Le site du parti de l'In-nocence

Bon vent, aoûtistes !

Envoyé par Quentin Dolet 
31 juillet 2010, 01:10   Bon vent, aoûtistes !
"Les gens s'étonnent toujours que vous ne quittiez pas Paris l'été, sans comprendre que c'est précisément parce qu'ils le quittent que vous y restez."

Henry de Montherlant
31 juillet 2010, 08:41   Re : Bon vent, aoûtistes !
Ah c'est gentil, ça, Olivier ! Et savez-vous bien une fois où ils atterrissent, les aoûtiens, chair à méduses ?

Gloire à septembre en vue d'octobre !
Oui, c'est une belle citation, cher Olivier ; et l'on peut même remplacer Paris par n'importe quel toponyme, tant universelle est désormais la rage de se déplacer.
L'ennui, c'est que ce qu'écrit Montherlant n'est plus tout à fait vrai. C'est une citation typique de la France d'avant.

Ceux qu'on préfèrerait voir un peu moins, au mois d'août, à Paris, y restent eux aussi, désormais.
03 août 2010, 11:36   Re : Bon vent, aoûtistes !
"Ceux qu'on préfèrerait voir un peu moins" ? Mais on aimerait voir tout le monde un peu moins, à Paris. C'est en cela que la phrase de Montherlant est toujours d'actualité. Un peu d'espace supplémentaire dans les rames de métro, dans les supermarchés, sur les trottoirs; moins de voitures, donc moins de bruit; moins de voisins, donc moins de nuisances de tous ordres : quel luxe !
Bien sûr, bien sûr, mais ce qui était vrai du temps de Montherlant (1930, 1950, 1960...) l'est beaucoup moins.

Paris ne se vide plus au mois d'août dans les mêmes proportions.

Et j'ai bien le sentiment que si les moins nocents s'en vont toujours, les plus nocents, eux, ne bougent pas.

De sorte que ce qu'on voit à Paris depuis quelques jours n'est pas pour démentir la certitude renaud-camusienne
qu'il n'y a plus de vide, de silence, de possibilité de solitude, jamais, nulle part, et que la banlocalisation du monde
se poursuit à marche forcée, sans la moindre pause en été.

Dans les transports en commun, à Paris, vous avez encore durant l'année quelques employés moyens ou même
"cadres" qui parlent entre eux en français : bien ou mal, mais entendre encore l'idiome national à Parie réchauffe le
coeur. Au mois d'août, ces gens sont en vacances. J'ai pris l'autobus hier pour aller et revenir de mon travail. Je ne
traverse pas spécialement de quartiers dits "populaires". Pourtant je n'ai pas entendu autour de moi un mot de
français. Et entendons-nous bien : je n'étais pas entouré de touristes allemands ou japonais s'en allant voir la Tour
Eiffel.

Non, le Paris du mois d'août, quand on ouvre les yeux et les oreilles, sans se laisser abuser par des citations littéraires belles mais périmées, est encore plus accablant.

Et nous ne sommes que le 3. Tiendrai-je jusqu'au 31 ?

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PS : Bien entendu j'exagère un peu, à peine. Comme dit et écrit le Président du Parti de l'In-nocence, il n'est pas de
déclaration, opinion, affirmation, entièrement vraies. Ce qui ne les discrédite en rien. Il suffit que la part de vérité
soit plus significative que la part d'erreur ou d'approximation.
03 août 2010, 12:37   Re : Bon vent, aoûtistes !
Vous avez raison à propos de l'impossibilité du vide, mais quand même, je ne boude pas ce rafraichissement perceptible des Enfers.
Fidèle à mes habitudes de partage de mes lectures du moment, pour autant qu'elles croisent tel ou tel thème de ce forum, il n'aura pas échappé à la compagnie que je suis en train de lire un recueil de nouvelles de Drieu la Rochelle. Or donc, sur les vacances, les premières lignes de la nouvelle intitulée La femme au chien :

"J'ai horreur de la Côte d'Azur.
D'ailleurs, j'ai horreur de toutes les côtes. Imaginez qu'autrefois l'Europe était une presqu'île frangée de sauvagerie. Vous pouviez aller de la Norvège à la Dalmatie en suivant un désert à peu près continu de dunes, de grèves, de falaises où s'ébattaient les vents fous, chargés de rumeurs poétiques : les Européens n'allaient pas à la mer. Aujourd'hui, ils y vont. Certes, ils ont raison. Il était même grand temps qu'ils y aillent, car ils seraient bientôt morts d'étiolement au fond de leurs villes. Il était grand temps qu'ils s'élancent vers les plages - ou les pentes des montagnes - pour aspirer l'air vrai et renaître.

