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Dupont Lajoie: un hymne à la francophobie

Envoyé par Gérard Rogemi 
On pourrait tout aussi bien penser à une rétribution des citoyens déclarés par l'État, ce qui en ferait des fonctionnaires, mais sans bien sûr droit de grève ni possibilité d'augmentation salariale.

Un tel système, où des "citoyens brevetés par l'Etat" et fonctionnaires d'icelui régentent la cité, a existé pendant des siècles, en Chine: c'est le mandarinat. Rien de très nouveau dans votre proposition, par conséquent.

C'est un système qui s'oppose à toute la tradition politique occidentale, pour le dire vite. Le confucéisme comme système n'est pas sans attrait pour l'esprit conservateur, car il propose aux jeunes générations de se couler dans la voie tracée par leurs aînés, qui en devient la voie de l'orthodoxie, et se faisant, de la continuer, de la prolonger et d'en poursuivent les effets civilisateurs. En Occident, penser et créer, c'est penser et créer contre (Deleuze). La pensée et l'action ont valeur en Occident pour autant qu'elles étonnent (c'est ce que rappelle François Jullien dans son dernier ouvrage L'Invention de l'idéal et le destin de l'Europe). Relisez le papier de Didier Bourjon mis en ligne ici il y a quelques jours et valant, pour ainsi dire, discours-programme, et qui dit et répète cela: étonnons, étonnons, étonnons.... Même conservateur, l'Occidental veut étonner car la vérité, chez nous, passe par l'étonnement et la rupture. La vérité, le juste, passe par une forme d'épiphanie, de révélation si vous voulez qui balaie la doxa, quitte à ce que cela ne soit que pour mieux retrouver, sous elle, la tradition.

Le mandarin est copieusement détesté en Europe, et en France je crois plus particulièrement car il n'est ressort d'aucun étonnement.

[Extrait de "l'appel" de Didier Bourjon du 12 mars:
Il ne faut pas changer le nom du P.I., il faut garder cette étrangeté, cet appel à la réflexion, ce potentiel d’étonnement, de divergence, il faut rester fidèle, sans concessions, garder son exigence intacte, détonner, ne passer aucun compromis et rouvrir, débloquer l’horizon. Être sûr de sa ligne, honorer sa lignée, aider à retrouver le chemin du sens … C’est la meilleure voie, c’est la seule, c’est celle qui peut réussir ! ]
22 mars 2010, 09:14   Conformisme
Francis vient d'indiquer, à propos des mandarins, ce que j'allais dire.

Le mandarinat a pour conséquence le conformisme et l'immobilisme : à se référer sans cesse aux précédents et aux Grands Anciens, ont fini par perdre tout lien avec la réalité.

Le surnom de la Chine était "l'Empire immobile".
22 mars 2010, 09:34   Re : Conformisme
Réponse collective, à Francis et Jean-Marc :

Je n'avais pas le mandarinat à l'esprit, même si j'avoue que je suis en pleine lecture des Entretiens de Maître Kong et que j'y vois des similitudes avec la philosophie grecque.

Non, il y a une différence notable avec ce que je pronostique. Je vois plutôt une classe dirigeante d'alternance. Comme déjà dit, je conçois la citoyenneté comme un statut à conquérir et à conserver, dont l'accès se ferait sur examen et l'entretien en examen continu. Le panel des citoyens serait en lui-même mouvant, fluctuant, jamais figé et sans numerus clausus.
Rien à voir, donc, avec une caste enracinée à la tête du pouvoir et jalouse de ses prébendes.
On y constaterait peut-être une majorité de femmes, de jeunes, de noirs, de juifs ou autres, n'importe. On aurait des décideurs en fonction seule de leurs mérites, de leurs compétences. Les retraités ou femmes au foyer seraient peut-être favorisés du point de vue des loisirs à sacrifier. Aucune "majorité électorale" requise, certains n'étant "matures" qu'à 38 ans quand d'autres le sont dès 16 ans. Seul impératif : être français.
Je pense qu'il faudrait néanmoins garder le suffrage universel au niveau local (municipal) afin que les citoyens en puissance ne se sentent pas totalement déconnectés de toute prise de décision, de ne pas leur faire perdre définitivement le goût de la construction intellectuelle de soi, la politique et, par-delà, la philosophie étant les véritables sciences architectoniques.
Utilisateur anonyme
22 mars 2010, 09:45   Re : Conformisme
En Occident, penser et créer, c'est penser et créer contre (Deleuze).

Oui Francis, d'accord avec l'ensemble votre message, et si nous pensons différemment c'est aussi parce que nous n'accordons pas à l'harmonie - au sens d'une recherche constante de l'évitement des conflits - une place aussi considérable que les Chinois.

Vivre selon les codes en vigueur (peu importe qu'ils soient moraux, politiques, intellectuels, esthétiques), respecter les valeurs héritées des Anciens permet cependant de communier à une identité commune : autants d'attitudes qui permettent de dépasser les différences entre les êtres, de contenir le désordre social, de vivre en bonne entente. Que le fils agisse en fils et le père en père, de même pour chaque rôle que la vie assigne à chacun (prince ou sujet, époux ou épouse, etc), et l'ordre régnera (enfin on l'espère...).
22 mars 2010, 09:51   Re : Conformisme
Citation
W. Zendji
Que le fils agisse en fils et le père en père, de même pour chaque rôle que la vie assigne à chacun (prince ou sujet, époux ou épouse, etc), et l'ordre régnera (enfin on l'espère...).

Je me permettrai d'ajouter que ce que vous énoncez et qui semble à l'heure actuelle l'apanage de l'Empire du Milieu ne l'a pas toujours été. La juste place des êtres et des concepts, l'harmonie cosmique comme moyen de salubrité publique, les Grecs et les Romains n'y étaient pas étrangers.
Utilisateur anonyme
22 mars 2010, 10:56   Re : Conformisme
La juste place des êtres et des concepts, l'harmonie cosmique comme moyen de salubrité publique, les Grecs et le Romains n'y étaient pas étrangers.

Oui mon cher Gilgamesh, c'est vrai.
22 mars 2010, 11:05   Comices
Bien cher Gilgamesh,


La République romaine avait un fonctionnement démocratique : les curies étaient tout simplement des assemblées, comme leur nom l'indique, "les hommes ensemble" ; par ailleurs, vous noterez que la lex Sempronia est immédiatement antérieure à la phase de pleine puissance de la République (elle modifie l'ordre du scrutin, et donc anéantit la puissance de la première centurie, que les Romains suivaient souvent dans le vote par superstition).
22 mars 2010, 11:15   Re : Comices
A propos d'Antiquité (ou, plus "près" de nous, d'élection des doges, à Venise), n'est-il pas vrai que le tirage au sort avait sa fonction - et plus qu'accessoire - dans les modalités de désignation des représentants ?

Plus généralement, je ne crois à aucun système de désignation établi sur la seule la rationalité, tel le système Gilgamesh, si j'ose dire.

