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Requête en conjugaison

Envoyé par Thomas Rhotomago 
17 juillet 2010, 13:49   Requête en conjugaison
Dans cette phrase : "C’était un ancien modèle de boîte standard, bon marché, en métal bleu, comme un modèle réduit de maisonnette avec son arête unique de toit pentu, sa petite serrure, son ouverture de haut en bas et son bruit de ferraille si on la refermait sans ménagement. Un gros pétard de Nouvel An jeté à l’intérieur l’eût rendue inutilisable.", on trouve à redire à ce "eût", que l'on voudrait remplacer par un "aurait".

Je ne suis pas de cet avis mais suis tout à fait incapable d'argumenter, comme souvent avec les affaires de conjugaisons, que je me contente de "sentir".

Là-dessus, un hasard bienvenu m'a fait ouvrir L'homme qui rit et je suis tombé sur cette autre phrase, qui me semble présenter une situation grammaticale similaire :

"Il y avait dans l'air une imminence d'orage. L'enfant ne s'en rendait pas compte, mais un marin eût tremblé."

Qu'en pense la compagnie ?
17 juillet 2010, 14:01   Re : Requête en conjugaison
Toute la longue phrase qui précède étant à l'imparfait, le eût s'impose, et le "aurait" signale un effrondrement de la construction "littéraire" et un retour au parler de gosse. Ditto chez Hugo dans l'Homme qui rit.
Bien cher Orimont,

C'est très correct, c'est ce qu'on appelait dans mon enfance le "Conditionnel passé deuxième forme", terme banni depuis (c'est en fait un subjonctif plus-que-parfait, et c'est un latinisme de la langue soutenue, le latin ne disposant pas du conditionnel).
"C'est très correct, c'est ce qu'on appelait dans mon enfance le "Conditionnel passé deuxième forme", terme banni depuis (c'est en fait un subjonctif plus-que-parfait, et c'est un latinisme de la langue soutenue, le latin ne disposant pas du conditionnel)."

Eh bien ! Je me sens légèrement Monsieur Jourdain...

La polémique a cependant évolué. A présent, la bisbille s'est déplacée vers l'accent circonflexe de ce "eut". On me dit qu'il est de trop.
17 juillet 2010, 15:29   Re : Requête en conjugaison
L'accent circonflexe est le marqueur du mode conditionnel, sans lui, nous restons dans le passé antérieur du mode indicatif, comme dans (après qu'il leur eut rendu l'objet, ils lui firent le reproche de l'avoir endommagé, etc.)

Non ?
17 juillet 2010, 15:29   Re : Requête en conjugaison
Il faut l'accent puisque c'est un subjonctif.
17 juillet 2010, 15:31   Re : Requête en conjugaison
Mais pas du tout : "eut" est le passé simple (le soleil réapparut, il eut chaud).
17 juillet 2010, 15:31   Re : Requête en conjugaison
Quelle avalanche !
17 juillet 2010, 15:34   Re : Requête en conjugaison
Le passé simple ne prend pas d'accent, nous sommes d'accord mais je crois, comme Jean-Marc, que c'est une forme elliptique du subjonctif.
Vous ne voyez pas la différence entre "il eut chaud" et "après qu'il eut rendu le livre", M. Meyer ? autrement dit, la différence entre "il rendit le livre" et "il eut rendu le livre" ?

Connaissez-vous le sketch de Fernand Raynaud "le pauvre paysan", quand le fantaisiste répète "ça a eu payé" ? Fernand ne dit pas "ça paya", et pour cause. C'est le passé antérieur. Du moins c'est ainsi qu'on le nommait, du temps de Fernand.
17 juillet 2010, 15:40   Re : Requête en conjugaison
Le passé antérieur

C’est un temps en régression, notamment en raison de la régression du passé simple auquel il est généralement associé. Le passé antérieur est parfois confondu avec le subjonctif plus-que-parfait : il eut aimé (passé antérieur) / qu’il eût aimé (subjonctif plus-que-parfait).
en proposition non dépendante : Enfin, l’écureuil eut mangé. Le procès est accompli (passé révolu). Ici, l’adverbe « enfin » indique que le procès a été accompli très rapidement.
en subordonnée : Quand il eut poussé la porte cochère, il traversa la cour.


