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Conversation avec Cassandre, Introduction - IV

Chers amis In-nocents, voici la dernière partie de l'introduction de la "conversation avec Cassandre". Forte de cette conclusion, cette séquence assez largement "biographique" éclairera d'un jour particulier les considérations qui seront développées ultérieurement, lors de la "conversation" proprement dite, et dont les vidéogrammes seront prochainement publiés sur nos chaînes. Cela dit, le sujet de la "biographique" est loin d'être épuisé, et il n'est pas impossible qu'il soit repris et approfondi, en l'articulant plus encore avec l'histoire, officielle ou non.

Youtube :





Le film complet de l'introduction (mp4, 618 Mo, 33 mn) :
[pi.epsilog.fr]

La bande son (mp3, 28 Mo) :
[pi.epsilog.fr]
Utilisateur anonyme
19 juillet 2010, 17:12   Re : Conversation avec Cassandre, Introduction - IV
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant : la critique n'est pas interdite ...
Citation
Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant : la critique n'est pas interdite ...

Chére Cassandre,

Vous savez mon amitié pour vous et combien je vous apprécie mais il a certains points de critique à apporter à vos développements.

Par exemple: ma pauvre mére qui a grandi à l'Ouanza (les mines de fer) à la frontiére tunisienne dans les années trente et quarante du siècle précédent nous a raconté que sa famille avait toujours ressenti l'hostilité sourde des indigènes à leur égard.

Pendant la deuxième guerre mondiale en particulier ils furent constamment contraints de barriquader la nuit la maison de la ferme à double tour car certaines nuits des rodeurs entraient dans les bâtiments annexes et dérobaient de la volaille et d'autres objets et mes grands-parents se gardaient bien d'intervenir d'une manière ou d'une autre par peur de représailles violentes.
Cher Rogemi, merci pour votre commentaire.

J'ai ai peut-être un peu idéalisé, mais je vous assure qu'au lendemain de l'indépendance, par exemple, il y avait mille fois moins de haine contre la France, les Français et les Pieds-noirs de la part des Algériens qu'aujourd'hui de la part de leurs descendants nés en France. Beaucoup de coopérants, y compris étrangers, qui débarquaient la tête farcie de propagande anticoloniale, ont découvert avec stupeur ce phénomène. Une fois, à la télévision française, une Suisse mariée à un Algérien et qui avait connu les premières années de l'indépendance a fait cette même remarque et disait ne pas comprendre l'animosité anti-française des "cpf" . J'aurais pu d'ailleurs citer d'autres anecdotes que nous avons vécues et qui toutes allaient dans ce sens.
Et puis il l ne faut pas oublier que les Algériens entrés de leur plein gré au service de l'armée française, harkis et autres, ont été plus nombreux que ceux entrés au service du FLN.
Oui Cassandre et n'oublions que toute une fraction du mouvement national algérien représenté par Messali nourrissait un respect immense pour le mouvement ouvrier français (le nationalisme algérien est né en son sein dans les années 20 et le PC, avant la bolchévisation, à cette époque a failli faire élire comme député du XIVe un certain Hadj Abdelaziz. Il s'en est fallu de quelques centaines de voix) d'avant la grande glaciation stalinienne. Messali était marié avec une Lorraine, issu des milieux ouvriers anarcho-syndicalistes. C'est elle d'ailleurs qui de ses mains a fabriqué le premier drapeau algérien. D'ailleurs, les dernières propositions d'Hadj à De Gaulle avancent l'idée d'un Commonwealth entre l'Agérie et la France. Une Algérie fondée sur un régime politique constitutionnel et laïc reconnaissant la pluralité juive, européenne et musulmane. Ce programmme était soutenu par Camus (Albert), Breton, Daniel Guérin et une partie de FO et de l'Ecole émancipée. Toute cette tradition a été occultée à la fois par les arabo-islamistes du FLN et la canaille intellectuelle porteuse de valises des premiers et complices de ces meurtres de masse de Melouza à El Halia. Voilà pourquoi la lie à capuche qui nique la France est d'une ignorance crasse.
Cher Petit-Détour, connaissez vous les mémoires de Messali Hadj ? Les posséderiez-vous ? On les dit intéressantes et, pour faire un parallèle avec ce dont il est question ici, j'ai lu qu'elles contenaient une description de l'étonnement qu'il éprouva lorsque, débarquant en France après la Grande Guerre, il constata que les Algériens étaient partout reçus avec une réelle affection due à la reconnaissance des Français envers les troupes coloniales.
Cher Marcel Meyer, je n'ai pas lu les mémoires de Messali Hadj et j'ignore si elles sont disponibles. Le fait que vous mentionnez, relatif à l'étonnement du leader nationaliste face à l'accueil des Français métropolitains, est rapporté par Daniel Leconte dans son excellent livre consacrée à la nécessité d'en finir avec la repentance coloniale. Et puis l'anecdote relative au XIVe arrondissement montre bien que le peuple français, ouvrier notamment, dans sa grande majorité n'était pas raciste.
Vous trouverez sur le site de Jacques Simon, l'homme qui a formé Stora et lui a permis de soutenir un doctorat consacré à Hadj, avant que celui-ci, par opportunisme devienne un béni oui oui de la caste militaire algérienne, beaucoup d'éléments sur cette histoire occultée : [www.simon-hist.com]
Citation
Et puis il l ne faut pas oublier que les Algériens entrés de leur plein gré au service de l'armée française, harkis et autres, ont été plus nombreux que ceux entrés au service du FLN.

Chère Cassandre,

J'en suis parfaitement conscient et je n'ai jamis mis en doute la véracité de vos propres expériences.

Etant restée en Algérie après l'indépendance vous deviez être considérée vous et votre famille comme sympathisants du combat pour une Algérie algérienne. Cad que votre simple présence était la preuve intangible de votre attachement pour ce pays nouvellement indépendant. Ceci pouvant peut-être expliquer cela.

Mais mes tantes et mes oncles au nombre de neuf qui sont nés et qui ont grandi en Algérie furent tous sans exception persuadés que l'Algérie francaise était vouée à l'echec et ils prirent très tôt leurs dispositions pour revenir sans douleurs en métropole.

