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"Le Camp des Saints" réédité

Envoyé par Félix 
13 octobre 2010, 21:24   "Le Camp des Saints" réédité
Début 2011, l’éditeur Robert Laffont fera paraître une nouvelle édition augmentée du Camp des Saints, roman d’anticipation qui a marqué plusieurs générations de lecteurs. La nouveauté vient de la préface colossale d’une quarantaine de pages concoctées par Jean Raspail, avec de nombreuses surprises… dont les lettres de félicitations de Robert Badinter et François Mitterrand.

[www.enquete-debat.fr]
Les Éditions Robert Laffont... Robert Laffont nous a quittés au printemps.
Oui, mais il avait une excuse : je crois qu'il est mort.
Florentin,

L'abbé Suger disait "Il y a des messages qui ne sont pas publics, et il est bon d'aller voir dans sa boîte aux lettres électronique privée s'il y en a qui sont arrivés".
Merci d'invoquer Suger, cher ami, je pense qu'il doit se lamenter dans l'Au-delà car son abbaye est mal en point.
Et la ville du même nom qui entoure l'abbaye, donc...
Le même Jean Raspail a d'ailleurs également décrit cette dégradation il y a une vingtaine d'années dans le formidable Sire.
04 février 2011, 12:35   Re : "Le Camp des Saints" réédité
A l'occasion de la réédition du Camp des Saints, je vous propose d'écouter cette émission de Radio Courtoisie avec Jean Raspail, où il est question du Grand Remplacement (à télécharger sur MegaUpload) :

[www.megaupload.com]

Jean Raspail était également présent hier sur le plateau de Frédéric Taddéï dans Ce soir (ou jamais !) :

[ce-soir-ou-jamais.france3.fr]

A noter que la nouvelle édition du Camp des Saints se place actuellement en 17e position dans le listes des livres les plus vendus (toutes catégories confondus), belle performance pour un roman qui a presque quarante ans...

[www.amazon.fr]
Utilisateur anonyme
05 février 2011, 10:13   Re : "Le Camp des Saints" réédité
C'est un bon livre, mais il y a deux cents pages de trop.
Entièrement d'accord avec Agrippa, même si je trouve le nombre qu'il donne un peu sévère. C'est d'ailleurs peut-être moins un problème de longueur que de fin qui n'est pas à la hauteur du début (si jargonner ainsi je puis).
Je suis saisi d'un affreux doute...

Combien ce livre comporte-t-il de pages ?
Vous êtes sévères. Je l'ai lu il y a deux ou trois ans, avec intérêt. Il est vrai qu'à la fin ça tourne un peu en eau de boudin, comme la France de son histoire en somme. Et nous n'en sommes plus très loin puisque la seule différence entre ce qu'il raconte et ce qui s'est produit depuis est affaire de timing.
Bref, il n'y a, en l'état et sous le férule des "droits de l'homme" envahisseur, pas de solution à la question de la submersion de l'Europe. Il y aura donc un jour une crise terrible, soldant un grave problème qui aura été ignoré en son temps au nom de la morale suicidaire. Jean Raspail l'avait compris de façon intuitive et géniale dans son roman prophétique et pessimiste Le Camps des saints.
08 février 2011, 10:42   Re : "Le Camp des Saints" réédité
Superbe entretien avec Jean Raspail dans le Figaro. Morceaux choisis :

[www.lefigaro.fr]

