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La Tribune.fr - 09/05/08 à 9:24 - 1136 mots
La chronique de michel godet
L'immigration dévoilée
Faute d'intervenir vigoureusement sur la mixité scolaire et l'éducation des jeunes issus de l'immigration, le surcroît de naissances d'aujourd'hui apportera plus de problèmes que de solutions, prévient Michel Godet, professeur au Cnam, membre du Conseil d'analyse économique.
Sans les apports migratoires de plusieurs centaines de milliers de personnes chaque année, l'Allemagne, l'Italie et bientôt l'Espagne verraient leur population diminuer puisque, dans ces pays, les berceaux ne compensent plus les cercueils. L'Europe des Vingt-Cinq, qui s'est élargie à l'est avec une baignoire qui se vide, a dorénavant un solde migratoire nettement supérieur à celui des Etats-Unis. Il va lui manquer au moins 35 millions d'actifs d'ici à 2030. Il faudra ouvrir massivement les frontières pour répondre aux besoins non satisfaits du marché du travail.
C'est ce que font, depuis quelques années, nos voisins d'Europe du Sud, l'Espagne et l'Italie, qui ont réussi mieux que nous à intégrer chacun, économiquement et socialement par le travail, plusieurs millions d'étrangers depuis l'an 2000. La preuve: en Espagne, le taux d'emploi des étrangers est supérieur de 7 points à celui des nationaux, alors qu'il est inférieur de 20 points en France. On gagnerait certainement à rendre notre immigration plus sélective mais, surtout, à rendre la douce France plus attractive pour les plus éduqués des candidats à l'immigration.
D'après l'OCDE, les deux tiers des immigrés arrivant en France ont un niveau d'éducation inférieur au premier cycle des collèges, contre 30% seulement pour la Grande-Bretagne et 22% pour les Etats-Unis. En attendant, force est de constater que nous subissons une immigration trop centrée sur l'Afrique et le regroupement familial, et peu ciblée sur le travail: en 2005, il n'y a eu que 11.500 cartes de séjours délivrées au titre de l'emploi, soit 7 % des flux.
La France manque-t-elle d'immigrés? Le fait même de poser cette question paraîtra provoquant aux yeux de ceux qui pensent qu'avant d'ouvrir en grand les portes de l'immigration, il faudrait d'abord intégrer ceux qui sont déjà là.
La France va, comme ses voisins, manquer de bras et de cerveaux. Elle se réjouit pourtant d'avoir la meilleure fécondité d'Europe, mais cette médaille a son revers, comme le montre bien le rapport annuel sur l'immigration et la présence étrangère en France en 2006 de la Direction des populations et migrations. Hélas, ce rapport, que devait diffuser la Documentation française (il a été imprimé et retiré de la vente) sera sans doute mis au pilon.
En effet, les chiffres de ce rapport sont différenciés en fonction des origines ethniques des Français, ce qui est maintenant prohibé par le Conseil constitutionnel ! Va-t-on demander de retirer des bibliothèques les rapports des années précédentes tout aussi répréhensibles ? On apprend ainsi dans les éditions précédentes de ce rapport que le taux de chômage des Maghrébins et des Africains du sud du Sahara est trois fois plus élevé que celui des Français, alors que celui des Chinois est équivalent.
Comment traiter un problème que l'on refuse de plus en plus de voir et de mesurer ? Il reste que les Français par acquisition méritent une attention particulière. Le taux de chômage des ressortissants du Maghreb ayant suivi des études supérieures (24%) est quatre fois plus élevé que pour l'ensemble des actifs du même niveau (6%) !
On apprend encore dans ce rapport, qui s'appuie sur les données OCDE de migrations internationales, que les jeunes issus de l'immigration représentent aujourd'hui en France 25% de la tranche des 20-29 ans, dont un tiers né en France d'un parent étranger, un tiers de deuxième génération (parents immigrés devenus français et un tiers né à l'étranger). Cette proportion devrait dépasser les 30% dans le futur en raison des statistiques de fécondité qui contredisent le discours officiel et lénifiant de l'Ined.
En effet, en 2006 sur 807.000 naissances, 152.000, soit 19% des naissances en France, étaient d'au moins un parent étranger, contre 120.000 en 2000, soit 13% des naissances de l'époque. On ne sait toujours pas officiellement combien d'enfants nés en France sont issus de l'immigration (seules des estimations circulent sous le manteau, avec les relevés officieux de prénoms dans les écoles de certaines académies).
La peur de savoir et l'idéologie sont là pour masquer la réalité: il y a, on le sait, 5 millions d'immigrés en France, dont 2 millions sont devenus Français par acquisition (1 million depuis 2000) et 3 millions qui sont des étrangers nés à l'étranger. L'illusion mensongère est entretenue sur l'intégration en marche, mesurée par les mariages mixtes (18% des mariages avec au moins un étranger) alors que, le plus souvent, il s'agit de deux immigrés dont l'un est devenu français par acquisition.
Au vu des chiffres précédents, on peut avancer qu'au moins 25% des naissances de 2006 étaient issues de deux parents immigrés. Sans cet apport bienvenu, l'indicateur de fécondité aurait été en 2006 plus proche de 1,7 que de 2 ! Tout irait bien pour l'intégration dans les écoles si cette population était uniformément répartie sur le territoire. Tel n'est pas hélas le cas en Ile-de-France qui concentre 40% des étrangers et autant des immigrés.
La population des immigrés y représente plus de 20% de la population totale et au moins 40% des naissances. En raison de l'apartheid urbain et scolaire, cette concentration conduit à des écoles où la mixité fait défaut. Dans certaines écoles de Seine-Saint-Denis, la proportion d'enfants d'origine immigrée dépasse les 80 à 90%. Comment progresser en français, là où personne ne le parle correctement ?
Ne nous voilons pas la face: faute d'intervenir vigoureusement sur la mixité scolaire et l'éducation des jeunes issus de l'immigration, le surcroît de naissances d'aujourd'hui apportera plus de problèmes que de solutions: les étrangers représentent le quart des chômeurs d'Ile-de-France pour 8% de la population.
Par contraste, les Portugais représentent près de 20% de la population active étrangère et ont un taux de chômage presque deux fois plus faible que celui des Français. Dommage que tous les Français ne soient pas d'origine portugaise !
Donnons une idée, pour l'immigration choisie, il n'y a plus de Portugais mais tous les Brésiliens que l'on veut. Les Latino-américains considèrent l'Europe comme leur deuxième patrie, leur expansion démographique est vigoureuse, accueillons-les à bras ouverts comme le fait l'Espagne. Il n'y aura même pas d'église à construire puisque les nôtres sont à moitié vides !
Michel Godet, professeur au Cnam, membre du Conseil d'analyse économique, auteur du "Courage du bon sens : pour construire l'avenir autrement", Editions Odile Jacob (nouvelle édition 2008)
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