Le site du parti de l'In-nocence

Conversation avec Cassandre - Du Cinémonde I (1/5)

Cher amis,

la "Conversation avec Cassandre" se poursuit, elle se développe autour d'un sujet à peine esquissé auparavant : le "cinémonde". C'est l'occasion d'un regard perçant, incisif, sur notre société et sa fausse légende.



Entierement d'accord.
Le monde des people à trois neurone qui veut faire la leçon au nom de son inculture. Un monde de fils à papa débiles, arrogants, bourrés de ressentiment et qui prend sa revanche sur ceux qui , par leur travail, préservent un peu la culture de nos pauvres pays. Sarkozy, Anelka Johnny mème combat: le fric contre la culture. "tout a ou bien un prix, ou bien une dignité. On peut remplacer ce qui a un prix par son équivalent ; en revanche, ce qui n'a pas de prix, et donc pas d'équivalent, c'est ce qui possède une dignité." Kant
Tout ces people ont un prix mais aucune dignité. ils sont la lie de notre monde.
Utilisateur anonyme
15 octobre 2010, 21:48   Re : Conversation avec Cassandre - Du Cinémonde I (1/5)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
On remarquera que le prestige que la modernité tardive accorde au métier d'acteur est assez étrange puisque celui-ci n'est en rien créatif mais se contente avec plus ou moins de talent à reproduire ce qu'un metteur en scène lui intime de faire.

Ce travail est donc par essence passif car l'acteur qui ne maitrise rien est un exécuteur d'ordres et la relation entre le metteur en scène et les acteurs ressemble souvent à celle du maitre à l'esclave.
Utilisateur anonyme
17 octobre 2010, 15:03   Re : Conversation avec Cassandre - Du Cinémonde I (1/5)
J'en prends des notes !
Les Louis Jouvet et Charles Dullin avaient une dimension qui justifiait qu'on les admire. Les Marielle, Rochefort et Noiret étaient encore des hommes cultivés et fins, en plus d'être talentueux. Ils étaient donc humbles.
Le problème n'est pas les acteurs ou les comédiens, mais les vedettes, ou pseuo-vedettes, tous ceux qui se disent "artistes" (chanteurs, acteurs, rappeurs, ...) qui compensent leur manque criant de talent et de culture par une morgue incroyable, vomissant sur tous les plateaux leur moraline et leurs "idées". Ceux-là sont étonnamment interchangeables, fils/filles de ou non.
Je vous en ai sans doute déjà parlé, mais ces réflexions sur les acteurs me font toujours penser à ces acteurs âgés, très "professionnels", qui, à la fin de leur carrière trouvèrent la récompense de leurs efforts. J'ai toujours en tête l'extraordinaire Ruth Gordon, qui avait eu une honorable carrière d'actrice de théâtre et de cinéma, mais sans être reconnue, et qui enchaîna à plus de soixante-douze ans trois rôles remarquables :

- celui de la mère de Nathalie Wood dans "Inside Daisy Clover" ;

- celui de Minnie Castevet dans "Rosemary's Baby" ;

- celui de Maude dans "Harold & Maude".

Attention mes réflexions sur le métier d'acteur se rapportaient avant tout aux acteurs de cinéma bien que certains metteurs en scéne de théatre tourmentent pour ne pas dire torturent leurs acteurs.