Citation

A la décharge des politiciens de gauche comme de droite, ou plus exactement en guise de circonstances atténuantes (je le dis dans ma préface), il faut reconnaître que s'ils allaient à rebrousse-poil de la meute médiatique, showbiztique, droit-de-l'hommiste, enseignante, mutualiste, publicitaire, judiciaire, gaucho-chrétienne, pastorale, psy et j'en passe, ils signeraient à l'instant leur condamnation à la mort civile. Car, en face, s'agite une redoutable phalange issue du sein de notre propre nation, et pourtant tout entière engagée au service de « l'autre » : Big Other. L'hydre des bons sentiments et des manipulations, la bouillie de l'humanitaire, se nourrissant de toutes les misères humaines. A l'instar du cauchemar d'Orwell, Big Other vous voit, vous surveille. Il est le fils de la pensée dominante, il circonvient les âmes charitables, sème le doute chez les plus lucides, rien ne lui échappe. Pire, il ne laisse rien passer. Et le bon peuple comme ses édiles de le suivre, anesthésiés, gavés de certitudes angéliques, mais aussi secrètement terrorisés par les représailles s'ils venaient à s'éloigner des vérités affirmées. Ainsi Big Other a-t-il tordu le cou au « Français de souche », pour déblayer le terrain. Ainsi s'est-il fait le chantre d'un pseudo-métissage franco-français, entre régions en somme, puis avec nos premiers immigrants européens. « La France métissée », escroquerie historico-sémantique imposant un impudent amalgame, l'immigration de masse extra-européenne ne datant au plus que d'une cinquantaine d'années. Il est vrai que la France est le produit d'un superbe et bénéfique brassage, sur fond de sauce gallo-romaine, de Francs, de Burgondes, de Vikings, de Wisigoths, etc., puis d'Alsaciens, de Basques, de Catalans, de juifs d'Alsace et de Lorraine, de Bretons, de Provençaux, etc., puis d'Italiens, d'Espagnols, de Polonais, de Portugais - c'était l'Europe qu'elle invitait chez elle. Les voilà, les Français de souche ! Et s'ils se réveillaient aujourd'hui ? S'ils se révoltaient contre les doucereux oukases de Big Other, contre son conformisme mou, son totalitarisme universel au service de l'autre ?

[...]

dans l'exacte réalité qui est la nôtre, nous mesurerons la plénitude de l'immigration au tournant des années 2045-2050, lorsque sera amorcé le basculement démographique final : en France, et chez nos proches voisins, dans les zones urbanisées où vivent les deux tiers de la population, 50 % des habitants de moins de 55 ans seront d'origine extra-européenne. Après quoi, ce pourcentage ne cessera plus de s'élever, en contrecoup du poids des deux ou trois milliards d'individus, principalement d'Afrique et d'Asie, qui seront venus s'ajouter aux six milliards d'êtres humains que la terre compte aujourd'hui, et auxquels notre Europe d'origine ne pourra opposer que sa natalité croupion et son glorieux vieillissement.

[...]

Face à ce mouvement, que je décris en accéléré, se révèle l'angoisse d'habiter ce pays, la France, auquel on est attaché par ses racines, par l'histoire, les souvenirs, les plaisirs, mais dont on ne pourra plus partager les valeurs essentielles avec les nouveaux arrivants. Ce qui était tenu sous le boisseau par Big Other par le biais des bons sentiments taraude désormais les consciences.

Le pays sera toujours là, avec ses cathédrales, ses jolis villages, avec certains changements dus au progrès, auxquels s'ajouteront les détériorations culturelles inhérentes aux moyens de communication modernes, mais la véritable métamorphose viendra de cette installation de populations hétérogènes avec notre autorisation, ou plus exactement notre renoncement.

[...]

Une grande part de notre jeunesse est d'ores et déjà mutante, technologiquement, culturellement, et le processus de métissage des corps est entamé. Je ne porte aucun jugement de fond, sauf à observer la modification d'un peuple. Il y a peu de temps encore, chaque population européenne avait un caractère donné, ainsi des Français. Mais avec l'instillation de gènes étrangers, l'établissement de comportements culturels et religieux venus d'ailleurs, avec l'auto-engendrement démographique, on ne peut que s'attendre à une plus grande prise de conscience des communautarismes. Rien n'interdit de penser qu'en seconde partie du XXIe siècle, une trentaine de millions de gens conscients de devoir transmettre des valeurs, une culture et, pour certains, une religion, qui ne sont plus partagées par la majorité, pratiquent une sorte de communautarisme français... Quel paradoxe ! Moi qui y étais tellement opposé, voilà que j'y suis favorable. Je ne verrai pas cette époque, je serai mort. Mais il est clair que nous, Français de souche, serons isolés. Existe-t-il, dans l'histoire, des peuples qui se seraient repliés sur eux-mêmes pour survivre et ressortir plus tard ? Je l'ignore. En Atlantide, peut-être ?

