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Le visage de Dieu.

Envoyé par Philippe Versini 
03 juin 2010, 11:18   Le visage de Dieu.
Je viens de lire un ouvrage passionnant écrit par les frères Bogdanov, " Le visage de Dieu " : c'est l'histoire de la théorie du Big-Bang.
Je conseille ce livre à ceux qui s'intéressent à l'origine de l'univers et de la vie.
La théorie du big-bang, qui est maintenant prouvée scientifiquement, plaide en faveur du grand horloger qui serait à l'origine de Tout.
La probabilité que la vie soit le produit du hasard et de la nécessité est la même que celle de l'évènement suivant : on jette une voiture en pièces détachées du haut d'un gratte-ciel et elle arrive au sol entièrement montée !
Si on change une seule des constantes de la physique, nous ne serions pas ici pour en parler : donc il est difficile d'écarter l'hypothèse d'un projet concocté par le grand horloger.
Pour en savoir plus, voici un commentaire sur ce livre et une interview des frères Bogdanov.



Les frères Bogdanoff ont accordé une interview passionnante à Karl Zéro sur la chaîne BFM TV, afin de faire découvrir aux téléspectateurs leur nouvel ouvrage. Intitulé Le visage de Dieu, celui-ci traite de l’origine de l’univers... et s'avère réellement troublant.

Les deux scientifiques commencent par expliquer l’origine du titre de leur ouvrage, quelque peu étrange pour une œuvre scientifique. Le visage de Dieu est en fait une expression empruntée à George Smoot, un astrophysicien qui avait exprimé en 1992 son émerveillement face à l’image de "la toute première lumière émise par l’univers, 380.000 ans après l’instant du Big Bang". L’utilisation du terme "Dieu" avait alors suscité de nombreuses critiques dans la communauté scientifique.
Dans Le visage de Dieu, les frères Bogdanoff traitent de la question de l’origine de l’Univers. Lors de l’interview, le journaliste et les scientifiques discutent ainsi de la provenance de l’énergie du Big Bang, autrement dit du phénomène ayant "craqué l’allumette" et permis au Big Bang de se produire.
D’après les frères Bogdanoff, le Big Bang a eu lieu grâce à un évènement toujours inconnu de l’Homme mais qui, c’est sûr, fut ultra précis. En effet, la formation du Big Bang aurait été régie par un "code cosmologique", un "ensemble de constantes universelles" préexistantes au Big Bang. Les deux grandes questions sont donc : d’où vient l’énergie ayant permis la formation du Big Bang ? Et d’où viennent ces constantes, cette "équation" qui a permis de contrôler cette énergie et d’aboutir à la formation de l’univers ?
Plusieurs hypothèses sont évoquées lors de l’interview, notamment celle de "Dieu". Grichka cite d’ailleurs Einstein, pour qui "tous ceux qui sont sérieusement impliqués dans la science finiront par comprendre un jour qu’un esprit se manifeste dans les lois de l’univers, un esprit immensément supérieur à celui de l’Homme". Les scientifiques citent également la théorie des univers multiples ou "multivers", selon laquelle la formation du Big Bang serait due au hasard. Ils semblent cependant bien moins convaincus par cette seconde hypothèse.
Pour visualiser l’interview :

[www.maxisciences.com]
03 juin 2010, 11:33   Re : Le visage de Dieu.
Quelques images de Hubble qui ne laissent pas indifférent:

L'internaute sciences
03 juin 2010, 12:27   Re : Le visage de Dieu.
On a beau montrer les beautés des étoiles et constellations, épiloguer sur le big-bang, je ne peux que ressentir l'indifférence de cet univers qui nous entoure et sa cruauté potentielle. Ce qu'en a dit Pascal me paraît indépassable : "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie". Quoi qu'on me montre j'en reste là.
03 juin 2010, 17:18   Re : Le visage de Dieu.
Géronimo, je ne voudrais pas être désagréable envers vous, mais si vous prenez les frères Bogdanov pour des scientifiques, on peut dire que vous êtes vite content... Permettez-moi, dans le domaine que vous abordez, de vous signaler le livre de vulgarisation d'un vrai grand scientifique : Edgard Gunzig.
http://www.amazon.fr/Que-faisiez-vous-avant-Big-Bang/dp/2738120571
03 juin 2010, 18:21   Re : Le visage de Dieu.
Citation
Bernard Lombart
Géronimo, je ne voudrais pas être désagréable envers vous, mais si vous prenez les frères Bogdanov pour des scientifiques, on peut dire que vous êtes vite content...
Bernard Lombart, comme vous j'avais un préjugé défavorable envers les frères Bogdanov : " Le visage de Dieu " est un bon livre de vulgarisation scientifique qui est préfacé et postfacé par plusieurs prix Nobel : ce qui est, vous en conviendrez, un gage de sérieux et de compétence.
D'autre part, je n'ai jamais prétendu qu'ils étaient de grands scientifiques, mais au fait avez-vous-lu ce livre ?
03 juin 2010, 19:18   Re : Le visage de Dieu.
Un article du Point sur le sujet.
[www.lepoint.fr]

Le code secret de l'Univers

Big bang. Igor et Grichka Bogdanov en sont convaincus : tout a été programmé.
Christophe Labbé et Olivia Recasens


Quand ils ont reçu leur ordre de mission, les deux employés de la compagnie Bell ont fait la moue. On leur demandait de filer au fin fond du New Jersey pour remettre en état une antenne de liaison satellite désaffectée. Et comme si ça ne suffisait pas d'être exilés dans un trou perdu des Etats-Unis, impossible de faire fonctionner cette foutue antenne. Depuis des semaines, Arno Penzias et Robert Wilson écopent d'un énorme bruit parasite. Un souffle électrique qui ne ressemble à rien de connu. Sans le savoir, les deux ingénieurs viennent de capter l'écho du big bang, la fantastique explosion qui a donné naissance à notre Univers. Une découverte qui, quatorze ans plus tard, en 1978, leur vaudra le prix Nobel de physique.

