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Chronique du désastre à venir

Envoyé par Gérard Rogemi 
Chronique assez térrifiante de Stephane Montabert, blogueur suisse !


Chronique du désastre à venir ...

Je n'avais pas prévu de parler que de la fin de l'Europe, mais l'actualité m'oblige.

Hier, les marchés ont eu la gueule de bois: un peu partout, soudainement, les gens réalisent que la Grèce n'émet que des obligations pourries, que sa croissance est en berne, que son plan de redressement est fantaisiste... Bref, il faut être fou pour lui prêter de l'argent! Chacun mesure son exposition alors que la perspective d'un défaut de paiement se fait toujours plus pressante.

Vous pensez que les marchés se sont effondrés? Attendez demain, pour voir. Et après-demain. Les bourses n'en ont pas fini de chuter. Il va falloir des semaines - des mois - avant que la situation grecque ne soit "dans les cours", et ce pour une raison bien simple: nous n'en sommes qu'au début de la crise. Il serait insensé de croire que la crise sera géographiquement circonscrite à Athènes. Et tout aussi insensé de croire que les bourses seront les seules à plonger...

Faisons un peu de prospective et essayons de voir ce que l'avenir nous réserve.

La situation financière de la Grèce se détériore de façon rapide. Sur les marchés financier, le pays n'est déjà plus en mesure d'emprunter, avec un taux à dix ans de plus de 10% et un taux à deux ans atteignant les 17%, en attendant que de nouveaux records ne soient battus. La note de BB+ (junk bonds) dont elle est désormais affublée est un signal pour les investisseurs: prêter à la Grèce, c'est risquer de ne jamais revoir sa mise.

La Grèce doit régulièrement rembourser des emprunts arrivant à échéance. Le 19 mai échoient des obligations à 10 ans pour un montant de 8,5 milliards d'euros. Jusqu'ici, la Grèce faisait comme les autres pays: elle émettait un nouvel emprunt pour payer le précédent. Avec ces taux, ce n'est plus possible. Le défaut de paiement sera pourtant évité. Le ministre grec des Finances Georges Papaconstantinou n'a pas épuisé toutes les possibilités. Il suffit que le FMI et/ou l'Europe finalisent leurs plans d'aide pour que le gouvernement grec puisse tirer des fonds d'une nouvelle ligne de crédit hors marché.

Mais l'astuce n'est que temporaire, les chefs d'Etat le savent bien. Le débat sur la posture d'Angela Merkel est, dans cette optique, purement anecdotique. Les journalistes sont nombreux à sous-entendre que l'Allemagne aidera la Grèce après les élections régionales du 9 mai; d'après eux, Angela Merkel s'apprêterait à trahir des électeurs Allemands - décidément peu clairvoyants - dès le lendemain du scrutin. Qu'on croit ou pas aux visées électoralistes de la chancelière, l'impact sur la débâcle financière grecque sera minime. L'Allemagne n'a pas les moyens de sauver tout le monde. Même un hypothétique soutien sans réserve ne suffirait pas à ramener les taux d'intérêts grecs à des niveaux praticables. Quant à un plan de soutien européen, le seul que Mme Merkel ait soutenu du bout des lèvres, il implique la participation de pays déjà aux abois comme l'Espagne et le Portugal.

Des pays ruinés vont devoir emprunter de l'argent pour sauver de la faillite un pays encore plus ruiné qu'eux...

Bref, la Grèce est privée pour longtemps de l'accès aux marchés financiers. Combien de temps les pays européens et le FMI accepteront-ils de se substituer à ceux-ci pour financer la dette du pays? Combien de temps accepteront-ils de remplir le tonneau des Danaïdes?

Les récentes négociations entamées avec le FMI laissent entendre une aide globale de quelque 45 milliards d’euros pour cette année. Mais l'accord pourrait courir sur trois ans, bien que les montants éventuels pour les années suivantes n’aient pas été fixés. Rien que pour 2010, compte tenu du ralentissement compréhensible de l'économie grecque, ces milliards d'euros suffiront à peine. Et il faudra encore verser de l'argent en 2011, en 2012, et peut-être plus encore jusqu'à ce que la Grèce revienne à une meilleure forme financière. On n'en est même pas aux prémisses.

Ces aides vont diluer le risque grec dans les autres pays européens. Les taux d'intérêt portugais, espagnols, irlandais et même italiens ont commencé à monter. C'est le principe des vases communicants. La crise grecque s'étendra à l'Europe entière, par le sud. Comment vont faire le FMI et Mme Merkel lorsqu'il faudra desserrer les cordons de la bourse pour aider le Portugal et l'Espagne, en plus de la Grèce?

Aider la Grèce revient à remettre à plus tard la réforme de la Grèce. Les atermoiements politiques des leaders de l'Europe prouvent que l'élite politique du continent n'est pas à la mesure de l'enjeu. Les égoïsmes nationaux, les rêves utopiques d'intégration européenne et une compréhension défaillante des principes économiques garantissent que la crise ne sera pas jugulée. Alors que le gouvernement grec pourrait se lancer dans une faillite douloureuse, mais courageuse et menée en bon ordre, il préfère gesticuler pour trouver de l'argent frais.

La crise va donc perdurer, s'étendre et gagner en intensité.

Au fur et à mesure que les semaines passeront, d'autres pays européens vont étudier les possibilités offertes par le FMI et leurs autres partenaires de se mettre "a l'abri" des marchés financiers et de leur "spéculation". Les méchants marchés financiers vont être allègrement peints en noir. Jusqu'au moment où même l'Allemagne n'en pourra plus. La cessation de paiement arrivera donc, et touchera plusieurs pays de la zone euro en même temps. Plus elle sera tardive, plus elle sera grave.

A ce moment là, l'euro en tant que monnaie unique aura vécu. L'illusion de l'Europe politique aura disparu depuis longtemps.

Passons sur la désagréable période de troubles civils et de pillages qui s'ensuivra.

Pour continuer à survivre et payer leurs fonctionnaires, les Etats produiront leur propre monnaie, convertible en Euro initialement selon un taux fixe. Celui-ci s'avérera immédiatement insoutenable, et ces nouvelles monnaies seront dévaluées plusieurs fois. Des émetteurs privés (les chaînes de grands magasins par exemple) produiront leur propre monnaie, comme des bons d'achat, qui seront mieux reçue par le public que la monnaie du gouvernement; il y aura des affrontements pour "restaurer l'autorité" et l'économie en pâtira plus encore. Mais si la monnaie de singe officielle suffira à payer les fonctionnaires et à la rigueur le marché intérieur, il faudra des décennies pour rembourser les dettes contractées en Euros par le pays auprès de ses "partenaires" européens et du FMI. Certains n'y résisteront pas et sombreront dans le populisme et l'autoritarisme, une population déboussolée et ruinée se faisant facilement séduire par des tribuns clamant que, finalement, le plus simple est de faire un bras d'honneur aux créanciers.

La Dictature des colonels n'est pas si ancienne.

Politique fiction? A vous de voir. Le film est bientôt à l'affiche partout en Europe.
"A ce moment là, l'euro en tant que monnaie unique aura vécu. L'illusion de l'Europe politique aura disparu depuis longtemps."

Alors hâtons le désastre.
Je propose que tout le monde se cotise pour offrir une burqa à S.Billy.
D'accord, mais une burqua pour deux, alors.
Ostinato me signale par mail qu'elle n'en veut absolument pas (sauf si il y a le choix de la couleur).
Une burqua rose bonbon pour la Gay pride ! Pour faire jouer nos identités plurielles !
Je ne trouve votre blogueur très sérieux, cher Rogemi. Si ce qu'il dit est vrai, que la dette grecque va se répartir sur les autres pays selon le principe des vases communiquant, il doit alors tenir compte du fait que l'économie grecque tout entière ne représente que deux ou trois pour cents de l'économie européenne... La dilution se fera sentir, certes, mais elle ne sera donc pas si catastrophique, sauf à laisser jouer les marchés financiers sans régulation aucune et sans intervention de l'Europe (ce qui ne sera pas le cas, nous le savons). Et les comptes portugais et espagnols sont loin d'être aussi toxiques et travestis que ceux de la Grèce...
Le probléme est qu'il fut totalement déraisonnable de faire entrer dans la même zone euro des pays aussi disparates que l'Allemagne et la Gréce. L'Espagne avec au minimum 150 000 résidences secondaires construites et invendues est dans une panade grave. Je veux dire les banques espagnoles !!!!!