[...]

Nous assistons actuellement à une exacerbation laïque émotive de ce qui était autrefois la charité chrétienne, laquelle s'exerçait à l'égard de son prochain, mais pas à la terre entière. Autrefois, chez ma grand-mère, il y avait la place du pauvre, symbolique. Pas celle de millions d'affamés. La charité chrétienne a déjà commencé à nous perdre. Que faire ? Se barder d'égoïsme, voire d'un peu de cruauté. Rocard eut le courage, en son temps, de dire que la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde. Message à faire passer à certains évêques. Mais il faut au surplus du caractère. Quand on voit deux cents élèves et leurs professeurs baisser les bras face à une poignée de voyous venus gifler quelques personnes, alors qu'il suffi sait d'un sursaut pour clore l'affaire, il apparaît que nous avons désormais une mentalité de moutons.

[...]

Le Camp des Saints s'achève sur la constatation de l'ouverture absolue des frontières, le narrateur songeant à cette phrase mélancolique d'un vieux prince Bibesco : «La chute de Constantinople est un malheur personnel qui nous est arrivé la semaine dernière.» Eh bien, c'est cela. Je suis profondément de ce pays et vois avec douleur, partout, les pièces du puzzle enlevées. C'est odieux. Un rêve de reconquête ? Oui, j'en parle. Et je m'en tire face à Big Other par une pirouette en disant que c'est un roman qu'il faudrait écrire plus tard. En tous cas par quelqu'un d'autre. Je suis si heureux d'avoir vécu dix-huit siècles dans ce pays. Or voici que nous commençons une nouvelle ère et que nous n'en sommes qu'au premier siècle.
Utilisateur anonyme
08 février 2011, 14:19   Re : "Le Camp des Saints" réédité
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Merci beaucoup, cher Félix !
08 février 2011, 15:31   Re : "Le Camp des Saints" réédité
Big Other, une trouvaille, et le côté indigeste.
Citation
il faut reconnaître que s'ils allaient à rebrousse-poil de la meute médiatique, showbiztique, droit-de-l'hommiste, enseignante, mutualiste, publicitaire, judiciaire, gaucho-chrétienne, pastorale, psy et j'en passe, ils signeraient à l'instant leur condamnation à la mort civile

Et c'est pourquoi la qualité de notre personnel politique baisse de décennie en décennie car les hommes de qualité refusent de se laisser presser comme des citrons par la piétaille journalistique déchaînée.

Ce matin sur Europe n° 1 la publication pour janvier 2011 des chiffres des décès d'accidentés de la route montre que le nombre de morts a augmenté de 20 % et le représentant d'une ligue de vertu quelconque en fait porter la responsabilité sur la réforme du permis à points.

On croit rêver ....

Quand les cons ont droit à la parole le monde devient fou. La neige, la glace cad le mauvais temps est responsable de cette augmentation, pauvre cave.
Big Other est l'exact contraire de Big Brother: il ne s'intéresse pas à nous, qui le regardons, sommes sommés de l'admirer, de le trouver intéressant, enrichissant, chance-pour-nous. Big Brother, que l'on ne voyait pas, avait le regard constamment posé sur nous, c'est nous qui l’intéressions, lui; dans son regard, au moins, nous existions.

