Il me semble que vous n’y êtes pas, Pascal Orsoni. Soit dit en toute humilité (il se peut que vous soyez un éminent professeur de philosophie, sait-on jamais), Rawls, loin de définir l’être humain « comme un acteur social exclusif » et la maximalisation des avantages personnels « comme la fin "naturelle" de la raison pratique », reprend à son compte l’humanisme juridique de Kant qui repose précisément sur la réfutation de l’empirisme classique pour lequel le principe déterminant de la volonté est un concept que se représente et qu'est en mesure de connaître l’entendement (alors que l’Idée de liberté, dans la
Critique de la raison Pratique, est un pur intelligible que l’entendement, et non l’imagination transcendantale, ne peut appréhender analogiquement que sous la forme d’un
symbole, et non d’un
schème). En l’occurrence, je trouve un peu étrange que Rawls, dont à vrai dire je ne connais pas assez les écrits (aussi puissé-je me tromper), mais dont je sais de source sûre que la théorie libérale qu’il défend a pour fondement le rationalisme post-métaphysique kantien, définisse l’homme comme un être dont la morale ultime consisterait à maximiser son petit profit, quand par ailleurs Kant définit celle-ci comme un arrachement à soi-même et à l'amour de soi, sous la forme bien connue de l’impératif catégorique.
Mais il me semble que je comprends pourquoi, en regard de tout ceci, vous parlez cependant, Pascal Orsoni, de déracinement et d’abstraction abusive : la théorie libérale de Rawls, et a fortiori la philosophie morale de Kant dont il reprend les principes, se sont souvent vu accusées de formalisme excessif, au sens où, chez Kant par exemple, et plus particulièrement dans la typique de la faculté de juger, la volonté ne semble pouvoir se déterminer que dans l’extériorité de son rapport à la loi.
Mais il est bien tard, ou trop tôt, pour parler de philosophie (minuit passé de vingt-quatre minutes)...