Le site du parti de l'In-nocence

Cet inconnu

Envoyé par Quentin Dolet 
23 mai 2008, 23:49   Cet inconnu
Encore une anecdote. Qu'on veuille bien m'excuser de faire ainsi étalage de mes petites "expériences vécues", mais celle-ci, bien que malheureusement très banale d'un certain point de vue, ne manquera pas d'intéresser les victimes régulières de la reductio ad hitlerum.

Je situe rapidement le contexte de la scène : chaque semaine, à mon travail, je fabrique un planning de l'accueil au public et je l'affiche à l'étage. J'y ajoute à chaque fois, en bas de page, une date de l'histoire des sciences (je travaille dans le département des collections scientifiques), en guise de distraction sérieuse.

Cette semaine, j'ai choisi de mentionner la date de naissance d'Alexis C. (excusez-moi, je préfère ne pas écrire le nom du Mal Absolu, par peur des représailles), biologiste et médecin, récompensé par le prix Nobel de médecine en 1912, connu pour son ouvrage sur un illustre inconnu, et... et... pour ses thèses eugénistes (certes, mais quelles thèses eugénistes?)

A vrai dire je n'avais pas un souvenir très précis desdites thèses, mais il me semblait que l'oeuvre de monsieur C. n'était point dépourvue de tout intéret scientifique. Il n'y avait réellement aucune volonté de provocation de ma part. En toute bonne foi, je ne pensais pas qu'elle pût être réduite à Hitler, au nazisme, ni, bien évidemment, que ces deux petites lignes relevassent de l'insulte aux victimes de la Shoah. Et pourtant...

Je reçois un message une heure après la publication du planning. Son expéditeur s'étonne de voir mentionner l'anniversaire (sic) d'Alexis C. sur le document. "Connait-on vraiment le "dossier"?" demande-t-il.

Entre temps, mon collaborateur direct, qui lui aussi a reçu le message, est venu me voir et me demande : "alors, tu as vu qu'il y avait un problème avec le planning?" Je pense d'abord qu'il plaisante et je me gausse : "ah oui, ça! ah ah! Incroyable! La bien-pensance dans toute sa splendeur!" Mais le collègue devient tout rouge : non, il ne s'agit aucunement de bien-pensance à ses yeux, au contraire! Il est du même avis, cet Alexis C. est un eugéniste, un sympathisant du régime nazi, qui voulait gazer les infirmes. Cette mention doit être supprimée. Je continue à lui répondre sur un ton moqueur. Il s'échauffe, va voir un autre collègue, avec lequel je m'entends plutôt bien, peut-être pour lui dire de me ramener à la raison.

Le collègue rentre dans le bureau, excité, presque joyeux : "Mais t'es fou! Pourquoi t'as fait ça? Tu sais qui c'est C.? Eugénisme, nazisme, etc.". Ils parviennent à m'enerver, je suis tendu, l'heure n'est plus vraiment à la plaisanterie. J'essaie de leur faire comprendre que cette petite rubrique en bas de page n'a d'autre but que d'indiquer une date, que ce n'est pas mon coup de coeur de la semaine, et que rien n'interdit d'évoquer Alexis C. dans un cadre purement informatif, qu'à ce comte-là Heidegger... Mais rien n'y fait. On me somme de retirer le nom maudit, je refuse. "Tu ne peux pas donner ce nom sans préciser au moins qu'il est resté dans l'histoire pour ses thèses racistes. Quand même, le PPF dans les années 40! Participation au régime de Pétain! Les rues C. sont renommées dans toute la France, grâce aux interventions du Mrap et de ras-le-Front! Tu ne peux pas passer ça sous silence. C'est un choix, tu as fait un choix, donc tu engages tout le département. Tu engages l'Etat. C'est très grave."

Voilà où nous en sommes.
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 00:10   Re : Cet inconnu
La semaine prochaine, essayez de rattraper le coup avec Lyssenko...
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 00:58   Re : Cet inconnu
" Il s'échauffe, va voir un autre collègue, avec lequel je m'entends plutôt bien, peut-être pour lui dire de me ramener à la raison. "


Je peux me tromper mais on dirait bien que la contagion mimétique commence de se répandre... : "Tous contre Olivier !, à mort !!!"
24 mai 2008, 00:59   Re : Cet inconnu
Non, j'essaierai plutôt Lindbergh.

Mais qu'importe, puisque tous ces noms ne sont qu'un seul et même nom, celui de la Bête?
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 09:39   Re : Cet inconnu
Quand on sait le succès mondial de son livre L'homme. c'est inconnu, on comprend qu'à l'époque ses thèses rencontraient une large approbation. L'eugénisme positif a été largement pratiqué à cette époque, notamment aux Etats-Unis et il y a même eu un arrêt de la cour Suprême qui considérait que cette "méthode" n'était en rien blâmable. Autres temps, autres moeurs.

Mais rassurez-vous, cher Olivier, dans cinquante ans, l'histoire vous rendra justice et vous serez l'un des martyrs de la reductio ad hitlerum.
24 mai 2008, 11:53   Re : Cet inconnu
Merci de votre soutien Cher Corto!
On voit bien s'appliquer, dans le cas d'AC, le mécanisme d'"épuration éthique" par lequel tout grand homme du passé peut être condamné à l'opprobre générale sur la base d'une seule ligne écrite de sa main, d'un seul mot prononcé par sa bouche.