C'est ainsi à une inversion des termes de 1984 que l'on assiste, et à une forte aggravation de notre cas: le nouvel Autre, on ne voit que lui, il est partout, et nous ne sommes rien. Il est pire que l'autre Autre (Big Brother), qui, s'il avait le défaut de tout vouloir contrôler et de tout commander, n'avait pas l'insolente prétention à s'afficher, à vouloir qu'on l'admire et qu'on le trouve beau, ou intéressant, ou apitoyant, ou séduisant, ou admirable et héroïque, ou apportant un plus à l'âme, etc..!
Très juste distinction.
Pour vérifier cette justesse (ou non) de distinction entre Big Brother et Big Other, citons quelques réponses de O'Brien (le méchant) à Winston (le gentil), extraites du roman 1984, lorsqu'ils sont au ministère de l'Amour (vers la fin) :
- ... Le parti ne s'intéresse pas à l'acte lui-même. Il ne s'occupe que de l'esprit. Nous ne détruisons pas simplement nos ennemis, nous les changeons ...
- ... Nous ne détruisons pas l'hérétique parcequ'il nous résiste. Tant qu'il nous résiste, nous ne le détruisons jamais. Nous le convertissons. Nous captons son âme, nous lui donnons une autre forme. Nous lui enlevons et brûlons tout mal et toute illusion. Nous l'amenons à nous, pas seulement en apparence, mais réellement, de coeur et d'âme ...
- ... Le commandement des anciens despotismes était : "tu ne dois pas." Le commandement des totalitaires était : "tu dois." Notre commandement est : "tu es." ...


Peut-être que Big Brother, face à la résistance de l'esprit européen, a choisi de le submerger par d'autres pour réussir à le changer, devenant ainsi Big Other ?
Citation
Peut-être que Big Brother, face à la résistance de l'esprit européen, a choisi de le submerger par d'autres pour réussir à le changer, devenant ainsi Big Other ?

Quelle résistance ?
Big Other ne nous connaît pas comme particuliers, il ne nous distingue pas, il pose, quand il lui plaît, sur nous l'ignorance souveraine de son regard mat, aveugle, souverainement séduisant. Le néo-colon méconnaît souverainement le substrat qui l'accueille, c'est sa prérogative. La méconnaissance de tout substrat, de tout sol, la cécité devant le sujet muet et regardant, rivé à son sol, est la grande prérogative des rois. Seul contemple son souverain, les yeux écarquillés d'admiration, la bouche bée, le dominé, qui est le sujet de l'Autre, lequel est dispensé de tout regard.

Jamel Debbouze est un Roi. Un souverain: on le regarde; il ne voit rien; ne connaît rien; ses petits yeux mats sont dispensés de tout regard, telle est sa souveraine prérogative.
George Orwell démasque par les mots les intentions de Big Brother, exprimant ainsi sa résistance, comme de nombreux auteurs européens l'ont fait, à chaque fois qu'un endoctrinement menace notre esprit.
Jean Raspail appartient à cette lignée, mais l'endoctrineur a muté en Big Other.

Encore un petit extrait de 1984 :
Winston : - "Big Brother existe-t-il ?"
O'Brien : - "Naturellement, il existe. Le parti existe. Big Brother est la personnification du Parti."
- "Existe-t-il de la même façon que j'existe ?"
- "Vous n'existez pas", dit O'Brien.
Une fois encore un sentiment d'impuissance assaillit Winston. Il savait, ou pouvait imaginer les arguments qui prouvaient sa propre non-existance. Mais ils n'avaient pas de sens, c'étaient des jeux de mots. Est-ce que la constatation : "vous n'existez pas", ne contenait pas une absurdité de logique ? Mais à quoi bon le dire ? Son esprit se contracta à la pensée des arguments fous et indiscutables avec lesquels O'Brien le démolirait.
- "Je pense que j'existe", dit-il avec lassitude...


