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A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".

Envoyé par Utilisateur anonyme 
» il s'agit de vous et moi

Vous je dis pas, Jean-Marc, vous avez l'air d'être en pleine forme, mais moi, par ces chaleurs j'ai tendance à me liquéfier et à ne dire que des bêtises, si si...
« La "mienneté" de l'exister n'est donc nullement incompatible avec l'être avec les autres, elle en est au contraire le fondement, puisque ce que je partage avec l'autre, c'est précisément ce caractère intransférable de l'existence qui me sépare abyssalement de lui. »

Françoise Dastur, La Mort
Citation
Juste par curiosité, cher Rogemi, qui seraient les deux autres ?

Einstein par exemple mais je suis comme vous j'ai tendance à me liquéfier en ce moment et à dire pas mal de conneries.
Citation
Dire d'Heidegger qu'il est extrêment "intelligent" c'est un peu comme de dire que Wagner, c'est très joli... Heidegger, Cher Rogemi, c'est autre chose.

Je suis quand même étonné par la passion que suscite chez les intellectuels francais la philosophie allemande ou heideggerienne.

Ce besoin irrépressible des francais d'aller chercher à l'étranger un maitre à penser .... On avait déjà vu cela avec Marx, Lénine, Staline, Mao Tsé Tong, les philosophies orientales. J'ai dû en oublier ...
Bien reçu, cher Rogemi. Mais avouez qu'associé à « la fin de sa vie », ça faisait un peu repentir sur le lit de mort.
Vous verriez que nous finirions par nous entrendre sur ce sujet difficile !
Utilisateur anonyme
12 juillet 2010, 22:39   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
A propos de Holzweg, ça ne signifie ni un chemin bouclé ni un chemin ouvert ! je propose mon article Heidegger et le chemin
Les chemins dans les bois (Holz) sont créés par l'usage. Ils sont desservis par des chemins plus petits, qui eux-mêmes récoltent des chemins plus petits encore, traces de l'exploitation du bois, et qui se perdent dans la nature. Ces chemins donc ne mènent nulle part mais ne sont pas sans raison.
Utilisateur anonyme
13 juillet 2010, 09:24   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
"C'est un petit chemin d'un autre âge, et tel qu'il n'en existe presque plus ; un petit chemin bordé d'arbres et de haies, qui serpente mollement sur le flanc d'un coteau ; un chemin fin de siècle (l'autre), un vrai bon chemin de mauvaise peinture, comme on les aime."

Renaud Camus, Journal 1998, p. 155.
Merci, cher Alain Eytan, pour votre intéressante réponse..
Utilisateur anonyme
13 juillet 2010, 18:20   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
" Ne regardez pas trop l'abîme, l'abîme regarde aussi en vous " F.N, autrement dit: " Ne regardez pas trop la haine, la haine regarde aussi en vous " ce qui ne laisse voir dans les chemins que des couleurs sombres, ténébreuses, moribondes. En portant la haine, on se tue avant même de tuer. Une faiblesse de la pensée entraîne certainement à la faiblesse de l'art et même de l'âme. Comment dialoguer avec une telle âme ? Eh bien en ne dialoguant pas !
Utilisateur anonyme
13 juillet 2010, 19:26   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Parce que je ne crois pas aux profondeurs !
Ah ! les superficiels par profondeur...
13 juillet 2010, 19:55   Deep Throat
Pourtant, bien cher Boutros,


Certaines profondeurs sont des plus réelles, je puis vous l'assurer.
Utilisateur anonyme
13 juillet 2010, 20:58   Re : Deep Throat
Merci de me l'avoir assuré ! Voilà ce qu'en a dit Balzac " J'étais descendu jusqu'aux grimaces de l'homme, je remontai vers la franchise de la nature[/b] " (Pathologie de la vie sociale, XII)
Que j'ai réussi, bien qu'accablée de chaleur et n'ayant pas du tout la tête philosophique, à le lire avec intérêt tout ce fil prouve à quel point il est passionnant. Merci à tous ceux qui participent à ce débat.
Utilisateur anonyme
13 juillet 2010, 23:53   Re : Pourquoi il faut en sortir ?
Alain Eytan : De cela résulte la singularité et l'unicité absolues du Dasein comme expérience "chaque fois mienne"

Cette "singularité et unicité absolues" ne verront le jour qu'avec la sortie du Dasein hors de la quotidienneté déchéante, sortie nécessitant un véritable arrachement et un forçage afin que le Dasein puisse retrouver son être véritable, ses possibilités réelles. D'après Heidegger, il n'existe que deux événements majeurs qui puissent contraindre le Dasein à se soustraire au mouvement affairé de l'aliénation rassurante : l'angoisse et l'anticipation de la mort.