Par cette entrée et je l'ai déjà dit ces andouilles de grecs se sont mis dans l'incapacité de rester compétitifs sur le marché du tourisme et ils ont permis ainsi à la Turquie de devenir un géant du voyage forfaitaire ce qu'elle n'était pas avant ce choix toxique de la Grèce.

Le problème central est de savoir avec quoi et comment la Gréce va rembourser ces sommes pharaoniques qu'elle a emprunté ces dernières années à des taux entre 1,5 et 3 %.

Seule une politique économique d'expansion et d'innovation pourrait leur permettre de s'en sortir. or le seul secteur bénéficiaire est plombé par l'Euro qui surenchérit les séjours de vacances en Gréce.

Je crois que la situation est grave, très grave et surtout ne me parlez plus de cette allégation que Grèce ne représente que quelques pourcents de l'économie européenne car la RDA en 1990 était sur le papier moins lourde économiquement que le Land du Hesse et pourtant depuis 20 ans chaque allemand est contraint de payer un impôt supplémentaire de 7,5 % sur son salaire brut.

135 milliards (à condition que ce chiffre ne soit pas fantaisiste) de dettes ne sont pas pour un petit pays comme la Gréce une sinécure.
Hier l'UE s'est mis d'accord pour accorder à la Grèce des crédits à hauteur de 115 milliards d'Euros pour lui permettre de faire face à ses obligations étant donné que sur le marché financier plus personne ou presque ne veut lui prêter le moindre sous.

Une fois de plus l'idéologie supplante l'économie et cela ressemble beaucoup à ce que le bloc communiste pratiqua jusqu'à son éffondrement total.

Il était évident qu'il fallait préserver par tous les moyens l'image de la zone euro même contre toute logique économique car les marchés se seraient alors jetés sur le reste des canards boiteux ou les pigs.

La seule chose à faire était d'exclure la Grèce de cette zone euro et de l'obliger à revenir au Drachme afin qu'elle puisse dévaluer. Même le plan d'austérité d'une rigidité spartiate ne suffira pas à faire repartir l'économie grecque qui n'est pas, hélas, concurrencielle justement à cause de la monnaie européenne.

Les Cassandres qui dès l'introduction de la monnaie unique avait prédit les difficultés actuelles n'ont pas de quoi se réjouir car le pire est à venir.
Si vous voulez ce matin vous mettre le moral à zéro allez lire cet interview de Niall Ferguson, le célébre historien anglais.

Un court extrait en avant-goût:

Citation
Q What are your thoughts on the U.K. economic situation as it relates to the election?

A The situation of the United Kingdom in fiscal terms is in fact worse than the situation of Greece. That may come as a surprise to you, but if you look at the most recent paper on the subject published by the Bank for International Settlements, it is very clear. The trajectory of U.K. public debt over the next 30 years, absent a major change of policy, will take it to a mind-blowing 500% of GDP, which is about 100 percentage points worse than Greece.


Le reste de l'article i c i
Je constate que l'économie est pour les liseurs de ce forum un sujet dénué d'intérêt. Pour se faire une idée réaliste de la pyramide des dettes accumulées on peut aller consulter un article paru dans le NYT sur

Citation
Europe's Web of Debt
Banks and governments in these five shaky economies owe each other many billions of euros — converted here to dollars — and have even larger debts to Britain, France and Germany. Arrow widths are proportional to debt amounts.


Pour aller voir le schéma en question on clique
i c i
Citation
Rogemi
Je constate que l'économie est pour les liseurs de ce forum un sujet dénué d'intérêt.

Détrompez-vous, cher Rogemi. Je suis vos informations et vos avis avec d'autant plus d'intérêt que je ne me sens pas compétent, raison pour laquelle je me tais. Je ne suis certainement pas le seul.
Peut-être aussi n'a-t-on pas envie de « se mettre le moral à zéro ». Et je ne crois certainement pas que « la seule chose à faire était d'exclure la Grèce de cette zone euro ». Ce qu'il fallait, c'était réagir mieux et plus vite, cela eût coûté deux fois moins cher, à la Grèce comme aux autres états européens. Et je ne crois pas que l'Europe soit plus endettée que, par exemple, les États-Unis...
« Et je ne crois pas que l'Europe soit plus endettée que, par exemple, les États-Unis... »

Et cela vous console-t-il ?
Non, Johannus Marcus n'est pas seul à vous lire avec intérêt. Continuez, cher Rogemi et merci.
Citation

Et cela vous console-t-il ?

Non, bien sûr, mais y a-t-il au monde un état digne de ce nom qui ne soit pas endetté ? La dette n'est-elle pas inhérente à l'économie de marché ? Il faut seulement qu'elle soit équilibrée...
Cher Rogemi, je fais mon instruction en lisant vos messages, toujours intéressants, et les fils qui se développent à partir d'eux, mais je ne risquerai pas mon grain de sel, car je suis trop ignorante dans ce domaine.
Citation
Et je ne crois pas que l'Europe soit plus endettée que, par exemple, les États-Unis...

Bien sûr que non et comme le dit Marcel il n'y a rien de rassurant dans cette constatation !

Bernard je vous comprends mais la pauvre Grèce ne peut en aucun pas s'en sortir en restant dans la zone euro. Rappellez-vous l'incapacité de la puissance publique grecque à résoudre les problémes d'incendie estivaux il y deux ou trois ans. Des dizaines de personnes sont mortes brulées en raison de l'impuissance des autorités à éteindre dans des délais rapides ces incendies.

Comme le dit trés bien Zemmour la plupart des pays de la zone euro ne sont plus concurrentiels sur le marché mondial car les salaires dans cette zone cad en particulier dans des pays comme l'Espagne, l'italie et même la France sont trop élévés et les industriels sont sans défense face aux importations de produits fabriqués en Chine, en Inde ou en Allemagne comme nous sommes aussi presque sans défense face à l'arrivée de nouveaux immigrants parce que les frontières sont des passoires.
Citation
La dette n'est-elle pas inhérente à l'économie de marché ? Il faut seulement qu'elle soit équilibrée...

La dette est sans importance dans la mesure où elle sert à faire, grosso modo, des inverstissements qui dans le futur produiront de la croissance et des bénéfices avec lesquels cette dette sera remboursée.

Mais si elle sert à payer des retraites à 53 ans, des 13 ème et des 14 ème mois alors on va droit au mur.

Le plus étonnant quand on se penche sur le cas de la Grèce c'est de constater que la plupart des grecs ne paient pas d'impôts ou si peu.

Comment voulez-vous que l'Etat se finance si les citoyens refusent de verser leur quote-part au bon fonctionnement de la chose publique ?
Je crois, Rogemi, que pour la première fois dans son histoire moderne peut-être, la Grèce se trouve face à la réalité des chiffres, et qu'elle commence à en tirer les conséquences. La corruption, les dessous de table, et cette habitude de pratiquer l'économie au noir, les rentes de situations, les 25 % de fonctionnaires dans le monde du travail, la retraite à 53 ans (quel scandale pour nous), etc. sont mis à jour. Bien entendu, ce sera dur, et paraîtra encore plus dur. Votre exemple des incendies ne vaut pas, à mon sens, car (je ne suis pas un adepte de la théorie du complot, mais...) nous ne savons pas tout à ce propos. Je crois qu'il s'agissait d'une tentative de déstabilisation du pays. Impossible de lutter, quand on allume des feux partout... Et puis, il y a toujours eu, dans un même pays, des provinces riches et des provinces pauvres ; pourquoi cela ne serait-il pas possible, a fortiori même, dans une union d'états ?
Citation

Le plus étonnant quand on se penche sur le cas de la Grèce c'est de constater que la plupart des grecs ne paient pas d'impôts ou si peu.

Comment voulez-vous que l'Etat se finance si les citoyens refusent de verser leur quote-part au bon fonctionnement de la chose publique ?

Là, cher Rogemi, je suis entièrement d'accord avec vous : c'est tout le problème.

(P.-S. Pourriez-vous, s'il vous plaît, mettre une majuscule à "Grecs" comme à "Français" quand il s'agit des gens ? Je me permets cette remarque car la petite faute est récurrente...)
Citation
pourquoi cela ne serait-il pas possible, a fortiori même, dans une union d'états ?

Croyez-moi cher Bernard que je vous comprends mais le différentiel de développement économique entre par exemple les cantons bavarois ne porte pas vraiment á conséquence parce que d'une part l'infrastructure administrative est la même et d'autre part l'anthropologie familiale identique.