Pour ma part, je n'allume pas la télévision, ainsi j'ignore qui est ce "Jamel Deux-bouses", il n'existe pas, le Roi est nu.
Par contre, je rencontre des "Jamel" tous les jours en France, et, avec lassitude, je pense que j'existe encore, depuis dix-huit siècles, et je rêve même de reconquête, comme Jean Raspail.
Oui c'est bien. Éteignez la télé, disparaissez, et commencez à penser et à sentir que vous existez. Ne regardez pas ceux qui ne vous regardent pas; éteignez votre regard sur eux et ils commenceront par cesser d'être vos rois. Ensuite, redevenez à vous-même important, irréfragable, impossible à nier; soyez, à tous les démonstratifs, les arrivés-par-la-démonstration-d'eux-mêmes, rétif, imperméable à leur insolence... tournez-vous vers ce qui existait en vous avant que l'Autre ne vous arrive dessus, et ne consentez, ne tolérez, en dépit de ce que nous disent les "poètes" à deux balles, à ne lui sourire que si lui commence par se faire humble et désireux de vous connaître.
Oui, un bon début, il me semble.
Entretien. L'écrivain retrace le destin hors norme du "Camp des saints".
Jean Raspail : “Ouvrir les yeux sur les mensonges”
Bruno de Cessole le jeudi, 10/02/2011

Revenant sur l’étonnante aventure de son livre, Jean Raspail raconte sa genèse comme les raisons de son audience, et confie ses ultimes convictions.

Votre livre le Camp des saints, qui est réédité ce mois-ci avec une importante préface inédite, a été publié la première fois en 1973. Comment s’est imposé à vous ce que l’on peut considérer com­me votre premier grand ro­man ?

Effectivement, j’avais publié auparavant deux romans de jeunesse qui n’avaient pas eu beaucoup d’écho, et des récits de voyage qui avaient touché un assez large public. L’image qu’ils donnaient de moi était celle d’un écrivain voyageur, qui se penchait avec intérêt et sympathie sur des peuples étrangers ou des minorités oubliées. Le Camp des saints tranchait de façon radicale à la fois avec cette image et avec la nature de mes précédents ouvrages, et même tranche avec mes romans ultérieurs. Si un livre m’a été “donné” ou “inspiré”, ce fut bien celui-là, encore que je n’accorde pas une considération particulière à la notion romantique de l’écrivain “mage et prophète”…

On m’avait prêté une villa au bord de mer, dans le Midi. De la pièce que j’avais choisie pour écrire j’avais une vision à 180° sur l’horizon. Un jour que je contemplais cette vue idyllique, je me suis dit : « Et s’Ils arrivaient de la mer ? » Je me suis vu à la place du vieux professeur qui, du haut de sa terrasse, aperçoit dans sa longue-vue une armada de rafiots en ruines avec leur cargaison d’émigrants misérables rêvant à la Terre promise de l’Occi­dent.

Je n’avais aucune idée de ces “Ils”, et pas davantage des personnages du roman, de l’intrigue et moins encore de sa fin. J’ai commencé à écrire, sans aucun effort, ce qui ne m’était pas naturel, et deux ans plus tard le livre était achevé. Le titre m’est venu de la lecture de l’Apocalypse, du chapitre 20, qui annonce qu’au terme de mille ans, des nations innombrables venues des quatre coins de la Terre envahiront « le camp des saints et la Ville bien-aimée ».

En aucune façon vous n’avez été sensible à la pression de l’actualité ?

Nullement, car on parlait peu à cette époque des flux migratoires. C’est sous la présidence de Giscard qu’a été inaugurée la politique de regroupement familial, qui a généré ces flux. Le Camp des saints ne fait pas référence à une communauté précise d’émigrants. Il n’est question ni des populations du Maghreb ni de l’Afrique, et aucunement d’une communauté religieuse particulière.

Les migrants que j’évoque représentent le tiers-monde dans son ensemble. Si je les appelle les « gens du Gange », c’est que l’idée de multitude innombrable était liée dans mon esprit au continent indien. Quant à l’armada de bateaux hors d’âge sur lesquels ils embarquent, il s’agit d’une réminiscence de l’Exodus et aussi du phénomène plus récent des boat people, à cette exception près que les raisons de l’exode de ces derniers étaient politiques.

Quelles ont été les réactions de l’éditeur à la réception de votre manuscrit, puis de la presse et du public à la sortie du livre ?