La preuve de l'existence de ce « rayonnement fossile » est le coup de tampon que les astrophysiciens attendaient pour adopter la théorie du big bang. Imaginez. Il y a 13,7 milliards d'années, notre Univers ultrachaud et pas plus grand qu'un atome se serait mis à grossir démesurément et à se refroidir, permettant à la matière de s'organiser jusqu'à faire apparaître la vie. Un scénario qui ne repose sur presque rien - 96 % des ingrédients qui composent l'Univers demeurent mystérieux -, mais qui colle avec les observations des télescopes dans l'infiniment grand et les explorations des accélérateurs de particules dans l'infiniment petit.

En donnant un commencement à notre Univers, le big bang a remis Dieu dans la course. L'Eglise, qui en d'autres temps avait fait brûler Giordano Bruno et condamner Galilée, considère que cette théorie est une « interprétation acceptable de la création biblique ». De quoi faire bondir les scientifiques, qui ne s'encombrent pas d'un créateur pour expliquer de façon cohérente l'origine de l'Univers. « Le fait qu'il y ait un commencement n'implique pas forcément l'existence d'une divinité créatrice, avertit Christian Nitschelm, professeur à l'institut d'astronomie de l'Université catholique du Nord, au Chili. La mécanique quantique nous montre qu'à partir de rien il peut parfaitement apparaître quelque chose, le phénomène ayant été vérifié à l'aide de particules élémentaires. L'Univers a ainsi très bien pu naître à partir de ce que les physiciens appellent les fluctuations quantiques du vide. »

Et voilà que dans ce débat débarquent les frères Bogdanov. Les deux jumeaux aux têtes d'extraterrestres sortent, le 26 mai, un livre, « Le visage de Dieu », dans lequel ils racontent la formidable histoire de l'Univers, version Dan Brown. Leur « Da Vinci Code » à eux est un « code cosmologique » . Une sorte d'ADN recelant toutes les instructions qui ont abouti à la création de notre monde. Pour preuve, selon Igor et Grichka Bogdanov, la quinzaine de lois fondamentales qui orchestrent l'Univers. Des règles tellement précises que, si l'on en change une d'un chouilla, on chamboule tout. Prenez la force de gravitation, qui fait que votre chaise reste collée au sol. Un brin trop forte, planètes et étoiles s'effondrent sur elles-mêmes, un zeste trop faible, la matière n'arrive pas à se cimenter. « Impossible d'y voir la main du hasard ! » assurent les deux anciens animateurs de l'émission « Temps X ». Eux y décèlent plutôt un « acharnement suspect de l'Univers à s'organiser vers la vie ». Néocréationnistes, les Bogdanov ? Ils jurent que non. Tout en précisant : « Il y a un immense mystère derrière ces lois que la conception matérialiste de la physique ne peut expliquer. Ce que montrent télescopes et accélérateurs de particules force aujourd'hui à poser la question taboue en science : " Qui a craqué l'allumette du big bang ?" » Un livre qui risque de provoquer des réactions en chaîne chez les cosmologues. Les auteurs ont prévu le bouclier : trois postfaces signées d'éminents scientifiques américains, dont deux Prix Nobel de physique.

EXTRAITS

On a trouvé l'oeuf cosmique !

Smoot avait déposé le dernier mot sur un silence. Lentement il leva la tête pour laisser travailler la phrase. Loin dans la salle, les journalistes semblaient pris d'une légère ivresse. Chacun d'eux était en train de réaliser que ces quelques mots allaient bouleverser le ciel cosmologique de fond en comble : pour la première fois, un satellite nommé Cosmic Background Explorer (Cobe) venait de « photographier » la lumière la plus ancienne jamais émise par l'Univers : âgé de plus de 13 milliards d'années, ce rayonnement archaïque offrait une image saisissante de l'« oeuf cosmique » qui venait à peine de naître. (...) Pris de vertige devant ces images impensables venues du fond de l'espace et du début des temps, ces détails lumineux datant de la création de l'Univers, George Smoot, le « père » de Cobe (...), va lâcher une phrase, un mot que personne n'attendait et qui claque aux oreilles comme un arc électrique dans la salle de presse surchauffée : « Pour les esprits religieux, c'est comme voir le visage de Dieu ! » (...) Un souffle incertain traversa la salle. Puis quelques paroles murmurées de bouche à oreille se firent entendre. A cet instant, tout au fond, une porte s'ouvrit pour se refermer presque aussitôt : deux personnes venaient de quitter la pièce. Smoot remua sur son son siège, vaguement mal à l'aise. (...) Il ne s'agissait que d'une image, une métaphore sans contenu religieux, mais, à cet instant, Smoot pressentait que cette petite phrase lui vaudrait sans doute beaucoup d'ennuis de la part de la communauté scientifique.

Notre Univers est en fuite

Jusqu'alors, l'idée qu'on se faisait de l'Univers était des plus simples, pour ne pas dire naïve. L'Univers ? Il se réduisait à la Voie lactée, voilà tout ! Il ne pouvait exister en tout et pour tout qu'une seule galaxie - la nôtre - et rien d'autre. Or coup de tonnerre : les observations de Hubble et Humason montrent, sans contestation possible, que l'Univers n'est pas fait d'une seule galaxie, mais de millions (peut-être même de milliards) d'autres. Lorsque la découverte est officiellement annoncée, au matin du 1er janvier 1925 (comme en signe de bons voeux), le monde entier est abasourdi. Le cosmos est donc plus grand, bien plus immense que tout ce que l'on croyait jusqu'alors. En cette année 1929, Hubble tient quelque chose d'encore plus bouleversant. (...) Quelque chose d'inouï, auquel personne ne s'attendait. Mais les extraordinaires images spectrales sont sans appel : loin d'être fixes, comme on le pensait, les galaxies se déplacent les unes par rapport aux autres, à des vitesses vertigineuses. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Ce ne sont pas les galaxies mais l'Univers lui-même, l'Univers tout entier qui est en fuite ! En expansion ! (...) A chaque instant, il se dilate, s'étire vers l'infini.

