Le site du parti de l'In-nocence
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 18:00   Le blog de Marcel Gauchet
[gauchet.blogspot.com].

Indispensable, à mon avis.
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 21:20   Re : Le blog de Marcel Gauchet
"chacun, à titre privé, peut estimer tirer son épingle du jeu et se tenir pour plus ou moins satisfait de son sort. Mais c'est le jugement sur le collectif et son avenir qui compte, en l'occurrence"



Révélateur...

Pour mieux comprendre on peut se référer à John Rawls qui, au siècle dernier ("Théorie de la justice", Seuil, 1987), définit l'être humain comme un acteur social exclusif, et la maximalisation des avantages personnels comme la fin "naturelle" de la raison pratique.
En résumé, des êtres humains déracinés et abstraits entièrement dévoués à maximiser leurs petits avantages.
Utilisateur anonyme
17 mai 2008, 21:34   Re : Le blog de Marcel Gauchet
Très bien, le blog à Marcel, mais alors, il te met des photos dans une taille ridicule, c'est une honte !
Il me semble que vous n’y êtes pas, Pascal Orsoni. Soit dit en toute humilité (il se peut que vous soyez un éminent professeur de philosophie, sait-on jamais), Rawls, loin de définir l’être humain « comme un acteur social exclusif » et la maximalisation des avantages personnels « comme la fin "naturelle" de la raison pratique », reprend à son compte l’humanisme juridique de Kant qui repose précisément sur la réfutation de l’empirisme classique pour lequel le principe déterminant de la volonté est un concept que se représente et qu'est en mesure de connaître l’entendement (alors que l’Idée de liberté, dans la Critique de la raison Pratique, est un pur intelligible que l’entendement, et non l’imagination transcendantale, ne peut appréhender analogiquement que sous la forme d’un symbole, et non d’un schème). En l’occurrence, je trouve un peu étrange que Rawls, dont à vrai dire je ne connais pas assez les écrits (aussi puissé-je me tromper), mais dont je sais de source sûre que la théorie libérale qu’il défend a pour fondement le rationalisme post-métaphysique kantien, définisse l’homme comme un être dont la morale ultime consisterait à maximiser son petit profit, quand par ailleurs Kant définit celle-ci comme un arrachement à soi-même et à l'amour de soi, sous la forme bien connue de l’impératif catégorique.

Mais il me semble que je comprends pourquoi, en regard de tout ceci, vous parlez cependant, Pascal Orsoni, de déracinement et d’abstraction abusive : la théorie libérale de Rawls, et a fortiori la philosophie morale de Kant dont il reprend les principes, se sont souvent vu accusées de formalisme excessif, au sens où, chez Kant par exemple, et plus particulièrement dans la typique de la faculté de juger, la volonté ne semble pouvoir se déterminer que dans l’extériorité de son rapport à la loi.

Mais il est bien tard, ou trop tôt, pour parler de philosophie (minuit passé de vingt-quatre minutes)...
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 03:20   Re : John Rawls
Je pense que M: S. Bily est plus proche de la vérité s'agissant de la Théorie de la Justice de John Rawls qui porte sur l'énoncé de principes rationnels pouvant faire l'objet d'un consensus dans une société démocratique.

Les deux principes de justice énoncés par Rawls sont les suivants :

1. Chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés de base égales pour tous, qui soit compatible avec un même système de libertés pour tous.
2. Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire à deux conditions:.
- elles doivent d'abord être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous dans des conditions de juste égalité des chances;
- elles doivent procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société.

Selon Rawls, des partenaires rationnellement mus par leurs intérêts, mais sans connaître leur position dans la société (le fameux voile d'ignorance), choisiraient ces deux principes, dont le premier est soucieux de garantir le plus vaste espace de libertés de manière égale à chacun et le second de n'admettre que des différences justifiées par l'intérêt des plus faibles dans la société.
L'importance du principe de l'égalité dans la Théorie de la Justice ne permet donc pas de retenir la seule "maximalisation des avantages personnels" comme élément fondamental de la théorie de Rawls.
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 03:32   Re : Le blog de Marcel Gauchet
Cher M. Bily ni vous ni moi n'avons besoin de Kant dans cette affaire.

Rawls, dans un livre qui a suscité voici quelques années des débats d'une ampleur considérable outre-atlantique (livre cité dans mon précédent message), est surprenant à plus d'un titre, notamment, quand il n'hésite pas à affirmer que "des inégalités de droit peuvent être acceptées dès lors qu'elles accroissent les chances des plus défavorisés", ou encore, lorsqu'il parle d"'inégalités justes" à propos de ces inégalités de droit qui permettent de mieux réaliser l'égalité de fait. L'équité est donc pour lui la forme la plus élaborée de l'égalité. Rawls, comme beaucoup d'autres, rêvait tout haut d'un réaménagement du libéralisme (ce à quoi s'opposèrent radicalement les "communautariens" (dont je me sens assez proche) et les "populistes").

" Rawls, loin de définir l’être humain « comme un acteur social exclusif » et la maximalisation des avantages personnels « comme la fin "naturelle" de la raison pratique »,

Là, je persiste, car on a curieusement colporté l'illusion (bâtie par Rawls lui-même) selon laquelle sa conception de la justice l'éloignait de l'utilitarisme dominant la philosophie morale et politique anglo-saxonne. Il n'en est rien. Rawls critique la dimension "sacrificielle" du premier utilitarisme (le "conséquentialisme" de Bentham ou de Mill, par exemple, qui réclamait "le plus grand bonheur pour le plus grand nombre à tout prix", c.a.d. en sacrifiant éventuellement la minorité). Mais la pensée de Rawls n'en continue pas moins de s'appuyer sur les 2 fondements normatifs de la pensée utilitariste (pardonnez-moi si je me répète) : l'individu comme acteur social exclusif et la maximalisation des avantages comme fin "naturelle" de la raison pratique.