Il va de soit que des hommes de théatre comme Jouvet furent des personnalités exceptionnelles et que je n'ai nullement pensé à eux dans mon billet ci-dessus.
Utilisateur anonyme
17 octobre 2010, 16:27   Re : Conversation avec Cassandre - Du Cinémonde I (1/5)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Oui, je fais aussi une distinction entre acteurs de théâtre et acteurs de cinéma.
Je viens de voir au cine-club un beau film bulgare : " Estearn plays", dont tous les acteurs sont des non professionnels.
Cher Didier, j'ai fini par réussir à télécharger la précédente conversation avec Cassandre, De l'islam, dans la version de qualité supérieure, grâce au lien que vous aviez fourni. Cela change des petites vidéos de qualité médiocre et doit bien se prêter à la diffusion, sur DVD par exemple. Avec mes remerciements.
Le lien me semble s'imposer, entre les paroles de Cassandre et le fil sur le "travail". En effet, les moeurs du 7ème art ont furieusement déteint, dans une mutitude d'aspect, sur le monde du travail. Nombre de contrats de travail se négocient désormais comme on est engagé sur un film, le temps d'un film. La tournure d'esprit de l'intermittence du spectacle s'est insidieusement répandue, sur la base de l'interim et de la nécessité de s'adapter constamment à l'évolution imprévisible du marché ; on se prépare à un entretien d'embauche comme on se rend à un "casting" ; la difficulté de tant de "missions" ne nécessitant pas un bien plus grand apprentissage que pour répéter cent fois une scène qui ne prendra sens qu'au montage, il s'agit très souvent de suppléer à cette facilité en se faisant mousser et, pour cela, la boîte à outils lexicaux de la psychologie est mise à contribution, comme excellent les acteurs à y puiser de quoi donner à croire aux gogos qu'ils "sont allés au bout d'eux-mêmes", que pendant le tournage "ils ont puisé dans leurs ressources les plus enfouies" etc. (on notera que si les acteurs se font une gloire d'avoir été des cancres, ils ne tiennent pas du tout, en revanche, à passer pour des fainéants, ne perdent jamais une occasion de glisser dans leurs discours le verbe "travailler", plutôt trois fois qu'une.)
En effet, les acteurs de cinéma se sont donné pour mission -- en même temps qu'ils paraissent s'être donné le mot -- de définir le travail. Il faut les entendre vous parler de leur "travail". A vrai dire, ils travaillent si fort que sur la scène publique, ils sont les plus adeptes de cet usage: peu de sénateurs, de grands architectes, d'hommes de loi, d'hommes de pouvoir et de décideurs vous parleront si libéralement de leur héroïque travail que ces gens. Les musiciens eux-mêmes sont plus discrets. Il y avait une tradition française à ne point trop s'étendre sur la nature de son "travail", de ses exigences, qui étaient comme des exigences intimes à la personne qui s'y livre et s'y soumet, une affaire discrètement menée entre soi et lui, le travail. L'acteur de cinéma, lui, n'hésite pas, il vous en fait des tonnes, et comme il est à peu près le seul à s'employer à vous glorifier son "travail", le voilà qui, du coup, définit pour l'édification des masses, qui sur ce sujet ne s'épanchent pas, ce qu'est le "travail d'acteur" -- cette activité dont il faut beaucoup parler et qui, un peu en marge de la gloire qu'elle véhicule, permet de se faire modestement prendre en pitié. Et il n'est pas exclu que cet épanchement de l'acteur sur sa vie et sa sueur versée en coulisse de la scène ou de l'objectif rejaillisse sur les normes du travail non sacré des hommes et des femmes livrés nus aux impératifs du besoin alimentaire (entretiens d'embauche devenant "audition de casting", etc.). Bref, le piple, l'acteur de cinéma, non content de définir la norme vestimentaire, comportementale, moeursiale, définit au passage, dans le flux de son discours, aussi la norme du labeur et celle du rapport au labeur.
18 octobre 2010, 05:02   La cruche malléable
Certainement, mais dans la représentation jouée de la réalité les figurants s'offrent purement et simplement comme matériau ductile — pratiquement des cruches, des coquilles vides — devant se modeler selon les volontés d'un metteur en forme.
Leur substance propre, leur personnalité, et pire, leurs "idées" et "convictions politiques" comptent absolument pour du beurre.
18 octobre 2010, 08:41   Re : La cruche malléable
"Et il n'est pas exclu que cet épanchement de l'acteur sur sa vie et sa sueur versée en coulisse de la scène ou de l'objectif rejaillisse sur les normes du travail non sacré des hommes et des femmes livrés nus aux impératifs du besoin alimentaire (entretiens d'embauche devenant "audition de casting", etc.). Bref, le piple, l'acteur de cinéma, non content de définir la norme vestimentaire, comportementale, moeursiale, définit au passage, dans le flux de son discours, aussi la norme du labeur et celle du rapport au labeur."
En effet, cher Francis, ce n'est pas exclu du tout ! Je pense que dans bien des domaines s'est mposée, à l'insu des gens eux-mêmes, une vision "cinémondesque" de l'existence.
18 octobre 2010, 08:54   Re : La cruche malléable
Citation
Leur substance propre, leur personnalité, et pire, leurs "idées" et "convictions politiques" comptent absolument pour du beurre.