Selon moi, la légitimité du pouvoir ne peut s'établir sur la seule rationalité.
22 mars 2010, 11:17   Re : Comices
Et vous n'êtes pas sans savoir non plus, cher Jean-Marc, que les éléments les plus attachés au devenir démocratique de la Rome antique étaient ceux-là mêmes qui comptaient sur le nombre pour avaliser l'imperium et se hisser au-dessus du Sénat, éminemment aristocratique. En ce sens que la République aura était aristocratique et que l'Empire sera, lui, tout comme l'ancienne Monarchie, davantage démocratique (et démagogique, cf. Cicéron).
L'épisode des Gracques fut quand même un petit échec.
22 mars 2010, 11:18   Tirage au sort
Vous avez raison, bien cher Orimont, mais il faut préciser que le système vénitien était un "tirage au sort aidé"...


Si vous souhaitez des informations sur le système vénitien, et la signification statistique de ses divers tours de scrutin (limités à 480 votants, il faut le savoir), lisez ceci :

[www.hpl.hp.com]
22 mars 2010, 11:26   Re : Comices
Citation
Orimont Bolacre
A propos d'Antiquité (ou, plus "près" de nous, d'élection des doges, à Venise), n'est-il pas vrai que le tirage au sort avait sa fonction - et plus qu'accessoire - dans les modalités de désignation des représentants ?

Plus généralement, je ne crois à aucun système de désignation établi sur la seule la rationalité, tel le système Gilgamesh, si j'ose dire.

Selon moi, la légitimité du pouvoir ne peut s'établir sur la seule rationalité.


Si c'est réellement le cas, de quoi se plaint-on ? Il faudra donc nous contenter de la soupe-à-gogos actuelle. En serons-nous capables encore longtemps ?

Quant au tirage au sort, il avait ses vertus : il obligeait chacun à respecter ses responsabilité et mettait tout le monde sur un même pied d'égalité. Mais imagineriez-vous, aujourd'hui, que l'on désigne nos dirigeants en piochant dans le bottin, en manière de stochocratie ? Monsieur Dupont, fleuriste de son état, serait sommé d'exercer la présidence durant les 6 premiers mois de l'année calendaire ? Je doute qu'il serait d'accord.
Cela montrerait à tout le moins aux gens que la politique ne s'improvise pas, et que c'est un métier à part entière.
Un homme = un vote ? Tout le problème est là, on est bien incapable de l'assumer.
Utilisateur anonyme
22 mars 2010, 11:27   Re : Comices
Reste que que le modèle privilégié par la pensée chinoise est tiré de la pousse des plantes...
22 mars 2010, 11:30   Venise, toujours
Bien cher Gilgamesh,


Lisez l'étude que j'ai jointe en réponse à Orimont, vous verrez que le tirage au sort n'en est pas un, en réalité, car il est, in fine, suivi d'une élection.
22 mars 2010, 11:33   Vote par ordres
Par ailleurs, bien cher Gilgamesh, il est exact qu'il y a eu longtemps des votes "Par ordre". Cependant, si les ordres étaient effectivement séparés (et avaient des poids différents, voir Rome et les Comices, lesquelles changent la répartition des "poids de vote" suivant leur nature, à chaque type de comices une pondération, je ne sais pas si je suis clair), le vote à l'intérieur des ordres était sur la base "un votant, une voix".

Une réminiscence est le vote présidentiel américain : il est par état, et si un état est emporté ne serait-ce que d'une voix (il y a des exceptions), il vote "en bloc".
22 mars 2010, 11:34   Re : Venise, toujours
Citation
Jean-Marc
Bien cher Gilgamesh,


Lisez l'étude que j'ai jointe en réponse à Orimont, vous verrez que le tirage au sort n'en est pas un, en réalité, car il est, in fine, suivi d'une élection.

Vous parlez du tirage au sort vénitien, pas grec, n'est-ce pas ?
Je ne manquerai pas de le lire, merci à vous.

Citation
Jean-Marc
Par ailleurs, bien cher Gilgamesh, il est exact qu'il y a eu longtemps des votes "Par ordre".......

Le vote était romain aura été censitaire, toujours prenant en compte que les plus riches disposaient davantage du trésor que constituait le temps libre, l'otium.
Oui, il s'agit du vénitien.
Par ailleurs, à quel système grec pensez-vous ?
22 mars 2010, 11:44   Re : Venise, toujours
Citation
Jean-Marc
Par ailleurs, à quel système grec pensez-vous ?

Des héliastes et des bouleutes notamment, à partir de Clisthène.
22 mars 2010, 12:19   Venise
Oui, je songeais au système vénitien, comme incluant une partie hasardeuse, non, bien sûr, comme supprimant le choix (pour la très petite histoire, nous avons choisi le prénom de nos enfants en nous inspirant de ce système, à partir d'une liste d'à peu près 500 prénoms : le résultat a été concluant : le prénom finalement désigné nous plaisait et d'autant mieux qu'il n'avait pas été que choisi par nous.)
22 mars 2010, 12:34   Héliastes
Bien cher Gilgamesh, je vous réponds par messages séparés.

Le système de tirage au sort des héliastes est celui qui a cours dans les démocraties pour la constitution des jurys : il s'agit en effet d'avoir des citoyens "ordinaires", c'est à dire ceux qui donnent "l'avis du peuple". Rappelez-vous la démonstration d'Arago devant la chambre des députés le 14 août 1835, et sa formule :

" Messieurs, la loi qui vous est soumise renferme une question de calcul, qui peut être réduite en chiffres. Ces chiffres n'ont pas été articulés dans la discussion. Je pense qu'ils doivent être présentés à la tribune d'un peuple qui a fait entrer un cours d'arithmétique sociale dans son enseignement",
22 mars 2010, 12:37   Bouleutes
Sur le point des bouleutes (et des archontes), vous noterez que le tirage au sort est compensé par l'élection des stratèges : Périclès (et Alciabiade, d'ailleurs) furent élus.

Par ailleurs, la Boulê n'avait qu'un rôle de proposition, l'Ecclésia votant.
22 mars 2010, 12:46   Re : Bouleutes
Citation
Jean-Marc
Sur le point des bouleutes (et des archontes), vous noterez que le tirage au sort est compensé par l'élection des stratèges : Périclès (et Alciabiade, d'ailleurs) furent élus.

Par ailleurs, la Boulê n'avait qu'un rôle de proposition, l'Ecclésia votant.


Le principe de l'Ecclesia était viable dans une cité de quelques milliers d'habitants. Dans un pays de 65 millions d'âmes, c'est une autre paire de manches.

Et l'ostracisme était une "élection" également...
22 mars 2010, 12:50   Parallèle
Je voulais simplement indiquer qu'Athènes ne se reposa pas sur le seul tirage au sort.
22 mars 2010, 12:53   Re : Parallèle
Citation
Jean-Marc
Je voulais simplement indiquer qu'Athènes ne se reposa pas sur le seul tirage au sort.

Ah pardon, je suis d'accord dans ce cas.
Citation
Je vous rétorque l'original, Monsieur Flaubert, et mon aphorisme culte : "le grand rêve de la démocratie, c'est d'amener le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois" (Davila n'était pas né à l'époque). À méditer sans modération durant toute la semaine !!!

Je sais que je porte la discussion sur un terrain sur lequel vous ne vouliez pas l'engager. Mais je reste étonné cher Gilgamesh que vous vous laissiez entrainer dans des discussions sur l'équité alors que dans nos démocraties occidentales le degré de protection sociale, et la bureaucratie qui va avec, a atteint un tel degré que je ne vois pas vraiment comment on pourrait encore renchérir.