Les thèses eugénistes d'AC tiennent sur deux paragraphes de l'Homme, cet inconnu. Elles n'ont bien entendu rien de sympathique, mais avant la fin de l'Histoire, il n'y avait rien, ni personne de sympathique. Ses soi-disant affinités avec le régimen nazi n'ont rien de si évident, il faut vraiment les chercher pour les trouver, et même les "preuves" qu'on nous présente ne sont guère convaincantes. Mais dans le "dossier", ce sont déjà des preuves accablantes d'impureté.

Il existe encore (au moins) une clinique qui porte son nom en France. Que fait le Mrap?

Bêtise insondable de l'anachronisme!
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 12:22   Re : Cet inconnu
Les thèses eugénistes d'AC tiennent sur deux paragraphes de l'Homme, cet inconnu. Elles n'ont bien entendu rien de sympathique, mais avant la fin de l'Histoire, il n'y avait rien, ni personne de sympathique. Ses soi-disant affinités avec le régime nazi n'ont rien de si évident, il faut vraiment les chercher pour les trouver, et même les "preuves" qu'on nous présente ne sont guère convaincantes.

Cela dit, lorsqu'Alexis Carrel écrit ceci en 1935 dans L'Homme cet inconnu, il y a tout de même de quoi être un peu troublé :

"Nous ne ferons disparaître la folie et le crime que par une meilleure connaissance de l'homme, par l'eugénisme, par des changements profonds de l'éducation et des conditions sociales. Mais en attendant, nous devons nous occuper des criminels de façon effective. Peut-être faudrait-il supprimer les prisons. Elles pourraient être remplacées par des institutions beaucoup plus petites et moins coûteuses. Le conditionnement des criminels les moins dangereux par le fouet, ou par quelque autre moyen plus scientifique, suivi d'un court séjour à l'hôpital suffirait probablement à assurer l'ordre. Quant aux autres, ceux qui ont tué, qui ont volé à main armée, qui ont enlevé des enfants, qui ont dépouillé les pauvres, qui ont gravement trompé la confiance du public, un établissement euthanasique, pourvu de gaz appropriés, permettrait d'en disposer de façon humaine et économique. Le même traitement ne serait-il pas applicable aux fous qui ont commis des actes criminels? Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à l'individu sain".

(L'Homme, cet inconnu, chapitre : Le développement de la personnalité)
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 12:32   Re : Cet inconnu
Oui, c'est troublant, en effet. Je savais bien que ce peintre raté d'Hitler n'avait pas pu trouver cela tout seul.
Finalement, cher Olivier, je me demande s'il ne faudrait pas éviter de fêter l'anniversaire de l'inspirateur français des camps de concentration nazis ? On a déjà assez de problèmes comme cela !
24 mai 2008, 12:38   Re : Cet inconnu
Merci pour cet extrait, je pense d'ailleurs que nous tenons là l'une des "preuves" principales du dossier.

Que le projet eugéniste de Carrel soit répugnant à maints égards, cela ne fait aucun doute à mes yeux.

Nous sommes toutefois en présence d'un cas fréquent dans les années 30 et 40, à savoir la fascination d'un théoricien anti-démocratique et "réactionnaire" au sens le plus général du terme pour les régimes fascistes, dont il n'est que partiellement proche (d'abord parce qu'il n'en connait pas encore toute l'atrocité) - pour ne pas dire que cette affinité était dans la plupart des cas un fourvoiement complet.

En outre, cette dérive biocratique n'ôte rien aux mérites de Carrel en matière de recherche médicale.
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 12:46   Re : Cet inconnu
Il ne faut pas oublier qu'une bonne proportion des leaders d'opinion, des politiques, des penseurs et des scientifiques ont, suite à la crise économique de 1929 et à la misère qui en est résultée, douté du modèle démocratique libéral et ont cru sincèrement que d'autres modèles politiques et économiques devaient être élaborés.
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 12:58   Re : Cet inconnu
En outre, cette dérive biocratique n'ôte rien aux mérites de Carrel en matière de recherche médicale.

Certes, mais Carrel n'est pas seulement ici la victime de la bien-pensance, comme vous l'affirmez de façon selon moi un peu rapide, en relativisant ce que vous appelez de façon dubitative des "preuves", lesquelles sont des citations du texte de Carrel, et non pas des fabrications calomnieuses, comme vos guillemets pourraient le laisser supposer.
24 mai 2008, 13:15   Re : Cet inconnu
Si l'on s'en tient à l'extrait, Cher Alexis, en quoi peut-il être avancé comme preuve d'une adhésion officielle de Carrel au régime nazi? Car c'est bien ça qui nous occupe.
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 13:43   Re : Cet inconnu
Car c'est bien ça qui nous occupe.