Au-delà du contexte international qui joua dans l'issue du conflit un rôle déterminant la présence francaise n'avait pas été partout acceptée par les musulmans même si comme vous le dites la majorité absolue des indigènes était favorable à sa présence.

Comme toujours c'est la minorité élitaire qui décide !
"Etant restée en Algérie après l'indépendance vous deviez être considérée vous et votre famille comme sympathisants du combat pour une Algérie algérienne. Cad que votre simple présence était la preuve intangible de votre attachement pour ce pays nouvellement indépendant. Ceci pouvant peut-être expliquer cela."


Pas forcément. A Blida il est resté pendant au moins deux ans une population pied-noir assez importante et dont la majorité n'avait pas eu de sympathie particulière pour l'indépendance du pays. Un de nos amis, le fils d'une des grande familles de notables pieds-noirs de Blida, engagé volontaire dans les paras pour pouvoir mieux rechercher son père enlevé par le FlN et qui avait la réputation d'avoir fait une guerre sans merci aux fellouzes, est resté sur place autant de temps que nous .Les Algériens l'avaient tellement à la bonne qu'il lui ont confié le poste de conseiller du ministre des transports, après, il est vrai, lui avoir nationalisé sa florissante affaire familiale " Les autocars blidéens". Bien entendu, cher Rogemi, cela ne signifie pas que l'Algérie française n'était pas condamnée à terme, mais ce que je veux dire, c'est que la haine que nous vouent les fils et petits fils d'Algériens en France est selon moi plus répandue et plus virulente que celle que pouvaient avoir contre la France et les Français les Algériens colonisés. Et cela ne peut s'expliquer sans la propagande anti-française opiniâtre des AMis du Désastre qui a dressé ces néo-Français à haïr leur pays d'accueil.
Tout cela est également vrai pour l'Afrique noire, chère Cassandre. L'échec retentissant des indépendances est à mon sens la cause première du retournement car c'est aussi elle qui explique la propagande anti-française des Amis du Désastre : nous sommes en plein messianisme tiers-mondiste, religion de rechange après l'effondrement du messianisme prolétarien quand l'échec, partout flagrant, des anciennes colonies devient impossible à nier ; dénoncer un "néocolonialisme", accuser les anciennes puissances coloniales et, au-delà, l'Occident et l'homme blanc est alors la seule porte de sortie. C'est exactement la même chose qui s'était passé pendant la période précédente quand les communistes et leurs innombrables sympathisants expliquaient l'échec des" pays socialistes" par l'action de l'impérialisme.
Oui, cher Marcel. S'il fallait que ces gens accusent leurs propres pères et mères des pires turpitudes pour pouvoir se persuader qu'ils ont eu raison, ils le feraient.
Citation
Bien entendu, cher Rogemi, cela ne signifie pas que l'Algérie française n'était pas condamnée à terme, mais ce que je veux dire, c'est que la haine que nous vouent les fils et petits fils d'Algériens en France est selon moi plus répandue et plus virulente que celle que pouvaient avoir contre la France et les Français les Algériens colonisés. Et cela ne peut s'expliquer sans la propagande anti-française opiniâtre des AMis du Désastre qui a dressé ces néo-Français à haïr leur pays d'accueil.

Chère Cassandre vous avez mille fois raison mais ma remarque ne se rapportait en aucun cas à la situation actuelle mais sur le contexte de l'époque sur lequel les informations recueillies au sein de ma famille différent un peu de votre description. Mais ma famille a toujours vécu loin de la ville, à la campagne totalement isolée, mon grand-père étant garde-forestier.
Il est certain que les Pieds-noirs très isolés devaient se sentir plus exposés que les autres, bien que là aussi il y ait eu nombre d' exceptions. Les grands parents maternels de mon mari , d'origine espagnole, vivaient pauvrement et très isolés à Berbessa, bled minuscule, d'une toute petite exploitation agricole. Sa grand-mère allait seule, à l'âge de douze, treize ans vendre les produits de leur lopin au marché de Koléa situé à une quinzaine de kilomètres conduisant elle-même la carriole, ce détail pour ceux qui pensent encore que les Pieds-noirs étaient de riches colons désoeuvrés faisant suer le burnous aux Arabes tout en se tapant l'anisette.
Utilisateur anonyme
21 juillet 2010, 18:54   Re : Conversation avec Cassandre, Introduction - IV
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Chère Cassandre,
Vos témoignages sonnent très juste - dans le ton de la voix, la précision des souvenirs, le rendu des scènes, etc.
Je ferais cependant une remarque, qui n'est en rien une réserve, mais qui tient aux "milieux" sociaux que vous fréquentiez et que fréquentaient les Français qui, comme vous, étaient dépourvus de toute prévention à l'égard de quiconque.
Ce que notent beaucoup d'observateurs dans les années 1925-1950, et au Proche-Orient, dès 1860, c'est le bouillonnement souterrain de l'islam, en particulier dans les milieux dévots et xénophobes, qui, comme un magma en fusion ou un volcan mal éteint, provoquait à intervalles réguliers des émeutes, des pogroms, des manifestations violentes, aussi bien en Afrique du Nord qu'au Proche-Orient, bouillonnement religieux parallèle et convergent avec le bouillonnement "nationaliste" (lutte contre les Turcs, puis contre les Anglais, les Français, les Juifs, etc.)
Or, du moins en apparence, vous n'aviez pas de contact (ou peu de contacts) avec les imams ou les oulémas, ou avec les docteurs de la loi ou avec les militants de l'islam politique. En Egypte, par exemple, ce bouillonnement n'a pas cessé depuis les révoltes et émeutes au Caire contre les troupes de Bonaparte. Même des pays en apparence "ouverts", "accueillants", lisses, "tolérants" (Egypte et Liban par exemple) étaient agités en profondeur par la fièvre idéologique de l'islam, laquelle n'acceptait aucun compromis avec les puissances non musulmanes. Ce même calme trompeur a abusé en Iran dans les années 1970 les Américains qui n'ont pas senti monter la haine que leur vouaient les militants de l'islam politique. Je me souviens avoir dîné en 1980 dans un salon cairote avec Bruno Etienne, qui avait visité les mosquées de tous les villages de la vallée du Nil et y avait recensé plus de 250 K7 différentes (je ne souviens pas du chiffre exact) appelant au djihad, à chasser les étrangers d'Egypte (pourtant, il n'y en avait quasiment pas), à libérer les lieux saints, à détruire Israël. Or, à aucun moment, dans les milieux francophiles que je fréquentais ou à l'Université américaine du Caire, il n'a été question de ce bouillonnement souterrain que ne percevaient que les islamologues (dont Kepel) et tous ceux qui avaient noué des liens avec les militants de l'islam.
Bien cher JGL,


Je ne partage pas votre avis. De mon point de vue, la hantise des oulémas algériens (et maghrébins en général) n'était pas celle de l'occident chrétien, mais de deux dangers :

- le nationalisme éloigné de la religion (comme celui de la Turquie d'Ataturk, qui marque l'entre-deux-guerres) ;

- le socialisme du style Baas.