Les taux d'imposition et les taxes indirectes multiples appliqués en occident sont tellement élevés que l'on peut parler, sans crainte de se ridiculiser, d'expropriation pure et simple. Les impôts écrasants sur les successions contraignent les héritiers de PME à vendre l'entreprise pour payer les droits de succession. Etc...

En dépit de ces énormes prélévements l'Etat est contraint pour boucler le budget d'emprunter des sommes qui donnent le tournis.

Jusqu'où va-t-on aller dans cette voie ?
22 mars 2010, 14:23   Re : De l'équité...
Cher Rogemi, je vois mieux où se situe le problème.

Si j'ai insisté sur le mot équité, c'est pour mieux le différencier de la notion d'égalité qui est, je vous le concède, une vaste bouffonnerie. À la naissance, les hommes n'ont rien d'égaux entre eux, et ça ne va pas en s'améliorant à grand coup de millions d'euros dans des services publiques aussi coûteux qu'ineptes.

Non. Je vous parle d'é-qui-té, c'est-à-dire du fait de donner à chacun selon son mérite. Et là, en général, l'esprit de gauche a beaucoup de mal à suivre. Car, pour un bienpensant, il est légitime de donner à celui qui mérite, mais lorsque vous amenez le corollaire dans le débat, à savoir ne rien donner à celui qui ne mérite rien, les sourcils se froncent et l'on vous traite de tous les noms. Or, sans ce précieux corollaire, sans faire de la politique d'un œil sec, rien n'est possible et on court inévitablement au nivellement par le bas.

Les Grecs (encore eux...), et Aristote notamment, faisaient une distinction entre justice commutative et justice distributive. La première donne à chacun la même chose et engendre une égalité arithmétique. La seconde donne à chacun selon ses mérites ; elle engendre quant à elle une égalité géométrique. C'est cette dernière qui m'intéresse et que je nomme équité.

À vous lire...
22 mars 2010, 15:33   Re : De l'équité...
Citation
elle engendre quant à elle une égalité géométrique. C'est cette dernière qui m'intéresse et que je nomme équité.

Weites Feld comme on dit en allemand.

Loin d'être uniquement sémantique la distinction entre égalité et équité me semble se heurter à une incompréhension totale de la part de nos contemporains.

Je ne sais pas si vous être vraiment nouveau sur ce forum (il me semble que oui) alors dans ce cas je peux vous citer ce que le grand historien suisse Jakob Burckhardt [un des deux auteurs préféres de Davila et un des rares historiens qui ont vu longtemps à l'avance ce qui se passerait en occident ] écrivait à un ami:

Citation
Vous ne réalisez pas quelle tyrannie sera imposée sur la vie spirituelle, sous le prétexte que la haute éducation est un allié secret du capital et qu'elle doit être détruite.

Il avait aussi en horreur les "radicaux", les "communistes", les "industrialistes", les philosophes et les sophistes, les fanatiques de l’état et les idéalistes .

Quand j'aurais un peu plus de temps j'essayerai de répondre sur le sujet de l'équité de manière plus substantielle.
22 mars 2010, 15:39   Re : De l'équité...
Citation
Rogemi
Loin d'être uniquement sémantique la distinction entre égalité et équité me semble se heurter à une incompréhension totale de la part de nos contemporains.

Je ne sais pas si vous être vraiment nouveau sur ce forum...


Je suis nouveau, en effet. Une petite semaine de participation seulement.

Je ne néglige pas le fait que les gens confondent généralement les deux termes, qu'ils s'en contrefoutent d'ailleurs, et que la bêtise chronique de la "plèbe" est le plus grand ennemi de ce que je revendique.
Ceci dit, si l'on commençait à faire le catalogue des fondamentaux que le bon peuple a délibérément oublié.....
22 mars 2010, 17:05   Re : De l'équité...
Selon moi l'égalité est à l'équité ce que Hermogène est à Cratyle., ce que la lettre est à l'esprit. Mais comme les Amis du désastre ont tout hermogènisé, il est normal que le bon peuple ne soit plus capable de faire la différence. Encore que ...
Seul le sentiment amoureux échappe encore à cette hermogènisation. Un jour peut-être qu' il n'y échappera plus à son tour et qu'il suffira d'avoir une carte officielle d'amour pour qu'une belle ne puisse pas refuser son lit à l'amoureux de papier !
22 mars 2010, 17:29   Re : De l'équité...
Citation
Cassandre
Selon moi l'égalité est à l'équité ce que Hermogène est à Cratyle., ce que la lettre est à l'esprit. Mais comme les Amis du désastre ont tout hermogènisé, il est normal que le bon peuple ne soit plus capable de faire la différence. Encore que ...
Seul le sentiment amoureux échappe encore à cette hermogènisation. Un jour peut-être qu' il n'y échappera plus à son tour et qu'il suffira d'avoir une carte officielle d'amour pour qu'une belle ne puisse pas refuser son lit à l'amoureux de papier !


Pour ma part, je trouve même assez dramatique qu'il n'y ait plus que l'amour niais et dardant qui ait droit de cité, dans ce bas monde.

H & C : Quoi que l'on fasse,on retombe donc toujours sur les Grecs. Au fait, est-ce mes yeux ou il y a un nombre incalculable de coquilles dans Du sens ?
22 mars 2010, 18:04   L'utopiste révélé
"Pour ma part, je trouve même assez dramatique qu'il n'y ait plus que l'amour niais et dardant qui ait droit de cité, dans ce bas monde."

Parole qui me ferait ranger son auteur dans la catégorie des réformateurs utopistes, sous-classe des "sauveurs du monde" à tendance obsessionnelle - soupçon que l'attention prêtée aux "innombrables coquilles" dans Du sens viendrait encore confirmer.
Bien chère Cassandre,


Je distinguerais :

- l'égalitarisme, qui est de vouloir obstinément que tout le monde soit pareil à tout le monde, notion communiste avec dérives socialistes parfois, et assurément dérives syndicales ;

- l'égalité, qui est une valeur forte pour certaines personnes de gauche, et qui me convient tout à fait (c'est à dire que deux personnes placées dans des situations identiques doivent être traitées de la même façon, et qu'il n'y a pas de privilèges) ;

- l'équité, qui est à mon sens une notion dangereuse si elle n'est pas encadrée, car elle revient à substituer à la loi écrite une sorte de loi naturelle.
22 mars 2010, 20:18   Re : L'utopiste révélé
Citation
Orimont Bolacre
Parole qui me ferait ranger son auteur dans la catégorie des réformateurs utopistes, sous-classe des "sauveurs du monde" à tendance obsessionnelle - soupçon que l'attention prêtée aux "innombrables coquilles" dans Du sens viendrait encore confirmer.

Eh bien rangez-moi plutôt dans la catégorie "assistant-d'édition-qui-pense-que-c'est-la-moindre-des-choses-de-relever-le-peu-de-travail-en-correction-accompli-sur-une-œuvre-censée-refléter-un-niveau-littéraire-épinglé-en-exemple-sur-le-présent-forum".
Citation
Jean-Marc
..... l'équité, qui est à mon sens une notion dangereuse si elle n'est pas encadrée, car elle revient à substituer à la loi écrite une sorte de loi naturelle.

Une "sorte de loi naturelle" ? Et pourquoi pas "le bon sens", tout simplement ?