Le problème n'est pas selon moi la question de l' "adhésion officielle" au régime nazi : ce qui me préoccupe, c'est qu'un grand médecin présente comme une solution "humaine et économique" le gazage des délinquants et des fous. A côté de cela, le fait qu'il soit proche ou pas de tel ou tel mouvement ou régime me semble secondaire.
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 13:48   Re : Cet inconnu
Bon, c'est Wiki, mais cela peut peut-être contribuer au progrès du débat :

Citation

Après un temps d'oubli, le rôle et la personnalité d'Alexis Carrel furent à nouveau objets de polémiques, lorsque Bruno Mégret le cita comme le « premier Français vraiment écologiste » lors d'une controverse avec les Verts sur la politique d'immigration (1991). Il s'ensuivit alors un débat, lors duquel Alexis Carrel fut accusé d'avoir été complice des théories nazies. Ses thèses eugénistes, ses liens avec Philippe Pétain, avec Charles Lindbergh, aux sympathies nazies bien connues, et surtout un extrait d'une traduction de la préface à l'édition allemande de L'Homme, cet inconnu, en 1936 : « En Allemagne, le gouvernement a pris des mesures énergiques contre l'augmentation des minorités, des aliénés, des criminels. La situation idéale serait que chaque individu de cette sorte soit éliminé quand il s'est montré dangereux » tendraient, selon certains auteurs[5],[6] à confirmer un soutien d'Alexis Carrel aux politiques nazies. Cette thèse fut reprise en 1996 par Patrick Tort et Lucien Bonnafé, qui publient (L'Homme cet inconnu ? Alexis Carrel, Jean-Marie Le Pen et les Chambres à gaz), dans lequel ils font le lien entre les positions de Carrel en faveur de l'eugénisme et de l'euthanasie des criminels et le Programme T4 du régime nazi.

Cependant, pour le professeur René Küss, membre de l'Académie de chirurgie, ancien président de la Société française de transplantation, « reprocher à Carrel d'être l'initiateur des chambres à gaz nazies est une escroquerie historique[7]. »

Quoi qu'il en soit, à la suite de pétitions[8] initiées pour certaines par des mouvement d'extrême gauche[9] et antiracistes[10], la faculté de médecine de l'Université Lyon I Alexis-Carrel — faisant partie de l'Université Claude-Bernard — fut rebaptisée en 1996 R.T.H. Laënnec (René-Théophile-Hyacinthe Laennec) et plusieurs noms de rues de municipalités portant son nom furent débaptisées[11].


5. ↑ L'affaire Alexis Carrel, un Prix Nobel précurseur des chambres à gaz par Didier Daeninckx.
6. ↑ La folie au naturel, L'Harmattan, Paris, 2005 [prés. en ligne]
7. ↑ Le Figaro, 31 janvier 1996.
8. ↑ Notamment par la Ligue des droits de l'homme
Parmi les signataires d'une des pétitions, on trouve entre autres Georges Charpak, Serge Klarsfeld, Pierre Bourdieu, Françoise Héritier, Maurice Rajsfus, Serge Ravanel, etc.
9. ↑ Les enjeux de l'affaire Carrel, Ras l'Front, juillet-août 1993
10. ↑ [pdf] « Pourquoi débaptiser les rues Alexis Carrel ? », communiqué du MRAP, février 2001
11. ↑ Médecine Sciences
24 mai 2008, 14:40   Re : Cet inconnu
Et pour quels travaux obtint-il le prix Nobel ?
24 mai 2008, 16:35   Re : Cet inconnu
"Quant aux autres, ceux qui ont tué, qui ont volé à main armée, qui ont enlevé des enfants, qui ont dépouillé les pauvres, qui ont gravement trompé la confiance du public, un établissement euthanasique, pourvu de gaz appropriés, permettrait d'en disposer de façon humaine et économique. Le même traitement ne serait-il pas applicable aux fous qui ont commis des actes criminels?"

Je ne connais pas grand-chose à cette affaire, mais quand je lis cela, je pense davantage à la peine de mort par le gaz telle qu'elle était pratiquée dans certains Etats des Etats-Unis qu'aux chambres à gaz allemandes ; même lorsqu'il l'envisage pour les fous, il le justifie par le crime, pas par la folie en elle-même. Or la peine de mort pour les crimes les plus graves était à l'époque acceptée de façon quasi-universelle. Chez les nazis, faut-il le rappeler, la chambre à gaz était le moyen du massacre collectif des fous en tant que fous, des Juifs et des Tziganes en tant que Juifs et Tziganes.

Il faut peut-être aussi se rappeler le fait que de nombreux Etats ont pratiqué jusqu'en 1945 diverses formes d'eugénisme. La Suède a par exemple beaucoup pratiqué les stérilisations. L'eugénisme était, dans son principe, accepté par la plupart des groupement d'idées, les Eglises exceptées.

Peut-être convient-il ici davantage de juger une époque qu'un homme.
24 mai 2008, 16:38   Re : Cet inconnu
Encore du Wiki Cher Virgil :

"Il obtint le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1912 grâce à ses travaux sur la chirurgie thoracique et sur la culture de tissus. Il développa de nouvelles techniques de sutures vasculaires, et fut un pionnier de la transplantation d'organes."

En ce qui concerne la question d'une éventuelle adhésion de Carrel au Parti nazi, ou du moins à ses thèses, effectivement nous pouvons à la rigueur la considérer comme secondaire, ses écrits devant nous suffire. Il n'est toutefois pas indifférent de savoir si, oui ou non, Carrel était véritablement proche des milieux nazis lorsqu'on débat avec les adeptes de l'épuration morale dont je parlais plus haut. D'après A. de Benoist - oui je sais, je n'ai pas de source plus sûre - il aurait manifesté une vive opposition au nazisme.

La preuve étant apportée de l'eugénisme franc et net de Carrel, cet eugénisme étant replacé dans son contexte historique, devons-nous pour autant considérer ses dates de naissance et de mort comme n'ayant pas lieu d'apparaitre dans une chronologie de l'histoire des sciences?
24 mai 2008, 16:45   Re : Cet inconnu
Peut-être convient-il ici davantage de juger une époque qu'un homme.

