"La vraie France !", seulement "la vraie France !"

Plus le temps passe, plus N. Sarkozy démontre qu'il est un mauvais aventurier en politique. Il aime, paraît-il, la gloire de la France (de la "vraie France" (pas l'autre : la fausse, la mauvaise) comme il le répète à foison) partout où elle est...

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Reuters - Jeudi 8 mai, 14h23PARIS (Reuters) -



Nicolas Sarkozy a placé les cérémonies du 8-Mai sous le signe de la Résistance, saluant ceux qui sauvèrent "l'âme de la France" en refusant - soldats et simples citoyens - de capituler ou de collaborer.

Après avoir déposé une gerbe au pied de la statue du général de Gaulle à Paris, le chef de l'État s'est rendu sur les plages du débarquement, en Normandie, où il a célébré "la vraie France, la France éternelle", celle qui n'était ni à Vichy ni dans la Milice.

(...) "À côté des bourreaux et des assassins, il y eut beaucoup de Français qui incarnèrent les plus belles valeurs de la France (...) Si les nations ont une âme, ils ont sauvé l'âme de la France", a-t-il ajouté.

"La vraie France, la France éternelle, elle n'était pas à Vichy, elle n'était pas dans la Collaboration. La vraie France, la France éternelle, elle n'était pas dans la Milice", a-t-il poursuivi, sortant de la version écrite de son discours distribuée à la presse.

"La vraie France, la France éternelle, elle avait avant tout la voix du Général de Gaulle, (...) elle avait le courage de Jean Moulin (...), le visage lumineux de Germaine Tillion, de Lucie Aubrac, d'Honoré d'Estienne d'Orves, de Tom Morel, du commandant Kieffer", a insisté Nicolas Sarkozy, citant plusieurs figures de la Résistance.

Pourriez-vous préciser où se trouve le côté "mauvais aventurier" de M. Sarkozy, dans les extraits de discours que vous citez ?

Cher M. Goux,

pour ce qui est de la langue je trouve effectivement que M. Sarkozy s'étale un peu lourdement, ou, si vous préférez, qu'il s'aventure très maladroitement sur le terrain sémantique (répétitions, ressassements inutiles, fatiguantes redites, recyclage des vieux clichés, etc) - bref, qu'il est "lourdingue"!, et que désirant recréditer les anciens mots-clés du vocabulaire droitier (tellement discrédités par les antifascistes) il ne fait que mieux les dévaluer, les diluer.
Il faut être net à ce sujet, nous sommes en présence d'une propagande manquant sérieusement d'habilité et qui, animée du louable désir de restructurer la communauté nationale, ne fait que la rétrécir (la seule "vraie France" - et l'autre ?) en pointant du doigt la sempiternelle fracture que l'on sait : résistants/collabos, gentils/méchants, Bien/Mal, etc.
Le sarkozysme c'est un peu la droite qui s'ignore, qui ignore ce qu'elle porte en elle, et qui ne prendra jamais conscience, sur le plan formel, et aussi sémantique, de tout ce que ses aspirations impliquent.

Merci beaucoup pour cette réponse.

Merci pour votre question. J'y vois moi aussi un peu plus clair...

Tout de même, bien cher Pascal, M. Sarkozy a un grand mérite : celui de rappeller que la France ne fut pas cette petite nation de collaborateurs et de trafiquants au marché noir, sauvée uniquement par les Indigènes, si chère à la doxa.

Les Indigènes ? Quels Indigènes ? Vous n'allez tout de même adopter la terminologie abracadabrante de l'adversaire ? Les indigènes c'est nous. N'oubliez pas que ce parti a failli s'appeler Parti Indigène Français. Il aurait peut-être dû : ça aurait marqué les esprits....

Bien cher Maître,


Effectivement, le terme Indigènes eût mérité d'être écrit "Indigènes".

Cependant, la majuscule était là pour marquer l'emphase de la doxa, les Indigènes étant, par définition, ceux qui sont pour nous allogènes.

Une chose agaçante, dans les discours de M. Sarkozy, c'est cette systématique utilisation de l'anaphore, débitée avec le ton de celui qui vous explique quelque chose en le martelant bien soigneusement, pour le cas où vous n'auriez pas compris ce qu'il essaie de vous signifier... (Ici, en l'occurrence, "la vraie France, la France éternelle, elle..."
On a parfois nettement l'impression que toute autre figure de style lui serait en fait inadéquate, tant celle-ci "colle" parfaitement à la lourdeur des manières du personnage.

Francmoineau, on peut être lourd et encore dans le vrai. Ceux qui eurent 20 ou 40 ou 50 ans il y a soixante ans eurent le privilège de pouvoir définir la France, qui s'était perdue sur le continent comme on se perd en mer. La discrimination (qui est quoi, et qu'est-ce que la Nation ?) fut alors un exercice particulièrement tranchant et qui engageait l'avenir, celui de nos générations. Quoi alors?