Le « code Bogdanov »

De même que tous les êtres vivants sont précédés d'une information génétique qui « code » leurs caractères physiques, l'Univers pourrait ainsi être précédé d'une information cosmologique qui, elle aussi, « code » ses caractéristiques et les grandes lois physiques. Comme tous les codes, ce « programme cosmologique primordial » se réduirait à un système d'instructions et de données numériques. (...) Aujourd'hui, 137 millions de siècles après la naissance de l'Univers, la vie est apparue sur un petit monde banal sous la forme de fleurs, de bactéries, de chiens, de paramécies et de rhinocéros, de chênes et d'acariens, d'étoiles de mer et d'êtres humains. Or, malgré cette étonnante diversité, tous ces organismes présentent, au niveau génétique et moléculaire, une remarquable unité de structure et de fonction. Ils portent tous les mêmes acides nucléiques et les mêmes protéines composées des mêmes éléments de base (acides aminés), leurs gènes sont tous des formes de la même molécule d'ADN, le code génétique est le même, les mêmes enzymes interviennent dans des réactions semblables pour tous. (...) Le hasard intervient, bien sûr, mais il existe aussi un mystérieux programme qui contraint et oriente l'évolution vers une complexité croissante.

Un coup monté...

Au fond, la seule question qui compte vraiment, c'est celle-ci : l'Univers est-il apparu par hasard ? Ou s'agit-il, comme aimait à en plaisanter l'astrophysicien Fred Hoyle, d'un « coup monté » ? (...) Il y a aussi peu de chances, comme l'observe le théoricien de la complexité James Gardner, que des systèmes complexes soient apparus par hasard dans l'Univers qu'un Boeing 747 s'assemble spontanément au coeur de la ceinture des astéroïdes à partir des matériaux environnants. Tout semble au contraire avoir été minutieusement préparé, organisé dans le grand théâtre cosmique pour permettre l'apparition, sur la scène de l'Univers, d'une matière ordonnée, puis de la vie, et enfin de la conscience.

Qu'en pense Einstein ?

En 1929, il [Einstein] reçoit un télégramme plutôt inhabituel, signé du rabbin de New York, Herbert S. Goldstein, lui demandant de but en blanc - sur un fond d'inquiétude - s'il croyait en Dieu. L'affaire était sérieuse, car le rabbin avait lui-même été contacté peu de temps auparavant par le cardinal O'Connell, influent prélat de Boston. Très alarmé, l'ecclésiastique menaçait de saisir le Vatican, au motif que la relativité « répandait un doute universel sur Dieu et la Création ». En bref, elle impliquait « l'affreuse apparition de l'athéisme ». En moins de trente mots, soucieux de calmer son interlocuteur, le maître s'empresse alors de renvoyer cette réponse aujourd'hui célèbre : « Je crois au Dieu de Spinoza, révélé dans l'harmonie du monde, mais pas en un Dieu qui se préoccuperait des faits et gestes de chacun. » Il n'en fallait pourtant pas davantage pour que le rabbin Goldstein, aux anges, se mette à répéter à qui voulait l'entendre qu'Einstein, « bien évidemment », n'était pas athée. Comme ce dernier préférait prudemment garder le silence, il crut même bon d'apporter la touche finale : « La théorie d'Einstein, si elle était poussée jusqu'à sa conclusion logique, pourrait apporter à l'humanité une formule scientifique pour le monothéisme. » Sans doute que le père de la relativité n'en demandait pas tant
03 juin 2010, 20:41   Re : Le visage de Dieu.
À l'heure des chevaux de Troie humanitaires, on ne va pas se disputer pour une histoire d'œuf cosmique !
03 juin 2010, 21:42   Re : Le visage de Dieu.
Bouguereau, les frères Bogdanov, je sens qu'Arvo Pärt n'est pas loin... Les niveau-montistes vont être contents...
03 juin 2010, 22:28   Re : Le visage de Dieu.
Arvo Pärt, alors là tout de même, vous exagérez !
03 juin 2010, 22:45   Bogdanov
L'un des deux (je ne sais les discerner) est pourtant fort bien marié...
Utilisateur anonyme
03 juin 2010, 23:47   Re : Le visage de Dieu.
il veux dire qu'ils planent tout les Troie ?
03 juin 2010, 23:49   Re : Le visage de Dieu.
J'ai remarqué qu'ils ne se coupent pas la parole, ils se relaient, ils permutent...
Utilisateur anonyme
04 juin 2010, 00:02   Re : Le visage de Dieu.
Des ravages de la chirurgie esthétique : Grichka pourrait jouer dans une pièce de Goldoni sans masque !
Ce mélange de théologie et de physique des particules n'est pas la meilleure approche. On finit tôt ou tard par être entraîné par lui dans une théodicée circulaire. L'équilibre apparent des lois physiques auquel on assiste ne justifie aucunement de l'attribuer à un dessein divin, d'une part parce que cet équilibre génère du chaos, de l'entropie, une fabuleuse insatisfaction et des montagnes de souffrance chez tous ceux qui y évoluent - hommes, bêtes, végétaux - d'autre part parce que le chaos, le malheur et le ratage systématique de tout dessein qui n'est point divin plaide fortement contre Dieu; le désordre qui règne par toute la création n'est en effet guère à même de sous-tendre la thèse d'un dessein Divin. Les images du télescope Hubble ne montrent pas l'harmonie des sphères mais un indescriptible foutoir, un gâchis général de matière, d'énergie et de formes. Si Dieu a créé cela, alors Dieu est bigrement imparfait et sa volonté est capricieuse et incomplète. L'ordre divin (son commandement autant que l'ordonnancement de ses oeuvres) produit un résultat indéchiffrable et informe, dont le telos est opaque et qui se retourne d'emblée contre l'hypothèse de Sa perfection.

