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Jean Clair sur la chaine Histoire !

Envoyé par Gérard Rogemi 
Jean Clair est l'invité de l'émission intitulée Crime et Chatiment

Jean Clair,De l'Académie française, commissaire de l'exposition
« Crime et châtiment » au Musée d'Orsay du 16 mars au 27 juin 2010,
d'après un projet de Robert Badinter


video: [www.histoire.fr]
En dépit des pénibles interruptions de Michel Field, excellent Historiquement show (sic) de cette fin de semaine sur le personnage d'Ernesto "Che" Guevara, avec deux historiens et la participation de Stéphane Courtois. L'émission est rediffusée ce soir à 22h20, demain samedi 15 mai à 10h, 15h15 et 0h15, et dimanche16 mai à 12h30 et 18h. Histoire est une bonne chaîne, malgré la surabondance d'émissions sur la Seconde Guerre Mondiale, décortiquée sous toutes ses coutures.
Oui cher Henri l'émission sur le "Ché" est excellente mais cela ne va certainement rien changer à l'étrange popularité de cet équarisseur stalinien.
La vérité, parfois, n'est connue, aimée et transmise que par les happy few.
Vous avez raison, la popularité de cet assassin vertueux ne souffrira pas de la vérité pour l'instant, parce qu'un autre happy few, selon Stéphane Courtois et l'historien sud-américain invité à l'émission, sait parfaitement depuis l'origine ce qu'il faut savoir du Che. Nul juge Garzon n'instruira son procès, ni celui de son patron Castro. La seule ressource est d'attendre que le temps révèle finalement tout, et de se consoler par cette phrase que les Marranes se répétaient : « Contra la verdad no hay fuerza. »
16 mai 2010, 13:20   Anniversaire
Le quarantième anniversaire de la mort du Che (1967) voit fleurir en France, en Espagne et ailleurs articles et livres qui remettent brutalement en cause la béatification passée. Un hallali vindicatif, qui fait l'affaire de beaucoup. "Alors, c'est vrai que le Che était un assassin ? " me demande par téléphone une amie affolée. Je lui réponds : "Non, un révolutionnaire, ce qui n'est pas exactement la même chose. En général, un homme qui sacrifie sa vie à une cause a moins de scrupules à sacrifier celle des autres. Relisez l'histoire des croisandes, et des moines-soldats du Christ-roi... "
Un pendule sans âge fait succéder la légende noire à la légende rose alors que l'image du fusilleur fanatique ne correspond pas plus à la réalité que celle de l'inoffensif Robin des Bois. On revient de l'adorable pour passer à l'exécrable, comme si le bâton ne pouvait se remettre droit qu'après deux torsions, deux injustices de sens contraire, s'appelant l'une l'autre mécaniquement. Le curieux, c'est que ce classique de l'histoire des mentalités contnue d'observer, nonobstant l'"accélération de l'histoire", la norme des quarante ans.


Régis Debray, Dégagements, Editions Gallimard, 2010.
16 mai 2010, 14:35   Re : Anniversaire
Citation
M. Petit-Détour
Le quarantième anniversaire de la mort du Che (1967) voit fleurir en France, en Espagne et ailleurs articles et livres qui remettent brutalement en cause la béatification passée. Un hallali vindicatif, qui fait l'affaire de beaucoup. "Alors, c'est vrai que le Che était un assassin ? " me demande par téléphone une amie affolée. Je lui réponds : "Non, un révolutionnaire, ce qui n'est pas exactement la même chose. En général, un homme qui sacrifie sa vie à une cause a moins de scrupules à sacrifier celle des autres. Relisez l'histoire des croisandes, et des moines-soldats du Christ-roi... "
Un pendule sans âge fait succéder la légende noire à la légende rose alors que l'image du fusilleur fanatique ne correspond pas plus à la réalité que celle de l'inoffensif Robin des Bois. On revient de l'adorable pour passer à l'exécrable, comme si le bâton ne pouvait se remettre droit qu'après deux torsions, deux injustices de sens contraire, s'appelant l'une l'autre mécaniquement. Le curieux, c'est que ce classique de l'histoire des mentalités contnue d'observer, nonobstant l'"accélération de l'histoire", la norme des quarante ans.