I C I
Mamma mia ! C'est le circonflexe de la discorde ! Avec cette chaleur, moi, j'en couvrirais bien ce malheureux "u", le priant cependant de l'ôter, le temps d'une révérence de gratitude à la compagnie.
Oui bien sûr, "eut" peut aussi être l'auxiliaire dans le mode conditionnel "s'il avait su il eut été voir". Je crois cependant que vous vous trompez dans votre exemple, Francis Marche. On utilise le subjonctif après "après que", il faut donc écrire après qu'il eût rendu le livre.
On s'est encore croisé !
17 juillet 2010, 15:59   Re : Requête en conjugaison
Non, pas de subjonctif après après que !
Bien cher Marcel,

Quand on peut remplacer, à l'oreille, EUT par "aurait", alors c'est un conditionnel deuxième forme (c'est à dire un subjonctif plus-que-parfait) et il faut alors écrire "eût".
Cher Jean-Marc, votre dernier argument est de ceux que je me sens capable de présenter. Merci.
17 juillet 2010, 17:20   Re : Requête en conjugaison
Il est évident qu'il faut l'accent car comme le fait remarquer Francis, sans accent ce ne serait qu'un passé antérieur de l'indicatif. Si vous mettez la phrase au présent cela donne : un gros pétard ... la rendrait ( conditionnel présent) inutilisable et non : la rend (indicatif présent) inutilisable. Il ne s'agit donc pas d'un indicatif passé antérieur mais d'un conditionnel passé deuxième forme, plus littéraire que la première forme.
Ite misssa est

Grazie mille !
17 juillet 2010, 17:53   Re : Requête en conjugaison
Amende honorable :après qu'il eut rendu le livre (passé antérieur de l'indicatif) et non :après qu'il eût rendu le livre (subjonctif plus-que-parfait ou passé deuxième forme) si l'on tient, comme Didier Goux à l'orthodoxie qui voudrait que après que indiquant un fait effectivement survenu il faille employer l'indicatif et non un subjonctif dubitatif, et Didier Goux a certainement raison, même si l'usage le plus fréquent est d'employer le subjonctif.
17 juillet 2010, 18:11   Mauvaise pioche
Hélas non, cher Marcel, "après que" n'appelle rien d'autre que le mode indicatif. Voyez du reste comment les présentateurs de JT, dûment promptés par leurs prompteurs, s'appliquent à éviter la faute: (après qu'il a jeté le cadavre à Seine, il est allé leur rendre les clés du fourgons. Après qu'il a expliqué au juge qu'il ne connaissait Mme B. que de nom, M. W. a fait virer le contenu de ses comptes en banques sur un compte en Suisse). Voyez toute l'attention tendue de certains journalistes et rédacteurs à prendre soin de contourner prudemment "avant que" du mode subjonctif pour taper avec fermeté dans le mode indicatif après "après que", histoire de montrer qu'ils connaissent la règle.


[Je suis en train de travailler sur des documents ayant trait au changement climatique, et je me demande, mi par fantaisie, mi sérieusement, si cette manifestation d'opposition systématique de votre part n'est pas un fait de télépathie vectorisé par la webmatique.]
17 juillet 2010, 18:40   Re : Mauvaise pioche
Mais non, mais non, pas d'opposition systématique et j'admets très volontiers qu'il est plus correct d'employer l'indicatif dans ce cas. Simplement, il me semble me souvenir que Grevisse, que je n'ai pas sous la main, admet, avec son laxisme habituel et sa complaisance à l'égard de l'usage même fautif, que l'on puisse employer le subjonctif ou au moins constate que cela se fait en général. C'est du reste ce qui s'écrit un peu partout sur les sites Internet (Après que est normalement suivi de l'indicatif. Cependant, on constate dans l'usage courant l'emploi de plus en plus fréquent du subjonctif par exemple). Bref, vous et Didier Goux avez tout à fait raison. Je dirai même plus : vous êtes dans le vrai...
Le subjonctif suivant "après que" est fautif à la fois contre la règle et contre la logique immédiate (puisque c'est "après", cela ne peut pas être du domaine du doute). Cela étant dit, ce subjonctif résiste et se retrouve sous les meilleures plumes.