Wie wahr mais le public dans sa "fausse conscience" l'identifie aux personnages ou héros qu'il joue et plaque sur l'acteur les qualités ou les vertus que celui-ci mime mais ne posséde en aucun cas. Quel étrange amalgame.

Et au nom de cette confusion les acteurs au prestige immérité viennent tous les jours donner au peuple des lecons de bonne conduite civique.
18 octobre 2010, 09:19   Re : La cruche malléable
Ce qui me frappe c'est que plus le peuple est méprisé par l'élite plus celle-ci reprend à son compte sa culture. Quand j'étais adolescente, l'idolâtrie des stars de cinéma passait pour une manie de midinette. et on lisait "Cinémonde" en cachette. Or, ce sont les journaux les plus "intellos" , le Nouvel-observateur, et Télérama , par exemple, qui ont commencé à consacré des articles extatiques et pontifiants sur les stars en question. Puis, de plus en plus on n'a plus dit, comme avant, que Robin des bois joué par Errol Flynn, tenait tête de façon héroïque au méchant roi, mais on a dit : Errol Flynn tient tête au méchant roi , et aujourd'hui, la confusion entre la personne de l'acteur et le rôle qu'il tient à l'écran s'est banalisée. Je remarque aussi que jamais dans quelque média que ce soit, on ne lit de critique défavorable à une star de cinéma issue du sérail. Jamais un bémol, patr exemple, sur une Charlotte Gainsbourg, au un physique pourtant si ingrat et qui entre le début de l'adolescence et l'âge mûre a été une très mauvais actrice.
18 octobre 2010, 09:36   Re : La cruche malléable
Citation
jamais un bémol, par exemple, sur une Charlotte Gainsbourg, au un physique pourtant si ingrat et qui entre le début de l'adolescence et l'âge mûre a été une très mauvais actrice.

Oui chère Cassandre mais à mes yeux, l'idolatrie et la notoriété dont son père fut et est encore le bénéficiaire alors qu'il était un alcoolique invétéré, sont presque incompréhensibles. Avec Serge Gainsbourg on baigne dans la nostalgie soixante-huitarde.J'ai toujours eu le sentiment que l'affection du public pour Gainsbourg s'était reportée de manière indue sur sa fille et cela au-delà de toute logique. Bien sûr les médias jouent un rôle essentiel dans ce type de phénomène.
Effectivement, il y a des popularités factices entièrement dues au soutien des médias. En ce qui concerne le cinématographe, comme le désignait Robert Bresson pour se distinguer d'un cinéma de masse, l'acteur n'est là que pour son nom sur l'affiche, pour faire des entrées. Bresson, justement, préférait des non-acteurs afin de leur faire exprimer ce que lui voulait. C'était une épreuve pour les personnages qui se prêtaient à ce travail de mise en scène un peu particulier. Le résultat déroutait le grand public mais la vérité et la beauté de ses films touchait nombre de cinéphiles peut-être qualifiés de marginaux mais généralement constitué de professionnels du cinéma, ce qui n'est pas un paradoxe mais la preuve que le goût façonné du grand public ne pèse pas lourd dans la critique. Généralement, quand on produit un film, on pense en terme d'entrées, de plateau, de publicité; l'aspect artistique n'a que peu d'incidence.
Telerama, le Nouvel obs intellos? autrefois peut-etre, mais aujourd'hui ce sont des journaux people , des Voici branchés et de gauche
Florentin,


Le cinéma élitiste a lui aussi produit bon nombre de navets.

Dans le même temps, des films grand public furent très intéressants (je pense à la Grande Vadrouille). J'ai beaucoup fréquenté les cinémas pendant mes études, comme il était d'usage je pense. Force est de reconnaitre que, dans les années 70, on ressortait parfois de la salle avec ce que les catalans nomment un "mal de cap".