Ensuite il convient, pour être juste et équitable, de considérer froidement, en sortant de la théodicée, que la nature trouve ses lois quel que soit le désordre qu'on y introduit - si, pour reprendre l'exemple des frères G., la gravité était bousculée "d'un chouillat", l'univers n'en serait pas pour autant si perturbé, et trouverait un autre équilibre apparent, ou plus exactement, l'esprit humain se ferait fort d'y discerner quelques nouvelles lois mieux ajustées à son état nouveau ou aux conditions inédites de son existence -- tant que l'univers existe, aussi biscornu soit-il, des lois existeront toujours qui rendront compte de son capricieux maintien en existence. L'univers est affecté de cette agaçante manie qu'ont les chats de toujours retomber sur leurs pieds pour aller leur chemin la queue levée, en nous attendrissant de leur "perfection gracieuse", l'anus au clair. C'est affaire de séduction: séduit par l'univers, le monde et la place enviable qu'ils y occupent comme par leur petit chat, les frères G. se satisfont de l'attribuer à Dieu, de le déposer à Ses pieds. Le désir spontané de les contredire me porterait à penser plutôt que Dieu ne pouvant rien achever de ce qu'il entreprend, et son oeuvre lui échappant, il a besoin de toute l'exigeante et incrédule cognition des hommes pour l'assister. Dieu a besoin des hommes, au moins autant que l'inverse. Dieu serait une sorte de Johnny Halliday qui doute: insatisfait de son oeuvre, las, affecté par son image dégradée, fuyant l'adulation mais ayant plus que jamais besoin de ses fans pour continuer à se remettre en cause et à mieux faire.

Dans le même genre d'ouvrage que celui des frères Bogdanov, on lira avec profit God's Secret Formula du chimiste et physicien allemand Peter Plichta, qui est une fascinante méditation sur les nombres premiers, entre autres.
Citation
Francis Marche
Ce mélange de théologie et de physique des particules n'est pas la meilleure approche. On finit tôt ou tard par être entraîné par lui dans une théodicée circulaire. L'équilibre apparent des lois physiques auquel on assiste ne justifie aucunement de l'attribuer à un dessein divin, d'une part parce que cet équilibre génère du chaos, de l'entropie, une fabuleuse insatisfaction et des montagnes de souffrance chez tous ceux qui y évoluent - hommes, bêtes, végétaux - d'autre part parce que le chaos, le malheur et le ratage systématique de tout dessein qui n'est point divin plaide fortement contre Dieu; le désordre qui règne par toute la création n'est en effet guère à même de sous-tendre la thèse d'un dessein Divin. Les images du télescope Hubble ne montrent pas l'harmonie des sphères mais un indescriptible foutoir, un gâchis général de matière, d'énergie et de formes. Si Dieu a créé cela, alors Dieu est bigrement imparfait et sa volonté est capricieuse et incomplète. L'ordre divin (son commandement autant que l'ordonnancement de ses oeuvres) produit un résultat indéchiffrable et informe, dont le telos est opaque et qui se retourne d'emblée contre l'hypothèse de Sa perfection.

"Moi, ma petite dame, si ça avait été moi, je vous aurais torché tout ça proprement ! mais oui, mais oui !" (frappe son verre de rouge sur le comptoir en zinc)

Ironie mise à part, et j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur, je trouve amusant de voir sans cesse ressurgir les mêmes arguments qui conduisirent certains sur la voie de la gnose, il y a deux mille ans déjà. L'histoire des idées est un perpétuel recommencement...

Vos remarques sur la présence du Mal et la non conformité du monde à quelque harmonie des sphères théorisée par les savants Grecs n'embarrassent nullement le juif et le chrétien qui, s'ils sont redevables de l'Hellade adorée pour bien des choses, savent depuis longtemps (depuis les deux premiers chapitres du livre de la Genèse en fait) qu'il y a du tohubohu et de la Chute dans la Création, et s'en inquiètent sans outre mesure ; et que Dieu en achevant chaque étape de son oeuvre l'a déclaré non pas parfaite mais "bonne" (à l'exception notable de l'homme, d'ailleurs), ce qui fait une sacrée différence, si j'ose dire...
Je ne crois pas vous l'avoir déjà dit ou écrit mais sachez, cher William, que j'apprécie hautement vos interventions à la fois dégrisantes et pince-sans-rires.
"L'histoire des idées est un perpétuel recommencement..." Ce doit être dans leur code génétique...
Si vous savez tout ça depuis si longtemps que vous apporte donc ce livre des frères Bogdanov ?
Je n'ai pas lu leur livre, mais si d'aventure je devais le faire, ce serait pour espérer y trouver sans doute la confirmation et l'enrichissement de mes idées, comme je le fais avec pas mal de choses dont je fais mon miel en terme de lecture. Ce qui ne m'empêche pas de lire aussi des ouvrages qui vont à leur encontre, ou qui m'ouvrent soudainement des perspectives inattendues, car il ne faut pas être sectaire et être ouvert à la contradiction.

Je pense, cher Francis, que vous avez certainement la même attitude aimablement banale que la mienne en ce qui concerne ce dont vous nourrissez votre propre esprit.
J'avais lu le livre de Smoot Wrinkles in Time dans sa première version il y a une dizaine d'années, et je l'avais trouvé en effet innovant et intéressant. Il y a quelques mois, je l'avais cité dans une discussion ici avec Bernard Lombart, à propos notamment de l'absurdité qui consiste à dater l'univers en "années" (circonvolutions terrestres), ce qui revient à exprimer l'âge d'un arbre en retenant pour unité de temps son cycle de fructification.

Je n'ai pas lu le livre des frères Bogdanov et je ne crois pas que je le lirai, le pitch qui en est fait ici m'indiquant qu'il n'apporte strictement rien par rapport à celui de Smoot hormis les avantages d'un coup médiatique pour ses auteurs.
Oui, vous exagérez...
En effet, Francis. Mais vous récusez aussi de ce fait les années-lumières comme unité de distance. Je dis, moi, que les cycles de fructification sont une excellente unité de mesure, convertibles en cycles d'atome d'hydrogène, si l'on y tient...
Mais nous serons d'accord, vous et moi, je crois, pour dire que la première chose à faire en ce domaine est de se déprendre des certitudes impériales...
04 juin 2010, 12:32   Le temps quantique
Bien d'accord avec vous sur la nécessité de se déprendre cher Bernard. Mesurer l'âge d'un arbre en cycles de sa fructification est folie quand on ignore tout de la date de sa première fructification et quand cette ignorance même est indissociable de l'absence de toute unité de mesure applicable au temps qui la précéda. Le temps de l'arbre capable de porter des fruits est incommensurable à celui où l'arbre était trop jeune pour en porter. Autrement dit, le temps n'est pas mesurable uniformément quand l'objet qui le constitue et l'engendre -- l'univers engendre le temps -- a connu des états radicalement disparates et disjoints.
04 juin 2010, 12:48   Re : Le temps quantique
L'année est réductible au cycle de l'atome d'hydrogène, mais, en effet, cela même n'a plus de sens dans la fusion initiale. Ni, surtout, pour l'esprit des petits hommes de la planète bleue dans cette galaxie moyenne qu'ils appellent "Voie Lactée". Et un peu de Kant, comme vous savez, n'a jamais fait de tort à personne...



