Cher Benoît Kammerer,
Vous devriez, si je puis me permettre, faire preuve d'un peu plus de prudence dans vos jugements concernant les interventions et les intervenants de ce forum et, en l'occurrence, ne pas trop vous inspirer de Francis Marche dont, dès qu'il est question de certains sujets, les nerfs ont tendance à lâcher un peu. Nous le savons, laissons en général passer l'orage de grêle et ne lui en tenons pas trop rigueur car il apporte des choses intéressantes sur d'autres sujets qu'il connaît mieux.
Concernant le fond de la question, vous ne devriez pas tout mélanger : la question de la théorie darwinienne de l'évolution est une chose (et, si j'ai bonne mémoire, M. Marche n'en est pas exactement un thuriféraire), la théorie du réchauffement climatique anthropogénique et la conviction que le réchauffement observé au cours des trente dernières années présente un caractère catastrophique en est une autre, extrêmement différente. Vous parlez à leur propos de "faits les mieux établis et [de] théories les moins controversées" : c'est, pour rester modéré, une formulation imprudente car controverse il y a bel et bien, au point, pour m'en tenir au seul exemple français, que l'Académie des sciences vient de décider d'organiser une deuxième séance de confrontation entre les deux points de vue. Quant à parler de « "savants" en mal de gloriole médiatique » à propos de Courtillot ou même d'Allègre, c'est absurde : chercheurs réputés, docteurs ès sciences, médaille d'or du CNRS, etc., ils ont vu leur réputation s'effondrer lorsqu'ils ont osé s'attaquer à la théorie officielle. Vous avez parfaitement le droit de croire en la validité de celle-ci, c'est un point de vue respectable et qui se défend, mais le temps où l'on pouvait balayer d'un revers de main, d'un haussement d'épaules, les arguments des "climatosceptiques" est passé, c'est d'ailleurs pour cela que le troupeau tente de faire jouer l'argument d'autorité.
Quant à moi, j'ai — contrairement à Courtillot qui a longtemps enseigné la doctrine officielle — depuis le début été sceptique, parce que cette théorie heurtait de front toute une série de connaissances solidement établies qu'avaient ancrées en moi ma formation en histoire et en géographie : la variabilité constante et de tout temps du climat, lequel a connu de nombreux changements nettement plus amples et plus brutaux que celui dont nous sommes témoins (les glaciations, la Jurassique sans trace de glace sur terre...), le fait que la concentration en gaz carbonique dans l'atmosphère a été, à certaines périodes géologiques caractérisées par une particulière exubérance de la vie végétale et animale, beaucoup plus importante qu'aujourd'hui et que sa croissance actuelle suit et non précède l'augmentation des températures, le fait que le dernier maximum des cycles pluriséculaires, l'optimum médiéval, bien connu et documenté (mais stupidement nié par les auteurs de la "courbe en crosse de hockey"), ait été plus chaud qu'aujourd'hui, et enfin le fait frappant qu'au cours des temps historiques, les périodes de réchauffement ont toujours coïncidé avec l'expansion humaine, la croissance, l'épanouissement des civilisations (optimum minoéen, optimum climatique dit "romain", belle période du Moyen Âge, XVIIIe-XXe siècle), alors que les périodes de refroidissement qui les séparent coïncident avec des crises souvent dramatiques (effondrement de la civilisation minoéenne, grandes invasions et effondrement des civilisations antiques, l'épouvantable XIVe siècle et le tragique XVIIe). Les multiples travaux des scientifiques climatosceptiques, beaucoup plus nombreux et sérieux que vous semblez le croire n'ont fait que consolider et étayer une solide intuition initiale.
Il est vrai que je savais aussi une chose que vous semblez ignorer : la climatologie est une discipline extrêmement jeune et, pourrait-on presque dire, encore dans les limbes. Pour m'en tenir à l'exemple français, il n'y avait pas, jusqu'à une date très récente, et peut-être est-ce toujours le cas, de formation, de cursus spécifique de climatologie. Il y avait certes des météorologues mais les seuls qui étudiaient le climat ès qualités étaient les géographes spécialistes de la géographie physique, gens estimables mais dépourvus de formation scientifique sérieuse en physique. Depuis l'apparition, au début des années quatre-vingt, de la théorie anthropo-réchauffistes, de très nombreux scientifiques se sont rués sur l'immense fromage qui a été distribué, et on les comprend. Mais il faut savoir qu'ils ont pour la plupart une formation dans un domaine scientifique particulier mais pas de vision globale des climats, de leurs mécanismes et de leur histoire. Ainsi, Jean Jouzel, géochimiste devenu glaciologue s'intitule-t-il climatologue (il fait partie du GIEC) alors qu'il n'a aucune compétence particulière dans le domaine de la dynamique de l'atmosphère, et Courtillot, géophysicien, a tout autant de légitimité que lui à se pencher sur les climats, leur histoire et leur évolution. C'est pourquoi l'on ne peut opposer aux sceptiques l'argument d'autorité dans une controverse qui porte précisément sur le caractère scientifique d'une discipline en gestation : ce serait presque comme reprocher à Molière de critiquer les médecins sans en être un lui-même.