Il ne faut que nous nous voilions la face car entre la Gréce et la Hollande par exemple vous avez un fossé insurmontable et cela à tous les niveaux sociétaux.
La crise financière qui frappe la Grèce et bientôt l'Espagne a fait chuter l'euro sur le marché des changes, ce qui était indispensable à une reprise des exportations de ces pays. Avant de déclarer la nécessité de faire sortir la Grèce de l'euro, il importe de tester les avantages que présente pour le redressement éventuel des finances de ce pays une chute du cours de la monnaie commune. La réponse des marchés qui prennent l'euro pour cible et font de sa parité une variable d'ajustement, pour une fois, est saine face à cette crise. La précipitation à vendre (ici la "vente de la Grèce") en cas de crise a toujours pour effet d'amplifier et d'approfondir un désastre. Un euro à 1,25, voire 1,20 dollars à la fin de ce mois peut changer la donne des pays de la zone concernée. Il suffit d'attendre. Ce que les marchés spéculatifs ont massacré, la spéculation des marchés monétaires contre l'euro peut encore le ranimer.
D'accord avec Bernard pour ce qui concerne les incendies de campagne en Grèce, qui doivent être considérés comme une série d'attentats terroristes.
Citation

le différentiel de développement économique entre par exemple les cantons bavarois ne porte pas vraiment á conséquence

Mais, par exemple, entre Bruxelles et le Hainaut ? Ou entre le Milanais et les Pouilles ?
Citation
Ou entre le Milanais et les Pouilles ?

Là cela fait très mal et vous voyez que l'Italie est menacée par une disloquation politique cad d'une séparation entre le nord et le sud, rupture d'ailleurs voulue par les politiciens de la ligue du nord.

Quant à la Belgique vous savez mieux que moi ce qui s'y passe.
L'Italie n'est menacée de cela que par un parti opportuniste.
Citation
Bernard Lombart
[...] la Grèce se trouve face à la réalité des chiffres [...]

On demande Monsieur Orimont au parloir, siouplaît.
A vos ordres, mon colonel ! J'aimerions bien connaître ce qu'ça veut dire "Les marchés spéculent contre l'Espagne". Comment qu'ça s'passe et à quoi ça sert, qui qui gagne quoi ? C'est-y pas cette vieille blague de çui qui sciait la branche sus la quelle il posait ses fesses ? Ou bien quoi ?
Je vous le dis, cet Orimont est un gars de plein pied dans le réel cher à Francis. Continuez, Rogemi et Bernard. Les enfants, allez jouer!
Tout à fait sérieusement et avec toute la compréhension que j'ose espérer de la compagnie pour la difficulté que j'éprouve à me représenter les choses, je voudrais que quelqu'un me donne un exemple assez précis de la situation en commençant par m'indiquer, nommément de préférence, l'un de ces acteurs des "marchés", puis comment il s'y prend pour "spéculer contre l'Espagne", ce qu'il fait, et, enfin, le bénéfice qu'il en espère.
Citation
L'Italie n'est menacée de cela que par un parti opportuniste.

Vous vous trompez ce parti n'est en aucune manière opportuniste mais répond à une demande forte d'une partie importante de la population du nord de l'Italie. Les ressentiments des italiens du nord sont profonds comme ceux des flamands vis à vis des wallons.

Autrement il n'aurait pas le succès qu'il a eu à presque toutes les élections de ces dernières années.

Il y une chose qui me fait marrer c'est que l'Italie aurait pu devenir une démocratie populaire si le sud n'avait pas depuis 1945 systématiquement voté chrétiens-démocrates.
Citation
C'est-y pas cette vieille blague de çui qui sciait la branche sus la quelle il posait ses fesses ? Ou bien quoi ?

Vous rigolez !
Les marchés ne pensent qu'à l'argent et s' ils spéculent sur la baisse de la bourse de Madrid alors il se peut qu'il y ait un sauve-qui-peut et une baisse conséquente qui va engraisser ceux qui ont misé sur un éffondrement des cours.

Classique ... bien que très risqué !
"Les marchés ne pensent qu'à l'argent et s' ils spéculent sur la baisse de la bourse de Madrid alors il se peut qu'il y ait un sauve-qui-peut et une baisse conséquente qui va engraisser ceux qui ont misé sur un éffondrement des cours."

Cher Rogémi, je ne comprends pas ce que vous écrivez, c'est-à-dire que je ne le comprends pas. Si vous étiez un acteur de ces "marchés" (peut-être l'êtes-vous) et que vous décidiez de "spéculer sur l'Espagne", comment vous y prendriez-vous ?
N'est-ce pas, en l'occurrence, chercher à faire monter les taux d'intérêt en refusant de prêter à bas taux et en incitant tous les acquéreurs éventuels d'emprunts espagnols à faire de même jusqu'à ce que les taux montent, comme ils l'ont fait pour la Grèce, laquelle a dû s'engager jusqu'à 11% (contre deux ou trois normalement) ?
Citation
N'est-ce pas, en l'occurrence, chercher à faire monter les taux d'intérêt en refusant de prêter à bas taux et en incitant tous les acquéreurs éventuels d'emprunts espagnols à faire de même jusqu'à ce que les taux montent, comme ils l'ont fait pour la Grèce, laquelle a dû s'engager jusqu'à 11% (contre deux ou trois normalement) ?

Non, chers Orimont et Marcel, pas vraiment car le taux d'interêt de l'Euro est fixé à Francfort par Trichet et ses acolytes. Pour le reste tout est question de négociations entre un gouvernement et une banque ou un investisseur institutionnel. Le problème de la Grèce fut que plus personne ne voulait s'engager par peur de perdre son pognon.

Il s'agit ici d'une pression à la baisse !

Je n'ai pas le temps de vous faire un tableau de ce qui se passe vraiment mais il s'agit d'une spéculation à la baisse et pour comprendre cela il bien se dire que nous avons à faire ici exactement au contraire de la spéculation à la hausse.

Que fait-on quand on spécule à la hausse ?
On achéte à l'avance des actions au prix du jour dans l'espoir qu'à la date d'échéance (1, 2 ou 3 mois) l'action aura pris de la plus-value. Et à la date d'échéance au lieu d'acheter on vend et on encaisse la différence.
Oui, pardon, j'avais mal lu : je parlais de spéculations sur les emprunts d'État. Ici, c'est vendre de l'espagnol à tire-larigot pour le faire baisser puis le racheter lorsqu'il aura beaucoup baissé (et le revendre éventuellement lorsque l'orage sera passé).
Exactement mais c'est épouvantable pour la bourse de Madrid ! Il y régne une atmosphère de fin du monde.
"Non, chers Orimont et Marcel (...)"

Ah bon ? J'ai dit quelque chose ? L'économie c'est vraiment génial, fini les complexes.

Bon, admettons que j'ai compris. Quand je lis : "Ici, c'est vendre de l'espagnol à tire-larigot pour le faire baisser puis le racheter lorsqu'il aura beaucoup baissé (et le revendre éventuellement lorsque l'orage sera passé).", plussoyé par Rogemi d'un "c'est épouvantable", j'ai l'impression qu'on me présente une mauvaise action perpétrée par ces fameux "marchés" (on ne sait toujours pas de qui il s'agit), et je me demande, très naïvement sans doute, pourquoi et comment on laisse agir ces malfaisants ? Qu'attend-on d'eux, la philanthropie ? Tout se passe comme si un quidam, quittant son appartement en laissant la porte ouverte, restait suspendu toute la journée à la "réaction des cambrioleurs" (pour ne pas dire la fantaisie) pour mesurer, en rentrant, à quelle hauteur il a été cambriolé, un peu, beaucoup ou intégralement.
Vente à découvert
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La vente à découvert ((en) Short Sell) est une suite d'opérations boursières qui consistent à vendre sur un marché à terme un titre que l'on ne possède pas en espérant le racheter à un cours moins élevé. La différence entre le cours de vente et le cours d'achat correspondant à une plus-value (ou moins-value). Plus le cours d'un titre chute, plus la plus-value est élevée. Toutefois, la plus-value sera limitée au montant de la vente, tandis que la moins-value n'a pas de limite. Le cours d'un titre peut en effet monter indéfiniment.

C'est un investissement risqué, la perte pouvant être supérieure à l'investissement initial.

C'est une opération essentielle pour la stabilité des marchés financiers, permettant de faire baisser le cours des actions en cas de bulle.