Robert Laffont, mon éditeur, et toute son équipe lui ont réservé un accueil très chaleureux. Du côté de la presse, qui, au début, n’a pas été très abondante, les journaux de gauche sont restés silencieux et, dans la presse de droite, le livre, s’il a été loué par Valeurs actuelles, sous la plume de Pol Vandromme, a été éreinté par le Figaro…

En fait, la critique s’est surtout manifestée lors de la réédition de 1985, pour laquelle j’avais donné une préface, sous le premier septennat de François Mitterrand. C’est alors que j’ai fait l’objet d’un tir de barrage et qu’on m’a décrété infréquentable. Il y a eu de vio­lentes attaques, notamment celle de Max Gallo, qui, depuis, a quelque peu changé d’avis…

À l’étranger, le Camp des saints a été traduit dès 1975 aux États-Unis chez Charles Scribner’s Sons à New York et a suscité quantité d’articles. Le livre a été bien accueilli du public, et même des universitaires, qui l’ont inscrit au programme de plusieurs établissements. Dans la foulée, de nombreuses traductions étrangères ont suivi… En France, le livre s’est écoulé à 15 000 exemplaires, moins que ce qu’espérait Laffont, puis, vers la fin de 1974, alors qu’il aurait dû achever sa carrière, les commerciaux, à leur surprise, ont observé qu’il poursuivait sa progression. Jusqu’à la réédition de 1985, quelque 8 000 exemplaires par an, en moyenne, se sont vendus grâce au bouche à oreille. Je n’ai jamais rencontré un seul de ses lecteurs qui n’en en ait acheté qu’un exemplaire. Ils le prê­taient, on ne le leur rendait pas, ils en acquéraient un autre. Ainsi le Camp des saints a-t-il élargi son audience pour atteindre, toutes éditions et traductions confondues, près de 500 000 exemplaires jusqu’à aujourd’hui.

Attachez-vous un prix particulier à cette réédition de 2011 et à la préface “musclée” que vous avez rédigée, sous le titre : « Big Other » ?

Cette réédition revêt pour moi une importance plus haute que les précédentes car il me semble que le moment où elle s’inscrit est crucial. La vi­sion développée dans le roman sera sans doute une réalité au­tour de 2050. La plupart des démographes sont d’accord sur le caractère inéluctable du phénomène, qui touche d’autres pays d’Europe. Les minorités dites visibles seront alors des majorités et ce sont les Français dits de souche qui seront minoritaires. Des pans entiers de ce pays seront peuplés de Français d’origine extra-européenne.

On me dira que la France a été constituée par des vagues d’immigration successives. Certes, mais l’immigration des siècles précédents était composée d’immigrés d’origine européenne, qui, en deux ou trois générations, se sont intégrés dans le modèle français. Or, le modèle d’intégration républicain se révèle inopérant depuis au moins une décennie. On assiste à la prolifération du communautarisme, à la juxtapo-sition de groupes revendiquant leurs différences ethniques, religieuses, culturelles, qui ne se reconnaissent pas dans le “vouloir vivre ensemble” qui fait le ciment d’une nation, comme le soulignait Renan.

Je défie nos gouvernants de prétendre qu’il s’agit là d’un progrès. Nous sommes ou serons confrontés à un retour à la tribalisation, qui m’apparaît comme le contraire de la civilisation. On a beaucoup parlé, récemment, de la nature de l’identité française, des limites de notre capacité assimilatrice, et puis on a enterré le débat dès que Big Other a froncé le sourcil. Qu’est-ce que Big Other ? C’est le produit de la mauvaise conscience occidentale soi­gneusement entretenue, avec piqûres de rappel à la repentance pour nos fautes et nos crimes supposés – et de l’humanisme de l’altérité, cette sacra-lisation de l’Autre, particulièrement quand il s’oppose à notre culture et à nos traditions. Perversion de la charité chrétienne, Big Other a le monopole du Vrai et du Bien et ne tolère pas de voix discordante.