Régis Debray, Dégagements, Editions Gallimard, 2010.

Pas convaincu.
16 mai 2010, 14:42   Re : Anniversaire
Citation
En général, un homme qui sacrifie sa vie à une cause a moins de scrupules à sacrifier celle des autres. Relisez l'histoire des croisandes, et des moines-soldats du Christ-roi... "

La dernière personne à qui on a le droit de demander son avis sur le Che c'est bien Régis Debray, son compagnon d'errances révolutionnaires.

Je n'aime pas Régis Debray et sa prédilection pour le mélange glauque y est pour quelque chose. C'est un esprit faux et en plus d'une vanité abyssale.
16 mai 2010, 14:44   Re : Anniversaire
M. Debray a pourtant raison : il y a des assassins qui ne sont pas des révolutionnaires.
16 mai 2010, 16:20   Re : Anniversaire
Qu'il y ait des assassins qui ne soient pas des révolutionnaires, c'est un fait. Qu'il y ait des révolutionnaires qui ne soient pas des assassins directs, est aussi un autre fait - en n'oubliant pas que beaucoup l'ont été de manière indirecte, en incitant d'autres qu'eux-mêmes à se livrer à de basses oeuvres qu'ils légitimaient pleinement. En revanche, il y a des révolutionnaires qui sont aussi des assassins, et le Che est indubitablement de ceux-là.
Ce texte de Debray prouve en effet qu'il a un esprit faux, qui confond la révélation de la vérité et le balancier "sans âge" des bonnes et des mauvaises réputations. Il oublie (disons qu'il oublie) que le mouvement auquel appartenait Guevara avait poussé l'art de la propagande et le mépris des peuples auxquels on mentait, au-delà de l'imaginable, et dans des proportions de mensonge jamais atteintes auparavant. Peut-être que certains, dans l'entourage du journaliste auteur de livres, brûlent par automatisme ou snobisme ce qu'ils ont adoré (ainsi cette mondaine affolée au téléphone). Il ne s'agit nullement de cela dans le cas de Guevara : à Cuba, ai-je entendu dans cette émission, Guevara ne s'est pas contenté de faire tuer, indirectement, il a tué lui-même, de ses propres mains, des "traîtres". Si pareille chose est vraie, Debray, avec son image du pendule, évite de signaler qu'il existe une vérité et des mensonges : en cela, il est bien resté fidèle à son communisme de jeunesse.
16 mai 2010, 19:00   L'art d'avoir raison
"M. Debray a pourtant raison : il y a des assassins qui ne sont pas des révolutionnaires

Oh, pour ça, M. Debray a toujours une raison quelque part o offrir, la plupart de ses livres et de ses prises de position ont ce point commun avec les discours du candidat Sarkozy de 2007, qui est de conduire très habilement le lecteur ou l'auditeur à extraire la partie avec laquelle il est d'accord et à n'entendre qu'elle. L'archétype du genre, dans la production de M. Debray, reste pour moi ce petit livre Ce que cache le voile (je crois). Absolument tout le monde peut y trouver son compte.
On croit penser contre son époque alors que l'on raisonne comme BHL. Je n'éprouve pas de sympathie particulière pour Ernesto Guevara mais le traitement qui lui est infligé actuellement est bien dans l'air du temps. L'heure est en effet aux procès, aux tribunaux et aux livres noirs (du communisme, du colonialisme, de la révolution française, de la psychanalyse). Tout cela au nom d'une idéologie des droits de l'homme susceptible de transformer n'importe quel homme d'Etat en assassin. Nul ne règne innocemment et à l'aune d'un Truman (Hiroshima), d'un Louis XIV (Palatinat), d'un Churchill (Dresde), d'un Richelieu (La Rochelle), d'un Thiers (Commune de Paris), d'un De Gaulle (Sétif, Guelma), d'un Kissinger (Vietnam), Guevara est, si vous y tenez, un assassin mais au petit pied.
Citation
Guevara est, si vous y tenez, un assassin mais au petit pied.