Conditions sur la vente à découvert

L'opération de vente à découvert n'est réalisable que sur les valeurs éligibles au Service de Règlement Différé (SRD). L'opération de vente à découvert ne peut pas être effectuée depuis un PEA, mais possible avec un compte titre classique. De plus, il existe certaines limites dans l'application de cette manœuvre. Les règles concernant la vente à découvert sont différentes pour chaque pays.
C'est vraiment difficile à saisir. Sous certaines conditions, je pourrais vendre ce que je ne possède pas ? Comment a-t-on pu établir certaines conditions pour rendre possible cette prouesse, en faire quelque chose de rationnel ?

Voyons, je ne possède pas 200 actions (c'est la même chose que des titres ?) "Harry Potter" mais je peux les vendre. Avant que je vende, l'action "Harry Potter" côte 1.50 euros. Je vends donc mes 200 actions que je ne possède pas . Mes comptes sont donc crédités de 200X1.50, soit 300 euros.

Par suite de ma vente, l'action "Harry Potter" chûte mécaniquement à 1.00 euro. Avec mes 300 euros, je peux donc rachèter 300 actions, ce que je m'empresse de faire. Or, du fait de mon rachat, voilà-t-y pas que, mécaniquement, l'action Harry Potter grimpe à 2.00 euros. Il ne me reste plus qu'à revendre mes actions pour voir mes comptes crédités de 300X2.00, soit 600 euros.

Ha la la ! C'est pas des estomacs sur pattes qui auraient trouvé ça et il est bien naturel qu'on leur demande de faire un effort, quand il finit par y avoir des lames de rasoir dans le couscous à force de vendre ce qu'on ne possède pas...
Parfaitement immoral donc légal.
Citation
Comment a-t-on pu établir certaines conditions pour rendre possible cette prouesse, en faire quelque chose de rationnel ?

Mais c'est très rationnel tout aussi rationnel que d'acheter à terme et à la hausse des actions que l'on ne posséde pas. Attention vous êtes contraint de déposer une garantie de x % sur votre compte pour pouvoir acheter à la hausse comme à la baisse. C'est là que le bât blesse je veux dire que le montant de la garantie est trop bas bien que je ne sois plus au courant du montant actuel exigé sur les places européennes.

Enfoncons des portes ouvertes:
l'existence des sociétés anonymes entraine obligatoirement celle des actions et par conséquent la création de lieux d'échange de ces actions: les bourses.
Pardonnez-moi, cher Rogemi, mais je persiste à trouver rationnel d'acheter (même à terme : on ne paye pas tout d'un coup, c'est ça ?) quelque chose qu'on ne possède pas, c'est même une donnée vécue par chacun, tandis que vendre quelque chose qu'on ne possède pas reste en dehors de l'expérience commune et je renacle à mettre ces deux actions sur le même plan de rationalité. Si vous vendez des chaussures et que je vous en achète une paire parce que je ne la possède pas, mon geste vous trouvera placide mais si je prétends, moi, vous vendre l'appartement du voisin, ou simplement son téléphone portable et vous le sachant, est-ce que vous ne me trouverez pas légèrement piqué d'espérer conclure cette transaction ?

"l'existence des sociétés anonymes entraine obligatoirement celle des actions et par conséquent la création de lieux d'échange de ces actions: les bourses (n'hésitez pas avec moi à enfoncer les portes ouvertes, il y en a plus d'un sur le seuil) Vous évoquez l'échange d'actions en général, y compris celles qu'on ne possède pas, mais alors, il faut comprendre qu'avec les actions, les lois de la propriété ne sont pas les mêmes, on peut posséder sans être propriétaire, ou, plus justement, parce que l'on pourrait être propriétaire (c'est le rôle de la "garantie" de garantir le conditionnel ?) ; à la Bourse, la propriété éventuelle est de même force que la propriété effective et dans l'expression "être riche d'espérance" l'adjectif "riche" devrait être entendu au sens propre ?
à Orimont: La vente à découvert est en fait une dette que contracte l'opérateur: il s'engage à racheter le titre à une date prédéterminée et au cours du jour, si bien que lorsqu'il "vend ce qu'il n'a pas", on peut considérer que l'on lui "prête" une somme d'argent contre son engagement à acheter le titre coûte que coûte quelques temps plus tard et quel que soit son cours. C'est un pari, celui qui prend ce pari et contracte cette dette mise sur l'éventualité d'une chute du cours qui lui fera "rembourser" au jour j+20 moins qu'on ne lui aura prêté au jour j. Du reste, le transfert de propriété (la cession des titres) reste notionnelle et ne change pas de mains et le spéculateur ne verse ou n'encaisse que la différence entre les deux cours aux dates j et j+20. On peut ainsi "attaquer" un titre, un produit financier dérivé (obligation d'obligations etc.) en le forçant à la baisse puisque lorsque les opérations à découvert (le "shorting") s'opèrent à très gros volumes et sur des montants importants, le titre s'inscrit automatiquement à la baisse. Les haussiers (ceux qui spéculent à la hausse) doivent alors déceler dans l'évolution du titre la part d'esbrouffe des spéculateurs baissiers qui tirent le titre vers le bas artificiellement (par le seul effet des paris pris sur sa baisse), d'où au passage, l'importance des "analystes" boursiers qui peuvent manipuler les titres dans un sens ou dans l'autre par des analyses biaisées opérées en collusion avec des intérêts boursiers haussiers ou baissiers. Lorsque la manoeuvre baissière est manifeste, il devient possible, en enchérissant le titre, de coincer les baissiers (to squeeze the shorts) dont les pertes, comme il a été dit, n'ont pas de limites théoriques et peuvent dépasser de beaucoup la valeur du titre puisque si une baisse, théoriquement, s'arrête à zéro, une hausse n'est stoppée par aucun plafond. Le baissier joue un jeu très dangereux: il contracte une dette aveugle dont seul le marché dira le montant. Vous voilà exposé, cher Orimont, le mécanisme primaire d'une "attaque" des opérateurs boursiers contre des titres et obligations, y compris celles qui sont émises par des Etats.
Tout cela doit être très rationnel, puisque vous le dites. Je continue, pour ma part, à ne pas le trouver très raisonnable.
Citation
n'hésitez pas avec moi à enfoncer les portes ouvertes, il y en a plus d'un sur le seuil

Mais cher Orimont on est obligé d'enfoncer sans arrêt des portes ouvertes car pour le commun des mortels tout cela c'est de la mystique incompréhensible.

Prenez par exemple la valeur d'une monnaie.

Les gens ne comprennent pas que cette valeur est fixée par l'équilibre entre ceux qui achétent et ceux qui vendent au jour le jour cette monnaie. Pendant des années tout le monde a cru que l'Euro était fort de lui-même. Mais non il y avait simplement plus d'acteurs qui en achetaient que ceux qui le vendaient. La tendance s'est aujourd'hui inversée.
Citation
Je continue, pour ma part, à ne pas le trouver très raisonnable.

Vous faites de la morale là où il n'y a qu'une praxis, une technique éprouvée.
Citation
Rogemi
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n'hésitez pas avec moi à enfoncer les portes ouvertes, il y en a plus d'un sur le seuil

Mais cher Orimont on est obligé d'enfoncer sans arrêt des portes ouvertes car pour le commun des mortels tout cela c'est de la mystique incompréhensible. (...) Les gens ne comprennent pas que cette valeur est fixée par l'équilibre entre ceux qui achétent et ceux qui vendent au jour le jour cette monnaie.

Sachez, cher Rogemi, que le fait de critiquer le bon peuple de la sorte passe, aux yeux de certains, pour un crime de lèse-majesté. Prenez garde !
Merci à vous, Francis, pour ce complément d'information, mais à mesure que ma lanterne devient un peu moins fumeuse, ce sont les us et coutumes, la praxis, comme dirait Rogémi, de la Bourse qui m'apparait toujours plus fuligineuse. Vous décrivez un ensemble d'actions où le mensonge, la ruse, la tromperie sont comme des évidences contre lesquelles il serait aussi vain de protester que contre les règles de n'importe quel jeu. Ecrivant cela, ce n'est pas, je crois, me poser en faiseur de morale. Le "poker menteur" peut bien exister, mais s'il devient le moteur même des relations commerciales, si les épisodes foireux de sa partie entraînent les désastres qu'on nous annonce, alors, on ne peut blamer trop vertement les peuples de leurs propres capacités de réaction, mal conduites et mal mesurées autant qu'on pourra le déplorer, et trouver quelques circonstances atténuantes à l'expression du "caprice" de la populace de qui on réclame "des efforts" et qui, dans le même temps, constate que la partie continue de plus belle.
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Le baissier joue un jeu très dangereux: il contracte une dette aveugle dont seul le marché dira le montant

Vous voyez cher Orimont que tout se paye et celui qui joue avec le feu peut se brûler ou même être complétement anéanti.
Mais il n'y a qu'un rapport très indirect et purement conjoncturel entre ces spéculations plus ou moins foireuses et immorales et les crises boursières qu'elles peuvent entrainer d'une part, et le problème de la dette publique et des déficits budgétaires qui la gonflent toujours davantage. Les spéculateurs n'ont fait ici, en jouant la Grèce à la baisse, que jouer le rôle des rats qui quittent le navire.
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Les spéculateurs n'ont fait ici, en jouant la Grèce à la baisse, que jouer le rôle des rats qui quittent le navire.