En fait, un de mes idéaux cinématographiques est, à tout prendre, celui de la "Qualité française" qui fut tant critiquée, vous voyez ces films autour de l'équipe Bost-Aurenche.
Merci et tous mes compliments à Francis pour son message, qui dit bien mieux que je n'ai su le faire, ce que je voulais exprimer. Pour l'anecdote personnelle, il m'est arrivé, il y a bien longtemps, de décrocher deux jours de figuration dans un tournage de je ne sais plus quel film ou série : il s'agissait de "figurer" une petite foule en file d'attente à l'ANPE ! Mise en abyme qui m'a laissé plus que songeur...
Cher Jean Marc, je suis bien d'accord, le cinéma est bien un art pour les masses voire une industrie. Il n'est pas interdit d'en faire quelque chose de soigné voire de sublime. Mais je continuais dans l'idée de Cassandre, que je partage, sur la facilité à être acteur et je citais l'exemple de Bresson qui, précisément, n'a pas besoin d'acteurs mais de types humains auxquels il fait dire ce qu'il veut.
Je vous rassure, cher ami, j'aime autant Rio bravo que le Procès de Jeanne d'Arc, mais pour d'autres raisons.
Il y a un très beau texte d'Albert Thibaudet sur le cinéma (recueilli dans ses "Réflexions sur la littérature"), où il démontre qu'il ne peut être, par sa nature même, qu'un art populaire et donc nécessairement inférieur à la littérature. Je me souviens aussi de pages de Gracq, j'ai oublié dans lequel de ses livres, comparant le rôle du décor ou du cadre au cinéma (comme remplissage de l'image) et dans le roman (toujours signifiants).
Si j'aime tant Pasolini, c'est que le décor y est TOUJOURS signifiant. Je pense à "L'Evangile selon Mathieu" mais aussi à "OEdipe-Roi" ou à la '' Trilogie de la vie".
C'est Guy Scarpetta (je crois) qui parlait à propos des films de Pasolini d'une "grammaire du Réel".
Bresson, d'ailleurs, ne dédaignait pas le grand public. J'ai beaucoup aimé le "Journal d'un curé de campagne".
Beaucoup de films des années 50 et 60 (la "qualité française" chère à Jean-Marc) restent tout à fait regardables aujourd'hui (je viens de revoir "Le Plaisir" de M. Ophuls dans une Alliance française du sud de l'Inde) alors que pas mal de films dits d'auteur influencés par la Nouvelle Vague ne le sont plus depuis longtemps, il me semble.
Excellent le "Plaisir".
la Nouvelle vague dans les cahiers du cinéma a démoli Julien Duvivier qui avait pourtant réalisé d'excellents films. D'ailleurs cette vague n'était pas si nouvelle que ça car un réalisateur américian l'avait précédée avec un film comme " Le petit fugitif" qui a beaucoup influencé François Truffaut pour " Les quatre cent coups";
Le début de l'intervention m'a rappelé, peu ou prou, les observations de Renaud Camus sur certains certains de ses visiteurs, qui se demandaient ce qu'il pouvait bien trouver aux dessins de Twombly, qui auraient pu être réalisés par des enfants.
C'est que ces visiteurs étaient sous l'influence de Minou Drouet, enfant qui rapporta de l'argent. Pour convaincre des visiteurs, mettez le prix estimé de l'oeuvre, cela lui donne un sens. Dali se faisait nommer Avida Dollars, et il était dans le vrai.

Cassandre est, je pense, comme moi, amatrice de San Antonio. Dans je ne sais plus lequel de ces romans-là, le cher Bérurier dit, en d'autres termes, qu'afin de stimuler les fonctions alvines, il conviendrait qu'on suspendît sur la porte intérieure du lieu à cela destiné la reproduction d'un tableau de Dubuffet.

Muchos años después, frente al obra pegada en aseos de Taos, NM, EEUU, Jean-Marc había de recordar aquella tarde remota en que la suerte lo llevó a conocer Dubuffet (librement inspiré de Cent ans de solitude et d'un voyage au Nouveau-Mexique).
Pourtant c'est bien Dubuffet.
Que voulez-vous dire, Florentin ?
Simplement que j'aime bien Dubuffet.
Vous, Florentin, vous aimez Dubuffet ?

Décidément, entre Papa Nouveau et Dubuffet... je ne vous imaginais pas ainsi !

Pour moi, une chose est claire : Dubuffet et consorts ont passé leur temps à cracher sur ce qui fit la beauté de notre civilisation... son "bouquin" Asphyxiante culture est pour moi une déclaration de guerre, c'est le culte de la subversion...
J'entame dans cinq minutes une neuvaine à votre intention, Florentin.
Ne mélangeons pas, laissez l'exemple de Papa Nouveau, dont je n'ai que faire ici, dans l'autre fil au ton badin.
Dubuffet est un peintre de talent qui a un regard personnel, un style; j'aime des gens très différents et cela peut paraître contradictoire, c'est aussi le cas en musique, au cinéma, en littérature.
Oui, je puis concevoir cela, une sorte d'esthétisme.. cependant, au-delà de ce qu'il fait, il y a ses théories...