(Légende de la photo.)
04 juin 2010, 21:39   Re : Le temps quantique
Citation
Renaud Camus
Bouguereau, les frères Bogdanov, je sens qu'Arvo Pärt n'est pas loin... Les niveau-montistes vont être contents...

Il ne s'agissait pas dans mon post de faire l'apologie des frères Bogdanov, mais il s'est avéré à sa lecture que leur livre sur l'origine de l'univers est assez bien ficelé et c'est pour cela que j'en ai parlé.

Il est néanmoins regrettable de condamner un livre sans l'avoir lu surtout quand cette condamnation émane du fondateur du PI.

Je trouve assez caustique la condescendance récurrente que les littéraires éprouvent envers les scientifiques.

Voici une petite équation, un peu simpliste certes, mais qui traduit néanmoins une certaine réalité.
Science = Technique = Bleu de travail + cambouis.
J'ai rencontré dans ma vie, beaucoup de littéraires qui se vantaient d'être nuls en mathématiques, mais rarement des scientifiques mettant en avant leur faiblesse en français.
Utilisateur anonyme
04 juin 2010, 22:12   La vraie nature du cambouis
Le cambouis n'est pas une huile ou une graisse oxydée et noircie par le frottement des organes d'une machine.

Sachant que :

Science = Bleu de travail + cambouis

Et que :

Sciences - Conscience = Ruine de l'âme

Nous avons :

Bleu de travail + cambouis - Conscience = Ruine de l'âme

Qui font :

Cambouis = Ruine de l'âme - (- Conscience) - Bleu de travail

C'est à dire :

Cambouis = Un damné, lucide et en col blanc


Autrement dit, le cambouis, c'est une sorte de Madoff...
04 juin 2010, 22:55   Re : Le visage de Dieu.
A l'échelle de l'univers nous allons vers l'esprit mais à l'échelle de l'histoire nous régressons. Je n'ai encore croisé personne.
13 juin 2010, 15:54   Re : Le visage de Dieu.
Hier soir sur France 2, belle unanimité plutôt rare, de Laurent Ruquier, Eric Zemmour et Eric Naulleau, pour dire que le livre " Le visage de Dieu " est passionnant et formidable.
13 juin 2010, 15:58   Re : Le visage de Dieu.
Les Bogdanoff vs Zemmour & Naulleau chez Ruquier ! La chirurgie esthétique portée à une telle incandescence est pour moi incompréhensible.


"Pour moi, Monsieur, je n'ai point étudié comme vous, Dieu merci, et personne ne saurait se vanter de m'avoir jamais rien appris ; mais, avec mon petit sens, mon petit jugement, je vois les choses mieux que tous les livres, et je comprends fort bien que ce monde que nous voyons n'est pas un champignon qui soit venu tout seul en une nuit. Je voudrais bien vous demander qui a fait ces arbres-là, ces rochers, cette terre, et ce ciel que voilà là-haut, et si tout cela s'est bâti de lui-même. Vous voilà, vous, par exemple, vous êtes là : est-ce que vous vous êtes fait tout seul, et n'a-t-il pas fallu que votre père ait engrossé votre mère pour vous faire ? Pouvez-vous voir toutes les inventions dont la machine de l'homme est composée sans admirer de quelle façon cela est agencé l'un dans l'autre ? ces nerfs, ces os, ces veines, ces artères, ces..., ce poumon, ce coeur, ce foie, et tous ces autres ingrédients qui sont là et qui... Oh ! dame, interrompez-moi donc, si vous voulez. Je ne saurais disputer, si l'on ne m'interrompt. Vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice."

Molière Dom Juan
J'invite tous les In-nocents, occasionnellement taquinés dans leur intimité morale par cette matière, à lire attentivement, lentement, d'un oeil critique et intransigeant, phrase à phrase, mot à mot, ces deux pages de L'Homme plus que machine de Julien Offray de La Mettrie, médecin et philosophe français de la première moitié du XVIIIe siècle (1709-1751). La particularité de ce texte de La Mettrie, auteur "libertin" d'un Art du jouir, réputé athée, est qu'il fut produit un an après son Homme-machine et qu'il semble en réfuter les thèses centrales quand il en constitue en vérité, un dépassement. Ces pages mériteraient d'être considérées comme un sommet de la méditation métaphysique couchée en langue française au XVIIIe siècle, qu'on en juge :

Après avoir démontré si évidemment l'immatérialité de l'âme humaine, et fait voir qu'il faut attribuer à l'union de deux substances les effets surprenants que nous remarquons dans l'homme, venons aux conséquences que quelques-uns des matérialistes déduisent ou plutôt veulent déduire de leur opinion.

Ils en concluent 1° que tout ce qui existe est matériel, et que ses parties ne diffèrent entre elles que de leur relation avec d'autres parties; 2° que des ressorts font aller l'univers, et produisent les phénomènes qui s'offrent à notre vue, comme le ressort d'une montre fait aller les roues et l'aiguille; 3° que nous ignorons la cause de cette construction; 4° que le hasard l'a pu engendrer; 5° qu'elle peut être de toute éternité; 6° que les hommes, formés en conséquence de cette évolution éternelle, sont jetés sur la surface de la terre, sans qu'on puisse savoir ni pourquoi ni comment; mais seulement qu'ils doivent vivre et mourir; semblables à ces champignons qui paraissent d'un jour à l'autre, ou à ces fleurs qui bordent les fossés, et couvrent les murailles; 7° que la raison de l'existence de l'univers se trouvant dans l'univers même, la raison de l'existence de l'homme se trouverait dans l'homme même, comme une partie de cet univers; 8° que le mouvement qui conserve le monde peut l'avoir produit; 9° qu'il peut y avoir un milieu entre Dieu et le hasard, qui serait la chaîne éternelle des causes et des effets; 10° que quand même un être un être suprême existerait, cette existence ne prouverait pas plus la nécessité d'un culte que toute autre; 11° qu'il nous est impossible de remonter à l'origine des choses, et de connaître les vues de cet être; 12° qu'ainsi il est égal pour notre repos qu'il y ait un dieu ou qu'il n'y en ait pas; 13° enfin, que le monde ne serait heureux que lorsqu'il serait athée.