Je n’ai jamais été un écrivain engagé, mais je n’ai jamais, non plus, dissimulé mes convictions, et j’aimerais que le Camp des saints ouvre les yeux des lecteurs sur les mensonges et les illusions qui pervertissent notre vie publique. Depuis sa parution, j’ai reçu énormément de courrier, et j’ai discuté avec nombre d’hommes po­litiques, de droite et de gau­che. Ce qui m’a frappé, c’est le contraste entre les opinions exprimées à titre privé et celles tenues publiquement. Double langage et dou­ble conscience… À mes yeux, il n’y a pire lâcheté que celle devant la faibles­se, que la peur d’opposer la légi-timité de la force à l’illégitimité de la violen­ce.

Je crains, hélas ! que l’épilogue de la pièce ne soit déjà écrit, mais j’aurai au moins joué mon rôle d’estafette et essayé de libérer le pouvoir de la parole. À l’âge que j’ai, du reste, je n’ai plus rien à perdre : cette réédition est ma dernière “sortie”. L’occasion de rappeler, sans mépris et sans haine, que l’Autre, contrairement à ce qu’assurait François Mitterrand, n’est pas totalement chez lui chez moi !

Propos recueillis par Bruno de Cessole
Nouvel épisode du Camps des Saints :

Faire de la place pour les prochains. C’est le mot d’ordre au camp de Lampedusa. Sur les 6.000 Tunisiens ayant afflué dans la petite île italienne, il en reste un millier. La plupart ont été transférés en Sicile ou sur la péninsule.

“Si demain, un nombre exorbitant de migrants arrive, nous nous adapterons, nous essayerons de nous organiser comme nous le faisons aujourd’hui. Mais nous agirons au jour le jour, selon les besoins", explique le directeur du camp.

Pressés par Rome, les ministres européens de l’Intérieur ont débattu de la crainte d’un exode de réfugiés vers l’Europe.

Pour Roberto Maroni, l’Italie n’y résisterait pas :

“L’invasion de un million, 1,5 millions de réfugiés en Italie, comme l’a estimé Frontex, mettrait à genoux n’importe quel Etat. C’est pour cela que nous demandons la solidarité de tous les pays européens, à la fois pour les contrôles et pour l’hébergement”, a martelé le ministre italien de l’Intérieur.
"Cernés au milieu de sept milliards d’hommes, sept cents millions de Blancs seulement, dont un tiers à peine et pas frais, très vieilli, sur notre petite Europe, face à une avant-garde de près de quatre cents millions de Maghrébins et musulmans, dont cinquante pour cent de moins de vingt ans, sur les rives opposées de la Méditerranée et précédant le reste du monde !”

Jean Raspail – préface à l’édition 1985 du Camp des Saints
Heureusement que Raspail n'a pas écrit un ouvrage de mathématiques... je me demande s'il est obsédé par le Péril jaune, qui avait hanté la Belle époque.
Quand il faut dire une ânerie Jean-Marc répond toujours présent.
Que voulez-vous, les chiffres sont les chiffres.
Utilisateur anonyme
22 novembre 2011, 19:12   Re : "Le Camp des Saints" réédité
J'ai le souvenir d'avoir lu cet ouvrage en 70 ou 71, et de l'avoir, sans intention quelconque, feuilleté en salle des professeurs. Je fus perdu de réputation à dater de ce jour (je n'en ai pas été particulièrement touché, Dieu merci). La vigilance des bien-pensants était déjà très vive. Si l'un des intervenants de ce forum pouvait faire aujourd'hui la même expérience (pour moi, on l'aura compris, ce n'est plus possible), je serais très intéressé par un relevé de ses observations. Mais l'expérience est probablement plus périlleuse.
Utilisateur anonyme
22 novembre 2011, 21:04   Re : "Le Camp des Saints" réédité
Je vous dirai cela la semaine prochaine.
Utilisateur anonyme
22 novembre 2011, 21:25   Re : "Le Camp des Saints" réédité
Cher Joseph, j'espère que vous n'exercez pas en ZEP (ou en zone sensible, ou .... enfin dans un de ces établissements qualifiés de difficiles). Mes collègues s'en étaient tenus à une moue de dédain et à une très hautaine mise à l'écart. Prenez garde, les moeurs ont changé et certains bahuts sont très mal fréquentés!
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