Pour cette raison, la guerre d'Algérie ne fut pas une guerre religieuse (même si bon nombre de hors-la-loi avaient une approche fanatique).
Mais le FIS n'est pas tombé d'un ciel serein.
Justement, le FIS est né (pardonnez-moi l'expression) des effets d'un courant pseudo-socialiste (ère Boumédienne) qui, dépassé par ses échecs patents, a tenté de se redonner une virginité islamique. On rencontre le même problème avec les Frères musulmans de l'après-Nasser, avec les gouvernements divers de l'Afghanistan et avec les mollahs iraniens (rappelez-vous la hantise de Mossadegh).
Citation
Ce même calme trompeur a abusé en Iran dans les années 1970 les Américains qui n'ont pas senti monter la haine que leur vouaient les militants de l'islam politique

De la même manière beaucoup de francais d'Algérie n'ont rien vu venir et ils ont été balayés par la vague sans rien comprendre. Louis Martinez le décrit trés bien dans son roman "Le temps du Silure" dont le titre énigmatique qu'il a choisi s'éclaire à la lumière de la parabole évangélique. Il s'en explique ainsi :

« L'idée m'en a été suggérée par l'image, entrevue en 1960, d'un silure géant somnolant dans le méandre enterré d'un fleuve saharien. Vienne un de ces déluges dévalant des flancs arides de l'Atlas, et toute une faune assoupie dans des poches d'eau cachées se réveillera à la vie parmi les cadavres de chèvres, d'hommes ou de chameaux noyés. Libre au spectateur saisi par la vue de cette ruée de boue, si puissante, si éphémère, d'y pêcher les allégories historiques qui lui conviennent. Je ne saurais, pour ma part, en dire plus que ce que j'ai assez longuement suggéré dans ces pages. » A intervalles plus ou moins réguliers, certaines remarques faites en passant renforcent l'avertissement, car c'en est un : « Une mutation couve à deux pas, là, à notre porte, et nous n'en voyons rien, nous n'en sentons rien. Un embryon invisible qui se nourrit d'une substance ignorée et qui ne viendra au monde que pour nous dévorer. »
En revanche, bien cher JGL, il me semble qu'à partir des années 60 (et singulièrement de la guerre des Six-jours) les éléments que vous donnez sont incontestables.
Bien chers amis,


Voici un lien qui vous permettra de regarder un document irremplaçable : le débat entre le colonel Trinquier (qui fut le théoricien de la lutte contre la subversion) et Yacef Saadi, qu'il arrêta. Ce débat est de 1970, et on n'y trouve aucune référence à l'islam.





Notez que le terme fellagha évoque les bandits de grand chemin et non les guerriers de l'islam, et que le terme moujahid n'apparaît que très tard.
Cher Jean-Marc,
Pour ma part, je suis persuadé depuis plus de 30 ans que les trois pays du Maghreb ont noué, et cela depuis des siècles, des relations intimes et suivies avec le Machrek. On les croyait tournés vers la France et l'Europe; il n'en était rien, sinon superficiellement; en fait, ils regardaient à l'Est. Les pesanteurs géopolitiques sont très fortes dans le monde arabe et musulman. Il en était ainsi en Algérie dès le début du XXe siècle. Une fraction des intellectuels algériens se tournait vers la France, mais la fraction la plus importante continuait à entretenir des relations fortes avec l'Egypte, les Ottomans, les mouvements religieux piétistes de l'Inde ou les mouvements religieux pan islamistes des Frères musulmans. Ces réalités ont émergé après 1960, mais elles étaient bien implantées en Algérie dès 1880.
Bien cher JGL,


Que le facteur religieux ait eu de l'importance, c'est une évidence. Je voulais appeler en fait non votre attention, car je suis persuadé que vous ne tombez pas dans ce travers, mais celle de liseurs plus jeunes qui reconstruiraient la guerre d'Algérie à partir des visions de maintenant, sur ce que fut sans doute cette guerre.

Une part non négligeable des musulmans étaient du côté des Français, et il y eut en outre une guerre interne aux subversifs (on nous rabat les oreilles d'octobre 61, et nul ne parle de melouza).

Je connais par ailleurs beaucoup de pied-noirs qui ont été fort bien accueillis quand ils se sont rendus dans leur pays natal. Je suis persuadé que c'est la presse de gauche et les partis de gauche qui ont appris à la fois aux "jeunes" et aux jeunes à haïr l'épopée coloniale, et que bien des Algériens âgés auraient un jugement bien plus nuancé que des Français de vingt ans.

Je n'ai passé que quelques mois en Algérie (il est vrai avant la vague islamiste) et je n'ai pas trouvé de haine de la France et des Français, en dehors du jeu des médias d'État. Il est extraordinaire que les "jeunes" se sentent moujahids, alors que les vrais moujahids pensent autrement.
Citation
mais la fraction la plus importante continuait à entretenir des relations fortes avec l'Egypte, les Ottomans, les mouvements religieux piétistes de l'Inde ou les mouvements religieux pan islamistes des Frères musulmans. Ces réalités ont émergé après 1960, mais elles étaient bien implantées en Algérie dès 1880.