Je ne suis pas d'accord avec cette vue des événements.

Si vous avez souscrit une assurance-vie vous attendez de votre compagnie d'assurances que la somme qu'elle vous versera à la date-butoir soit rondelette surtout si vous avez versé vos primes pendant 20 ans ou plus.

Pour ces investisseurs institutionnels - compagnies d'assurances, fonds de pension, etc.. - il est de leur devoir de préserver les sous de leurs adhérents.

S'ils vendent des titres obligataires dangeureux ils ne font que ce qu'une bonne gestion exige.
Je ne vois pas bien, cher Rogemi, la contradiction entre ces deux affirmations.
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Sachez, cher Rogemi, que le fait de critiquer le bon peuple de la sorte passe, aux yeux de certains, pour un crime de lèse-majesté. Prenez garde !

Ne vous en faites pas je suis - for the time beeing - relativement à l'abri dans mes montagnes bavaroises !
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Je ne vois pas bien, cher Rogemi, la contradiction entre ces deux affirmations.

Bien sûr, cher Marcel, mais ce qui me semble inexact c'est le terme de spéculateur j'utiliserais ici le mot d'investisseur et d'autre part l'emploi que vous faites de l'expression "rats quittant le navire" discrédite complétement le travail du gestionnaire honnête qui essaye de sauver le patrimoine de ses clients.
C'est ce qui vient de se produire ce lundi: durant le week-end, les ministres des finances de la zone euro, par un habile jeu d'annonce -- lequel n'est en soi rien d'autre qu'une manière d'intervention sur le marché et donc guère autre chose qu'un outil de marché qui pour être extraordinaire n'en est pas moins typique -- viennent d'assassiner les spéculateurs baissiers: vendredi l'euro cotait 1,26 dollars en moyenne et se dirigeait résolument vers les 1,25. Les baissiers ont alors vendu à découvert des brouettées et des camions-bennes de produits monétaires en euros à 1,26 dollars, logiquement convaincus qu'ils pourraient les "racheter" à 1,24 dollars dans une semaine; les ministres ont fait ce dimanche ce que le jargon boursier anglo-saxon nomme un "shake-off" des baissiers, autrement dit ils ont "tué" ces spéculateurs lesquels, après avoir attaqué l'euro toute la semaine, devront assumer des milliards de perte en rachetant leurs camions-bennes d'euros à 1,29, voire plus, avant vendredi.

Il n'est pas absurde, face à cela, d'envisager l'opération de ces ministres comme une vaste manipulation du marché. Leur annonce "qu'il faut à tout prix sauver l'euro" tient en effet de la manipulation mentale, quand on se souvent, par exemple, qu'en 2001/2002 l'euro était à parité avec le dollar et qu'il est même souvent passé en dessous de ce seuil sans que personne, jamais, aucun politique ni aucun économiste, ne s'en soit alarmé et sans que l'économie de la zone euro n'en ait souffert le moins du monde. Et ce n'est pas exagérer que de dire que MMme Lagarde et Merkel, en annonçant des 500 milliards de disponibilités pour tout plan de sauvetage de nation qui s'avèrerait nécessaire en zone euro ont été des "market makers" ce lundi et que le politique intervenant dans la sphère économique face aux marchés, participe à leur jeu davantage qu'il ne gouverne au-dessus d'eux. Et je laisse à chacun le soin d'imaginer le boulevard qu'offre ce type d'intervention du politique dans les marchés à tout initié (le petit cousin d'arrière-ban de Mme Lagarde) qui, fort de sa connaissance de la manoeuvre des politiques opérée dimanche, aura acheté de l'euro vendredi dernier: la manne anonyme qu'il récoltera en les vendant dans la semaine peut être d'ampleur phénoménale...

L'euro est de toute façon aujourd'hui surévalué par rapport aux autres monnaies de référence dont le dollar et le yen et sa dévaluation sur les marchés est une échéance incontournable au vu de la situation politique et économique de l'ensemble de la zone.
Ces histoires de "ventes à découvert" ou de "marché à terme" (quelle est la différence?) sont, d'un point de vue philosophique, fascinantes. Un peu comme Orimont, cependant, je ne comprends pas pourquoi elles sont permises, ou pourquoi on ne peut pas les interdire, ou pourquoi l'on n'aurait pas intérêt à les interdire.
Il y a le marché au comptant et le marché à terme qui est une forme de crédit, un peu comme les soixante jours d'usage pour honorer la facture d'un fournisseur.
11 mai 2010, 00:05   Marché à terme
Il est absolument nécessaire : il permet en effet, dès lors qu'on a affaire à d'assez grandes quantités, d'assurer que le prix sera d'un niveau donné (ou du moins compris dans telle ou telle fourchette).

Je vais prendre un exemple. Vous êtes fabriquant industriel de pain. Vous avez besoin de 100000 tonnes de farine en septembre. Le prix actuel est, mettons, de 100 Euros la tonne. Vous avez tout intérêt à acheter à terme avec option pour un prix de 110 Euros, si vous voulez être certain de ne pas voir vos coûts s'envoler (le vendeur à terme vend soit à découvert soit à l'avance). Pour cela, il faut que vous déposiez une garantie, de l'ordre de 10%, coût de l'option. C'est une forme spéciale de terme. Cela vous permet de ne pas "geler" votre trésorerie.

Si, au jour dit, le blé est entre 100 et 110, vous payez 110. S'il est au-dessus de 110, vous ne payez que 110. S'il est en dessous de 100, vous dénoncez l'option, et vous payez le prix.

Normalement, les marchés à terme s'autorégulent : les acheteurs commerciaux ne dépasseront pas certaines limites, le prix obéit à la loi de l'offre et de la demande.

La situation est autre pour un marché spéculatif : les acteurs achètent un ESPOIR de croissance, il n'y a plus de lien entre offre et demande.
11 mai 2010, 03:23   Re : Marché à terme
En somme, le Short est l'exact contraire du Long : dans ce dernier on achète un titre le plus bon marché possible en espérant le vendre ensuite à meilleur prix ; dans le Short on vend un titre qu'on ne possède pas le plus cher possible en voulant le racheter plus tard à moindre frais quand les cours auront chuté. La symétrie est parfaite.
On peut considérer les shortistes comme des oiseaux de mauvais augure : ils spéculent à la baisse, s'enrichissent de la décroissance et profitent des états de crise et de faillite. Ce sont des charognards.
"La Grèce doit sortir de l'euro. C'est géré n'importe comment, ils manifestent pour le maintien de leur 13e et 14e mois alors, qu'à ce que je sache, il n'y a que douze mois dans une année !" explique dans une interviou au "Monde" un trader, pris soudain d'un accès de gros bon vieux bon sens et qui veut compter les mois qui "existent", Crédié d'bonsouer ! Ousq'uon va nous autres, entre short et long, si les pébrons se mettent à compter des mois qu'existent pas, c'est des actifs avariés ou quoi, ces types, faut redescendre sur terre à la fin !
11 mai 2010, 08:29   Short
Ce n'est pas tout à fait cela. Un producteur de blé prudent, qui compte mettre mettons 100000 tonnes sur le marché en septembre, va par exemple se couvrir pour 50000 tonnes en les "vendant à l'avance". Il se protège contre une baisse possible des cours (par exemple s'il y a une surproduction).
12 mai 2010, 00:13   Re : Marché à terme
Tout marché boursier fonctionne comme une cour de justice: le long, c'est l'avocat de la partie défenderesse, l'optimiste dans le genre humain et le sort économique de l'humanité; le short, c'est le procureur qui plaide à charge, le pessimiste, le salaud qui voit le mal partout et veut enfoncer l'accusé, le charognard qui demande pour la valeur ou le titre négocié à la corbeille, la peine maximale, et si possible la mort. Il faut impérativement que les deux existent, si seuls les longs existaient, les cours s'envoleraient dans des bulles artificielles et l'on vous vendrez bientôt des oignons de tulipes ou des porte-clé en plastique négocié au cours de l'or à 24 carats (ce qui est arrivé effectivement, en Hollande, au dix-huitième siècle). L'abominable "short" a pour fonction de crever les bulles et les illusions, son rôle est salutaire. Pour intervenir sur un marché en "short", il faut un sérieux dans les recherches et une certitude inébranlable des faits auxquelles les longs négligent souvent de se soumettre, car encore une fois, la sanction financière à l'encontre du "short" qui se trompe est écrasante -- ses pertes pouvant être instoppables.
12 mai 2010, 01:35   Pour faire Short
Enfin... Planent les bulles dans l'éther des marchés, soient bousculées les notions les plus sensibles de l'expérience commune par le commerce des dettes et la vente à découvert, soient disséquées les subtilités et les paradoxes de la circulation financière et forgé pour cela un vocabulaire imperméable qui permet de rappeler sans cesse "ce n'est pas aussi simple", que le vulgus pecus n'aille pas croire pour autant qu'il doive s'émanciper de certaines évidences : une année compte douze mois, voilà, le treizième mois et, a fortiori le quatorzième sont de purs délires qui heurtent le bon sens, parole de trader rassis.
12 mai 2010, 09:33   Temps fiduciaire
Oui mais le bon sens est une sorte de fair-play invoqué par l'honnête homme dans une jungle où tous les coups sont permis.
Il n'y a pas davantage de bon sens dans le fait de ne pouvoir se rendre hier, y chercher quelque chose, peaufiner une circonstance qui s'est mal présentée, que d'émettre des chèques sans provision sur l'avenir et de créer du temps par une signature, presque en guise de compensation...
12 mai 2010, 09:46   Spéculation
Francis a parfaitement raison.