Mais ils ne sont qu'au début du temps nouveau. Et le réveil de leur instinct est encore grevé de toute la sénile laideur qui s'était, depuis des siècles, lentement apesantie sur eux. L'immense masse [en 1934 ?] qui rampe hors des villes transporte encore après elle ses tares et ses vices. S'étant poussée par le chemin de fer jusqu'au grand seuil, elle s'arrête, reconstruit la ville qu'elle a voulu fuir et y renferme son inertie. Les plages sont remblayées de casinos ; dans la mer crèvent les égouts.

[Le héros de cette nouvelle y va quand même, sur cette Côte d'Azur honnie (il travaille dans le cinéma)]

"Toute la jeunesse était dans les montagnes aux sports d'hiver ; il n'y avait là que les invalides. Et ce n'était partout que pierre, béton, ciment : entre cette masse écrasante et la mer survivait à peine un mince couloir de sable. Je songeai pour me consoler que les montagnes sont bien abimées, elles aussi."

_______

L'ennui avec ce genre de texte, c'est la date de sa composition : 1934, car on pourrait en dire autant aujourd'hui même et, par conséquent, on se prend à douter de nos impressions. Pierre, béton, ciment, montagnes abimées. En 1934 ? Ou bien, est-ce à dire qu'on peut toujours faire pire et, cependant, continuer à vivre ?
Il est à craindre que la dernière hypothèse soit la bonne.
Certainement. Mais si, d'après Drieu la Rochelle, il ne reste plus qu'un "mince couloir de sable" sur le littoral en 1934 et qu'à la même date les montagnes sont "abimées", que pourrait-il en être soixante-quinze ans plus tard ? Notre degré de tolérance se "cale-t-il" sur le changement de décor ? Si je feuillette des albums de photos des années trente montrant la Côte d'Azur et les montagnes des Alpes-Maritimes, j'ai peine à ne pas trouver que Drieu exagère, qu'il est, comme l'écrivait Francis "outrancier". Cependant de son point de vue à lui, il n'exagère pas : là où il n'y avait rien la première fois qu'il a connu cette région, il y découvre soudain trois casinos et cinq hôtels. A mon tour, aujourd'hui, de gémir après l'anéantissement de la Côte d'Azur et de ses montagnes et de trouver des plaintes encore mieux formulées sur la grande misère des paysages, toutes prêtes à être jugées un rien exagérées par nos lointains neveux. Des paysages ravagés en 2010 ? Franchement, ils exagèrent !
Utilisateur anonyme
03 août 2010, 22:44   Re : Quitter Paris
Il y a plein de régions quasi-désertes, ou en voie de l'être, en France où le sentiment d'isolement et d'ennui doit peser autant que le sentiment d'oppression suscité par les foules trop concentrées qui déferlent dans Paris et dans les autres mégapoles.Les grandes termitières humaines sont aussi destructrices pour l'équilibre de l'individu que la trop grande solitude dans une zone rurale qui se dépeuple. Reste le moyen terme : la ville à la mesure de l'homme. Je situe la fourchette de la ville idéale du point de vue de sa population entre 30'000 et 100'000 habitants. En-deçà, il faut disposer de bonnes ressources intérieures, au-delà commencent les problèmes de sécurité publique, d'enlaidissement urbain et d'absence de lien social entre les habitants indistincts les uns à l'égard des autres.
Je pense sérieusement qu'on peut aller jusqu'à 200 000.
Les zones rurales qui se dépeuplent, c'est terminé, le mouvement s'est inversé : je crois bien que même la Lozère regagne des habitants. Les réfugiés du Grand Remplacement, dont je m'apprête à faire partie, y sont sans doute pour quelque chose.