Vrai !
Qu'une fraction importante, sinon majoritaire, des intellectuels algériens aient continué à regarder du côté des pays musulmans et des mouvements pan islamistes, sans doute, mais je ne crois pas que cela touchait tant que ça le reste de la population.
Nous avons eu aussi comme ami un professeur d'arabe, musulman très pieux, qui ne parlait pas un mot de français mais dont les trois enfants, éduqués à l'école française de Blida le parlaient admirablement . Cet homme exquis était la modèration même : ni sa femme ni ses filles n'ont jamais porté le voile. Quand sa cadette, devenue à l'indépendance la meilleure amie de la mienne, s'est fait mettre le grappin dessus, quinze ans plus tard par un islamiste, il a été, ainsi que sa femme, atterré.et soulagé lorsque sa fille s'est décidée à demander le divorce. Il faut lire aussi le livre de Rachid Mimouni , musulman pieux lui aussi, mort quasiment de déception à la constatation de ce que devenait le pays : Le fleuve détourné . Que l'islamisation dure de l'Algérie ait fini par gagner à force de propagande et de gages donnés par les gouvernements successifs aux islamistes, cela est certain mais ce n'était pas joué d'avance.
A propos de gages donnés aux islamistes: les mosquées . Dès l'indépendance les responsables du pays ont cru bon de construire des mosquées en veux-tu-en-voilà , d'une part pour démarquer l'Algérie de la période coloniale et surtout pour occuper le peuple et le détourner de la politique. On a vu ce que ça a donné : dans la plupart de ces mosquées s'est prêché l'extrêmisme religieux qui a débouché sur le FIS et la guerre civile. Quand on pense que, en France, on fait la même erreur soi disant pour mieux contrôler l'extrêmisme, il y a de quoi se pincer !
22 juillet 2010, 12:20   Les puritains du désert
Il y a longtemps, j'avais proposé cet extrait d'un récit de voyage d'André Chevrillon. Permettez-moi de la proposer à nouveau, au titre de témoignage quelque peu en relation avec ce fil :


"Il y a quelque temps, une lettre non signée est arrivée au borj, dénonçant nos entreprises d'un accent si impérieux, posant de façon si intransigeante le principe religieux de la résistance que son origine ne peut être douteuse : [...] les souverains spirituels de la cité [...]

[André Chevrillon expose les circonstances qui ont motivé cette lettre] : une admonestation du chef d'annexe au kaïd, représentant responsable de la ville mzabite (...) : [Chevrillon cite la lettre des autorités françaises] :

« Malgré votre rapport au sujet du typhus, un nouveau cas s'est déclaré chez la nommée Chmab Beni Bouker. Vous auriez dû me signaler que cette femme du premier décédé était malade depuis trois semaines :

1° désinfecter la maison et les objets;

2° rendre compte s'il n'y a pas d'autres malades dans cette maison;

3° faire accompagner par un cavalier le docteur qui recherche les maisons et les décédés.
Votre service est mal fait; l'épidémie augmentera. Vous en serez responsable. »

[Voici la réponse, anonyme, à cette admonestation] :

« A Monsieur le Commandant supérieur,
Sachez que le médecin ne doit voir ni morts ni malades mzabites; vous avez fait là une chose mauvaise.
Et vous n'avez pas à prendre des Mzabites comme soldats. Vous n'avez pas à changer la loi de nos ancêtres. Vous ne pouvez obliger nos enfants à fréquenter votre école. Vous n'avez pas à dire : j'en veux cent, mille, vingt ou dix. Jamais nos enfants n'étudieront obligatoirement.
Vous avez installé un bureau : quiconque veut s'y plaindre le peut; un hôpital : y va qui veut; une maison de plaisir : y va qui veut aller au feu de l'Enfer. Rien de tout cela n'est obligatoire.
Vous dites, ô Français, que vos aïeux sont morts, que vous ne communiquez plus avec eux. Nous, Musulmans, nous disons que, alors même que leur chair et leurs os sont décomposés dans la terre, nos ancêtres vivent et veillent sur leurs enfants. Nos ancêtres sont comme un lion dans la forêt, qui veille sur lui-même et sur sa région. Il mange quiconque veut le faire périr. Dieu voit, et il est juste. Nos ancêtres vous disent : le gouvernement qui prendra un seul Mzabite comme soldat périra. Ce Mzabite n'obéira qu'à la force, ou bien c'est un renégat. Celui qui vend sa religion et ses frères ne peut rapporter de profit.
Cette lettre n'émane ni de savants, ni de chefs, ni de riches, ni d'employés. Elle est l'œuvre des faibles, des malades, et des morts qui sont en poudre sous la terre. Vous les croyez morts :
ils vivent auprès de Dieu.

Nulle enquête n'est à faire au sujet de cette lettre. Celui qui l'a écrite ne craint ni enquête, ni prison, ni la mort. Il ne craint que Dieu qui l'a créé, et lui a commandé de l'écrire. »

[Chevrillon de poursuivre :]

D'enquête, bien entendu, il n'était pas question. Simplement, le chef de poste qui reçut cette épître, la garda, affichée sous ses yeux, au mur de son bureau.

André Chevrillon Les puritains du désert (1927)
22 juillet 2010, 14:49   Re : Les puritains du désert
Orimont cette lettre que je découvre est une très belle déclaration de liberté. Nous sommes comme nous sommes et nous avons raison. Le message est fier, fort et même puissant.

Si seulement nous étions capables de parler à nos envahisseurs maghrébins avec la même fierté.
22 juillet 2010, 16:13   Re : Les puritains du désert
Il s'agit du M'zab, région de l'extrême sud algérien dont la population appartient, en effet, à une branche très rigoriste de l'islam. On appelle les M'zabites, les protestants ou les puritains de l'islam. Leurs femmes sont les plus recluses et les plus surveillées du monde musulman. Marchands avisés, beaucoup ont émigré dans le nord du pays où ils tiennent nombre de commerces. A Blida et à Alger la plupart des épiceries et des quincailleries sont tenues par eux. L'argent qu'ils gagnent et qu'ils épargnent beaucoup, car ils vivent modestement, sert à entretenir leurs jolies maisons du M'zab, semblables à des osselets et leurs magnifiques palmeraies au nombre de sept principales, dont la plus grande est Ghardaïa et la plus sainte Beni zguen, laquelle ferme ses portes aux étrangers à partir de cinq heures du soir. Les M'zabites, aussi laids, en raison de la consanguinité, que leur pays est beau, sont des gens pacifiques qui font très peu parler d'eux et qui n'ont que très peu, pour ne pas dire pas du tout, participé au soulèvement contre la France. Nous avons , mon mari et moi, visité le M'zab, en 63. Nous y étions les seuls touristes et avons là aussi reçu un accueil aimable de la population. Nous avons même eu le privilège d'assister à une rareté : une fantasia m'zabite. Sans le respect dû à la population, nous aurions eu du mal à garder notre sérieux tant le spectacle de ces gros épiciers s'essoufflant à courir avec des airs farouches sur leurs courtes jambes en tirant des coups de feu de vieux tromblons était comique.
Avisé en tout , le M'zabite, quand il émigre au nord et laisse seule sa femme au pays, laisse aussi un pantalon suspendu au-dessus du lit conjugual.de telle sorte que si la femme faute pendant l'absence du mari et se retrouve enceinte la responsabilité en retombe sur le ... pantalon afin que l'honneur du mari soit sauf.
Quoi qu'il en soit, oui, cher Rogemi, nous devrions bien prendre de la graine de cette fière déclaration.
23 juillet 2010, 07:24   Re : Les puritains du désert
Chère Cassandre,