M. Orsoni, très à cheval sur ce qui ne doit pas être le grand tout, la fusion, la dissolution et la débâcle (celle des glaces qui fondent, se liquéfient et glacent l'eau dans l'indifférencié), voudraient que les parrains de la nation dans ces années-là aient été indifférenciés, que certains partis combattre sur le front de l'Est avec les Nazis valussent les nationaux réfractaires dans les maquis du Limousin ou du Vercors.

Jamais, dans ces quatre années-là, la discrimination ne fût plus déterminante pour l'avenir. Le révisionniste est celui qui, à l'instar des collabos que dénonce Cassandre, dit que tous étaient Français. Le révisionniste historique est l'amiral de la fusion, de l'indifférent, indifférence que fustige, par ailleurs et pour notre aujourd'hui, notre Orsoni.

Sarkozy n'est pas révisionniste et à Ouistram, il est discriminant. Il n'y a pas lieu de le lui reprocher. Il faudrait, bien au contraire, l'encourager à l'être pour la France d'aujourd'hui comme il se targue de l'être pour la France d'hier.

Je continue de penser que ce type de discours est extrêmement balourd, et même, carrément déplacé, pour ne pas dire qu'il est d'un comique absolu : à qui s'adresse-t-il ? à quelle France ? à quel "nous" ? - ne serait-il pas, à bien y regarder, qu'une tentative de plus pour cimenter (à la hâte) cette mosaïque ethnique qui n'en finit plus de se fissurer ?
Par ailleurs je ne vois pas en quoi le binôme "résistants/collabos" peut être, aujourd'hui encore, opératoire, formateur (car j'imagine qu'il s'agit de former des citoyens (?)) - ou alors, il l'est tout autant que "prolétaires/bourgeois" !

La morale de l'idéologie petite bourgeoise c'est qu'"il vaut mieux être un chien vivant qu'un lion mort", c'est notre morale (c.a.d la morale de l'époque, de "notre" époque), c'est comme ça, je n'y peux rien, et si la plèbe réclame encore des raisons de vivre (une "vraie France", par exemple) il lui faut répondre comme Jean Cau : "Il n'y a que des passions de vivre. Il y a des forces, des élans, des amours, des instincts. Mais il n'y a pas de raisons".

Cher Monsieur Marche,

Je ne m'attachais, dans mon message précédent, qu'à la forme du discours présidentiel, et non à son fond; et encore ne pensais-je le faire que d'une façon générale, et non particulière, en l'occurrence. C'est cette irritante manie que montre notre Président d'employer une figure de style qui a ses mérites, et n'est pas sans attraits lorsqu'elle est utilisée à bon escient, et de la transformer en un laborieux rabâchage, que je cherchais à mettre en relief. Mais sans doute me suis-je mal exprimé.
Pour le reste, c'est-à-dire le contenu des propos présidentiels, il y a beau temps que je n'y attache plus qu'une attention fort relative...

"Pour le reste, c'est-à-dire le contenu des propos présidentiels, il y a beau temps que je n'y attache plus qu'une attention fort relative..."


Oui, cher M. Francmoineau, et ce qui devient objet de discours ("la vraie France") atteste par là même qu'il n'est plus un sujet vivant. La "vraie France" est donc, dans la bouche de M. Sarkozy, un objet de discours comme un autre.

"ce qui devient objet de discours ("la vraie France") atteste par là même qu'il n'est plus un sujet vivant. La "vraie France" est donc, dans la bouche de M. Sarkozy, un objet de discours comme un autre."
Brillante conclusion : je ne saurais mieux dire!

Citation

Francmoineau, on peut être lourd et encore dans le vrai

En quoi l'anaphore devrait-elle être bannie du discours sous l'anathème d'une prétendue lourdeur ? Cette figure dans le discours a le mérite d'attirer l'attention et de stimuler la mémoire de l'auditeur. J'en use volontiers en plaidant et je crois à son efficacité.

Citation

Sarkozy n'est pas révisionniste et à Ouistram, il est discriminant. Il n'y a pas lieu de le lui reprocher. Il faudrait, bien au contraire, l'encourager à l'être pour la France d'aujourd'hui comme il se targue de l'être pour la France d'hier.

Absolument !

"En quoi l'anaphore devrait-elle être bannie du discours sous l'anathème d'une prétendue lourdeur ? Cette figure dans le discours a le mérite d'attirer l'attention et de stimuler la mémoire de l'auditeur. J'en use volontiers en plaidant et je crois à son efficacité."


C'est l'insistance régulière (oui, l'insistance régulière) et le martèlement à la place la plus visisble (oui, le martèlement à la place la plus visisble), en tête (oui, toujours en tête), qui donne à cette figure ce côté quelque peu pesant, un peu balourd, cher M. Corto, à moins d'en savoir user très savamment (lire Christine de Pisan). On peut également varier les plaisirs en usant de la figure inverse, l'épiphore, plus rare, et si le coeur vous en dit...

Citation

à moins d'en savoir user très savamment

oui

Citation

On peut également varier les plaisirs en usant de la figure inverse, l'épiphore, plus rare, et si le coeur vous en dit...

???