Le « Dasein » ne se rapporte pas à la naissance et la mort en général, mais toujours déjà à sa mort et à sa naissance (comme expériences "chaque fois miennes", si l'on peut dire...).
14 juillet 2010, 02:44   Les CPD
L'angoisse, c'est le "rien et le nulle-part". Vous allez être content, cher K. : l'angoisse, c'est ne pas être chez soi :
« L’angoisse, au contraire, ramène le Dasein de son identification échéante au « monde ». La familiarité quotidienne se brise. Le Dasein est isolé, mais comme être-au-monde. L’être-à revêt la « modalité » existentiale du hors-de-chez-soi. Ce n’est pas autre chose que veut dire l’expression d’« étrang(èr)eté ». »

Être et Temps
Utilisateur anonyme
14 juillet 2010, 05:18   Re : Les CPD
L'angoisse, c'est le "rien et le nulle-part". Vous allez être content, cher K. : l'angoisse, c'est ne pas être chez soi :

Et bah alors moi, je suis un véritable angoissé... L'angoisse, si j'ai bien compris, c'est aussi : "Je me suis toujours été un autre. " (R. Gary)
14 juillet 2010, 07:23   Re : Les CPD
La parenté profonde, au-delà des influences immédiates, entre la pensée de Heidegger et celle de l'Inde classique m'a toujours frappé...
Utilisateur anonyme
14 juillet 2010, 11:56   Re : Les CPD
Oui Cher Bernard, vous avez raison, Heidegger dit lui-même de sa pensée qu'elle est proche des Upanishads (il faudrait que je retrouve la phrase exacte). D'autre part, cette ouverture de l'être à lui-même dans le Dasein qu'Heidegger appelle alèthéia (vérité en grec, traduit littéralement par "dévoilement"), certains, avec lesquels je serai tenté d'être d'accord, la rapprochent de l'herméneutique (tawil) islamique. La lecture du Coran, principalement chez les chiîtes, procède en effet d'un "dévoilement" (les lectures du Coran sont au nombres de 7, les sens allégoriques au nombre de 7, les 7 les Cieux et les 7 planètes, etc.).
14 juillet 2010, 12:21   Re : Les CPD
Citation
Monsieur K.
Oui Cher Bernard, vous avez raison, Heidegger dit lui-même de sa pensée qu'elle est proche des Upanishads (il faudrait que je retrouve la phrase exacte).

