Il y a tant de choses, dans cette question cruciale de l'aveuglement ! On pourrait, à la mode du XIXème siècle, composer une
Physiologie de l'aveuglement. Sincère ? Feint ? Complaisant ? Machiavélique ? Inconscient ?
L'aveuglement est à la source même de nos vies, dans ce qu'elles ont de plus intime. Tel, qui n'avait jamais
vu un grave défaut chez un proche l'aperçoit soudain et, désormais, ne voit
plus que ça. C'est tout un passé de regards portés sur cette personne qui s'en trouve entaché d'erreur et, de proche en proche, la qualité même de la relation entretenue jusqu'alors. S'il y a eu amour, le risque est grand de passer à la haine.
De même, j'imagine que, pour beaucoup, le simple fait de reconnaître la présence désormais massive et problématique de populations extra-européennes, fait craindre obscurément de ne voir
plus que ça. Il semble que pour nombre d'anti-racistes dogmatiques ou machinaux, il ne soit pas possible de changer de discours, ne fût-ce qu'un peu, parce qu'un tel changement, fût-il minime, pourrait agir sur eux comme la conversion à une religion, c'est-à-dire les entraînerait fatalement dans l'excès de zèle qui caractérise les convertis. Ils préfèrent alors ne pas voir que s'exposer à cette violence.
La mesure et la recherche d'objectivité sont déjà suffisamment difficiles dans le paysage des idées que l'on a toujours eues, mais si l'on change de décor, elles réclament un effort terrible.