Absolument.
Utilisateur anonyme
24 mai 2008, 19:51   Re : Cet inconnu
Oui, je pense que Marcel Meyer a judicieusement raison.
24 mai 2008, 22:46   Re : Cet inconnu
"Oui, je pense que Marcel Meyer a judicieusement raison."

Comme presque toujours.
25 mai 2008, 00:59   Re : Cet inconnu
Citation
C'est un choix, tu as fait un choix, donc tu engages tout le département. Tu engages l'Etat. C'est très grave."

On ne peut être qu'impressionné par la réussite totale du progresso-marxisme qui est parvenu en deux générations à faire disparaitre du champ mémoriel des pans entiers de notre histoire.

Le tabou du "reductio ad hitlerum" est d'une telle force qu'il me laisse coi et on ne peut qu'être choqué par la réaction disproportionnée des collégues d'Olivier.

Car cette mention de la date de naissance d'A. Carrell sur le planning n'est qu'une broutille. La peur qui saisit le personnel de la bibliothéque à l'idée que l'on pourrait les prendre pour des réactionnaires ou des gens d'extrème-droite est symptomathique. Nous vivons en régime dictatorial.
Utilisateur anonyme
25 mai 2008, 11:59   Re : Cet inconnu
C'était aussi l'époque de la vivisection, pratiquée ouvertement, et évidemment par Alexis Carrell, dans des conditions atroces (jusqu'aux années septante environ). Cela donne une teinte qui aide à la compréhension du contexte me semble-t-il.
25 mai 2008, 19:21   Re : Cet inconnu
L'eugénisme a été pratiqué à grande échelle en Suède, entre autres gouvernements, par des socio-démocrates, et bien avant que les socialistes nationaux ne l'instituent en Allemagne. Il a même été recommandé par des penseurs socio-démocrates "de gauche". Allende a justifié cela dans la thèse qu'il a soutenue pour obtenir le grade de docteur. Au moins, Carrel, même s'il s'est montré favorable aux thèses eugénistes, ne les a pas appliquées, ni n'a jamais recommandé de les appliquer. Il peut lui être reproché d'avoir été proche de Doriot et sans doute partisan de la politique de collaboration avec l'Allemagne. Mais pourquoi ne pas étendre ce même ostracisme à tous ceux qui ont partagé ses idées ou qui ont fricoté avec les Allemands ? Combien de rues, places, établissements, etc. faudra-t-il débaptiser ? Pourquoi s'arrêter à ceux qui ont eu des tendresses pour Hitler ? Et ceux qui ont vénéré Staline, Lénine, Mao, Castro, Pol Pot, etc. pourquoi citer leur nom, pourquoi les honorer, pourquoi ne pas marteler les plaques de rues ou de places qui portent leur nom ?
25 mai 2008, 21:10   Hitler et Staline
Je persiste à considérer qu'il y a de grandes différences entre Hitler et Staline.
Utilisateur anonyme
25 mai 2008, 21:25   Re : Hitler et Staline
Je persiste à considérer qu'il y a de grandes différences entre Hitler et Staline.

Moi aussi, cher Jmarc, et pour en revenir à Carrel, une phrase comme celle-ci : "Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à l'individu sain." continue à me faire froid dans le dos. Mais il y a le contexte, l'époque, la crise économique, la bien-pensance, la Suède, Allende : enfin, je préfère ne pas insister.
Utilisateur anonyme
25 mai 2008, 22:09   Re : Staline, cet inconnu
Citation

Je persiste à considérer qu'il y a de grandes différences entre Hitler et Staline.

Vous voulez dire que Staline est un tyran bien pire qu'Hitler, sans doute ?

Citation

Staline ayant pris la succession de Lénine, il abandonne peu à peu la direction de type collégiale pour progressivement imposer, en s'appuyant sur la bureaucratie née lors de la guerre civile, une dictature totalitaire. Un régime de pouvoir personnel absolu est mis en place progressivement[6], processus achevé à la fin des années 1930.

Peu porté à l'internationalisme de Lénine et de Trotski, Staline théorise sa politique sous le nom de marxisme-léninisme et de socialisme dans un seul pays. Presque jamais sorti de Russie, méprisant envers le Komintern (« la boutique »[7]), il ne croit pas à une révolution mondiale qui n'en finit pas de se faire attendre, et veut compter sur les seules forces de l'Union Soviétique. Il ne croit plus non plus à une NEP à bout de souffle (rétablissement du rationnement, 1928) et qui exige du temps pour moderniser l'URSS. Hanté comme tous les bolcheviks par la possibilité d'une prochaine confrontation avec les pays capitalistes, il veut accélérer à tout prix la modernisation industrielle pour s'y préparer. C'est le sens de son fameux discours au XVIe Congrès du Parti (juin 1930) où il martèle que « chaque fois que la Russie a été en retard, nous avons été battus ». D'où, à partir de fin 1928, la priorité absolue que Staline accorde à l'accumulation du capital par pressurisation de la paysannerie (jusque là ménagée par la NEP), au développement « à toute vapeur » des moyens de production et de l'industrie lourde.