Il paraît. Je n'ai pas trouvé cela explicitement dans mes lectures, et si vous retombiez la citation, j'en serais très heureux.
14 juillet 2010, 13:04   Re : Holzweg
Cher Jean-Marc,
Je ne conteste pas qu'au singulier, le mot ait la signification qu'emploie Luther. Le titre de l'ouvrage de Heidegger est "Holzwege" (au pluriel). Comme souvent, comme le faisait déjà Platon, Heidegger prend des mots de la langue courante, qui sont souvent impliqués dans de nombreuses expressions, et leur donne un souffle, une puissance nouvelle pour parvenir à dire quelque chose qui se dirait plus mal sans eux.
Cher Rogemi,
Heidegger n'a pas collaboré avec la tyrannie : il a cessé d'être recteur en 1934, à un moment où le nazisme n'avait pas encore tout à fait pris le contrôle du pays - même si cette prise de contrôle semblait sans doute inéluctable.
De nombreux témoignages font état d'absence de neutralité de Heidegger au sujet des nazis dès 1934, lorsqu'il était interrogé sur le sujet. Il n'a rien publié pendant la période, à part une ou deux plaquettes. Quand les nazis ont cherché à récupérer Nietzsche, il a fait cours sur lui et a montré que ce que Nietzsche nomme le nihilisme, les nazis en sont les parfaits représentants ! Même chose pour Hölderlin, les nazis ont tenté de le récupérer et Heidegger, en faisant cours sur lui, a montré que ses poèmes étaient incompatibles avec le nazisme.
Les étudiants de l'époque entre 1934 et 1945 sont nombreux et unanimes : suivre les cours de Heidegger amenait à ouvrir les yeux sur la vraie nature du régime, lequel n'était d'ailleurs pas dupe, comme en témoignent les nombreux rapports sur "la philosophie enjuivée de Martin Heidegger" (expression souvent utilisée dans ces rapports).
Curieuse collaboration.
Une anecdote pour conclure : Heidegger était si peu en odeur de sainteté en 1937, que lorsque la Sorbonne organisa le colloque célébrant le bicentenaire de la publication du "Discours de la méthode", on s'étonna dans les cercles philosophiques français que Heidegger n'ait pas été envoyé par l'Allemagnee - on ne l'avait pas autorisé à y prendre part. Devant cet étonnement, les autorités nazies ont finalement proposé à Heidegger d'y aller : c'est lui qui refusa - ne voulant pas servir ce régime.
Les autorités politiques et universitaires françaises ne voyaient pas en 1937 les nazis comme de dangereux criminels : Heidegger si.
Merci à Virgil. Quel plaisir de fréquenter ce salon !
A Bernard Lombart,
Il y a deux textes de Heidegger, au moins, où il dialogue avec l'Orient : un chapitre de "Acheminement vers la parole" où il s'entretient (semi-fictivement) avec un Japonais et le début de "Langue de tradition, langue de technique" (ou l'inverse), conférence donnée devant des ingénieurs, qui s'ouvre par la méditation d'un texte chinois.
On voit que Heidegger s'intéressait beaucoup aux régimes de parole des autres traditions, car c'est par et dans la parole que la pensée se constitue et trace son sillon.
Oui, j'ai déjà parcouru ma blibliothèque lorsqu'il a été question de cela, ici même, mais je n'ai trouvé le mot "upanishad" dans aucun des textes dont je dispose...
Utilisateur anonyme
15 juillet 2010, 00:10   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Extrait d'un entretien avec Philippe Nemo :



Rappelons d’abord que l’on pourrait dire que la dimension « orientale » a été au moins pressentie par Heidegger, même s’il ne s’agit pas tout à fait de l’ « Orient » au sens où l’entendent les Ishrâqîyûn, les « platoniciens de Perse ». Vous avez dû avoir certainement vous-même un écho des déclarations frappantes de Heidegger concernant les Upanishads, nous laissant pressentir que c’était au fond quelque chose comme cela qu’il cherchait.

Cher Bernard je n'ai, hélas, rien de mieux à vous proposer.
Utilisateur anonyme
15 juillet 2010, 00:50   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Il y a deux textes de Heidegger, au moins, où il dialogue avec l'Orient

Je trouve même que Heidegger, par certains côtés, est assez "chinois" (même conception du vide) :



« L’être est le vide extrême, soutient Heidegger, et en même temps il est la richesse dont tout ce qui est — le connu et l’éprouvé, l’inconnu encore à éprouver — reçoit la manière suivant laquelle son être se déploie » (Heidegger, « L’être comme vide et comme richesse ». Le Vide en Occident et en Orient, Hermès p. 332).
Citation

Le Vide en Occident et en Orient, Hermès p. 332

Eh bien ! J'étais persuadé d'être le seul ici à posséder ce livre ! (Je suis un grand admirateur de Lilian Silburn.) Très heureux de voir que d'autres, dans ce salon, ont les mêmes lectures !

Le vide, dans la tradition indienne (particulièrement dans le shivaïsme cachemirien, qui m'intéresse particulièrement) est tout bruissant de création, c'est Shiva se créant lui-même en se séparant de Shakti, la Puissance ou l'Énergie. Ce qui éveillera un écho chez les cosmologistes amateurs de vide quantique...