Je me permets de vous signaler l'inégalable "Only Yesterday", dont j'ai parlé souvent, de Frederick Lewis Allen. Ce livre a soixante-dix ans, et explique merveilleusement tous ces phénomènes.
12 mai 2010, 09:59   Re : Spéculation
Il est ici.
13 mai 2010, 08:15   Re : Temps fiduciaire
La bourse est le lieu d'un débat contradictoire sur la valeur, voire la vérité de la valeur, tout comme une cour de justice (où s'affrontent avocats de la défense et ministère public) est le théâtre d'un débat contradictoire sur la vérité tout court. Vous connaissez peut-être cette histoire juive de deux antiquaires installés dans la même rue: l'un achète un vase chinois et, fier de son acquisition, l'installe en devanture en le proposant à un certain prix, son concurrent à qui le vase plaît beaucoup en négocie l'achat au prix affiché et l'installe mêmement dans sa propre boutique; le premier marchand, pris de repentir, s'en va chez le nouvel acquéreur négocier le rachat du vase à un prix supérieur, ce qui rapporte un certain bénéfice à ce dernier, lequel, à son tour pris de regret, s'en retourne chez les premier acquéreur du vase lui offrir encore un prix supérieur, etc. Le vase ainsi, opère trois va-et-vient successifs, son prix de vente augmentant à chaque transaction entre les deux marchands... Quand se présente un chaland qui, séduit par le vase dans l'une des deux boutiques, l'achète à son tour pour un prix encore supérieur et l'emporte définitivement. Le vase quitte la rue des antiquaires. C'est alors que l'antiquaire concurrent de celui qui a ainsi cédé le vase accourt chez l'heureux vendeur, dans un état de grande colère: "Mais enfin! tu es devenu fou! Mais te rends-tu compte ! tu as cédé le vase! la source de notre enrichissement commun, comment allons-nous gagner notre vie, toi à moi, à présent!"

Voilà ce que serait la bourse et "la vérité de la valeur", et la création des richesses, si elle était livrée aux "longs" s'enrichissant entre soi.
13 mai 2010, 08:23   Re : Temps fiduciaire
L'anthropologie mimétique (René Girard) a beaucoup aidé à comprendre la psychologie des bourses. Quoiqu'il en soit ah que voilà une belle histoire juive pour ce matin de l'Ascension.
13 mai 2010, 10:51   Re : Temps fiduciaire
Cher Francis, je connaissais une autre variante pied-noir de cette histoire où le vase est remplacé par ... des petits cailloux. j'avais une ami qui la racontait à merveille et la faisait durer à plaisir jusquà la chute finale. Un vrai régal !

Je n'ai pas le temps de la mettre sur le forum mais j'essaierai plus tard.
13 mai 2010, 19:02   Re : Temps fiduciaire
Mon mari me dit qu'elle n'est pas pied-noir mais arabe.La voici in extenso , seule la fin est un peu différente :

Moïse et Mardoshe sont à la retraite, ils s'ennuient. Mardoshe se promène tristement au bord de la mer et ramasse par désoeuvrement des petits cailloux blancs qu'il ramène chez lui. Il les dispose sur sa fenêtre et, de temps en temps, les contemple rêveusement. En face, Moîse tout aussi décoeuvré et languissant regarde par sa fenêtre qui fait face à celle de son ami Mardoshe et le voit tous les jours contempler des caillous blancs. Ce comportement ne laisse pas de l'intriguer: Mais qu'est-ce qui peut bien intéresser Mardoshe dans ces cailloux ? se demande-t-il. A la fin, n'y tenant plus, il va voir son ami et lui dit : voilà des jours que je t'observe. Qu'est-ce que ces cailloux ont de si remarquable pour que tu les examines si souvent ? Mardoshe lui répond, très surpris : ce qu'ils ont de remarquables ? Rien ! rien du tout ! Ce ne sont que de vulgaires cailloux que j'ai ramassés sur la plage et que je trouve assez jolis. Moise, à moitié convaincu, retourne chez lui, mais toute la nuit le cas de son ami l'obsède : Je connais ce diable de Mardoshe, se dit-il. Il cache forcément quelque chose. Le lendemain, n'en pouvant plus, il retourne chez son ami et lui propose de but en blanc de lui acheter ses cailloux. Mardoshe, de plus en plus surpris, refuse d'abord : mais pourquoi ? C'es idiot ! ces cailloux ne valent rien ! Ils n'ont d'intérêt que pour moi. Pourtant devant l'insistance de Moïse, il finit par céder et lui vend ses cailloux. Rentré chez lui, tout content, Moïse imite son ami , dispose les cailloux sur sa fenêtre et les contemple dix fois par jour dans l'espoir de percer leur mystère. En vain. Pendant ce temps Mardoshe se demande s'il n'a pas fait la bêtise de sa vie en vendant ses cailloux à Moïse. Je le connais, l'animal, se dit-il. Il ne fait jamais rien sans rien. S'il m'a acheté ces cailloux c'est qu'ils doivent valoir beaucoup plus que le prix que j'en ai retiré. Et puis, un jour il surprend Moïse, qui n'arrive toujours pas à percer le secret des cailloux, en train de les arroser ! Il ne sait pas pourquoi. Comme ça, pour voir. D'ailleurs mouillés ils sont beaucoup plus jolis ! Voyant cela, Mardoshe s'arrache les cheveux : j'en étais sûr ! se dit-il . Ce voyou de Moïse m'a berné. S'il prend tant de soin de ces cailloux c'est qu'ils valent baucoup,beaucoup plus que je ne les lui ai vendus. Aussitôt Mardoshe se précipite chez Moïse et lui propose de lui racheter les cailloux. Moïse s'étonne : mais pourquoi ? C'est toi-même qui m'a dit qu'ils ne valaient rien du tout ! Oui, mais tu comprends, répond Mardoshé embarrassé, ils me manquent. je m'y étais habitué. Tu sais la retraite ce n'est pas drôle. On se distrait comme on peut. Le prix prix qu'il avance paraît si avantageux à Moïse que celui-ci , hausse les épaules et consent. Voilà donc Mardoshé qui recommence son manège, dispose les cailloux sur sa fenêtre et non seulement les arrose mais les astique un par un. Moïse comprend sur le champ son erreur. Ce Mardoshe m'a bien eu. Avare et malin comme je le connais, il ne m'aurait jamais proposé un prix pareil si les cailloux ne valaient dix fois plus. Et voilà mon Moïse qui, de nouveau, se précipte chez Mardoshe pour lui racheter les cailloux à un prix si tentant que Mardoshe s'exécute. Mais, aussitôt il se repent ... etc, etc. et ainsi de suite Un jour enfin, Moïse, à moins que ce ne soit son ami dit : écoute tu ne crois pas qu'on a assez gagné d'argent avec ces cailloux ? si on allait les vendre au marché ?
14 mai 2010, 09:55   Re : Temps fiduciaire
Oui, excellent, merci Cassandre. Cette histoire illustre bien le sujet : il n'est de valeur qu'en débat contradictoire. Rien ne vaut rien qui n'ait son propos faire-valoir. Et il n'est de valeur matérielle, au fond, que du logos.