De 1929 à 1933, Staline impose donc avec violence la collectivisation forcée des terres à des campagnes qui y sont très largement hostiles. Il livre en fait ce qui est peut être considéré comme la dernière guerre paysanne de l'histoire européenne. En 1934, l'objectif est atteint, mais à un prix terrifiant : la moitié du cheptel abattu sur place par les paysans, les riches terres à blé d'Ukraine et d'autres régions ravagées par la famine de 1932-1933 (au moins 4 à 5 millions de morts) que Staline n'a rien fait pour empêcher même en admettant qu'il ne l'a pas délibérément provoquée, d'innombrables violences, morts ou destructions, fuite anarchique de 25 millions de campagnards vers des villes vite surpeuplées, plus de deux millions de prétendus Koulak (paysans supposés « riches ») déportés par familles entières en Sibérie et abandonnés sur place à leur sort[8]... Le système des kolkhozes et des sovkhozes permet à l'État d'acheter à vil prix les récoltes et de financer l'industrialisation. Mais devant la résistance passive des paysans (sous-productivité systématique), Staline leur concède un lopin privé de terre en 1935 : à la fin de la décennie, ces derniers produisent 25 % des récoltes sur 3 % des terres, et la majorité des fruits et légumes d'URSS ainsi que 72 % du lait et de la viande[9]. La Russie, premier exportateur de céréales du monde sous les tsars, devient définitivement pays importateur. À Winston Churchill, Staline dira que la collectivisation représenta pour lui une épreuve « pire que la guerre ». Selon Anne Applebaum, si Staline a brisé la continuité de l'histoire russe, c'est bien dans les campagnes.

Parallèlement, en 1928, Staline crée le Gosplan, organisme d'État rigide chargé de veiller au bon fonctionnement d'une planification impérative et très ambitieuse. Le premier plan quinquennal (1928-1933) fait de l'URSS de Staline une dictature productiviste vivant dans l'obsession d'accomplir et de dépasser des normes de production toujours rehaussées. Staline rétablit le salaire aux pièces et le livret ouvrier, allonge la journée de travail, encourage la naissance d'une nouvelle aristocratie ouvrière en patronnant le mouvement stakhanoviste (1935) et fait punir d'envoi au Goulag tout retard répété de plus de 10 minutes. En quelques années, le pays change radicalement d'aspect et se couvre de grands travaux en partie réalisés par la main-d'œuvre servile du Goulag : métro de Moscou, villes nouvelles, canaux, barrages, énormes usines… Mais le prix est tout autant démesuré : gouffre financier, inflation, gaspillages, travaux bâclés à l'origine du « mal-développement » dont l'URSS périra en 1991. Le sacrifice délibéré des industries de consommation et la pression exercée sur la classe ouvrière font que sous le Premier Plan, le niveau de vie des ouvriers soviétiques baisse de 40 %[10].

À partir de 1934, un tournant réactionnaire est également effectué dans le domaine des mœurs : interdiction de l'avortement (certes aussi interdit dans tous les autres pays), rétablissement des peines de prison contre les homosexuels (ce qui était également pratiqué dans quelques pays occidentaux), culte de la « famille socialiste ». Staline restaure aussi le titre de maréchal, revient au nationalisme grand-russe, à l'académisme dans l'art, à la libre consommation de la vodka. Enfin, dès 1935, Staline ramène l'âge limite pour la condamnation à mort à 12 ans.

Certains marxistes se réclamant de Lénine s'opposent alors au marxisme-léninisme de Staline : les trotskistes dénoncent la dictature à l'intérieur du Parti, les bordiguistes dénoncent la politique économique de Staline comme une forme de capitalisme d'État. Voir Procès de Moscou. En 1938, Trotski fonde la IVe Internationale rassemblant tous les partis trotskistes. Il est assassiné par Ramon Mercader, un agent de Staline, en 1940 au Mexique.

Au XVIIe Congrès du PCUS, dit Congrès des Vainqueurs (février 1934), les pires difficultés du Grand Tournant semblent passées. Le nom de Staline est acclamé et cité plusieurs dizaines de fois dans chaque discours. Lui-même multiplie les signes d'apaisement envers les anciens opposants et de libéralisation pour la société soviétique. Mais il mesure aussi la persistance sourde des critiques à son encontre : il n'est réélu au Comité Central qu'en dernier de la liste, son nom étant rayé plus d'une centaine de fois[11]. Le but des Grandes Purges sera notamment d'anéantir les dernières potentialités de résistance au sein du Parti et de la population.

Les Grandes Purges, refondation définitive du pouvoir de Staline [modifier]
Staline en 1935
Staline en 1935

Le 1er décembre 1934, Staline apprend l'assassinat à Leningrad de son familier Kirov, chef du Parti de la deuxième capitale du pays. Il semble établi aujourd'hui qu'il n'a pas organisé lui-même cet attentat, dû à un jeune révolté, mais il exploite tout de suite l'évènement pour relancer une campagne de terreur. Le soir même, il fait promulguer un décret suspendant toutes les garanties de droit et rendant sans appel les sentences de mort prononcées par les juridictions spéciales du NKVD. Il débarque en personne à Leningrad et en fait déporter des milliers d'habitants.

En août 1936, le premier des trois procès de Moscou engage la liquidation physique de la vieille garde bolchevique. Staline se débarrasse définitivement de ses anciens rivaux des années 1920, déjà vaincus politiquement depuis longtemps.