Shiva Ardhanarishvara : ishvara : le seigneur - ardha : à demi - nari : être humain féminin...
Ici, l'Ardhanari du musée de Chennai.

(À propos de l'Inde et de la Chine, je me souviens d'un acupuncteur, formé en Chine, qui me parlait d'énergie, et à qui je disais qu'en Inde, l'énergie était une déesse et non un dieu ! Réaction : « Ah non ! Ça, ce n'est pas possible, ça ne va pas du tout !!)
Utilisateur anonyme
15 juillet 2010, 11:21   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
l'Ardhanari du musée de Chennai.


Magnifique !
15 juillet 2010, 11:41   Toponimye
Bien cher Bernard,


Je vois avez intérêt que vous utilisez, pour Madras, son nouveau nom, Chennai.

Un des liseurs connaitrait-il une règle déterminant dans quelles conditions on doit modifier l'appellation d'un lieu quand le pouvoir politique décide le changer ?

En Inde, nous avons le cas de Chennai qui a remplacé Madras, on est tenté de modifier le nom car les deux sont très éloignés.

Que doit-on faire pour Mumbai (Bombay), Kolkata (Calcutta), Varanasi (Bénarès) ?

Pour l'Italie, on a systématiquement suivi les changements imposés : Castrogiovanni est redevenu Enna.

En Europe, on a eu des façons de faire variables : la peu connue Uskub est devenue sans problème Skopje, Lemberg est devenue Lvov puis Lviv, alors que l'ancien nom "Brasov" revenait après sept-cents ans d'absence.

De même, les Français n'utilisent pas toujours le nom historique : par exemple, la fort connue Presbourg se nomme Bratislava sans que nul ne s'en étonne.
15 juillet 2010, 11:47   Re : Toponimye
En effet. J'utilise toujours le nom français (Bénarès, Calcutta). Ici, il s'agissait du nom officiel du musée
(http://www.chennaimuseum.org/)... mais pour être conséquent, j'aurais dû dire Madras (surtout avec la minuscule à "musée", n'est-ce pas ?)
Utilisateur anonyme
15 juillet 2010, 13:46   Re : A propos de la "faiblesse de la pensée actuelle".
Citation
virgil
Cher Rogemi,
Heidegger n'a pas collaboré avec la tyrannie : il a cessé d'être recteur en 1934, à un moment où le nazisme n'avait pas encore tout à fait pris le contrôle du pays - même si cette prise de contrôle semblait sans doute inéluctable.
De nombreux témoignages font état d'absence de neutralité de Heidegger au sujet des nazis dès 1934, lorsqu'il était interrogé sur le sujet. Il n'a rien publié pendant la période, à part une ou deux plaquettes. Quand les nazis ont cherché à récupérer Nietzsche, il a fait cours sur lui et a montré que ce que Nietzsche nomme le nihilisme, les nazis en sont les parfaits représentants ! Même chose pour Hölderlin, les nazis ont tenté de le récupérer et Heidegger, en faisant cours sur lui, a montré que ses poèmes étaient incompatibles avec le nazisme.
Les étudiants de l'époque entre 1934 et 1945 sont nombreux et unanimes : suivre les cours de Heidegger amenait à ouvrir les yeux sur la vraie nature du régime, lequel n'était d'ailleurs pas dupe, comme en témoignent les nombreux rapports sur "la philosophie enjuivée de Martin Heidegger" (expression souvent utilisée dans ces rapports).
Curieuse collaboration.
Une anecdote pour conclure : Heidegger était si peu en odeur de sainteté en 1937, que lorsque la Sorbonne organisa le colloque célébrant le bicentenaire de la publication du "Discours de la méthode", on s'étonna dans les cercles philosophiques français que Heidegger n'ait pas été envoyé par l'Allemagnee - on ne l'avait pas autorisé à y prendre part. Devant cet étonnement, les autorités nazies ont finalement proposé à Heidegger d'y aller : c'est lui qui refusa - ne voulant pas servir ce régime.
Les autorités politiques et universitaires françaises ne voyaient pas en 1937 les nazis comme de dangereux criminels : Heidegger si.
C'est exacte ! Et il faut bien penser cette amitié de René Char et Heidegger !
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