Si je ne me trompe, ce sont ces conséquences-là qu'un matérialiste outré croît pouvoir être déduites de l'unité de l'homme, comme base de l'unité de l'univers. Naturellement plus porté à suivre mes pensées qu'à celles que j'ai lues, et qui me fournissent les miennes, je n'irai pas ramasser tout ce que les auteurs ont produit sur cette matière, et me contenterai de faire un essai de mes forces sur un petit nombre d'années d'études en philosophie. Essai, pourtant, dont j'aurais pu me dispenser, et que mes autres occupations m'interdiraient, si on n'avait jugé à propos de m'attribuer des sentiments tout à fait contraires aux miens, et qui, si ceux-ci n'avaient été mieux fondés que ces malicieuses calomnies, n'auraient pas manqué de me perdre dans l'esprit des honnêtes gens. Heureusement suis-je assez connu pour ne pas redouter ces tentatives, et assez philosophe pour les honorer d'un parfait mépris. C'est pour confondre ces calomniateurs que j'ai composé cette brochure, si tant est qu'ils soient susceptibles d'un aveu de s'être trompés. C'est une pilule bien cruelle pour ceux qui n'ont pour tout mérite qu'une vanité, soutenue par la profonde ignorance. Je prie le lecteur de me passer les inadvertances, en faveur de la précipitation avec laquelle j'ai composé cette brochure. Je le prie surtout de donner à mes paroles leur sens naturel, et si elles en souffrent deux, de les expliquer selon les lois de l'humanité et les devoirs qu'on se doit mutuellement. Je n'appuierais pas ici sur ceci si les productions n'étaient souvent exposées à des fausses explications de la part de certaines gens, qui croient sans doute que leur caractère leur donne le droit et l'autorité de déshonorer publiquement des personnes dont la conduite et les sentiments sont pour le moins aussi irréprochables que les leurs. Revenons au sujet.

Nous n'avons pas besoin de démontrer que, quand même l'homme ne serait que matériel, et qu'une pure machine, il ne suivrait pas de là que tout l'univers fût de même une machine matérielle, qui ne se soutiendrait que par ses évolutions, dont la suite successive serait de toute éternité et qui découleraient nécessairement les unes des autres. Cette assertion suppose une parfaite connaissance de tout ce qui existe et n'est par conséquent d'aucune valeur. Nous avouons que nous ignorons la cause de la construction de l'univers et des évolutions qui y ont eu lieu; mais cette ignorance n'est pas de nature à nous empêcher d'apercevoir ce qui est incompatible avec ces évolutions, et avec leur cause originelle. Nous ignorons la nature du mouvement, mais nous savons bien qu'être transporté des deux côtés à la fois est incompatible avec cet attribut des corps. Nous savons, outre cela, que la partie de l'univers qui s'offre à nos sens est gouvernée selon certaines lois, fixes et immuables. Si nous ne pouvons connaître tout, nous en pouvons connaître assez, comme on va le voir, pour être certains et convaincus qu'il y a un Dieu, un Etre suprême, cause première, productrice, intelligente, directrice de tout ce qui est hors d'elle, qui n'a pas été porté par une raison brute, mais par la sagesse, la bonté, etc., à produire ce tout: et qui a eu la toute-puissance d'exécuter sa volonté.

Entrons en détail. On appelle la raison de l'existence d'une chose la cause pourquoi elle existe et le principe qui la fait exister. La raison de l'existence du fils est dans l'existence du père.
Si la raison de l'existence de l'univers se trouvait dans l'univers, cette existence serait une suite nécessaire de sa propre nature, en sorte que sa propre nature contiendrait la cause ou la raison de son existence, comme la nature du triangle contient la raison de ses trois côtés: ainsi que l'existence de l'univers serait un tel effet de sa nature, que l'idée de sa non-existence se détruirait elle-même. La nature de l'univers rendrait donc son existence nécessaire; mais comme cette même nature ne le peut faire exister nécessairement d'une telle ou telle manière en général, elle le fera exister nécessairement d'une manière unique déterminée; ainsi, puisque cette manière unique déterminée est liée nécessairement à son existence, l'univers existerait toujours de la même manière, et ne pourrait pas exister d'une autre manière : ainsi que les parties qui le composent devraient conserver toujours la même relation entre elles; ce qui est démenti par tout ce qui s'offre à notre esprit.

Il est prouvé en même temps par là que la suite des évolutions, ou des causes, peut aussi peu avoir la raison de son existence en elle-même [bien peut aussi peu], que ces évolutions ou ces causes la peuvent avoir chacune en elles-mêmes. D'où il résulte encore que ces évolutions, étant des relations changées, sont autant de preuves que l'univers n'a pas la raison de son existence en lui-même; et que l'existence de soi-même est aussi contraire à un Etre, formé ou doué de ces évolutions, que les rayons inégaux au cercle. Il est donc prouvé que l'univers, toutes ses parties prises ensemble, n'a pas la raison de son existence en lui-même, et que par conséquent il doit avoir été produit.

Mais que le tout existe nécessairement d'une manière déterminée, alors les parties devront exister tout de même nécessairement d'une manière déterminée; puisqu'une seule variation d'une seule partie, soit pour l'existence, soit pour la manière d'exister, influe et porte variation sur le tout : ce qui est incompatible avec un tout invariable. Par conséquent, l'univers, ayant en lui-même la raison de son existence, toute les parties auront en elles-mêmes la raison de leur existence. D'où il suit que, si nous prouvons qu'une des parties de l'univers n'a pas la raison de son existence en elle-même, l'univers de l'aura pas non plus. Nous allons donc prouver que l'homme n'a pas en lui-même la raison de son existence. Et les peut-être des francs pyrrhonniens tomberont d'eux-mêmes. Si la raison de l'existence de l'homme se trouvait dans l'homme même, cette existence serait une suite nécessaire de sa propre nature; en sorte que la propre nature contiendrait la cause ou la raison de son existence. Or, puisque sa nature emporterait la cause de son existence, elle emporterait aussi son existence même, en sorte que l'homme ne pourrait pas plus être considéré non existant qu'un cercle sans rayons, qu'un tableau sans peintures.