Au fond vous n'avez pas tort mais ni Kissinger, ni de Gaulle, ni Thiers, ni Churchill, ni Richelieu, ne sont devenus les idoles et les icones de la jeunesse d'aujourd'hui, cher Petit-Détour.

Das ist der grosse Unterschied qui nous a fait réagir !
17 mai 2010, 13:41   Re : Anniversaire
La mort du Che (qui fut une exécution, l'exécution de l'exécuteur) intervint en 1967. Cette date, point de départ d'à peu près tout ce qui devait modeler le monde actuel dans l'Occident, puis l'Occident étendu qui court jusqu'en Chine et en Inde, est remarquable pour cette mort. Un an après Paris et Mexico s'enflammèrent, puis le reste du monde après San Francisco cette année-là. La figure du Che est véritablement la figure du vieux monde assassiné et du nouveau monde assassin tout en un. Nulle surprise à voir la tronche de l'archange exterminateur/exterminé sur les poitrines des T-shirts de tous les couillons rassemblés pour un monde autre (sinon meilleur). Le Che n'existe pas. Il n'a jamais existé: il n'est que la double face d'un monde en double perdition: l'ancien qu'il voulait faire disparaître, et le nouveau, qui l'a devancé en le faisant disparaître pour mieux exploiter sa figure d'immortel archange.
Il y a chez l'assassin aux petits pieds une grandeur particulière, extrêmement remarquable et qui le distingue des auteurs de règlements de compte de masse (Truman, Richelieu): Guevara tuait du côté de ses victimes. Il est plus facile d'exécuter avec son approbation tacite, et oui, un "traître à la Révolution" qui vous croit encore quand vous lui expliquez, avant de lui loger une balle dans la nuque, qu'il est une immonde fripouille de traître à la cause, que d'affronter le Yankee, le mercenaire armé jusqu'aux dents qui a pris position pour vous dégommer sans logos. Quand je dis "plus facile", il faut lire, particulièrement lâche et infâme.

Le "révolutionnaire" qui "exécute" ses "traitres à la cause" revêt, dans le crime de masse, une dimension que n'atteint pas celui qui s'arme de volonté et de gros bataillons, ou gros calibre, pour affronter l'ennemi convaincu contre lui. Guevara exécutait. On exécute bien chez les communistes. Les communistes, en général, sont très généreux en matière d'exécution des consentants.
Intéressant, comme toujours, cher Francis, merci.
Je vous remercie à mon tour : vos interventions permettent de déplacer les questions et de changer les affrontements stériles en occasions d'apprendre et de réfléchir.
17 mai 2010, 23:57   L'exécution réflexive
Les crimes du Communisme, amplement documentés, présentent à l'examen un trait si particulier et si vaste, comme une figure dans une falaise que personne ne voit à cause de sa dimension qui la rend indéchiffrable: une part importante, que je crois majoritaire, de leurs victimes étaient, au moins partiellement, consentantes.

Chez les Communistes, à chaque changement de cap ou de ligne, à ceux "qui ne comprenaient pas l'évolution du Parti", l'on proposait une solution qui "respectait" le camarade. Les hasards de la vie ont fait que j'ai connu l'un deux, vieil homme déjà dans les années 70, à qui les "camarades", après Budapest, ou même avant, à l'époque des ministres communistes de De Gaulle, avaient dit tiens, camarade, là, tu vois, on te laisse ce calibre sur la table, après la réunion, tu dois poursuivre seul ta réflexion et si, à son terme, tu juges que tu n'es plus des nôtres, il te restera à t'éloigner un peu dans les collines qui entourent le refuge avec le pétard et à faire ce que tu as à faire pour nous laisser continuer sans toi. Nous, on t'attend en bas, dans la vallée.