Au-delà, il entreprend de remplacer ceux qui l'ont soutenu et aidé dans les années 1920-1930 par une nouvelle génération de cadres. Les jeunes promus de la « génération de 1937 » (Khrouchtchev, Beria, Malenkov, Jdanov, Brejnev, etc.) n'ont connu que Staline et lui doivent tout. Ils lui vouent un culte sans réserve, là où la précédente génération voyait davantage en Staline son patron ou un primus inter pares qu'un dieu vivant, et n'hésitait pas à le critiquer parfois avec loyauté mais franchise[12]. Entre 1937 et 1939, Staline planifie l'élimination de la moitié du Bureau Politique, des trois quarts des membres du Parti ayant adhéré entre 1920 et 1935, etc. La Terreur n'épargne aucun organisme : des coupes claires frappent ministères, Gosplan, Komintern, Armée rouge et même à terme… l'encadrement du Goulag et les policiers du NKVD.
Avant
Après
Nikolaï Iejov, chef suprême du NKVD est tué en 1940. Il est alors effacé des archives par la censure

Les Grandes Purges permettent également à Staline d'éliminer radicalement tous les éléments socialement suspects et tous les mécontents suscités par sa politique. Alors que les tensions diplomatiques s'accumulent en Europe depuis l'avènement d'Adolf Hitler, et que le déclenchement de la guerre d'Espagne en juillet 1936 fait craindre l'irruption d'un nouveau conflit général, Staline entend éliminer tout ce qui pourrait constituer une « cinquième colonne » de l'ennemi en cas d'invasion. Une série d'opérations frappent par centaines de milliers les dékoulakisés appauvris par la collectivisation, les vagabonds et marginaux engendrés par cette dernière, les anciens membres des classes dirigeantes et leurs enfants, tous les individus entretenant ou ayant entretenu des relations avec l'étranger (corps diplomatique, anciens combattants d'Espagne, agents du Komintern, et, ainsi que le montre Robert Conquest, jusqu'aux espérantistes, aux philatélistes et aux astronomes !).

À plus court terme, Staline fournit aussi à la population des boucs émissaires aux difficultés du quotidien, en rejetant tout le mal sur une pléthore de « saboteurs ». Il règle ses comptes avec les techniciens et les spécialistes compétents, qui ont souvent osé contredire ses directives et ses objectifs irréalistes, et dont il se méfie depuis toujours en raison de leur faible présence au Parti ; il les remplace par une génération de nouveaux spécialistes issus des couches populaires et qui, formés sous le Ier Plan, n'ont connu que la révolution et son régime. Il brise aussi les réseaux clientélistes et les fiefs géographiques ou ministériels que se sont constitués les membres du gouvernement et du Politburo, ou bien, à tous les échelons, les responsables du Parti et les chefs de Goulag. Il entretient plus largement une atmosphère de suspicion généralisée qui brise les solidarités amicales, familiales ou professionnelles[13].

Pareillement, Staline considère que les minorités nationales frontalières sont par définition suspectes : aussi ordonne-t-il la déportation de centaines de milliers de Polonais et de Baltes, ou le transfert en Asie centrale de 170 000 Coréens. Mais c'est aussi la sédentarisation forcée des nomades d'Asie centrale, notamment au Kazakhstan, qui se solde par un désastre démographique et la perte de nombreuses traditions culturelles[14]

Le principe totalitaire de la responsabilité collective défendu par Staline fait que la « faute » d'un individu s'étend à son conjoint, à ses enfants, à sa famille entière, à tout son réseau d'amis et de relations. Par exemple, le 5 juillet 1937, le Politburo ordonne au NKVD d'interner toutes les épouses de « traîtres » en camp pour 5 à 8 ans, et de placer leurs enfants de moins de 15 ans « sous protection de l’État ». Ordre qui conduit à arrêter 18 000 épouses et 25 000 enfants, et à placer près d'un million d’enfants de moins de 3 ans dans des orphelinats[15].

Par ailleurs, les familles des plus proches hommes de confiance de Staline (Molotov, Kaganovitch, Kalinine, etc.) sont elles-mêmes frappées par les purges. Le meilleur ami de Staline, Grigory Ordjonikidze, qui s'est montré hostile devant lui à la purge des cadres de l'industrie, voit son frère fusillé et se suicide en signe de protestation (février 1937)[16]. La famille même de Staline n'est pas épargnée par la Terreur, avec la disparition et l'exécution de ses proches parents Maria Svanidze, Pavel Allilouiev, Stanislas Redens[17]...

En 1939, à l'arrêt des Grandes Purges - autrement appelée la Grande Terreur, d'autant que selon les calculs de Nicolas Werth, elles ont frappé à 94 % des non-communistes - Staline a éliminé les dernières sphères d'autonomie dans le parti et la société, et imposé définitivement son culte et son pouvoir absolu. Il a pris ce faisant le risque de désorganiser gravement son armée et son pays, alors même que la guerre approche.
Bien cher Corto,


En ce domaine aussi, il existe des gradations.

On ne peut mettre au même niveau Hitler et Franco, ni Staline et Castro.

Il faut raison garder. Il y a, dans le mal, une hiérarchie, et Hitler me semble être au sommet de celle-ci.
26 mai 2008, 11:29   Re : Cet inconnu
Il me semble pourtant que, dans Vie et Destin, mais aussi dans Tout passe, Vassili Grossman a fait justice des pseudo-différences entre nazisme et stalinisme. Mais, bien sûr, il est toujours possible de le contester.
Utilisateur anonyme
26 mai 2008, 12:26   Re : Bathmologie de la dictature
Oui, cher Didier, il est toujours possible de contester le point de vue de ceux, dont je suis, qui assimilent, dans la hiérarchie du mal, Staline et Hitler. Encore faut-il, pour convaincre, que cette contestation soit argumentée....
26 mai 2008, 13:26   Différences
Bien chers amis,


Un des grands problèmes de la pensée moderne est justement le "tout est dans tout et réciproquement" avec son compagnon le "tout est égal à tout".