De plus, si la raison de l'existence de l'homme est dans l'homme même, cette existence n'en pourra être séparée; et n'y ayant point de raison de sa non-existence, l'homme ne finira jamais d'être ce qu'il est; et cette même nature ne pouvant contenir la raison qui le fait cesser d'être homme, quelle sera donc la cause qui le fait aller en poussière ? Je ne parle pas du genre humain, mais de chaque homme.

A cet argument nous en ajouterons un autre (semblable à celui dont nous nous sommes servi par rapport à l'univers), qui prouvera que si l'existence de l'homme se trouvait dans l'homme même, l'homme serait un être invariable.

Si la raison de l'existence de l'homme se trouvait dans l'homme, cette existence s'y trouverait comme une suite de sa propre nature, ainsi cette nature le ferait exister nécessairement; et comme cette même nature ne peut le faire exister nécessairement d'une telle ou telle manière en général, elle le fera exister nécessairement d'une manière déterminée. Ainsi, puisque cette manière déterminée est liée nécessairement à son existence, l'homme devrait exister toujours de la même manière, ce qui mène à une absurdité manifeste, puisque l'homme n'est pas un moment le même.

Après avoir démontré d'une manière que les scolastiques nomment indirecte que la raison de l'existence de l'homme ne se trouve pas dans l'homme même, prouvons la même chose par une démonstration directe.
Puisqu'il y a un temps où l'homme n'est pas, et puisqu'il y a un temps où l'homme est, il suit que pour l'homme soit, il faut une cause, qui le fait être. Or ce qui n'est pas ne peut avoir dans soi-même la cause qui le fait être, puisque cela le supposerait agir avant qu'il fût; ainsi la cause qui le fait être n'est pas en lui, donc cette cause de son existence est hors de lui; donc, la cause de l'existence de l'homme n'est pas dans l'homme même.

Voilà donc démontré que l'existence de l'homme n'est pas dans l'homme même; prouvons présentement que la cause qui le fait être, que la raison de son existence, aussi bien que celle de toute autre, ne peut pas être attribuée au hasard, qui l'aurait jeté sur la surface de la terre pour y vivre et mourir à l'exemple de ces champignons qui paraissent d'un jour à l'autre, sans qu'on puisse savoir comment ni pourquoi.
Tout hasard, s'il y en a, suppose des causes agissantes : ainsi, avant que le hasard ait pu avoir lieu, il y a eu des causes agissantes. Ces causes étaient déterminées d'une manière déterminée; ainsi le hasard aura empêché ces causes de produire leur effet, en leur faisant produire un autre effet, ou les aura secondées dans la production de l'effet qu'elles devaient produire; ou bien ce hasard-là n'aura rien fait. Supposer que le hasard n'ait rien fait, c'est rejeter le hasard même, supposer que le hasard ait empêché les causes agissantes de produire leur effet, c'est le supposer cause agissante, supposer que le hasard ait secondé les causes agissantes dans la production de l'effet, c'est le supposer encore cause agissante : d'où nous concluons que le hasard aura dû être une cause agissante. Or, puisque toute cause agissante ne peut être agissante de telle ou telle manière, mais d'une manière déterminée, il suit que le hasard aura dû être une cause agissante d'une manière déterminée, et par là il aura dû produire un effet déterminé, ce qui rend la non-existence de cet effet impossible et fait périr l'idée de hasard.
Pour dire les choses trop hâtivement, la "raison" d'une chose ne peut se trouver en elle-même si on l'entend au sens aristotélicien de cause efficiente, présupposant la distinction entre la cause et l'effet, comme ce semble être le cas ici. C'est un peu comme si l'on voulait utiliser un terme en dépit de son usage habituel qui en garantit le sens, et concluait du non-sens constaté alors à une vérité d'ordre métaphysique, procédé spécieux qui tient de la pétition de principe, à mon humble avis.
Je ne vois du reste aucune raison qu'auraient les choses, et la totalité de l'étant à fortiori, de se conformer à la façon dont nous douons de sens les mots que nous employons.
Un peu rapide en effet: la démonstration distingue "raison de l'existence déterminée" (un triangle a trois côtés, propriété qui le fait exister, l'institue triangle) et cause efficiente, qui est "la cause qui fait être" et qui est responsable des changements d'état et de leur évolution (tel que "finir en poussière", "être après ne pas avoir été", etc.) ou encore "du mouvement", dans la suite du texte de La Mettrie. La démonstration tend à prouver que "l'existence de soi même" est impossible sans l'intervention d'une cause agissante qui ne peut être qu'extérieure à l'être ou déliée de son existence. En d'autres termes, le mouvement qui conserve le monde ne peut l'avoir produit, d'autre part le hasard demeure indéterminant: il ne peut seul infléchir l'évolution des êtres et des états.
» La démonstration tend à prouver que "l'existence de soi même" est impossible sans l'intervention d'une cause agissante qui ne peut être qu'extérieure à l'être ou déliée de son existence