Une autre histoire, chinoise, vécue, celle-là, qui ne nous fait dériver qu'à peine du propos. Cette histoire du "gang aux élastiques" se retrouva dans les colonnes des journaux de Hong Kong, dans les années 80:

Les ingrédients: une femme, à vélo, convoyant un grand cageot de marchandises sur son porte-bagages et deux hommes, ses complices. Un complice fait tomber la femme et verser son chargement en pleine rue, par "accident" simulé. Le colis déversé se compose de plusieurs milliers de petits ronds d'élastiques multicolores dont une part se perd dans le caniveau. Il s'agit du type d'élastique qui servent habituellement à coiffer les bocaux de confiture. Une dispute jouée s'engage entre la femme qui pousse des hauts cris et le premier complice: à tue-tête, elle ameute la population, la prend à témoin que l'homme vient de lui faire perdre des milliers d'euros en "gâchant" ses élastiques et exige de lui des dédommagements: ces élastiques sont spéciales; elles sont en matériau très particulier, très précieux et servent dans les magnétoscopes; elles valent de l'or. Feignant d'être intimidé, l'homme sort quelques billets pour dédommager la femme. Ca ne suffit pas. Gros débat. Apre négociation. Le deuxième complice, feignant l'intérêt supérieur, s'interpose, sort de plus gros billets... L'attroupement s'épaissit, la discussion devient technique, financière sous les yeux des badauds médusés. On s'échauffe, on commence à échanger des liasses en renâclant, en se rétractant, jusqu'à ce qu'immanquablement, un gogo s'avance du cercle des badauds, son carnet de chèques à la main, et fasse un gros chèque à la dame pour l'ensemble des élastiques qu'il emportera après que la dame l'ait aidé à les ramasser en pleurnichant. L'homme aura payé 5000 euros un lot d'élastiques de 10 euros.
Une histoire belge :

La Belgique offre 25 voitures à la police palestinienne
publié le 18/05/2010 à 17h47


Le Ministre Vanackere remet les clefs aux autorités palestiniennes. BELGA

Le ministre belge des Affaires étrangères, Steven Vanackere, a remis mardi les clés de 25 voitures à la police palestinienne, lors d’une visite à Ramallah, au dernier jour d’une tournée au Proche-Orient.

Rédaction en ligne

“ Une police fiable est une étape importante dans la voie de la création d’un État palestinien indépendant ”, a affirmé M. Vanackere lors de la cérémonie de remise des clés de ces 25 Volkswagen Jetta.

“ Le respect des citoyens pour la police s’est fortement accru ”, a ajouté le chef de la diplomatie belge.

La police palestinienne est encadrée par la Mission de police de l’UE pour les territoires palestiniens (EUPOL COPPS), créée en 2005 et qui compte 53 personnes, dont deux Belges. La Belgique la finance à hauteur de 370.000 euros.

“ Il régnait trop de népotisme dans la police palestinienne ”, a souligné l’un d’entre eux, Dirk Verstraete.

“ De plus, la formation était en dessous de tout et les différents services ne coopéraient pas. L’Union européenne a d’abord investi dans du matériel, dont 300 radios belges, et s’occupe depuis peu de la professionnalisation de tout le système ”, a-t-il expliqué.

Selon le chef de l’EUPOL, le commissaire suédois Henrik Malmquist, la police a entre-temps réussi à reprendre le contrôle de la Cisjordanie. “ Il n’y a plus de zones inaccessibles ”, a-t-il souligné, ajoutant que la coopération avec la police israélienne continuait à poser problème.

Après la remise des clés, M. Vanackere devait rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le dernier entretien de sa tournée.
La Meuse
L'occident paie donc donne des lecons de bonne conduite au monde entier. Pas étonnant qu'ils ne nous aiment pas ...
Cela revient aussi, en quelque sorte, à donner à une dictature les moyens de faire sa police encore mieux...
Pendant ce temps-là en Belgique et notamment à Bruxelles, les moyens policiers font cruellement défaut comme tout le monde s'en plaint à chaque fait divers sanglant (de plus en plus rapprochés), ayant pour source l'immigration des (presque) mêmes...
Un article de Valeurs Actuelles sur l'Euro.

[www.valeursactuelles.com]és/économie/alain-cotta-“l’euro-un-pousse-au-crime-quot20100513.html


“Depuis 1991, l’euro était une bombe à retardement.” La crise actuelle vue par un adversaire historique du traité de Maastricht.

Alain Cotta : “L’euro ? Un pousse-au-crime !"
Eric Branca le jeudi, 13/05/2010
dans Économie

Professeur émérite à l’université de Paris-Dauphine et auteur de nombreux essais, Alain Cotta n’a jamais cru à la pérennité de l’euro. Comme ses collègues Jean-Jacques Rosa, Gérard Lafay ou Jacques Sapir, il plaide pour une révision complète des traités européens. Pour l’économiste, il faut abandonner la monnaie unique pour une monnaie commune.

Qu’inspire la crise actuelle à l’économiste que vous êtes, hostile au principe de la monnaie unique dès la négociation du traité de Maastricht, en 1991 ? Quand on a prévu les choses avant qu’elles ne surviennent, on est toujours partagé entre la satisfaction d’avoir eu raison et la tristesse de ne pas avoir été entendu… Mais eu égard à l’intérêt général, c’est évidemment le second sentiment qui domine !
Je suis, pour tout vous dire, très sévère avec les hommes politiques, tout spécialement français.

Et pas seulement s’agissant de leur inculture économique. Ce que je leur reproche, quelle que soit leur tendance, c’est d’être, à de très rares exceptions près, ennemis du raisonnement, du débat au sens philosophique du terme. Dès l’origine, la monnaie unique était un dogme, une eschatologie. Nous avons été un certain nombre à peser le pour et le contre, à nous projeter dans l’avenir en étudiant les scénarios consécutifs à la mise en place d’un système uniforme appliqué à des États dont les traditions politiques, économiques, sociales, et partant les capacités d’adaptation, étaient différentes, et parfois irréductibles les uns aux autres. En face, nous avons trouvé, non des arguments affûtés, mais un mur de mépris.Vingt ans plus tard, ce mur s’effondre. Et les pierres nous tombent dessus…

Pourquoi cet aveuglement ? Il y a l’Allemagne, et il y a tous les autres. Pour l’Allemagne, l’euro n’était viable qu’à la condition d’être plus fort que le mark. C’est ce qui est advenu. Et c’est ce qui a permis à l’Allemagne, dans un premier temps, de financer sa réunification.

Pour tous les autres, France d’abord, l’euro était un double pari, beaucoup moins glorieux. Le premier,dont nous n’avons pas fini de subir les conséquences, consistait à faire payer aux Allemands le prix de l’abandon de notre souveraineté monétaire. À l’abri d’un euro qui nous empêcherait de dévaluer, nous multiplierions les déficits, notamment commerciaux. Second pari, plus pitoyable encore : ce que les gouvernements n’avaient plus le courage politique de faire, l’Europe nous l’imposerait.

La boucle, ainsi, semblait bouclée : le dynamisme allemand financerait le laisser-aller des autres, et la technocratie bruxelloise porterait le chapeau des mesures impopulaires. “Ce n’est pas nous ! C’est Bruxelles !” : voilà l’argument que les gouvernements gardaient au chaud pour le servir aux peuples en cas de coup dur…

Cela a fonctionné peu ou prou jusqu’au choc de 2008 : se croyant protégés par l’euro, les États ont emprunté sans compter sur les marchés internationaux pour financer leurs budgets, cependant qu’avec son excédent de 200 milliards, l’Allemagne compensait les déficits commerciaux de ses partenaires moins compétitifs, lesquels, en sus, mentaient sur leur situation réelle… Qui pensait sérieusement qu’une telle imposture pouvait durer ?