M. Grossman est sans doute fort savant, je ne m'aventurerai pas sur son terrain, risquant de dire des bêtises. J'en resterai donc à des idées simples, et je vais prendre pour commencer une comparaison basée sur le seul camp de l'Axe.

Je n'ai jamais compris qu'on assimile nazisme et fascisme, par exemple. Le fascisme était un régime autoritaire, brutal mais tout de même encore civilisé. Le régime nazi transforma une société de grande culture en quelque chose d'inouï, attaquant "l'homme allemand" au plus au fond de son être.

En ce qui concerne le stalinisme, dont je ne suis pas un spécialiste, j'observe qu'il s'est établi dans un pays à tradition d'absolutisme, et dans lequel la vie humaine n'avait pas le même prix qu'en occident. Ce régime était l'ennemi de beaucoup, et avait donc beaucoup d'ennemis. Il était assiégé au début, ce qui n'était pas le cas du nazisme commençant.

J'en reste donc à mon idée, que je ne saurais développer plus avant : Staline fut un monstre, et Hitler un démon.
26 mai 2008, 15:05   Re : Cet inconnu
Citation

En ce qui concerne le stalinisme, dont je ne suis pas un spécialiste, j'observe qu'il s'est établi dans un pays à tradition d'absolutisme, et dans lequel la vie humaine n'avait pas le même prix qu'en occident.

Sans doute, sans doute... Il n'empêche que les koulaks furent systématiquement et volontairement affamés, puis déportés dans une Sibérie dénuée alors de la moins "infrastructure d'accueil", si l'on veut bien me passer l'expression, afin qu'ils y meurent à coup sûr. C'est-à-dire que le but était bien de les faire disparaître en totalité, et pour ce qu'ils étaient, ainsi que Hitler a tenté de le faire avec les Juifs.

Quant à une URSS "assiégée", cela relève pour l'essentiel de la propagande interne et, de toute façon, n'était plus du tout exact à l'époque de la dékoulakisation ; encore moins lors des grandes purges des années trente.
Bien cher Didier,


Ce que vous dites là marque bien, à mon sens, la limite fondamentale : il est indiscutable que les koulaks furent exterminés pour ce qu'ils étaient, et surtout pour le danger qu'ils représentaient pour le pouvoir soviétique. Je crois que Zinoviev avait tenu à leur propos des discours définitifs, bien avant le stalinisme.

Hitler, en revanche, extermina les juifs alors que, par exemples, les hassidiques de Galicie ne représentaient aucune espèce de danger : ils furent massacrés non à cause de ce qu'ils étaient, mais à cause de que les hitlériens pensaient qu'ils étaient.

Je comparerai plutôt Staline à la Terreur de la Révolution française (à une échelle disons "industrielle"), alors que je ne trouve pas de comparaison pour Hitler.

De même, il ne me viendrait pas à l'esprit de parler d'un génocide des Koulaks.


Je crains de redire dix fois la même chose : que Staline ait été un monstre, nous sommes d'accord. Mais pourquoi vouloir à tout prix qu'il soit du même niveau qu'Hitler ?
Peut-être parce que, contrairement au juif, l'ennemi de classe ne peut être strictement défini si bien que n'importe qui, en Russie, pouvait un jour ou l'autre être déclaré "ennemi de classe" par un pouvoir qui avait intérêt à en fabriquer. C'est ainsi que les Moscovites, entre tant d'autres, vivaient tous, ou presque, dans la terreur d'entendre la nuit, stopper une voiture au pied de leur immeuble , celle de la police secrète qui viendrait les jeter en prison ou les envoyer au goulag sans espoir de retour. Peut-être aussi parce que Staline joignait l'imposture : celle de la prétendue fin de l'exploitation de l'homme par l'homme, aux crimes.
26 mai 2008, 19:32   Re : Cet inconnu
A mon sens, tout parallèle, pour ce qui est du bilan, entre le communisme et le socialisme national, Lénine ou Staline et Hitler, les crimes des uns et les massacres des autres, etc. qui serait fondé sur les intentions, les déclarations des uns et des autres, les arrière-pensées, etc. n'aboutit à rien, sinon à exprimer nos préférences ou nos obsessions.

Pour qu'elle ait un sens et soit fondée, la comparaison doit se faire
a) sur le nombre de victimes : à dix millions près pour le communisme et à quatre ou cinq millions pour le socialisme national, la comparaison est éloquente;
b) sur la durée pendant laquelle ces "idéologies" ont sévi : le socialisme national, 13 ans; le communisme : 90 ans, puisqu'il sévit encore en Chine, en Corée, au Vietnam, à Cuba;
c) sur le nombre de pays touchés et d'hommes qui ont eu à les subir : au milieu des années 1970, près de 40% de l'humanité avait à endurer le communisme;
d) sur les mauvais traitements infligés aux déportés. L'asphyxie industrielle au zyklon B est atroce, mais les coups de pioche dans la tête, la famine organisée (7 millions de morts en Ukraine en un an), la vente des organes des condamnés, etc. sont près de l'approcher en cruauté;
e) sur la connaissance des faits : les crimes commis par les nazis sont à peu près tous connus; ceux du communisme sont un iceberg : on en connaît la seule partie émergée et il est impossible d'accéder aux archives en Corée, au Vietnam, en Chine, à Cuba...