Christopher Lasch reste le meilleur antidote à la pensée de John Rawls.
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 03:38   Re : Le blog de Marcel Gauchet
"L'importance du principe de l'égalité dans la Théorie de la Justice ne permet donc pas de retenir la seule "maximalisation des avantages personnels" comme élément fondamental de la théorie de Rawls."

Et bien si, justement, et pour les raisons que j'ai avancées dans mon second message.
Je suis content, sur ce point de litige, d'être en accord avec Corto, qui résume ce que j'ai tenté de dire mieux que je n'ai pu le faire moi-même.

Pascal Orsonni, je fais amende honorable, et il se peut que vous ayez raison ; quoi qu'il en soit, je me sens moi-même assez proche de la théorie défendue par Rawls (pour le peu que j'en connais), et la théorie communautarienne me semble philosophiquement peu défendable, car elle repose sur l'affirmation qu'il existe une priorité du Bien sur le Juste, au sens où les individus n'intériorisent que passivement une tradition qui influe sur leurs choix moraux. La morale incluerait en ce sens un moment de dogmatisme, que pour ma part j'estime illégitime, car il importe que cet assujettissement au dehors soit nécessairement repris par le sujet sous la forme d'une intériorité dans laquelle il est impliqué : la subjectivité transcendantale (non empirique, s'entend) est donc première. Il semble en effet, et contrairement à ce qu'écrit par exemple Charles Larmore, qu'il y ait une contradiction radicale entre le sens de l'appartenance et l'attachement aux principes fondamentaux de la démocratie libérale. Et il est frappant de voir à quel point une position qui tenterait de tenir ensemble les deux bouts s'empêtrerait immanquablement dans des impasses philosophiques : si on s'en remet, sur le plan de la fondation, au paradigme du sujet, position que pour ma part j'estime seule tenable et qui n'implique pas le moment de dogmatisme dont j'ai parlé, alors il paraît impossible de faire droit à l'hétéronomie sous-tendue par la position communautarienne, ce qui est un grand malheur, car cette position, sur le plan de la fondation de la morale (voilà pourquoi Kant est nécessaire), n'accepte pas pour paradigme essentiel le sujet autonome. Si la philosophie, qui en tant que telle s'efforce jusqu'au bout d'être cohérente, ne parvient pas à contrebalancer la théorie contractualiste de Rawls par la dimension d'hétéronomie de notre identité morale, et que la volonté forme la source ultime de l'autorité, il n'est alors pas possible de fonder cette dite autorité. Mais il se pourrait bien que la tentation d'apporter ses fondements ultimes à n'importe quel domaine de la vie humaine soit illégitime... en effet, loin de moi l'idée de nier en bloc, même si c'est philosophiquement pendable, l'idée de Larmore selon laquelle "les romantiques peuvent aussi être libéraux" (quoique dans mon cas ce soit plutôt l'inverse) ; après tout, on ne vit pas que de concepts...
Mais je suis tout à fait disposé à accepter vos raisons, Pascal Orsonni ; il se trouve, à ma grande honte, que je n'ai pas lu un seul livre de Christopher Lasch, dont vous semblez faire si grand cas. Il faudra que je m'attelle à cette tâche...

C'est d'ailleurs peut-être cela, la bêtise surhumaine de la philosophie : être cohérent jusqu'au bout, et à n'importe quel prix...
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 11:24   Re : Le blog de Marcel Gauchet
"après tout, on ne vit pas que de concepts..."


Oui, comme vous dites...

A noter que, somme toute, je suis un bien mauvais "communautarien", et que je rejoins Lasch lorsqu'il se distingue des thèses communautariennes sur ces 2 points : il leur reproche d'abord de s'attaquer au marché plus qu'à l'Etat, et de se confondre ainsi avec la démarche réformiste de la social-démocratie. Il refuse ensuite leurs concessions à la reconnaissance publique du multiculturalisme et à l'"idéologie de la compassion".

C'est dans sa critique de la "Nouvelle Classe", cette élite politique, économique, et médiatique, que Lasch reste le plus pertinent.
Utilisateur anonyme
18 mai 2008, 20:59   Re : Le blog de Marcel Gauchet
Citation

C'est d'ailleurs peut-être cela, la bêtise surhumaine de la philosophie : être cohérent jusqu'au bout, et à n'importe quel prix...

Le petit résistant qui sommeille en moi se délecte de cette très belle réflexion, merci S. Billy.
Je me disais en effet que la beauté de la littérature était que tout ce qu'elle s'attache à protéger est au fond indéfendable ; et l'austère rationnalisme, qui nous a rendu par ailleurs quelques menus services, ne saurait entendre la moindre des raisons qu'elle allègue en faveur de Cratyle, le roy des "petits résistants"...
J'aurais bien mauvaise grâce de chercher à vous "titiller", Corto, après la sympathie que vous venez de me témoigner, mais Bily, paradoxalement, ne prend qu'un L : on n'a pas idée, je vous l'accorde...
Utilisateur anonyme
19 mai 2008, 00:26   Re : Le blog de Marcel Gauchet
"Le petit résistant qui sommeille en moi"


Les Anglais ont inventé les domestiques, les Français les "petits résistants".
"Les Anglais ont inventé les domestiques, les Français les petits résistants".

Et les italiens ?
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