Ce type de traitement, jadis réservé à un Sénèque, fut le lot de bien des "camarades" dont on s'épargnait ainsi le travail de l'exécution. Je ne sais pas jusqu'où il faut remonter dans l'histoire pour buter sur pareille saloperie, en tout cas, bien loin avant Richelieu.
Oui, c'est le fameux syndrome Boukharine, l'enfant chéri du Parti selon Lénine, qui a, comme tous (sauf Radek), accepté de plaider coupable et dont on a souvent dit qu'il se serait laissé exécuter comme traître, par un ultime service rendu à la cause.
Citation
Francis Marche
Les crimes du Communisme, amplement documentés, présentent à l'examen un trait si particulier et si vaste, comme une figure dans une falaise que personne ne voit à cause de sa dimension qui la rend indéchiffrable: une part importante, que je crois majoritaire, de leurs victimes étaient, au moins partiellement, consentantes.

Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu beaucoup de victimes consentantes : tout ceci montre plutôt l'emprise extraordinaire que l'idéologie communiste a eue sur les esprits en Union Soviétique et ailleurs jusqu'en 1956.

Mais ne soyons pas naïfs : il y avait des menaces dissuasives concernant l'entourage familial, pour les accusés récalcitrants.

On peut créditer le régime stalinien de plusieurs réussites indéniables : le crime organisé à grande échelle, le mensonge permanent à tous les niveaux et la propagande très bien orchestrée !
C'est très mystérieux. On connaît le mécanisme depuis l'époque même des procès de Moscou (Koestler n'est que le plus connu des nombreux analystes et écrivains qui se sont attelés à cette entreprise difficile dès ce moment), et on en a eu une description extrêmement détaillée par une des victimes avec la publication dans les années soixante de L'Aveu d'Arthur London sans que ce mystère soit totalement levé. L'aveu, donc ce que Francis Marche appelle le consentement, a été obtenu à l'issue d'un long processus visant à briser ces hommes, y compris par la torture, notamment la privation de sommeil, et les menaces sur leur famille. Malgré tout, quand j'ai lu L'Aveu, il m'est resté l'impression d'avoir compris le déroulement d'un processus mais pas le cœur, le noyau central, le fin mot, pour autant qu'il y en ait un. C'est un peu comme la Grande Guerre ou la Shoah : on a beau lire, réfléchir, en savoir énormément, on ne comprend pas mieux le plus important.
Je pense que c'est le même lavage de cerveau, les mêmes pressions sur l'entourage, les mêmes intimidations et menaces, bref, le même conditionnement, qui poussent certains jeunes musulmans à se faire sauter au milieu des infidèles. Je ne crois pas du tout à l'héroïsme de ces dévoyés. Il est assez symptomatique que le cinéma n'ait pas osé se pencher sur la façon dont ces " kamikases " sont pris en main. Il préfère faire un film sur Carlos, dont le réalisateur nous expliquait gravement ce matin sur France-culture, approuvé par tous les participants à l'émission, qu' il y a toujours une part d'humanité dans tout homme quel qu'il soit et on comprenait qu'il n'avait pas voulu faire de son personnage un monstre. Pour ce milieu Carlos n'est pas forcément un monstre mais Le Pen, oui !
Il y a bien un film , assez remarquable, qui montre le conditionnement dont je parle plus haut, mais sur les kamikases ...tamouls.
Citation
Marcel Meyer
C'est un peu comme la Grande Guerre ou la Shoah : on a beau lire, réfléchir, en savoir énormément, on ne comprend pas mieux le plus important.

Vous soulignez là, cher Marcel, un point essentiel qui pourrait changer notre mode de fonctionnement, notre regard et jusqu'à notre vie.
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