On suppose qu'il y a plusieurs raisons :

- la symétrie avec "avant que", qui gouverne l'indicatif ;

- surtout, le fait que "après que" soit isolé dans son genre (nul ne met de subjonctif après "dès que") fait penser à une autre hypothèse : "après que" se réfère à un phénomène qui a eu lieu, mais dans un passé indéterminé. On peut contourner la difficulté soit en utilisant l'infinitif (Après avoir découpé le cadavre, il le jeta à la Seine), soit en utilisant une construction latine (Le cadavre découpé, Izabel se rendit au Lapin agile), soit un substantif (Après le découpage du cadavre, le boucher but un thé à la menthe).
17 juillet 2010, 19:30   Re : Requête en conjugaison
N'y a-t-il pas également cette confusion, que j'ai faite plus haut, avec le passé antérieur de l'indicatif, qui est d'emploi fréquent et tout à fait licite : Après qu'il eut découpé le cadavre, il le jeta à la Seine ? Seule l'absence de l'accent circonflexe, qui ne s'entend pas, le distingue de subjonctif.
17 juillet 2010, 19:33   Re : Requête en conjugaison
En tout cas, moi, je l'entends, l'accent circonflexe en l'occurrence.
Bien cher Marcel,

Vous avez raison, cette formulation est syntaxiquement correcte, mais, personnellement, j'hésite à l'utiliser.

Il y a, d'abord, cette confusion à l'oreille d'avec le subjonctif. Ensuite, mon idée est qu'on marque deux fois l'antériorité : avec "après que", avec le passé antérieur.

Dans ce type de construction, je mettrais "Quand il eut lancé son appel, le muezzin descendit et, tel Althusser, étrangla sa femme".
17 juillet 2010, 20:48   Re : Requête en conjugaison
Tiens, puisqu'on en est au requêtes, est-ce que par hasard quelqu'un aurait encore les enregistrements de l'Assimil "Le Grec sans peine" (l'ancien, pas le nouveau - enfin, je veux dire le grec moderne, mais l'ancienne édition) ? Utiliser la messagerie privée de préférence...
17 juillet 2010, 22:51   Re : Requête en conjugaison
» - la symétrie avec "avant que", qui gouverne l'indicatif ;

Cher Jean-Marc, si je puis ajouter mon grain de sel à cette marmite, "avant que" gouverne le subjonctif, me semble-t-il, l'action advenant après celle décrite dans la principale, donc pouvant s'exprimer sur le mode d'une plus grande incertitude quant à sa réalisation.

Concernant le conditionnel passé deuxième forme, il est en effet en tout point semblalle à un plus-que-parfait du subjoncif, rendant donc le circonflexe obligatoire, mais il a de surcroît, je crois, le même sens qu'un conditionnel passé de la première forme et s'emploie de la même façon, sinon que c'en est une forme plus soutenue.
Et la préciosité a une valeur intrinsèque.
18 juillet 2010, 10:03   Re : Requête en conjugaison
On deviendrait facilement schizophrène, avec ce maudit après que. Car qui de nous, l'utilisant très correctement à l'écrit, ne s'est jamais surpris à lui accoler un subjonctif à l'oral ?
18 juillet 2010, 10:33   Re : Requête en conjugaison
Après que signifie bien qu'un évènement a eu lieu avant et que par conséquent on ne peut le mettre en doute. Il est donc normal que l'indicatif suive.
Bien cher Alain,

Effectivement, je ne sais pourquoi j'ai écrit "indicatif" à propos de "avant que", alors que je voulais expliquer le sujonctif après "après que".

Il se passe parfois des choses bizarres... je viens de parler de cela sur un site proche des milieux identitaires, et le verdict est clair : sur 838 commentaires, 666 mettent en cause le Mossad (122 impliquent les tâches solaires, 108 le Moine-Bourru, le reste est en divers).
18 juillet 2010, 11:49   Re : Requête en conjugaison
Cherchez le Mossad, cher Jean-Marc, il faut toujours chercher le Mossad...
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