Si deux personnes se présentent à un poste et que la première est franchement plus compétente que la deuxième, celle-ci dût-elle être une femme noire, musulmane, homosexuelle et communiste, il n'y a pas à barguigner : dire la vérité et garder la plus compétente, c'est rendre service à tout le monde.
Lorsque l'on cherche une personne compétente, la compétence doit être un privilège.
« une-œuvre-censée-refléter-un-niveau-littéraire-épinglé-en-exemple »

D'accord mais qu'est-ce que ça veut dire ?
22 mars 2010, 20:37   Re : L'utopiste révélé
Citation
Antoine de Falveras
« une-œuvre-censée-refléter-un-niveau-littéraire-épinglé-en-exemple »

D'accord mais qu'est-ce que ça veut dire ?

Que lorsque l'on veut lire une belle langue, on achète davantage des livres de Renaud Camus que de Guillaume Musso.
Ça c'est un scoop !
22 mars 2010, 20:55   Substitution
Bien cher Gilgamesh,


Je ne pensais pas à cela. Je me remémorais l'adage "Dieu nous protège de l'équité des Parlements" et disais que, lorsqu'il y a loi écrite, on l'applique et on ne la contourne pas, sous prétexte d'équité.

Schopenhauer nous parlait, dans "Les Fondements de la morale" de l'équité qui est ennemie de la justice ( Noch sei hier bemerkt, daß die Billigkeit der Feind der Gerechtigkeit ist und ihr oft gröblich zusetzt ).
22 mars 2010, 21:05   Sur l'équité
Voyez, bien cher Gilgamesh, ce que Timbal nous écrit :

"On parle de jugement en équité lorsqu’aucune règle juridique positive ne permet de régler un litige et que la juridiction saisie décide de ce que commande l’équité… Les Cours souveraines de l’Ancien régime allaient beaucoup plus loin : elles prétendaient avoir le droit d’écarter la loi positive, ou la coutume, pour faire triompher l’équité. Cette initiative, d’abord utile, devint vite dangereuses parce qu’elle exposait les justiciables aux incertitudes et aux surprises. On comprend que cette prérogative fut supprimée par l’Ordonnance civile de 1667".

Lisez l'article 6 de l'Ordonnance en question :

[www.historia.unimi.it]

Voyez aussi le fameux discours de Servant, dont est extraite la phrase :

On parle souvent de l’équité du magistrat, et c’est peut-être la moindre de ses vertus ; c’est du moins celle qui doit paraître après toutes les autres ; c’est une ressource quand il n’en reste plus d’autre.

[ledroitcriminel.free.fr]
22 mars 2010, 21:33   Re : L'utopiste révélé
Et j'en ai d'autres !
22 mars 2010, 21:41   Re : Sur l'équité
Cher Jean-Marc, vous me citez des points de vue honorables que j'ai la faiblesse de ne pas partager.

Les acceptions sont nombreuses, mais pour moi, l'équité est un jugement de raison, objectif autant qu'on peut l'être, qui consiste à respecter le diktat du juste. Le juste est l'asymptote vers laquelle tend l'équité. L'égalité n'est qu'une parallèle à cette asymptote (désolé, les sciences sont mes premières amours).
22 mars 2010, 22:15   Re : Sur l'équité
Cher Gilgamesh, si l'équité est un jugement de raison pour vous, et non pour quelqu'un d'autre (moi par exemple, mais je suis certain que je ne serai pas le seul), alors votre jugement n'a rien à voir avec la raison.
"Quand s'épuisera le monde classique, quand seront morts tous les paysans et les artisans, que l'industrie aura fait tourner sans répit le cycle de la production et de la consommation, notre histoire aura pris fin." Pasolini. Il y avait un peuple, celui des travailleurs. Il a été remplacé par la horde des consommateurs qui s'éclatent le samedi et mème le dimanche dans les supermarchés, véritables temples des temps contemporains. A la fin de l'histoire le travail ne construit plus le monde, il ne sert plus qu'à distraire les derniers hommes, ceux qui vivent longtemps, longtemps.
Citation
Gilgamesh
Si deux personnes se présentent à un poste et que la première est franchement plus compétente que la deuxième, celle-ci dût-elle être une femme noire, musulmane, homosexuelle et communiste, il n'y a pas à barguigner : dire la vérité et garder la plus compétente, c'est rendre service à tout le monde.

Oui, oui, mais, à force de ne plus voir que des "talents", des "compétences" et autres "qualifications" pour remplir des "postes", on finit peut-être par perdre un peu de vue la dimension humaine d'une entreprise, et c'est ainsi qu'on en arrive, éventuellement, à des situations invivables. Il est parfois bon de barguigner quelque peu, ne serait-ce que pour laisser un peu de jeu dans des rouages si bien affûtés qu'ils en deviennent tranchants. (Je barguignerais d'ailleurs d'autant plus si je me trouvais dans le cas de figure - certes un peu théorique - que vous nous présentez, et la Halde dût-elle en bouillir).
Je vous l'accorde, cher Francmoineau.
Nous vivons tellement dans un monde de jean-foutre que le fait que les talents recouvrent enfin leurs lettres de noblesse a tendance à devenir pour moi une obsession.
23 mars 2010, 00:43   Re : Sur l'équité
Citation
Alain Eytan
Cher Gilgamesh, si l'équité est une jugement de raison pour vous, et non pour quelqu'un d'autre (moi par exemple, mais je suis certain que je ne serai pas le seul), alors votre jugement n'a rien à voir avec la raison.

Très cher Alain, l'équité prend appui sur des normes. Ces normes relèvent, pour la plupart des gens du moins, du bon sens. Elles sont isonomiques.
23 mars 2010, 02:19   Re : Sur l'équité
Le normatif excède le rationnel proprement dit: un jugement sur ce qu'il est juste ou pas de faire n'est pas un jugement rationnel, mais un jugement de valeur, un choix axiologique.
Ce me semble être une évidence : raison n'est pas morale, ni bon sens d'ailleurs, et vous faites reposer votre conception du citoyen et de la cité sur ce qui n'est en fin de compte qu'une préférence morale, et une certaine idée de la fin de l'homme ou de l'humanité.
Il n'est domaine plus controversé que ceux-là, la preuve.
23 mars 2010, 07:30   Re : Sur l'équité
Citation
Alain Eytan
Le normatif excède le rationnel proprement dit: un jugement sur ce qu'il est juste ou pas de faire n'est pas un jugement rationnel, mais un jugement de valeur, un choix axiologique.
Ce me semble être une évidence : raison n'est pas morale, ni bon sens d'ailleurs, et vous faites reposer votre conception du citoyen et de la cité sur ce qui n'est en fin de compte qu'une préférence morale, et une certaine idée de la fin de l'homme ou de l'humanité.
Il n'est domaine plus controversé que ceux-là, la preuve.

Soit. Dans ce cas, aucune justice n'est possible. Aucun contrat n'est recevable, et l'on retombe dans le débat sur l'état de nature, seul et unique régime juridique légitime, car il y aura toujours quelqu'un(e) pour venir nous dire que le légal ne recouvrera jamais entièrement le juste. La cité est donc facultative.
23 mars 2010, 07:54   Re : Sur l'équité
La cité est donc facultative.