Mille ou deux mille habitants, pour la ville dont on a besoin dans les environs immédiats (magasins, services divers, médecins...), c'est très bien.
En disposant d'une vue et sans trop de lampadaires allumés toute la nuit, 1000 habitants me suffisent amplement.
04 août 2010, 00:53   Re : Bon vent, aoûtistes !
Et la région est très belle.
04 août 2010, 08:31   Re : Bon vent, aoûtistes !
Vous parlez de la Bretagne, Florentin ?
04 août 2010, 13:15   Re : Bon vent, aoûtistes !
J'adore la Bretagne, cher Marcel, mais je faisais allusion à l'arrière-pays niçois.
04 août 2010, 14:17   Re : Bon vent, aoûtistes !
Ah, pardon ! Oui, l'arrière-pays niçois est superbe.
Utilisateur anonyme
04 août 2010, 14:47   Re : Grand village heureux
Pas sûr que le dépeuplement rural soit achevé partout. Je reviens du sud de la Bourgogne, à la hauteur de Macon (région La Clayette). La région se dépeuple depuis la fermeture de l'usine Potain. Les jeunes partent faute de travail. On trouve des châteaux pour 300'000 euros et des maison restaurées ( non, non, pas massacrées, restaurées...) pour 130'000 euros. Les bocages et les collines sont superbes, les maisons de pierres rouges aussi. Mais, à la Clayette, plusieurs magasins sont fermés avec la mention "fermeture suite à départ à la retraite". Seuls les gîtes sont en plein essor, mais le tourisme dure deux mois par an, m'a-t-on dit, et l'hiver ce serait sinistre.

Quant à 200'000, cher Olivier, n'est-ce pas le parisien qui parle ? Annecy a à peine plus de 50'000 habitants; Avignon moins de 100'000. Berne, capitale de la Suisse, 130'000. Biarritz un peu plus de 30'000. Quant à mille ou deux mille habitants, je crains, cher Marcel et cher Orimont que vous ne trouviez aucun commerce, ni médecin dans de si petites agglomérations et encore moins de transports publics pour, l'âge venu et le permis de conduire restitué, vous permettre de vous rendre au prochain supermarché !
04 août 2010, 15:16   Re : Grand village heureux
Si vous m'offrez le château de La Clayette pour 300.000 euros, je l'achète immédiatement, cher ami bourguignon. Concernant les mille habitants, voici un exemple : je m'installe à deux pas de Pontrieux, dans les Côtes d'Armor, 1 116 habitants en 2006. Quand j'entends une voiture, c'est qu'elle vient chez moi ; pourtant, il faut trois minutes en auto, vingt minutes à pied pour descendre en ville. On y trouve deux boulangeries, une boucherie, un supermarché, un garagiste, deux pharmacies, deux coiffeurs, un marchand de vins et spiritueux, cinq ou six restaurants et crêperies, deux banques, deux taxis, une gare SNCF, deux cabinets médicaux, deux dentistes, un bar-tabac-marchand de journaux, un vendeur-réparateur de motoculteurs, vélos, motos et tondeuses, deux antiquaires, cinq galeries d'art, une grosse quincaillerie, une grosse jardinerie, quelques commerces divers (bibelots, fringues, articles de pêche, deux potiers, que sais-je), et le marché une fois par semaine. Il y a un hôpital à un quart d'heure et tous les grands commerces spécialisés à Saint-Brieuc, à trente-cinq minutes (mais on peut à peu près tout commander par Internet et se faire livrer à domicile). Au cours des deux semaines qui viennent de s'écouler, j'ai assisté à trois concerts dont un inoubliable par un chœur anglais et un vernissage d'exposition de sculptures.
Pontrieux... cela me dit quelque chose...

N'est-ce point là qu'Olida envisage de créer la fameuse "Méga-porcherie", avec 25000 porcs en stabulation libre ?
04 août 2010, 15:36   Crudel
Grouimph ! Grouiomph !
04 août 2010, 15:51   Re : Bon vent, aoûtistes !
Non loin de Pontrieux, vers l'est, vous avez le remple de Lanleff qui vaut le détour:

ce site
04 août 2010, 16:17   Re : Bon vent, aoûtistes !
Et l'église de Ker Maria juste à côté.