Je voulais aussi être badin en associant Papa Nouveau et Dubuffet...

Je trouve Dubuffet inquiétant, ses recherches sur la folie et l'art me donnent le frisson...

Connaissez-vous ce passage :

L’endoctrinement est maintenant à un tel degré qu’il est extrêmement rare de rencontrer une personne avouant qu’elle porte peu de considération à une tragédie de Racine ou à un tableau de Raphaël. Aussi bien parmi les intellectuels que parmi les autres. Il est même remarquable que c’est plutôt parmi les autres, ceux qui n’ont jamais lu une tragédie de Racine ni vu un tableau de Raphaël, que se trouvent les plus militants défenseurs de ces valeurs mythiques. (…) La culture tend à prendre la place qui fut naguère celle de la religion. C’est en son nom maintenant qu’on mobilise, qu’on prêche les croisades. A elle le rôle de l’“opium du peuple”.
Connaissez-vous Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis ? Ses oeuvres hallucinées donnent aussi le frisson. Il y a bien d'autres exemples. La création est une épreuve dans beaucoup de cas et pour peu que le mental flanche ça déraille. Ce n'est pas de l'esthétisme -- ce qui ne me dérange pas -- mais l'idée que l'art comme la vie peut tutoyer les extrêmes.
Fumaroli dit un peu la même chose dans L'Etat culturel.
Oui, et j'apprécie Séraphine, car elle peignait sans théoriser. Le reproche que je formule à l'encontre de Dubuffet est non d'avoir peint, mais d'avoir accompagné cela de tout une entreprise de démolition. Je suis sans doute partial, mais quand j'entends Dubuffet je pense à Breton, et Breton me transforme en convulsionnaire de St Médard.

Plus sérieusement, Séraphine, Frida Kahlo, Diego Rivera (pour rester avec Breton), j'aime et j'essaie de comprendre. Dubuffet, Twombly, Basquiat, c'est au-dessus de mes capacités.
J'avoue que Basquiat ça m'emmerde. Comme Breton et d'autres mais tout n'est pas à jeter.
Cela va vous paraître contradictoire, mais j'aime beaucoup l'expressionnisme et la Nouvelle objectivité.



C'est pour moi Doeblin, c'est Berlin Alexanderplatz.
Il n'y a rien de contradictoire car nous ne sommes pas dans la logique. Cela me rappelle Truphémus que j'aime beaucoup.
C'est sans doute un défaut d'éducation, en ce qui me concerne. En matière de peinture, il y a un seuil, un éloignement par rapport à ce qu'on m' a habitué à aimer qui me rend complètement aveugle.

Pour ce qui est du cinéma, c'est la même chose : je ne suis jamais arrivé à comprendre l'extase que provoquait Godard, alors qu' Ozu Yasujirō m'a toujours plu.
Pour en revenir au cinéma, vous souvenez-vous de cette chanson des "Demoiselles de Rochefort" :

Mais toi, tu tires au pistolet sur une boîte de peinture
Crois-tu qu'une oeuvre d'art soit une tache sur un mur,
mur, mur, mur, mur


J'aime la peinture abstraite et ses éclaboussures
Mieux vaut une tache bien faite
Que n'importe quelle figure même s'il s'agit de toi
Je comprends pour Godard qui me plaisait autrefois mais dont le prestige n'a fait que décliner avec le temps. J'aime beaucoup le cinéma japonais, c'est toujours travaillé, rigoureux.
Pour ce qui est de Truphémus, nous sommes d'accord, je l'apprécie. Dans ma logique, il est en continuité avec le passé, je ne suis pas dérouté.
Ozu Yasujirō, j'ai du voir un film ou deux mais c'est rare, la médiathèque de Toulouse n'en possède aucun. J'aurais bien aimé en voir d'autres.
20 octobre 2010, 04:41   Quand on fait les poubelles
« C'était quelque être très jeune, mais de qui ce signe distinctif ne s'imposait cependant pas à première vue, en raison de cette illusion qu'il donnait de se déplacer en plein jour dans la lumière d'une lampe. Je l'avais déjà vu pénétrer deux ou trois fois dans ce lieu : il m'avait à chaque fois été annoncé, avant de s'offrir à mon regard, par je ne sais quel mouvement de saisissement d'épaule à épaule ondulant jusqu'à moi à travers cette salle de café depuis la porte. Ce mouvement, dans la mesure même où, agitant une assistance vulgaire, il prend très vite un caractère hostile, que ce soit dans la vie ou dans l'art, m'a toujours averti de la présence du beau. »