Une question: cette réponse aux admonestations de l'administration est écrite dans un francais superbe et même si ma requête peut vous paraitre naive je me demande où et comment le rédacteur de cette missive avait appris à écrire notre langue avec une telle aisance ?
23 juillet 2010, 10:16   Re : Les puritains du désert
J'ai fait un jour une curieuse expérience. J'avais remporté l'appel d'offres pour la réalisation d'une série de vidéogrammes pour une exposition conçue par Benoît Peeters dans le cadre des festivités de l'an 2000, Tu parles !? Le français dans tous ses états. Il s'agissait d'illustrer les différents états de la langue selon les lieux et les milieux où elle est pratiquée. Nous avons tourné à la Sorbonne, dans les les cités du Neuf-trois, à Lyon, etc. et au Sénégal d'où a été ramenée notamment une scène aussi étonnante que savoureuse : le commentaire, par un instituteur Sénégalais furieux, d'une directive ministérielle française adressée aux écoles sur l'enseignement de la grammaire et que le Sénégal songeait à faire appliquer lui aussi. Cet homme relativement modeste parlait un français magnifique, d'une beaucoup plus haute tenue que celui du linguiste, professeur à la Sorbonne, qui apparaissait dans un des autres films. Et il pestait, exemples concrets à l'appui, contre le laxisme coupable du ministère parisien. C'était saisissant.
23 juillet 2010, 10:36   Re : Les puritains du désert
On peut se demander, en utopiste, si le "français superbe" n'est pas finalement à la portée de tous, comme tendraient à le prouver ces missives du désert, si le "français superbe" ne viendrait pas naturellement sous la plume de qui s'est décidé à regarder en face la matière, le visage et l'âme de son propos, sans détour, et si, du fond du désert où le parasitage radiophonique et télévisuel n'est pas, le "français superbe", chateaubriannesque, sculptural, n'est pas à tout prendre, chose faisable et pas plus difficile que l'étamage des théières en argent ou le réassemblage d'une pompe à eau, pièce à pièce.
23 juillet 2010, 10:53   Re : Les puritains du désert
Du temps où j'enseignais le français en Algérie, j'avais pour élève un jeune arabe famélique et loqueteux qui écrivait magnifiquement dans notre langue. J'avais fini par découvrir qu'il avait dégotté je ne sais où un vieil exemplaire presque en lambeaux des " Mémoires d'outre-tombe ", seul livre dont il disposait et qu'il lisait et relisait avec passion, ce qui expliquait la qualité son français : il s'exprimait à la façon de Chateaubriand .
Mais pour en revenir à la question de Rogemi, je ne saurais donner de réponse autre que celle de Francis, à moins que l'auteur de la lettre ne se soit fait aider par un écrivain public, habitude encore assez répandue en Algérie à l'époque où j'y vivais.
23 juillet 2010, 11:08   Re : Les puritains du désert
Francis a sans doute raison. C'est la langue française, telle qu'elle a été écrite par les grands écrivains, enseignée avec scrupule et méticulosité par les instituteurs laïques comme par les bons pères et pratiquée avec amour par une bonne partie de la population sous la garde vigilante d'une classe cultivée nombreuse et dynamique, qui est superbe. Sa transmission, dans ces conditions, n'est pas plus difficile ni miraculeuse que celle d'un artisanat — ni moins non plus au reste. Dans la même série d'enchantements, Jean-François Deniau raconte dans ses mémoires sa rencontre avec l'ancien jardinier ou portier, je ne sais plus, d'une institution française de Pondichéry, ou était-ce Chandernagor ?, qui parlait avec une grande aisance dans le français de Racine parce que c'est avec Racine que les religieuses enseignaient la langue.
Comment, bien cher Marcel, vous insinuez que ces bonnes soeurs n'usaient pas de la langue de Voltaire ?

(A propos, j'ai entendu "langue de Molière" et "langue de Voltaire", alors qu'on dit pour l'anglais uniquement "langue de Shakespeare" ; est-ce dû au fait que ce sont de quasi-paronymes ?)
"Ah, l'anisette, chère Cassandre, l'anisette..".
Cher Didier, j'espère bien vous y avoir converti !
A propos de Messali Hadj.

Ce que vous m'apprenez, cher Petit-Détour est très intéressant. Très intéressant, aussi, semble être le livre récent d'Yves Lacoste, qui révèle que la vague d'immigration après l'indépendance algérienne a été constituée pour sa plus grande partie, non d'immigrés économiques mais de messalistes qui fuyaient les représailles probables du FLN. Et Yves Lacoste reproche à ces immigrés d'avoir tu à leurs enfants la véritable raison pour laquelle ils avaient quitté leur pays pour la France. Yves Lacoste est passé à France-culture pour parler de ce livre, dont malheureusement j'ai oublié le titre et qui, bien entendu , n'aura guère d'échos.
La question post-coloniale, chère Cassandre.
Utilisateur anonyme
23 juillet 2010, 12:54   Re : Conversation avec Cassandre, Introduction - IV
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je confirme, Cassandre, la grande qualité du livre de Yves Lacoste et conseille vivement sa lecture. S'agissant des messalistes, considérés commes des traitres par le FLN et assassinés par milliers en France et en Algérie, je crois que leur expérience de la défaite a été telle qu'ils l'ont intériorisée au point de ne pouvoir transmettre leur histoire aux nouvelles générations. D'une certaine manière, ils étaient dans une situation bien pire que celle des harkis car ils constituaient un concurrent direct et même une alternative au FLN. L'intériorisation de la stigmatisation existe aussi dans la génération suivante. Une de mes meilleures amies, née en France d'un père militant messaliste à Lyon assassiné sur le chemin de son travail à la fin des années 1950, m'a longtemps caché son histoire personnelle. Je crois que l'hégémonie de la version, ou plutôt de la légende dorée, du FLN était telle dans les années1970 et 1980 que cette histoire n'était pas dicible même par les descendants de militants messalistes. Une précision : la femme de Messali Hadj, mère du drapeau algérien apparu publiquement en Algérie en 1936, 1937, s'appelait Emilie Busquant.
23 juillet 2010, 13:44   Re : Les puritains du désert
Cette langue, comme pourrait l'attester son formidable essor au XVIIIe siècle, offre au monde cette curieuse et inaugurale particularité: elle est classique et moderne, et son essor dans ce siècle-là consacre la fusion de l'éloquence classique, cicéronienne, à la mécanique pratique et encyclopédiste de la machine à vapeur. Il n'est pas de meilleure langue pour décrire un dispositif mécanicien, quel qu'il soit. Cette langue éclaircit toutes les mécaniques, c'est son génie. Au dix-neuvième, elle continua, ses descriptifs des mécaniques sociales accompagnaient dans leur sérieux le ronflement hugolien et romantique que lui inspirait la même matière. Au fond, l'abolition de cette double souveraineté n'intervint que fort tard, après la Deuxième guerre mondiale, à l'apex du monstrueux, de l'inhumain et non-français XXème siècle.
Come no !. Et s'il fallait préciser en quoi, du point de vue de la langue, fut non-français le XXème siècle, on serait tenté de présenter l'addition au jargon de la psychologie dont le lexique et les tournures d'esprit se sont répandus dans le grand public, rendant obsolète une bonne quantité de mots, destinés jusque là à exprimer les sentiments, à commencer par le mot même de "sentiment", perfidement doublé dans les bouches par le "ressenti", les "ressentis". Des pans entiers de la panoplie lexicale qui servait à désigner les émotions, panoplie qui fut usuelle, ont été recouverts de papier peint médicalo-psychologico-chiatrique et voici qu'une ouvrière chargée de l'entretien des locaux n'a plus les reins en compote mais se déclare "en souffrance", tandis qu'une "pulsion de dépendance" inspire un amoureux. Une grille d'explication du monde a fait triompher son vocabulaire.

La syntaxe est bien sûr un élément frappant de la distorsion dans les prises de parole. Cependant, on peut aussi être très sensible aux disparitions lexicales, ou aux substitution de mots. On pourrait être prêt à se montrer indulgent à l'égard des tournures de langue, si elles ne s'accompagnaient pas d'une disparition lexicale. "Trop amène, le mec !"
Merci beaucoup, cher Marcel.
Utilisateur anonyme
23 juillet 2010, 17:33   Re : Sentiment / ressenti
C'est un fort beau mot que celui de sentiment, plein de noblesse, lié au coeur, à l'âme. Alors que celui de "ressenti" me fait penser aux tripes, à la vomissure. Ah ! N'avoir que des sentiments et jamais de ressenti, c'est le premier pas vers la noble in-nocence !
23 juillet 2010, 19:21   Le traducteur pessimiste
Le dix-huitième siècle, qui inventa cette langue, le français, était à la fois classique et latiniste d'une part et moderne, mécaniste, encyclopédiste, horloger, fasciné de mécanismes et déjà avide de machines d'autre part. Le français s'est effacé quand le siècle, le XXe donc, fut tout mécanisme et production, quand le descriptif et le justificatif de la machine ou de l'homme-machine devinrent des thèmes dépassés (il faudrait dire "topiques" mais je m'y refuse), il ne dirige plus la terminologie qui permet de décrire à des humains profanes, à des hommes de bien, les phénomènes mécaniques. C'est l'anglais qui commande désormais, langue chaude, qui fait partout ami-ami, se contente de toutes sortes de clins d'oeil, d'abréviations, d'élipses "je-me-comprends" pour avancer dans les démonstrations. Il m'a fallu une bonne demi-heure aujourd'hui pour trouver comment je devrais rendre coping strategies en français, qui est pourtant un concept au coeur des débats sur le réchauffement climatique, que celui-ci soit d'origine anthropique ou pas. J'ai du me résigner avec horreur à constater ce que ce concept échappait à la pensée de langue française. Par exemple, les élèves infirmiers, les urgentistes l'ont d'ores et déjà importé tel quel :"stratégies de coping face à la douleur des patients", etc.

Certains mémoires d'étudiants d'école de commerce nous parlent de "stratégies de faire face" pour coping strategies, soit un calque idiot de plus. D'autres, qui essaient de se raisonner, parlent de "stratégies d'ajustement" mais ne réussissent ainsi qu'à noyer le concept. Le concept échappe au génie de cette langue parce qu'il est né hors d'elle. Le français ne peut se l'approprier. Cette langue, si elle n'est pas la mère des concepts, se refuse à toute appropriation; autant parler alors n'importe quelle langue que le français, l'anglais d'aéroport faisant très bien l'affaire, pour tout ce qui doit son existence à une origine hors la sphère francophone. Il faudrait commencer par éliminer "stratégie", qui dans ce contexte sent les traités de psychologie commerciale des années 50 publiés outre-atlantique, et regarder l'affaire dans les yeux, puiser au génie premier de cette langue et oser une rupture sémantique, épistémologique, un bouleversement en forme de repensé: recours adaptatif ? mouais....mais alors personne, jamais, des lecteurs bilingues intervenant dans les sphères de la modernité n'en voudrait car trop peu ressemblant, pas assez morphologiquement cousin du terme et du concept anglo-saxons: il faut stratégie, le Maître du langage, le Créateur de concepts a parlé; lui obéir est impératif, et le français doit se plier aux goût des auteurs de "concepts"; dès lors qu'existe un consensus dans la "communauté scientifique" pour reconnaître au concept son caractère opérationnel et de référent absolu, il est devenu vain de traduire. Le français, au XVIIIe, ne se traduisait pas, il s'imposait, imposait sa voie naturellement, contraignant ses concurrents à s'y conformer. Comment le français pourrait-il alors revendiquer quelque traitement de faveur qu'il refusa tout naturellement aux langues condamnées à l'admirer et à le suivre lorsqu'il s'exprimait au faîte de sa gloire ?
Cher Francis,

Pardonnez-moi mais je n'ai pas du tout compris en quoi consistait le "strategie coping". Pouvez-vous, à temps perdu, m'en donner un exemple mis en situation ?
24 juillet 2010, 15:04   Re : Le traducteur pessimiste
I'm coping! Je me débrouille! Je fais avec! - Ca va Jean-Luc/Mohammed, avec ton bras en écharpe suite à ta chute d'échaffaudage et ta femme qui est partie en vacances avec les enfants en te laissant seul, tu arrives à t'en sortir ? Et pour ton ménage et ta vaisselle, tu fais comment ? --- Well...so far... I'm coping.

Face à l'adversité et au sort qui s'acharne sur vous ? Vous devez coping, vous comprenez ? En serrant les mâchoires. Recopiez-moi cent fois, je dois coping !

Et depuis le séisme d'Haïti, comment copent les populations ?

etc. etc... voyez... on est perdu. Impossible à un Français de copinguer avec coping.

Les glossaires et les dictionnaires disent: faire face, affronter, réagir avec cran, etc.; le GIEC, pour "coping stratégies" : "stratégies d'ajustement".

La communauté des traducteurs en ligne (proz.com) semble préférer : stratégies d'adaptation, qui est un terme emprunté à la psychologie scolaire (pouah!); il faut savoir qu'en anglais adaptive strategies existe par ailleurs comme concept d'anthropologie (I C I) spécifique, ce qui oblitère donc l'irritant idiotisme de notre coping. C'est ainsi que Coping, reste, quoi qu'on en fasse, les deux pieds englués dans le génie amorphe et visqueux, insaisissable et toujours chaud, de l'anglais international, de la soupe internationale.
24 juillet 2010, 17:09   Quedalling
De prime abord, j'en reste coi. Nous sommes tous les Monsieur Jourdain de cette prose. Tout ce qu'elle prétend dire, nous l'exécutons depuis des lustres sans le savoir. Le coping strategie ! Visez le Concept avec un grand Con ! Pauvres de nous ! Je vois dans ce lexique qui n'invente rien, à proprement parler, l'action délétère et incessante de nos bons amis les faux travailleurs dont nous sommes les truffes désignées. Ils pratiquent sur nous le truffing.

Bien sûr que c'est intraduisible, puisque c'est une nouvelle langue qui prétend remplacer toutes les autres. C'est elle qui traduit. Si, jusqu'ici, vous avez eu l'habitude de faire la sieste et que, soudain, des gros branleurs grassement payés, et prêts à faire semblant de "bosser" jusqu'à 75 ans, décident que désormais on appelera la station dans un hamac une "bulling strategy", vous êtes fait comme un rat.
Utilisateur anonyme
24 juillet 2010, 17:17   Re : Quedalling
(Message supprimé à la demande de son auteur)
24 juillet 2010, 19:26   Re : Quedalling
That's a bullying strategy, Orimont, bullying with a "y" !
24 juillet 2010, 19:48   Re : Quedalling
Souris, maille dire !
25 juillet 2010, 07:33   Re : Quedalling
C'est une langue à l'usage de qui n'en a jamais parlé aucune et, justement, on voudrait donner la parole à "qui" n'a jamais rien articulé.
25 juillet 2010, 11:48   Re : Quedalling
C'est la langue du monde dominant: accolez n'importe quoi à "stratégie" et vous y êtes, dans la soumission au management; avec "stratégie" en locomotive, tout fait concept.
25 juillet 2010, 15:37   Re : Quedalling
Citation
Francis Marche
C'est la langue du monde dominant: accolez n'importe quoi à "stratégie" et vous y êtes, dans la soumission au management; avec "stratégie" en locomotive, tout fait concept.

Et la « gouvernance », que dire de la « gouvernance » ? Je m'étais mis à compter les affiches de conférences, dans mon université, qui comprenaient ce mot... Quelle scie !

C'est d'ailleurs comme pour « c'est vrai que » : inflation du mot quand la chose disparaît...
Bien cher Orimont,

Par simple curiosité, pourriez-vous nous dire ce que les consultants vous ont fait pour que vous les poursuiviez d'une haine aussi tenace ?
25 juillet 2010, 17:29   Du taf dans le consulting
Cher Jean-Marc,

Ils n'ont jamais manqué de me faire la moraling, chaque fois que les hasards professionnels me les ont faits croiser et je ne leur ai jamais reconnu ce droit, eu égard au brassage de vent qui me semblait former le plus clair de leur activité.

Beaucoup plus généralement, si par "consulting" il faut entendre tout un tas de "métiers" parleurs - sans risque pris d'assumer les-dites paroles - il me semble que la plupart de ceux qui se livrent à ces activités, non seulement sont des inutiles, mais je les tiens responsables, secondés en cela par les psychologues de tout poil, leurs cousins germains et complices attitrés, de l'enlaidissement du langage, du lexique et de la syntaxe, c'est-à-dire à l'enlaidissement des échanges humains.

Que les exceptions à la règle, qui existent dans toutes les "catégories socio-professionnelles", veuillent bien me pardonner.
Utilisateur anonyme
25 juillet 2010, 18:29   Re : Du taf dans le consulting
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je verrais bien la version audio passer sur Radio Courtoisie...

... et un livre électronique tiré de ces conversations...
A ceux que cela pourrait intéresser ou amuser: pour General vulnerability and coping patterns, je propose "la vulnérabilité générale et les modalités de sa compensation".
Utilisateur anonyme
28 juillet 2010, 22:28   Re : Stratégie d'ajustement
Une partie du problème de traduction de coping strategies vient sans doute de la généralité du concept :

Citation

C'est un concept relativement récent, qui a été élaboré en 1978 par LAZARUS et LAUNIER.
« To cope with » signifie faire face à. Ce concept désigne « l'ensemble des processus qu'un individu interpose entre lui et un événement perçu comme menaçant, pour maîtriser, tolérer ou diminuer l'impact de cet événement, sur son bien être physique et psychologique. » Cette riposte qui est nommée coping stratégy par les Anglo-saxons, est connu sous le nom de stratégie d'ajustement dans la littérature française. [...]

Stratégie d'ajustement me semble donc être une définition correcte.

Quant à General vulnerability and coping patterns, j'aurai plutôt traduit par Vulnérabilité générale et modèles d'ajustement

Mais bon, c'est vous qui savez, cher M. Marche.
29 juillet 2010, 04:34   Re : Stratégie d'ajustement
Oui oui, excellent cher Côme. Cependant, la particularité de ce couple vulnerability et coping strategies est ici que ces dernières ont pour fonction de corriger la première, si bien qu'ajustement me paraît moins bien convenir que compensation. Mais bon, on ne va pas non plus manger ce fil du phorum avec ça.
29 juillet 2010, 11:35   Re : Stratégie d'ajustement
Quelle est l'étymologie du mot, cher Francis ? Est-ce du côté de "couvrir", ou de "couper" ?
29 juillet 2010, 11:55   Re : Quoi qu'on die...
Finalement, on n'est pas très loin des commodités de la conversation.

Au moment de payer ma baguette bio au quatre céréales, je pris conscience de la vulnérabilité générale de mon porte-monnaie mais les modalités de sa compensation ne tardèrent pas à se présenter à mon esprit au moyen de la mise en oeuvre d'une stratégie de séduction en direction de la boulangère.
En toute franchise, je vous répondrai mon cher Bernard que je ne me suis jamais penché sur la question de l'étymologie de ce mot et que "entre vous et moi et le bedpost" comme disent les Anglais, je m'en fiche un peu. Dans coping strategy il y a toute une philosophie, celle de l'empirisme subjectiviste anglo-saxon élégamment démonté et mis en pièce par Wittgenstein, si vous m'autorisez à vous dire le fond -- encore obscur, mais ce lieu étant un laboratoire, je laisse le soin à d'autres d'y porter leur éclairage s'ils le souhaitent -- de ma pensée. La forge managériale du concept managérial est alimentée par cet empirisme du comme-vous-subsumé-au-moi-je. Si vous souffrez, vous souffrez comme moi, si vous aimez, si vous vous "ajustez", vous le faites comme moi car je suis vous et je suis tous; tous les concepts peuvent décoller de mon expérience subjective pour vous décrire et décrire la vôtre expérience avec certitude et vérité, il suffit dès lors, pour que cette vérité vous subjugue et vous convainc que je sois, par ma parole, l'origine première du concept; tout concept originel devient ainsi un maître-concept auquel il vous reste à vous ajuster, justement, et l'auteur du maître-concept que je suis est votre maître, généreux, sympathique et se penchant sur votre destin armé, sinon de sagesse, du moins de tout le bienveillant appareil de savoir que je détiens sur votre intérieur et votre futur comme déjà l'on détient des parts dans une entreprise, une forge; vous êtes de votre être, un complexe de concepts forgés. C'est l'empire politique de la langue subjectiviste managériale qui sait pour vous ce que vous êtes, faites et ressentez. Voyez, si vous le voulez bien, en illustration, ce qu'il y aurait lieu d'en dire, à partir de l'oeuvre du philosophe autrichien:


Supposons que quelqu’un dise : “ Le tableau est vert. ” Pour un philosophe empiriste, “ Le tableau est vert ”, signifie que le tableau est de la couleur correspondant à la sensation de vert qu’il a présent dans son esprit et qu’évoque à chaque fois pour lui le mot “vert”, sensation par ailleurs qui est la même pour quiconque comprend le mot. L’explication de la signification que nous propose le philosophe empiriste -- ou de quiconque croit que la signification d’un mot est une expérience ou une idée interne et personnelle en principe incommunicable -- est de nature subjectiviste, au sens où elle renvoi à l’expérience personnelle et privée de chacun. Et il faut admettre que cette explication est plutôt étrange parce qu’elle fait appel à l’expérience de chacun qui est strictement personnelle et privée. Aussi, une question se pose de façon aiguë: comment pouvons savoir en toute certitude que nous avons bel et bien tous la même expérience interne personnelle de “ vert ” lorsque nous regardons le tableau au mur de la classe; ou la même expérience de “ douleur ”, quand, par exemple, nous sommes tenaillés par un terrible mal de dents ? Bon nombre d’étudiants répondraient que nous n’avons en fait aucun moyen de le savoir...

Nous sommes vraiment seuls et dans l’ignorance. L’explication subjectiviste conduit ainsi tout droit au solipsisme selon qui je ne peux jamais savoir avec certitude ce que les autres pensent ou expérimentent, et même qu’ils existent ! Pour tout ce que j’en sais, c’est que je suis le seul à percevoir, expérimenter; bref, à exister. Le subjectivisme conduit donc à cette position extraordinaire, à peine concevable : je suis le seul à exister; les autres ne sont peut-être au fond qu’une projection de soi...! Cette position est bien entendu absurde. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond en quelque part, et selon Wittgenstein, ce qui ne va pas c’est la théorie subjectiviste de la signification elle-même : croire que la signification des mots dans la langue soit “ insufflée ” pour ainsi dire par un acte interne et personnel du locuteur.
Ce laboratoire devrait être une contre-forge. Il faudrait qu'on y dise, pour qu'il soit laboratoire de vérité, sur ce petit point précis, par exemple que :

"Le Manager ayant subsumé en un concept stratégique certaines réactions de rats de laboratoire aux aspérités de l'existence (le coping, donc), voilà que l'auteur de ces réactions est fait comme rat (suivant le mot d'Orimont) et celui du concept institué Maître-des-Rats -- le logos managérial, dans chacun de ses actes, comme une scène indéfiniment répétée, rejoue cette prise de pouvoir; il ré-institue la relation maître-esclave par la fabrique de cocottes en papiers conceptuelles: plis, replis, plis, replis des stratégies et contre-stratégies mises en abîme, toutes étant l'émanation du même désir d'emballer l'existence en la désignant comme interprétable au travers de celle du Maître."
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