25.000 porcs vous dites ? Bah, une bagatelle pour la Bretagne.
04 août 2010, 17:31   Re : Bon vent, aoûtistes !
Cher Côme, il n'y a pas de Parisien en moi, je suis Bourguignon d'origine et j'ai vécu jusqu'à environ vingt-cinq ans dans une petite ville d'à peine 10 000 habitants. Il me semble qu'on peut rassembler 150 000 à 200 000 personnes dans une ville bien conçue, mais c'est un grand maximum, bien entendu.
Bien cher Marcel,


Voici une oeuvre d'art qui se nomme " L'in-nocence faisant barrage à qui vous savez ".

Elle est exposée au musée de Saint-Brieuc.

04 août 2010, 18:02   Re : Bon vent, aoûtistes !
On dirait qu'ils apprennent à nager.
Oui, l'autre titre est "Prémonition de l'Euro-Méditerranée".
Comment s'appelle l'artiste ?
Utilisateur anonyme
04 août 2010, 22:54   Re : Grand village heureux
Je suis évidemment sidéré que Pontrieux dispose d'autant de commerces et de possibilités avec un nombre d'habitants aussi réduit, cher Marcel Meyer. Mais sans doute que l'endroit est très touristique et que le nombre de résidents est beaucoup plus élevé, une partie de l'année. que celui des habitants y ayant leur domicile principal. N'est-il pas vrai également que Pontrieux est un peu au centre d'une région et que les habitants des villages avoisinants s'y rendent pour leurs achats et autres nécessités de tous ordres ? Mais, bon je dois bien admettre que votre exemple est bien intéressant et qu'il contredit mes présupposés..

P.S. Je ne crois pas que le château de La Clayette soit à vendre et certainement pas à ce prix. C'est un très beau et grand château avec un magnifique étang.
05 août 2010, 10:02   Re : Grand village heureux
Vous avez raison, Pontrieux (tiens, j'avais oublié le marchand de chaussures) est la capitale d'un canton assez vaste et peuplé. Il y a un peu de tourisme, mais pas tellement plus qu'en Bourgogne. J'étais l'autre jour au fest noz (je ne le comptais pas dans les concerts) ; il est paraît-il relativement connu en Bretagne. Il y avait plusieurs centaines de danseurs et fort peu de touristes. Ceux-là, on les reconnaissait très bien au sourire un peu niais qu'ils arboraient en regardant les danseurs (au début, je me suis surpris avec le même, allez), voire, horreur suprême, en s'essayant à participer aux vastes rondes, velléités heureusement rares et éphémères car sombrant vite dans le ridicule. Les Bretons ne souriaient pas avec cet air d'attendrissement ébahi des touristes, ils étaient à la fois sérieux et gais, dansant avec beaucoup de concentration et, de temps en temps, éclatant de rire. Parmi eux, il y avait un Noir, grand escogriffe dégingandé de revue illustrée de jadis, tout en dents blanches révélées en permanence par un immense sourire, extatique lui. Il savait les pas et, au bras de sa belle et sérieuse bretonne, dansait gavottes et scottish fort bien quoique de façon un peu agitée, un peu outrée : je m'attendais à tout moment à le voir entonner un air de Joséphine Baker en roulant ses billes de loto. Un immigré à l'ancienne en somme, tout à fait intégré et accepté le plus naturellement du monde, sans qu'on en fasse tout un plat. La Bretagne est vivante mais pour combien de temps ? Il y avait très peu de jeunes gens. Je suis sorti de là ému et un peu triste.
La Bretagne est vivante, mais le(s) breton(s) est mort, malheureusement.
05 août 2010, 16:03   Re : Grand village heureux
Pas tout à fait, cher Virgil, il bouge encore un peu. Ici, on entend encore de temps en temps des échanges en breton dans la rue et dans le bourg voisin de Ploëzal, il y a une classe bilingue à l'école dont les effectifs vont doubler à la rentrée.
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