Breton, L'amour fou


(Incidemment, je suis sûr d'avoir lu ou entendu quelque part Levi-Strauss louer le caractère absolument infaillible de Breton, comme sourcier ou orpailleur, dans la détection de ce beau.)
Breton a pu parfois annoncer nos Amis du désastre, il n'en reste pas moins un écrivain magnifique.
Il aurait dû, Kiran, se contenter d'écrire, comme Dubuffet aurait dû se contenter de peindre. Ces gens-là ont peut-être commis de grandes oeuvres, je ne sais pas, c'est du domaine de l'opinion. En revanche, ces mêmes gens ont tapé à bras raccourcis sur ce qu'était l'ordre ancien, ont passé leur temps à le ridiculiser et à le prendre à rebours.

Il serait à mon avis souhaitable que le Parti s'interroge sur cette question : pourquoi l'art actuel, pourquoi les "gens intelligents" sont-ils à ce point les ennemis des valeurs que le Parti semble vouloir porter ?
Je vais dire cela autrement : que la donzelle Duflot (celle des écologistes), que Julien Coupat (l'homme qui trouve que les TGV vont trop vite), que Plenel le néfaste aiment et Breton et Dubuffet et autres, je le comprends car ils aiment la Révolte, le Fait de casser la France moisie, racornie, étriquée et exhalant les relents qu'on sait. Qu'on soit en communion avec eux, cela me dépasse.

Encore une fois, je ne parle pas des oeuvres, qui doivent être belles puisqu'elles se vendent, je parle des théories.
L'assistance vulgaire... tout est dit...

Vous avez aussi : " L'acte surréaliste le plus simple consiste, révolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule."

Alain, parodiant qui vous savez, je dirai que si Radiguet a manqué de temps pour dire des bêtises, Lévi-Strauss, lui, n'en a pas manqué. Il a dit à peu près tout et le contraire de tout, je dois reconnaitre qu'il s'est rattrapé sur la fin.
Je pense aussi que Breton et le surréalisme ont joué un rôle non négligeable dans la grotesque posture de "rebelles" que nombre de nos artistes et de nos intellectuels. se croient obligés d'adopter ainsi que dans la détestation convenue de leur pays.
La prose de Breton est l'une des plus belles du siècle passé. Gracq, qui était le contraire même d'un Ami du désastre, ne s'y est pas trompé et a écrit sur Breton un très beau livre.
Cela dit, vous n'avez pas tort : l'art du 20ème s., dans une large mesure, s'est obstiné à détruire tout ce sur quoi il reposait. Force est bien de constater qu'il ne reste plus grand-chose aujourd'hui.
Reste à connaître les causes de ce vaste mouvement d'auto-destruction - qui a bien sûr engendré des oeuvres admirables. Le traumatisme de la 1ère guerre mondiale a beaucoup joué, sans doute. On ne peut comprendre le surréalisme sans se rappeler que Breton, Aragon, Soupault ou Eluard (nés entre 1895 et 1867, et qui ont eu 20 ans au plus beau de la tuerie) ont fait partie d'une génération largement massacrée.

Mais il y a aussi des causes plus profondes liées à la perte d'influence puis à l'effacement progressif du christianisme. L'art en Europe, pendant près de mille ans, a été chrétien, même quand il semblait antichrétien. Laurent Lafforgue a écrit à ce juste des pages très justes. Peut-être que, déchristianisé, l'art n'a plus de raison d'être. Peut-être même n'y a-t-il pas d'art autre que religieux, voire autre que chrétien ?
Une chose est sûre : l'invention de la photographie, de la radio et du cinéma n'y sont absolument pour rien.
Breton, Dubuffet ou d'autres, s'exprimant à titre personnel, étaient libres de dire ce qu'ils voulaient, ou pensaient, ou croyaient. Qu'ils aient parfois (souvent) mésusé de la liberté que notre société permet, qu'ils n'aient pas évité le conformisme de l'anticonformisme primaire, cela est évident. Grands dans certaines de leurs œuvres, ils se sont parfois (souvent) comportés en enfants gâtés dans leurs "discours-sur" ... .
De tels enfantillages sont plus ou moins inévitables et on en trouverait des équivalents à toutes les époques.
Ce qui caractérise la nôtre, c'est qu'on les a crus.
Comment cela fut-il possible? On retrouve ici la question fondamentale : perte des repères, perte de la foi, ... (se répandre en "discours-sur" ou privilégier le second degré , c'est déjà l'indice d'une perte).
[ parenthèse, puisque je parle d'enfantillage : mai 68 est un bon exemple du même phénomène ; quoi de plus normal que la jeunesse soit excessive? Par contre, il n'est pas normal qu'on la laisse faire. ]