Et bien voyez, vous y venez enfin. Vous l'admettez, en renâclant, mais tout de même. La cité, la société des hommes, est trop précieuse pour ne pas l'être, facultative. Ce qui a pour corollaire que l'état a-social, ou toute rupture qui s'y ramène, demeure pour chacun admissible. Desserrer l'emprise de la cité qui ne doit, ni du reste ne peut, être le tout de l'homme, voilà une part vitale du Programme. Si la faculté d'y échapper encore ne nous était pas réservée un tant soit peu, au vu de ce qu'elle est d'aujourd'hui, la plupart d'entre nous aurions déjà péri. "La cité est facultative": et encore heureux !

Si vous êtes un civilisé, l'état de nature vous demeure à peu près inaccessible, si malgré cela vous le sentez en vous regagner du terrain, la cité et ses normes sont là pour vous en guérir, en principe; et quand c'est elle qui vous menace d'y retourner par sa sauvagerie, la faculté de la fuir pour un temps vous sera salutaire. Un jeu de va-et-vient entre elle et vous, ses lois et vous, doit continuer d'exister pour vous garantir l'intégrité.
23 mars 2010, 08:12   Re : Sur l'équité
Citation
Francis Marche
La cité est donc facultative.

Et bien voyez, vous y venez enfin. Vous l'admettez, en renâclant, mais tout de même.....

C'est parce que vous pouvez bénéficier du confort et de l'effervescence intellectuelle que la cité stimule que vous pouvez tenir un tel raisonnement. Hors ceci, vous êtes, je suis, nous sommes des estomacs sur pattes, ni plus ni moins. Le lien qui nous lie à la communauté des hommes, pour peu que l'on ait une autre vocation que de se nourrir et de déféquer à longueur de journée, est un lien vital et immarcescible.
Partant de là, la sempiternelle question du meilleur gouvernement n'est pas qu'accessoire, elle fait souche, elle est primordiale et universelle et l'on ne peut donc faire l'économie d'une éternelle remise en question, à laquelle je m'emploie, une fois assumée l'imprescriptibilité de l'homme en tant qu'animal politique.
Ah ! Vous êtes passionnants, Messieurs, et je bous de ne savoir comment ajouter mon grain de sel à votre débat. Il me semble bien que quelque chose se joue autour de la façon dont chacun assoit ces fameuses « valeurs ». Ce fut une révolution [ à ce moment on doit dire copernicienne, non ? ] dans ma vie intérieure de réaliser que ce en quoi je croyais, pour quoi j’étais prêt à me défendre relevait d’un choix (comme Alain semble le souligner à plusieurs reprises) et que le réel (cette « nature » dont je ne vois pas très bien où elle commence ni où elle finit) en lui-même et par lui-même ne disait rien du tout. Ce qui doit toucher aussi à la vérité et au couple transcendance/immanence…Mais là, Messieurs, je vous rends le clavier.
23 mars 2010, 22:03   Re : Sur l'équité
Citation
Gilgamesh
Citation
Alain Eytan
Le normatif excède le rationnel proprement dit: un jugement sur ce qu'il est juste ou pas de faire n'est pas un jugement rationnel, mais un jugement de valeur, un choix axiologique.
Ce me semble être une évidence : raison n'est pas morale, ni bon sens d'ailleurs, et vous faites reposer votre conception du citoyen et de la cité sur ce qui n'est en fin de compte qu'une préférence morale, et une certaine idée de la fin de l'homme ou de l'humanité.
Il n'est domaine plus controversé que ceux-là, la preuve.

Soit. Dans ce cas, aucune justice n'est possible. Aucun contrat n'est recevable, et l'on retombe dans le débat sur l'état de nature, seul et unique régime juridique légitime, car il y aura toujours quelqu'un(e) pour venir nous dire que le légal ne recouvrera jamais entièrement le juste. La cité est donc facultative.

Ouh là, où nous entrainez-vous, cher Gilgamesh : si tout ce qui n'était pas réductible à une vérité de type apodictique était impossible, alors nous flotterions en quasi permanence dans une sorte de cage à chat schrödingerien... Au reste, un contrat est recevable par l'accord des parties s'y engageant, et non par l'absolue et nécessaire vérité des conditions qui y sont stipulées.

» C'est parce que vous pouvez bénéficier du confort et de l'effervescence intellectuelle que la cité stimule que vous pouvez tenir un tel raisonnement

C'est fort possible, mais cela ne réfute pas le bien-fondé d'un tel raisonnement, parce qu'une conséquence n'est jamais entièrement contenue dans la condition qui l'a fait naitre : elle vole de ses propres ailes et acquiert une légitimité inédite, comme émergence d'un état d'être et de réflexion qui n'existait tout simplement pas auparavant.
23 mars 2010, 22:39   Re : Sur l'équité
Avec vos airs de ne pas y toucher, cher Éric, vous venez de résumer une idée maitresse de la deuxième Critique de Kant : la morale, comme détermination de la volonté par liberté, est bien pour ce dernier le levier permettant de se dégager de la phénoménalité, c'est à dire de la Nature, afin d'accéder à ce qu'il appelle le supra-sensible et l'inconditionné, c'est à dire à ce qui est de l'ordre de la transcendance.
Et pour vous faire plaisir et aller plus encore dans le sens de ce que vous suggérez, je vous livre ici cet extrait du Tractatus, ouvrage assez poêlant en vérité :

« Le sens du monde doit se trouver en dehors du monde. Dans le monde les choses sont comme elles sont et se produisent comme elles se produisent : il n'y a pas en lui de valeur — et s'il y en avait une, elle n'aurait pas de valeur.
S'il existe une valeur qui ait de la valeur, il faut qu'elle soit hors de tout événement et de tout être-tel. Car tout événement et être-tel ne sont qu'accidentels.
Ce qui les rend non-accidentels ne peut se trouver dans le monde, car autrement cela aussi serait accidentel.
Il faut que cela réside hors du monde. »
Mince, ça me fait tout drôle de lire votre citation, cher Alain. Me sentir, en cette soirée de printemps, si proche de Kant par votre entremise, c'est une belle émotion. Je crois que je vais aller m'allonger. Que la nuit vous soit douce, cher Alain, cher Gilgamesh et chers tous.
23 mars 2010, 23:22   Re : Sur l'équité
"Au reste, un contrat est recevable par l'accord des parties s'y engageant, et non par l'absolue et nécessaire vérité des conditions qui y sont stipulées."

Cher Alain, lorsque les parties s'avouent elles-mêmes hors d'état d'honorer leur accord formulé, lorsque leurs représentants ne s'avèrent plus capables que de boniments et de clientélisme, tous bords confondus, lorsque, enfin, les rats quittent le navire par les cales et refusent massivement de prendre part au sauvetage, de deux choses l'une :
- ou bien tout est perdu, fors l'honneur pour certains ;
- ou bien il convient de refonder à nouveaux frais tout un système politique.
Nous ne sommes pas nombreux à y songer et, pour le dire tout de go, le salut ne viendra ni de nos dirigeants débiles, ni de la plèbe inculte. Plus on tarde à y réfléchir en se paluchant à coups de praktischen Vernunft, plus l'on risque d'y perdre dans la tempête.

Bonne nuit à toutes et tous.
G.
23 mars 2010, 23:24   Re : Sur l'équité
D'y perdre quoi ?
Sacré Wittgenstein, c'est pourtant vrai qu'il est poêlant !
23 mars 2010, 23:34   Re : Sur l'équité
Citation
Antoine de Falveras
D'y perdre quoi ?

Aaaahh, cher Antoine, vous êtes le sel de ce fil !
23 mars 2010, 23:44   Nachtvogeln
Bonne nuit à vous également, Éric, ma journée ne fait que commencer...
23 mars 2010, 23:53   Mission impossible
» Sacré Wittgenstein, c'est pourtant vrai qu'il est poêlant !

C'est le seul ouvrage de philosophie-kleenex que je connaisse, où nous sommes instamment priés de détruire le document après en avoir pris connaissance (§ 6.54)...
24 mars 2010, 00:01   Re : Nachtvogeln
Citation
Alain Eytan
Bonne nuit à vous également, Éric, ma journée ne fait que commencer...

Seriez-vous donc la chouette de la gracieuse Minerve ?
24 mars 2010, 00:20   Re : Nachtvogeln
Citation
Gilgamesh
Citation
Alain Eytan
Bonne nuit à vous également, Éric, ma journée ne fait que commencer...

Seriez-vous donc la chouette de la gracieuse Minerve ?

Dieu m'en garde !
Utilisateur anonyme
24 mars 2010, 08:00   Re : Dupont Lajoie: un hymne à la francophobie
Citation
Eric Veron
Ah ! Vous êtes passionnants, Messieurs, et je bous de ne savoir comment ajouter mon grain de sel à votre débat. Il me semble bien que quelque chose se joue autour de la façon dont chacun assoit ces fameuses « valeurs ».

Oui, débat vraiment passionnant.

Valeurs ? Pour savoir ce qui nous appartient en propre dans le cavansérail de "valeurs" qui s'affrontent et s'entremêlent aujourd'hui il nous faut, je crois, adopter une démarche génétique, c.a.d. retracer la généalogie des valeurs (cf. les questions posées par Nietzsche : qui a apporté telle valeur ? dans quelles circonstances ? qui en est le bénéficiaire ? quels sont les résultats concrets de son application ? etc.) Telle est, à mon sens, la raison de l'intérêt que nous pouvons porter à notre plus lointain passé : plus nous nous situons dans la longue durée, plus nous avons de chances d'identifier, dans notre héritage historique, ce qui a été surajouté (c.a.d. imposé de l'"extérieur") et ce qui nous appartient en propre. Cette démarche a bien entendu comme préalable une prise de conscience positive de nos appartenances et de nos identités collectives.
Citation
W. Zendji
Valeurs ?.....

Pour pouvoir tenter une approche axiologique, il y a une condition sine qua non à poser : la totale liberté d'expression. Comme notre petit monde frileux est adossé à la religion des Droits de l'Homme (que Nietzsche avait en horreur, au passage), celle-ci n'est plus garantie et Mister Zemmour en fait les frais en ce moment même.
Pour les bienpensants, il n'y a qu'une valeur supérieure : la tolérance. Tout le reste se vaut.

Plutôt que de parler de "valeurs", je parlerais plutôt de "principes". Comme déjà dit plus haut, le principe de base est, selon moi, la liberté, celle qui nous permet de faire tout et n'importe quoi, et qui doit donc être temporisée en conséquence. La question est de savoir jusqu'à quel point, en particulier face à l'autre grand principe qui empiète de plus en plus sur son pré carré : l'égalité. Liberté et égalité sont deux principes inconciliables dans leur plénitude, je ne pense pas être contredit là-dessus.
Pour garantir une vraie liberté, il faut donc que celle-ci soit bornée. Par quoi ? Par la culture d'un esprit de responsabilité. C'est une évidence que l'on a fini par perdre de vue : à mes yeux, la liberté est le suprême principe, la responsabilité est notre valeur architectonique. De là découle tout le reste.
Cher Gilgamesh, je suis en total désaccord avec vous, non seulement mon point de vue est opposé au vôtre mais en plus il apparait clairement que vous que vous niez les faits et pour quelqu'un qui prétend à l'objectivité, avouez que cela la fout mal. Je vous tiens, Gilgamesh, vos théories s'effondrent, vous êtes fait comme un rat. «[...] les rats quittent le navire par les cales [...] » J'aimerais bien voir ça; ces bestioles sont peut-être lâches mais non suicidaires et leur instinct de survie les poussent, c'est une évidence pour moi, lorsque le navire s'abîme à le quitter par le pont.
Et si votre navire a chaviré, bien cher Eric, ils font quoi, vos rats ?

Ils descendent vers le pont ?

Non, les rats de Mésopotamie sont futés : ils vont là où l'air se trouve, foin des vieilles habitudes : si la quille est l'air, alors sortons par elle !
Et moi qui vous disais, il y a peu, cher Jean-Marc, que vous raisonniez par caissons étanches... À quoi vous aviez répondu, de convaincante façon, que les caissons étaient cartésiens plus qu'étanches. Si je faisais du Jean-Marc moi-même, je dirais qu'une quille en l'air n'est plus une quille. En toute hypothèse les rats se sauveraient par le pont. Non, mais!
24 mars 2010, 14:05   Rats nageurs
Vous êtes en train de me dire que quand la quille est en l'air c'est le signe de la débandade ?
Citation
Eric Veron
Cher Gilgamesh, je suis en total désaccord avec vous, non seulement mon point de vue est opposé au vôtre mais en plus il apparait clairement que vous que vous niez les faits et pour quelqu'un qui prétend à l'objectivité, avouez que cela la fout mal. Je vous tiens, Gilgamesh, vos théories s'effondrent, vous êtes fait comme un rat. «[...] les rats quittent le navire par les cales [...] » J'aimerais bien voir ça; ces bestioles sont peut-être lâches mais non suicidaires et leur instinct de survie les poussent, c'est une évidence pour moi, lorsque le navire s'abîme à le quitter par le pont.


Non, non et non. Cher Éric, vous ne suivez pas ! Je réitère : «[...] les rats quittent le navire par les cales [...] », et j'enfonce le clou. Pourquoi les cales et non le pont ? Parce que dans la panique, les rats, rendus aveugles par l'obscurité dans laquelle ils se complaisent de quinquennat en quinquennat, ne distinguent plus ni haut ni bas ni droite ni gauche. Désespérés, ils se ruent vers une mort certaine : les cales.
24 mars 2010, 14:14   Re : Rats nageurs
Citation
Jean-Marc
Vous êtes en train de me dire que quand la quille est en l'air c'est le signe de la débandade ?


Cher Jean-Marc, rien ne sert de "bander", il faut "partir" à point.
Utilisateur anonyme
24 mars 2010, 14:36   Re : Rats nageurs
(Message supprimé à la demande de son auteur)
24 mars 2010, 15:07   Re : Rats nageurs
Citation
Didier Bourjon
« c'est comme si l'homélie des prêtres consistait à démontrer que Dieu n'existe pas !!! » : Pour le peu que j’ai constaté en diverses circonstances, c’est bien ce à quoi ils s’ingénient presque tous, particulièrement les catholiques, et tout au moins en France.

Pourfendeur de grenouilles de bénitier ?

Citation
Didier Bourjon
Les « droits de l’homme » ne peuvent précéder que son unique devoir : celui de s’accomplir en tant qu’être humain, et n’être revendiqués qu’à proportion de l’effort qu’on aura fait en cette matière si particulière et interminable; autant dire qu’ils sont grandement conditionnels.

Ah, mais nous sommes d'accord !

Citation
Didier Bourjon
"La vie en société est un amendement à l'état de nature. C'est parce qu'il a l'intelligence de mesurer ce qu'il a à gagner dans le collectif que l'homme s'agrège, qu'il cède à son penchant grégaire."
Il n’y a pas d’homme seul puis en société : l’homme est toujours déjà « avec » les autres, aucune solitude n’y peut mais. A partir de là, tout l’édifice s’effondre

Non. Suivant votre raisonnement, c'est bien plus grave : à partir de là, aucun édifice n'est possible.

Pour ma part, je voulais bien sûr parler d'agrégations humaines successives (couple, foyer, tribu, cité, nation, ...). L'homme aristotélicien est un, puis multiple en puissance.
Utilisateur anonyme
24 mars 2010, 15:57   Re : Rats nageurs
(Message supprimé à la demande de son auteur)
24 mars 2010, 16:08   Toady & Frog
Bien cher Didier,


Vous nous écrivez :

« c'est comme si l'homélie des prêtres consistait à démontrer que Dieu n'existe pas !!! » : Pour le peu que j’ai constaté en diverses circonstances, c’est bien ce à quoi ils s’ingénient presque tous, particulièrement les catholiques, et tout au moins en France.

Effectivement, les positions sont plus claires dans les églises musulmanes.
» Pour savoir ce qui nous appartient en propre dans le cavansérail de "valeurs" qui s'affrontent et s'entremêlent aujourd'hui il nous faut, je crois, adopter une démarche génétique, c.a.d. retracer la généalogie des valeurs (cf. les questions posées par Nietzsche : qui a apporté telle valeur ? dans quelles circonstances ? qui en est le bénéficiaire ? quels sont les résultats concrets de son application ? etc.)

Vous ne pourrez opérer ce tri sans disposer d'un jeu de "valeurs" préalables vous permettant de définir les critères selon lesquels vous retiendrez celles qui vous semblent bonnes : pour vous, "ce qui vous appartient en propre", la tradition, le patrimoine génétique, et l'assignation d'une certaine fin à l'homme ou à la société, qui déterminera quelles valeurs, comme moyens, permettront de les réaliser.
Bref, pour établir vos "valeurs", vous ne sortez jamais de la sphère des... valeurs, des choix axiologiques, et votre démarche n'est en somme que tautologique, ce qui n'est pas un drame, mais ne constituera en rien un argument, face à des advesaires disposant de valeurs-critères, de méta-valeurs différentes des vôtres.
» « […] qui parvenez à saisir la distinction cardinale entre le factuel et le symbolique […] » : moi je n’y parviens pas, et je crois même qu’il faut pour cela une vue spécialement simpliste !

Comment ça, vous ne pouvez pas ?! Il est possible que le terme "symbolique" employé par Gilgamesh ne reflète pas exactement ce que j'ai voulu distinguer par là, alors que "valeur" ferait mieux l'affaire.
Est-il besoin d'ajouter qu'un "fait" est de l'ordre de l'être, de l'existant constatable et que l'on peut éventuellement corroborer par des témoignages tiers, alors qu'une "valeur" est de l'ordre du "devoir-être", du normatif que l'on estime devoir imposer à l'être en vertu de l'on ne sait quelle préférence morale ou éthique ?
À moins que vous teniez absolument à ce que "il n'y ait pas de faits, seulement des interprétations" ?
Cela nous entrainerait loin...
24 mars 2010, 20:47   Les faits
Bien cher Alain,


Vous trouverez en moi un adepte des sciences exactes, des chiffres, des calculs, des faits.

Il se trouve que certains ont en tête l'adage "Facts are misleading".
Utilisateur anonyme
24 mars 2010, 21:11   Re : Les faits
(Message supprimé à la demande de son auteur)
24 mars 2010, 21:18   Au fait
Y a-t-il présupposé plus camusien que : « Der Schein trügt nicht » ?
24 mars 2010, 21:28   La question
C'est effectivement, bien cher Alain, une excellente question.
24 mars 2010, 22:17   Re : Au fait
Cher Didier, pensez-vous réellement que le cercle herméneutique vous empêche de distinguer ce qui est de l'ordre du fait, comme état de choses existant ou ayant existé — "Pour dîner je me suis régalé d'un houmous largement arrosé d'une bière locale", "Il fait actuellement dix-sept degrés à Jérusalem", "La Terre est un géoïde", "Les Mémoires de Retz est le volume actuellement posé sur ma table de chevet " —, de quelque valeur au nom de laquelle vous jugerez s'il sera bien ou juste de penser ou d'agir comme vous le ferez ?
Le pensez-vous vraiment, évidemment, innocemment ?
24 mars 2010, 22:37   Refoulements
Citation
Jean-Marc
Vous êtes en train de me dire que quand la quille est en l'air c'est le signe de la débandade ?

Vous esquissez là, cher Jean-Marc, une véritable théorie de l'appel de la transcendance.
25 mars 2010, 03:44   Offre de service
Cher Monsieur Gilgamesh,

Sujet à une insomnie à l'origine de laquelle vous n'êtes pas étranger, je voudrais vous parler franchement.

Il faut que vous sachiez que je suis à la recherche d'un empoi et qu'à ce titre on m'a prié de ne négliger aucune piste, à court, moyen ou long terme. Dans cette optique, il me faut donc envisager l'hypothèse où la forme de gouvernement que vous souhaitez viendrait à être mise à l'oeuvre dans un délai raisonnable, imposant ainsi le recrutement d'équipes d'éducateurs pour enseigner aux futurs citoyens brévetés.

C'est pourquoi j'ai l'honneur de faire acte de candidature à un poste de répétiteur et examinateur, dans le cadre de l'attribution des brevets de citoyens. Ma compétence visera à aborder le thème de la ou des connaissances dans une optique généraliste, organisée autour du hasard de mes lectures, en complément bien sûr avec des cours plus serrés pour lesquels d'autres seraient recrutés car je ne m'y sens aucune endurance.

Pour la formation du citoyen breveté, il me semble que des lectures propres à réveiller la curiosité, élargir l'horizon des intérêts, ne seraient pas tout à fait inutiles ; elles deviendraient mon gagne-pain, perspective qui me met très sincèrement une ardeur au travail.

Dans ces conditions, veuillez avoir la générosité clairvoyante, Monsieur Gilgamesh, de me considérer en disponibilité pour mener à bien la mission de stimuler les consciences au moyen de la promenade littéraire, selon une méthode prochainement mise en forme dans une publications aux Editions du Gobi, modeste ouvrage que, si vous le permettez, je soumettrai à votre analyse.

Sous l'attente, veuillez agréer, Monsieur Gilgamesh, l'expression de mes respectueuses salutations.
Utilisateur anonyme
25 mars 2010, 08:50   Re : Offre de service
(Message supprimé à la demande de son auteur)
25 mars 2010, 11:11   Re : Offre de service
Citation
Orimont Bolacre
Cher Monsieur Gilgamesh.......

Très cher Monsieur Bolacre,

C'est avec le plus grand sérieux que je reçois votre proposition. Sachez qu'ayant été moi-même demandeur d'emploi jusqu'en mai 2009, je puis compatir. J'ai depuis trouvé un emploi de grouillot, mais vu la conjoncture, je ne me plaindrai pas. J'ai profité du peu d'utilité de mon cerveau dans ma nouvelle fonction pour reprendre des études en parallèle.
Je puis d'abord vous assurer que l'Éducation nationale - que je propose, dans un premier temps, de rebaptiser Instruction publique, comme dans le temps - est bien au cœur de l'idée que je me fais de la nécessaire réforme des institutions politiques de notre pays.

Cependant, je ne pense pas qu'il soit opportun de changer du tout au tout les méthodes de recrutement du corps professoral, c'est-à-dire que la fonction d'enseignant doit restée conditionnée elle-même à l'obtention d'un diplôme idoine. Malgré tout, si tel n'est pas votre cas, une autre voie est possible.
En effet, dans le régime que j'appelle de mes vœux (et qui reste à l'état de brouillon, n'ayant pas la prétention de penser à tout tout seul, d'où la réserve de bonnes idées que constituent de tels fora), un enseignant (ou un "répétiteur") ne sera pas forcément "citoyen". D'une part parce qu'il ne le souhaitera pas nécessairement - le statut de citoyen étant un sacerdoce à part entière -, d'autre part parce qu'il faudra à cette personne prouver, comme n'importe quelle autre, qu'elle possède les connaissances souhaitées dans le domaine civique dans lequel elle souhaite s'investir. Autrement dit, vie professionnelle et vie civique seraient désolidarisées. Et comme chacun de nous a également besoin d'une vie sociale, la difficulté serait de trouver comment combiner les trois dans une journée de 24 heures. D'où le recours aux gens cultivés, volontaires et disponibles. Les viviers seraient multiples : demandeurs d'emploi, femme (ou homme) au foyer, retraités ou, pourquoi pas, étudiants.

Vous avez là, je pense, des éléments de réponse à vos demandes. Je me tiens néanmoins à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire. Surtout, n'hésitez pas à mettre en porte-à-faux mon raisonnement, sa pérennité dépendant étroitement des réponses que je saurai formuler. Vous souhaitant bon courage dans votre recherche d'emploi, je vous prie d'agréer mes sincères salutations.

À vous lire,
Gilg'
25 mars 2010, 11:24   Re : Offre de service
@ Orimont Bolacre :

Je m'aperçois que je n'ai pas répondu pleinement à votre missive. J'ai omis le terme "examinateur" qui, pour le coup, me semble tout à fait bienvenu. Reste donc à œuvrer ensemble dans le sens d'une réforme "rapide" de nos institutions politiques ! :))))
25 mars 2010, 13:44   Re : Offre de service
Allez, avouez que vous cherchez à accoutumer l'opinion à l'idée de créer ce corps de "professeurs d'inemploi" appelés de ses voeux par le Renaud Camus de Qu'il n'y a pas de problème de l'emploi...
25 mars 2010, 14:37   Re : Offre de service
Citation
Orimont Bolacre
Allez, avouez que vous cherchez à accoutumer l'opinion à l'idée de créer ce corps de "professeurs d'inemploi" appelés de ses voeux par le Renaud Camus de Qu'il n'y a pas de problème de l'emploi...


Vous me laissez à quia, je n'ai pas lu ledit livre. J'ai quand même trouvé un extrait de ce dont vous parlez et, s'il ne s'y trouve pas de second degré, je souscris totalement aux propos de Renaud Camus. Merci pour cette belle découverte, au passage.
25 mars 2010, 14:47   Re : Offre de service
« La société se trompe sur ses vrais besoins. Elle n’a pas besoin d’autant de tourneurs qu’elle forme, ni d’autant de professeurs de tour. Elle n’a pas besoin de plus d’employés ; elle n’en a déjà que trop ; ni de professeurs d’employage, d’emploiement, ou d’emploi. Elle a besoin de citoyens, et de poètes, et de promeneurs, et de sages ; et de professeurs d’inemploi : maîtres qui vous apprennent la brièveté du temps, et ce que vous pourrez faire de vos journées, plus tard, lorsque par chance elles se trouveront être libres. »

(Renaud Camus, dans Qu’il n’y a pas de problème de l’emploi.)


J'avoue mon inculture camusienne, je ne connaissais pas ce texte. Je n'enlève pas une virgule à ceci.
Nous sommes dans une panade telle qu'on en vient à célébrer des évidences !
25 mars 2010, 15:06   Re : Offre de service
Tiens Gilgamesh pour vous [au cas où vous ne l'auriez pas encore lu] et pour tous ceux qui ne le connaissent pas ci-dessous un extrait du livre "Du Sens" qu'avait lu en 2004 Alain Finkielkraut dans son émission "Répliques".

La France est fascinée par ce spectacle et on la comprend. On doute qu’il lui ai jamais été mis sous les yeux un miroir aussi clair de ce qu’elle est devenue. Elle peut voir là en vraie grandeur et en temps réel ce que sont ses enfants les jeunes gens d’aujourd’hui, quel est le résultat de son système d’éducation, et plus généralement de son système social de transmission des connaissances et des valeurs et ce que c’est que d’être vivant et d’habiter la terre maintenant parmi nous aujourd’hui pour des garcons et des filles à l’orée de l’âge adulte. Elle peut entendre ce qu’est sa langue, elle peut appréhender ce qu’est le sens des mots au sein d’un groupe considéré comme représentatif d’une tranche d’age et mesurer le degré de richesse, de complexité et d’éfficacité des instruments syntaxiques des sujets sous observation. Par voie de conséquence elle a tout loisir d’apprécier le type de rapports humains qui fleurissent grâce à ces instruments là, les idéaux qu’ils autorisent ou qu’ils suscitent, la weltanschauung d’une génération. Ce qui lui créve les yeux c’est le néant, non pas certes le grand néant métaphysique dont sont sortis les œuvres intrépides, d’immenses courants de pensée, des religions entières et quelques dizaines de civilisations plus ou moins raisonnables non un tout petit néant de rien du tout , un néant sans ombres et sans échos, sans rien qui puissent suggérer la plus élémentaire abîme. Trente ou quarante siècles de culture de l’âme ou du regard n’ont pas laissé la moindre trâce. Les parthénons ont été batis en vain, les comédies humaines et divines sont lettres mortes. Si des hymnes à la joie ont jamais retenti aucun écho n’en ait jamais parvenu jusqu’au loft. Qu’il y ait eu des peintures qu’il y en ait peut-être encore, que des paysages aient émus des voyageurs, qu’une sorte de lyrisme ait pu sourdre des mots, qu’on ait jamais pu s’exhalter pour une cause, pour une patrie, pour une idée fausse, un pan de mur jaune, le chagrin d’un peuple ou d’un roi, une fleur sur le tapis rien de tout cela n’émet plus la moindre perceptible vibration entre les lofteurs. Le sens s’arrête au bout des gestes de manger, de saisir, de désirer, de jouer, aucun tremblement sématique dans l’air et moins encore dans le temps. Sauf à quitter une bonne fois la condition humaine et le statut d’être conscient il ne semble pas qu’on puisse aller moins loin, convoquer moins de mots, ni tracer un cercle signifiant plus étroit. »
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