Mais La Mettrie commence par exposer que "la raison de l'existence d'une chose" est bien la cause efficiente, donnant pour cela l'exemple même d'Aristote, la raison du fils ; puis il enchaîne sur ce qui semble être une sorte de "cause formelle", qui est à peu près la bonne veille scie de la preuve ontologique, soit l'inférence d'une affirmation ontologique d'existence à partir d'une nécessité conceptuelle (la "nature" d'un être), en se heurtant évidemment à tous les paradoxes afférents à la question de savoir comment diable l'essence pourrait précéder l'existence, quand on ne prend pas suffisamment soin de distinguer entre l'intension, le concept, et l'extension, l'existant comme individu y subsumé.
Je maintiens que toute raison de "l'existence de soi-même" et "la cause agissante" sont une seule et même chose, ce qui revient à se demander comment une cause agissante peut exister sans être une cause agissante....
À tout le moins l'impression d'une certaine confusion des genres et d'amphibolie des termes utilisés ne se dément pas.
Quant à l'indétermination du hasard, allons donc : un hasard déterminant serait une contradiction dans les termes ! Il y là aussi je trouve un joli entortillement, qui consiste à traiter une absence, un manque, en élément positif agissant : le hasard n'est que le fruit d'une insuffisance de prévisibilité rigoureusement déterminée, et encore ne concerne-t-il que le mode d'appréhension humain des phénomènes, sans qu'on puisse établir si cette absence de relation univoque soit ontologique ou épistémique.
14 juin 2010, 23:10   Re : Le visage de Dieu.
Cher Alain, dés que vous faites un peu long, je ne vous lis plus, je vous écoute ou plutôt je vous entends. C’est un peu comme le résultat des courses hippiques, la météo marine, les cours de la bourse ou les explications savantes de France Musique. L’impression de ne rien comprendre et celle de tout comprendre se mêlent dans une douceur mélodique et hypnotique. Je voudrais que ça dure toujours. Vous avez, cher Alain, la philosophie relaxante qui doit me rappeler le flux et le reflux des vagues légères à marée basse par temps calme au petit matin.
14 juin 2010, 23:25   LOL
Je, hum, cher Éric, tant mieux ...
15 juin 2010, 00:36   Bloup bloup
"(...) le flux et le reflux des vagues légères à marée basse par temps calme au petit matin."

Serait-on sur le point de retrouver la corne perdue de Chirac ?
15 juin 2010, 09:55   Re : Le visage de Dieu.
Le doux ron-ron de la métaphysique -- lire Dieu sans l'être de Jean-Luc Marion -- ne me fera pas oublier que la Beauté est mille fois plus convaincante.
Concernant le "hasard déterminant", voir les points 2°, 4° et 9° de La Mettrie résumant les thèses des matérialistes: ce concept a bel et bien nourri toute une philosophie déterministe qui a emporté le Darwinisme avec le succès académique que l'on sait et qui persiste de nos jours, chez Monod bien sûr avec son "Hasard et la Nécessité" mais encore chez Dawkins, qui tient avec lui le moyen de nous faire croire, si vous me permettez ce trait d'humour, que les pigeons tétent.

Le hasard existe, il n'est ni une vue de l'esprit ni le fruit d'une interprétation subjective de l'échec d'une prévision déterminable (le "fruit d'une insuffisance de prévisibilité rigoureusement déterminée" pour vous citer); il est constitué d'un ensemble dynamique de conditions aléatoires et déterminées mais en aucun cas il ne conduit les séries de changements d'état vers un aboutissement stable et déterminé: la bille du pachinko bute au hasard sur des tigettes aux emplacements fixes et immuables, qui retardent sa chute vers l'état stable, certes, et la durée de ce mouvement et les formes qu'il affecte sont en apparence déterminées par le hasard (ou "sont le fruit d'une indétermination de conditions que l'on nomme hasard, si vous préférez) mais la conclusion en est elle-même non moins immuable qu'est fixe et déterminée la position des tigettes qui devaient affoler la bille: elle est causée comme le mouvement même par une impulsion extérieure au jeu: la force de pesanteur et son facteur g, prévisible et stable.

Un coup de dé peut être déterminant, mais mille milliards de coups de dé à la milliseconde ne déterminent plus rien: un milliard de lancers d'une pièce de monnaie abolit effectivement le hasard: les occurrences des piles et des faces s'égalisent au bout du jeu, et neutralisent son résultat. Les cumuls de hasard neutralisent l'effet d'indétermination associé au hasard. Seul est déterminant le coup sans le dé. La destinée du hasard est de se lisser pour offrir un terrain neutre aux forces agissantes, véritablement déterminantes.

Concernant le reste, et l'usage amphibologique des termes que vous prêtez à La Mettrie: il semble que ce dernier fasse un usage du concept d'"existence" qui n'est pas encore celui du vingtième siècle influencé par la philosophie allemande. Regardez-y de plus près: l'existence est pour l'auteur de l'Homme-machine un système dynamique, quiescent ou en mouvement, dont les lois d'organisation ou de motion et les relations intrinsèques entre les parties constitutives sont entièrement descriptibles. Selon lui, la position des matérialistes, qu'il réfute dans cette démonstration, est que, envisagée, ainsi, l'existence en soi se suffit: elle trouve ou trouvera (dans un stade ultérieur de la connaissance qu'en auront les hommes) en elle-même l'explication de son maintien et de son évolution.
Cher Francis, pour moi, jusqu'à plus ample informé, le hasard n'est que le résultat de l'impossibilité de rattacher un événement comme effet à une cause déterminante. À la survenue d'un tel événement on dit alors, façon de parler, qu'il est "dû" au hasard, mais ce n'est à mon avis que fallacieuse positivation d'un manque, d'une absence d'information.
Parer ce non-être des qualités d'un être, c'est pour ainsi dire extraire ce terme de son milieu naturel, de son jeu de langage coutumier qui, encore une fois, en garantit le sens : je ne sais ce que vous voulez dire quand vous affirmez positivement l'existence du hasard : postulez-vous alors une sorte de puissance destructrice intrinsèque de dérèglement et de déstructuration de l'ordonnancement du réel ?

À toutes fins utiles, je rappelle ici que selon Wittgenstein nombre de (faux) problèmes philosophiques sont le résultat d'un mésusage de certains termes, quand ils sont employés indument en ayant perdu en route leur sens habituel et légitime, par analogies hâtives et superficielles dans l'emploi des mots. Il se produit alors "un ensorcellement de l'entendement par les moyens du langage", menant à la création de bosses métaphysiques que se fait l'intelligence en se portant trop brusquement vers ses propres limites en se cognant aux frontières du langage.
J'ai l'impression que La Mettrie en a récolté quelques unes...
16 juin 2010, 05:54   Re : Le visage de Dieu.
Citation
Florentin
Le doux ron-ron de la métaphysique -- lire Dieu sans l'être de Jean-Luc Marion -- ne me fera pas oublier que la Beauté est mille fois plus convaincante.


Convaincante de quoi ?
Justement, elle est en plein dans le mille, alors que toute métaphysique n'est jamais que les entours de la visée.
16 juin 2010, 09:53   Re : Le visage de Dieu.
On est bien d'accord.
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