Vous voulez dire que l’euro a joué le rôle d’un cache-misère… Pire que cela : d’un pousse-au-crime ! Pendant que sous leurs proclamations de rigueur obligatoire (critères de Maastricht, pacte de stabilité etc.) les traités rassuraient les naïfs, les banques finançaient la gabegie des États, un peu de la même manière qu’aux États-Unis elles finançaient les subprimes des particuliers… L’euro structurellement fort a non seulement pénalisé notre compétitivité, il a aussi et surtout permis aux États de se droguer aux déficits en pensant que, grâce à l’euro, on échapperait à une dévaluation. Et le propre de la drogue, c’est de faire croire que ses effets vont continuer toujours, sans inconvénients.

Étatistes et libéraux se sont pris au jeu : les premiers en pensant qu’ils pourraient continuer sans risque à multiplier les fonctionnaires ; les seconds en comptant sur le marché pour corriger les déséquilibres économiques entre des pays aux caractéristiques de plus en plus contrastées au fil des élargissements… Vanité des idéologies, là encore : on ne peut dépenser durablement que ce que l’on a. Et ce n’est pas le marché qui rendra la société grecque semblable à la société danoise, si tant est que cela soit souhaitable !

Et maintenant ? Maintenant, tout est clair,et terriblement dangereux : l’Allemagne n’a plus envie de payer pour tout le monde. Et il est clair que même si elle le voulait, elle en serait incapable. Que pèsent ses excédents commerciaux de 200 milliards, qui, je le répète, suffisaient jusqu’alors à équilibrer le déficit de tous les autres, face à la dette accumulée par la seule Espagne, qui est estimée à 600 milliards ?

Le plan arrêté ce week-end a semblé, tout de même, rassurer les marchés… La conjoncture est ce qu’elle est. Ce qui compte, ce sont les tendances structurelles. Et le phénomène déterminant, pour la zone euro, ce n’est pas le regain de volonté dont a pu faire preuve la Banque centrale européenne (qui, soit dit en passant, s’est assise sur les traités en s’endettant pour éponger des dettes, donc en prenant le risque de provoquer l’inflation). C’est ce que fera ou ne fera pas l’Allemagne pour préserver ses marges de manoeuvre. L’Allemagne a payé pour voir. Elle en a tiré des avantages. Elle ne veut à aucun prix être aspirée dans la catastrophe.

Je remarque d’ailleurs que le seul dirigeant européen auquel ait téléphoné Barack Obama, c’est Angela Merkel. Parce que, une fois de plus, l’Amérique et l’Allemagne ont des intérêts convergents. On parle de 3600 milliards de dollars (3000 milliards d’euros) de créances détenues par les banques américaines sur les banques européennes. Les États-Unis, qui ne veulent pas que l’euro plonge, car l’Europe concurrencerait ainsi leurs exportations, s’adressent donc au seul interlocuteur capable, à leurs yeux, de maintenir l’euro à un certain niveau. Et cet interlocuteur, c’est Berlin, qui a toujours voulu un euro fort.

Vous voulez dire que soutenir la Grèce, et demain, pourquoi pas, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, c’est prendre le risque de faire plonger l’euro ? Faute d’en avoir la preuve, j’ai l’intime conviction que l’Allemagne poursuit,depuis quelques années, un but bien précis : obtenir le départ de la zone euro des “pays du Club Med”, comme elle les nomme.

Même si ceux-ci, au prix de grands sacrifices, assainissent leurs finances ? La confiance est rompue. Leur fraude aux comptes publics va laisser des traces et, quoi qu’il arrive, ce ne sont pas les équilibres comptables qui décideront de la suite. Ce sont les mouvements sociaux. En Grèce comme ailleurs, je crains qu’ils soient terribles. On ne peut pas, en quelques mois, en quelques années même, rompre avec des années de laisser-aller. Si faire l’Europe, c’est tirer sur la foule, pourquoi voulez-vous que les peuples y adhèrent ? Je pense donc que l’Allemagne va tout faire pour pousser les canards boiteux vers la sortie…

Et si elle n’y parvient pas ? C’est elle qui reprendra sa liberté !

En prenant le risque de perdre les créances qu’elle détient, comme nous, sur la Grèce ? Si, pour récupérer ses créances grecques, l’Allemagne doit, dans la foulée, aider l’Espagne, le Portugal, et demain la France, je pense qu’elle préférera sortir de l’euro. Elle dispose de sa zone d’influence traditionnelle, l’Europe centrale et orientale, à laquelle il faut bien ajouter la France, sans parler de la Russie. Cette zone est aussi un marché, qui a préexisté à l’euro et qui lui survivra. Et ce ne sont pas les institutions européennes qui y changeront quoi que ce soit. D’ailleurs, les a-t-on vus à l’œuvre,ces dernières semaines, alors même que le traité de Lisbonne, qui devait tout régler, a désormais force de loi ? A-t-on vu ou entendu M. Van Rompuy ou Mme Ashton, dont on nous promettait qu’ils seraient “les visages de l’Europe”? On a vu Mme Merkel et M. Obama, qui incarnent les vrais rapports de force de chaque côté de l’Atlantique. Le reste, c’est du cinéma.

Alors, quelle solution pour repartir d’un bon pied ? Une seule : abandonner la monnaie unique, dont nous avons toujours dit qu’elle serait une bombe à retardement, au profit de la monnaie commune, dont certains avaient rêvé avant Maastricht. Des monnaies nationales, dont la valeur serait gagée sur la richesse réelle des États, coexistant avec une monnaie de réserve commune capable de financer les projets d’intérêt général : je ne vois pas d’autre solution capable de concilier la souplesse qu’exige la diversité des peuples européens avec la stabilité extérieure dont a besoin un continent organisé. Propos recueillis par Eric Branca
Parmi les commentaires :

Je connais bien Grenoble, j'y suis né. Mais j'ai été obligé de quitter la ville tant le climat était devenu invivable. Il faut savoir que le climat a nettement changé ce dernières années. Plusieurs raisons à cela : Tout d'abord, il faut savoir que les coups de pieds de la Police dans les milieux intégristes Lyonnais, Parisiens, Marseillais, Stéphanois ont répartis ces gens indésirables sur l'ensemble des villes de moyennes importance du type Grenoble, Valence. Et il faut savoir que ces gens-là ne trafiquent pas que les consciences. Du coups, nous avons vu débarquer sur Grenoble des légions entières de Barbus et de femmes voilées, quelque-fois en Burka...Deuxième élément : la municipalité de Grenoble s'est lancé dans un programme de construction phénoménal pour contrecarrer la flambée des prix des locations à Grenoble. En l'espace de 10 ans des quartiers entiers se sont construits à la va vite sans pour autant s'assurer ni se préoccuper de la sécurité sur ces quartier neufs. Il s'agit pour la plupart de logement HLM, ou d'ensemble privatif avec quota HLM. Mais ces quartiers ont été construits à coté d'une zone de non-droit qui existait déjà : Villeneuve et Village Olympique. Il faut savoir qu'il y a une liste d'attente de 10 ans pour obtenir un HLM... et qu'ils sont donnés à des personnes d'origine étrangère en priorité... parce que "plus démunis"... Du coups, les Français qui s'étaient installés dans ces quartiers flambant neuf (et qui payaient cher leurs locations), on vu arriver dans leur monté... des barbus et des femmes voilées qui venaient s'ajouter à ceux éparpillés des autres villes et à ceux qui était déjà présents dans la cité voisine... Du coups, les Français sont partis, petit à petit tant le climat l'arrogance et l'agressivité des arrivants était difficile à supporter., dans les montées d'immeuble, dans les écoles, dans les jardins publics... Je sais de quoi je parle... je l'ai vécu. Si vous ajoutez cela une Police locale débordée, en sous-effectif, mal équipée (il faut voir leurs locaux!!!), et peu appuyé par le parquet grenoblois, vous comprenez mieux la poudrière de la capitale des Alpes...

Trois hommes ont séquestré chez eux un homme et une femme, violant cette dernière. La police les soupçonne d'avoir déjà sévi samedi matin dans la même commune.
Voilà qui a au moins le mérite d'être clair !



Très clair, en effet, et effrayant !
Vous avez entendu ,cher Bernard, qu'il joue les snobinards en utilisant le verbe "implémenter", provenant du jargon informatique je crois, pour traduire sa modeste envie d'implanter sa douce religion ?
Oui, j'ai remarqué ce mot utilisé à mauvais escient, mais qui en dit long...
Du reste, s'« ils » ne votent pas, je trouve cela très bien...
Très drôle. Si seulement ces gens apprenaient à aimer le vin, le monde s'en porterait probablement mieux.
Tout à fait d'accord.
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