Autre question: il vient un moment et un degré de notoriété où la parole proférée dans l'espace public change de statut. Un homme mûr, artiste reconnu et qui se sait écouté est bien plus responsable de ce qu'il dit qu'un "jeune homme en colère" dont les certitudes théoriques cachent mal le côté "ôte-toi de là que je m'y mette". Et là, Breton et Dubuffet ne sont pas exempts de critiques. La notoriété venue, surtout quand on n'a rien fait pour qu'elle ne vienne pas, peut-on encore s'exprimer innocemment "à titre personnel"?
Kiran,

Vous avez le même phénomène en Espagne avec la fameuse génération de 1898, qui se comporta pareil de la même façon, alors que ses conscrits ne furent décimés par rien du tout.

En France, Bernanos s'engagea, fit une très brillante guerre et ne cracha point sur le drapeau.
Votre remarque conforte mon argument : par-delà le carnage de la Grande Guerre, c'est bien l'effondrement des valeurs et des repères chrétiens et plus encore catholiques qui est à l'origine de cette mutation de l'art devenu, au tournant du siècle, un art dirigé contre lui-même, qui a pour fin sa destruction. Comment encore écrire un roman après " Finnegans Wake " ? (etc. etc.) Bien sûr, tous les artistes et les écrivains ne se sont pas engagés dans la même voie. Pour les surréalistes, l'influence de Grands Destructeurs comme Sade, Lautréamont ou Rimbaud a été déterminante. Les admirations d'un Bernanos le portant ailleurs, il est logique qu'il ait évolué autrement. J'ai une grande tendresse pour Isidore Lautréamont depuis mon adolescence, et Rimbaud est pour moi bien plus, bien autre chose qu'un poète : comme une part de moi-même. Il n'en est pas moins vrai qu'ils sont l'un comme l'autre portés par un mouvement ne pouvant conduire qu'à la fin de ce qu'on appelait alors "poésie".
Comment encore écrire un roman après " Finnegans Wake " ? nous dites-vous ?

C'est fort simple : plus rapidement.
"Tous les artistes et les écrivains ne se sont pas engagés dans la même voie", par exemple Joseph Conrad, salué sur un autre fil, qui s'expliquait en 1908 : «Ce dont je suis certain c'est d'avoir approché l'objet de ma tâche, les choses humaines, dans un esprit de piété. – La terre est un temple où se déroule un drame mystérieux, enfantin et poignant, ridicule et assez affreux, en toute conscience. – Dès que j'y ai été engagé, j'ai tâché de me conduire d écemment. – Je n'ai aucunementt dégradé un sentiment quasi religieux par des larmes ou des gémissements et si je me suis montré amusé ou indigné, je n'ai ni grimacé ni grincé des dents. – En d'autres termes, je me suis efforcé d'écrire avec dignité, non pas tant par respect de moi-même que du spectacle, cette pièce dont le commencement est obscur et le dénouement insondable.» Lettre au poète Arthur Symons, citée par G. Jean-Aubry, Vie de Conrad.
20 octobre 2010, 23:56   Mauvais sang
Kohlhaas a bien mis un pays à feu et à sang pour deux chevaux confisqués ; on pouvait, au sortir de la Grande Guerre, l'avoir mauvaise.
De toute façon, cher Jean-Marc, il est certains êtres qui ne peuvent s'empêcher d'étendre une sorte de refus principiel et métaphysique à tous les domaines.
"Enfantillages" et révolte boutonneuse dans tous les cas ? Peut-être, si l'on adopte en toute circonstance le point de vue de l'homme responsable, lucide et parfaitement conscient de ses devoirs dêtre social, position qui n'est certes pas l'apanage de tous, à l'évidence, et dont se sont exclus même certains grands artistes...
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter