à cette partie de mon intelligence dont n'importe qui, absolument n'importe qui, au moyen de fouets et de chaînes, ou de murs et de verrous, ou d'un morceau de papier couvert de certains signes, peut me priver ? Si cette partie est le tout, alors je suis tout entière chose de valeur presque nulle, et pourquoi me ménager ? S'il y a autre chose d'irréductible, c'est cela qui a un prix infini. Je vais voir s'il en est ainsi. »
S.W.
Lettre à Gilbert Khan