Pendant une vingtaine d'années, "on" a réussi à faire croire que le grand criminel était Staline et que Lénine avait été trahi par son successeur. Soljénitsyne a démonté ce mensonge. Dès la fin de 1917, le régime soviétique s'est établi sur le crime de masse, comme dès la fin de 1949, l'Armée rouge de Mao a envahi le Tibet, qu'elle colonise, pour y réaliser un génocide culturel. D'un point de vue "religieux", Staline a la qualité d'un Antéchrist vengeur : il a fait payer, à partir de 1935, à toute une génération de révolutionnaires les crimes commis entre 1917 et 1935. Au moins, grâce à lui, la justice est passée. Les Russes ont été vaccinés de tout désir de refaire le coup d'Etat de 1917.

Il faut aussi se méfier de la vision que nous avons en Europe de l'Ouest de la Russie d'avant 1917, pays prétendument archaïque où la vie humaine n'aurait pas eu de prix. La littérature russe dément tout cela : aussi bien Gogol que Tolstoï, Dostoïevsky, Tchékov, ou même les poètes futuristes, le cinéma (Vertov) et l'orthodoxie. La comparaison entre le système pénitentiaire tsariste et celui qui a été établi en 1917 le prouve aussi.

Une fois ces faits établis, il est possible de s'interroger sur les intentions. Furet créditait le communisme de la "pureté" de ses intentions, mais il n'a jamais pénétré dans la conscience de Lénine ou de Marx. Le racisme - c'est-à-dire la certitude d'appartenir à une race, religion, ethnie, culture, idéologie, civilisation, etc. supérieure à toutes les autres et le fait d'en profiter pour éliminer ou exterminer ceux qui n'en sont pas - n'est pas, hélas, spécifique des socialistes nationaux. Le mot d'ordre "nettoyer la terre russe de tous les insectes nuisibles" (dixit Lénine in janvier 1918, in La Pravda, cité par Soljénitsyne) est-il raciste ou non ? C'est un problème théologique, du même ordre que le sexe des anges. C'est pourquoi seuls les faits avérés peuvent servir de fondement à un parallèle.
26 mai 2008, 19:57   Re : Cet inconnu
Cher jmarc, les koulaks n'étaient nullement des ennemis du régime soviétique. Il s'agissait de paysans, tout juste un peu moins pauvres que l'immense majorité. On les a désignés comme koulaks afin de les exterminer, rien de plus. Je vous accorde cependant qu'il n'était pas, là, question de race.

JGL, ce mensonge, en effet démonté par Soljénitsyne, avait déjà été, peu d'années auparavant, mis en scène dans Vie et Destin, puis réaffirmé dans Tout passe.
27 mai 2008, 10:32   Re : Cet inconnu
» Il obtint le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1912 grâce à ses travaux sur la chirurgie thoracique et sur la culture de tissus. Il développa de nouvelles techniques de sutures vasculaires, et fut un pionnier de la transplantation d'organes

Alexis Carrel est aussi l'inventeur d'un puissant antiseptique (la chloramine, toujours utilisée et vendue actuellement en pharmacie en France sous le nom de Chlonazone, je crois), qui fut beaucoup utilisée pour traiter les blessés pendant la guerre de 14, époque où l'on ne disposait pas de grand chose en la matière...
27 mai 2008, 11:02   Re : Cet inconnu
Oui Cher Bernard, il fut également un précurseur, je crois, dans la technique des transplantations d'organes. Mais tout cela, vous en conviendrez, ne pèse pas lourd dans la balance de la Justice historique.

Et ce n'est pas non plus parce que François Mitterrand a dit de lui en 1992 : "Ce fut l' un des esprits les plus clairvoyants depuis un siècle et demi" qu'il faut lui accorder quelque intérêt.

D'ailleurs Mitterrand, lui-même...?
27 mai 2008, 11:20   Re : Cet inconnu
Oui, je sais, et ici même...
Utilisateur anonyme
27 mai 2008, 13:07   Re : Précision
Précisons que cette invention s'est faite en étroite collaboration avec le chimiste anglais Henry Dakin, qui a donné son nom à la fameuse "liqueur", antiseptique bien connu.

J'ajoute que mes remarques ne visaient pas à m'ériger en "justicier de l'Histoire", mais à préciser certains aspects de la pensée de Carrel dont la portée me paraissait nettement minimisée dans le premier message d'Olivier.
27 mai 2008, 13:26   Re : Précision
J'ai lu l'Homme cet inconnu quand j'étais adolescent. C'est un livre fameux, écrit par un grand homme, propre à ouvrir l'esprit des jeunes. Quelle époque imbécile !

Mon professeur, un père jésuite, m'a encouragé à poursuivre ma lecture, et s'est borné à mettre un point d'exclamation en face du chapitre "eugéniste". C'était à moi de me faire mon opinion... (J'ajoute que tous les "bons pères" n'étaient pas aussi confiants.)
29 mai 2008, 22:52   Suite
Mon collègue s'est finalement autorisé à censurer ma petite rubrique de façon autoritaire. Il a remplacé la date de naissance d'Alexis Carrel par la date de mort d'Evariste Galois, "mathématicien engagé dans le combat républicain".

Mais je dois tout de même dire que son acte insensé n'a pas fait l'unanimité auprès de mes autres collègues.
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